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Chroniques de Saint-Nazaire - Page 5

  • Notes sur la famille Benoist et la maison du 5 rue du Bois Savary

    Au n°5 de la Rue du Bois Savary[1] est une demeure à la façade de pierre sculptée de mascarons. Cette maison, qui intrigue beaucoup les Nazairiens, fut construite pour le docteur Alcide Benoist, qui a laissé son nom à une rue de notre ville[2].

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    La maison Benoist (à gauche) en 1870. Elle faisait face au grand calvaire détruit en 1873. On voit sur l’illustration que le quartier peinait à se lotir. La maison à droite appartenait au Lechat, et fut un temps la gendarmerie.

    Le docteur Alcide Benoist fut désigné en 1867 pour diriger l’une des salles du nouvel hôpital. Il milita pour l’amélioration des logements, et fonda une société de secours mutuel des ouvriers et employés de la Compagnie Générale Transatlantique. C’est lui qui veilla à la cicatrisation des scarifications rituelles que Narcisse Pelletier avait sur la poitrine et le ventre, et dont il fit mention dans un article, (non signé mais assurément de sa main), du Gaulois en date du 13 mai 1877.

    Mais la docteur Benoist avait le démon du jeu, et s’endetta au point de devoir vendre la maison qu’il avait fait construire au n°5 de la rue du Bois Savary, il emménagea alors rue de La Villès-Martin (avenue du Général de Gaulle). Sa tombe, au cimetière de La Briandais, comporte une plaque avec l’inscription : « A la mémoire du docteur Alcide Benoist, ses concitoyens, ses amis ».

    La maison fut en 1887 la résidence d’Abel Gallet, receveur principal des Contributions indirectes, et entreposeur des tabacs[3] ; en 1931 elle était résidence de maître Clément, huissier de justice ; dans les années 1950, elle abritait le cabinet du docteur Michel Harrivelle ; elle fut ensuite le cabinet des avocats Vautier et Bellec durant plus de 20ans avant d’être mis en vente en 2011/12.

     

     

    La famille Benoist[4]

     

    La famille Benoist à Saint-Nazaire est originaire du Poitou, de Benassay et plus exactement de son hameau de Lavausseau (un temps commune). Elle est issue de :

     

    I° Augustin Benoist, (Benassay-Lavausseau 7 octobre 1799 - Benassay-Lavausseau 24 août 1857), négociant, et d’Annette Habrioux, (Aslonnes 18 avril 1799 - Benassay-Lavausseau 29 mai 1854), fille de Jean-Louis Habrioux, juge de Paix et maire d'Aslonnes. Le couple eut :

    1° Augustin-Jean-Charlemagne-Ernest, (Lavausseau 28 janvier 1825 - Saint-Nazaire 23 août 1883), conseil juridique, époux d’Agathe Clémentine Mestais, (Marnay 12 août 1832 - Granville 27 juin 1910), d’où :

    a1° Augustin-Ernest-Léon, (Benassay-Lavausseau 6 août 1855 – Orléans 25 février 1940), marin, marié le 31 janvier 1883 à Chabanais avec Gabrielle Anne Brunet, d’où postérité ;

    b1° Clément-Alcide-Henry, (Benassay 24 février 1859 - Toulon en 1908), greffier du juge de paix, agent d'assurances, marié le 21 octobre 1890 à Sancoins avec Louise-Marie-Céline Pautre, d’où postérité :

    c1° Marie-Amélie-Léontine, (Poitiers 8 avril 1868 - Mortagne-au-Perche 6 juin 1962), mariée le 25 janvier 1897 à Montargis avec Henri Coste, né le 30 mars 1869 à Saint-Nazaire, fils de Simon Coste, consul de Belgique et de Colombie[5],

    2° Alcide-Henry-Hilaire, (Benassais-Lavausseau 13 janvier 1829 – Saint Nazaire 3 janvier 1889), docteur en médecine, dévoué et très aimé de la population nazarienne qui lui éleva un monument au cimetière de La Briandais avec son profil en médaillon de bronze, (41 cm de diamètre), réalisé par le sculpteur Georges Bareau, dont la ville possède une seconde version dans ses collections, don de Gabriel Benoist.

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    il se maria le 22 février 1854 à Poitiers avec Émilie-Françoise-Virginie Fradin, (Poitiers 26 juillet 1832 - Saint-Nazaire 25 juillet 1885), fille du député Charles Pierre, d’où :

    a2° Gabriel-Henri, (Saint-Nazaire 4 février 1859 – Vannes 12 avril 1912), docteur en médecin qui débuta dans le cabinet du docteur Charles Durant[6]. Il est parfois confondu avec son oncle prénommé comme lui. Il quitta Saint-Nazaire et devint inspecteur de l'assistance publique à Dieppe, puis à Privas en 1895, et Vannes ; marié le 16 juin 1889 à Grandes-Ventes avec Roseline-Antoinette Beaurain, (née le 28 octobre 1865 à Grandes-Ventes), dont il eut deux filles : Marcelle-Thérèse, (1895-1990), et Yvonne ;

    b2° Renée-Marie-Émilie, (Saint-Nazaire 7 août 1862 - Loroux-Bottereau 27 mars 1944), mariée le 3 juin 1882 à Saint-Nazaire avec Jules Dubois de Mont-Marin[7], (Alger 20 décembre 1859 - Rennes 4 juin 1931), dont elle eut : René-Gabriel-Alexandre-Alcide-Marie, (Saint Nazaire 10 juillet 1890 – Nantes le 12 janvier 1952), et Jean-Pol , (Nantes 7 mars 1897 – Paris 9 mars 1965) ; veuve, elle revint vivre à Saint-Nazaire dont elle fut chassée par les bombardements ; elle trouva refuge à Loroux-Bottereau où elle décéda.

    3° Gabriel, avocat, dit « Benoist Vermouth » en raison de son alcoolisme, parfois confondu avec son neveu et homonyme. Il était un ami de jeunesse d'Aristide Briand, et fut envoyé par lui comme témoin avec Hippolyte Durand, (fils du docteur Hippolyte Durant), comme témoins, le 8 septembre 1884, pour un duel de réparation exigé par Briand au conseiller municipal Esseul, (marchand de plâtre, individu sans instruction et d'une rare grossièreté et arrogance, décédé le 14 septembre 1930 à l'age de 94 ans), pour l'avoir traité de « saltimbanque ». Esseul qui ne savait pas manier une arme, déclina, et l'affaire en resta là.

     

     Il y eut aussi à Saint-Nazaire, un assureur durant plus de 40 ans rue du Traict, René Benoist, et qui était réputé être le neveu du docteur Alcide Benoist. En réalité c’était un cousin éloigné. Louis-René Benoist était né le 25 août 1857 à Neuville-du-Poitou, fils de Ferdinand-Louis-Clément Benoist, natif de Benassay-Lavausseau, cousin-germain d’Augustin Benoist, docteur en médecine, et d’Éloïse-Augustine Humequin. René Benoist avait été durant 22 ans journaliste à paris avant de s’établir à Saint-Nazaire, où il fut en plus de son activité d’assureur qu’il n’abandonna, malgré son grand âge, qu’à la suite des bombardements, correspondant de l’Agence Havas. Pratiquant l’aéronautique en ballon, il était, à l’occasion du tour de France, survolé en avion la ville le 14 juillet 1939. Il eut une fille, veuve en 1915 avec deux enfants.

     

     

     

     

     

    [1] Pour connaitre l’histoire du Bois Savary, consultez notre article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2016/03/04/le-bois-savary-5769406.html

    [2] Il y avait aussi un square à son nom, mais il fut remplacé par le parking de la rue Louis Lumière.

    [3] Renseignements fournis par madame Mathilde Pateyron Gallet.

    [4] Sans lien avec les Benoît de La Baule-Escoublac.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/08/consuls-et-vice-consuls-nazairiens-6142257.html

    [6] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/31/notes-sur-la-famille-durand.html

    [7] Issu d’une famille malouine, il hérita du château de Montmarin qu’il vendit.

     

     

     

  • Cette Nazairienne que l’on chante

    Non, je ne vais pas vous parler de la créatrice de la marque de ticheurte, mais d’une autre Nazairienne qui fut exhumée et mise en musique par Fernand Guériff et audible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wB4tWBhprHA

     

    Cette chanson est née en 1879. Elle fait partie de la longue liste de ces canzonettes citadines, relatant la vie locale, ses travers, crimes, et événements cocasses, que l’on entonnait dans les cafés, guinguettes et aux banquets. À la fin du 19ème siècle on composait ainsi sur un air connu facilement interprétable au piano ou l’accordéon, (très rarement composés pour), quelques couplets faciles à retenir et qui vous restaient dans la tête des heures. Il en eut beaucoup à Saint-Nazaire, certaines dues à Atys Goy, la majorité aux différentes philharmoniques, L'Harmonie de Saint-Nazaire, La Lire de la Loire à Penhouët[1], Le Trait d’Union à Saint-Marc[2], Les Tambourds et Clairons du 4e bataillon du 64e de Saint-Nazaire, parfois à des clients ou des tenanciers de beuglants.

    On trouve ainsi de temps à autre dans les brocantes des textes à chanter anonymes, imprimés, mais sans partition. C’est le cas de « Ma Nazairienne » que Fernand Guériff redécouvrit et mis en musique.

     

    Mais cette chanson, nombre de Nazairiens n’en comprennent pas les paroles, et j’ai eu, je dois l’avouer, un rire flaubertien qui a dû retentir dans tous Naples quand un professeur m’a écrit hier vouloir la faire chanter à ses élèves. Si les paroles finales sont, il me semble, plus explicites que celles de Il court le furet, Mon ami Pierrot, où Ce petit chemin, je dois accorder que sans une vraie connaissance de l’histoire nazairienne, et j’ose l’écrire, sans une ascendance pluricentenaire à Saint-Nazaire, on a du mal à comprendre toutes les subtilités du texte.

     

    Décortiquons donc notre Nazairienne. La chanson commence ainsi :

    « L'autre jour rue d'la gare, tout seul j'arpentais le trottoir

    Quand dans la rue de Nantes, je vis un'femme des plus charmantes

    J'me mis à la pister jusqu'à la rue du Prieuré

    Enfin je la suivis dans la rue du bois Savary

    Mais elle a pris une autre rue et c'est là que je l'ai perdu »

     

    Resituons nous avant la Première guerre mondiale : les rues décrites sont celle qui forment la périphérie de la place Marceau, et qui est plus loin citée, « Tous les soirs place Marceau pendant une heure j'fais le poireau », avec la rue de Paris qui longeait la place, «  L'autre jour rue de Paris sans la chercher je la revis ».

     

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    Dans notre Saint-Nazaire d’aujourd’hui la place Marceau correspond à l’emplacement du site occupée par la Ruban bleu, la rue de Nantes est depuis 1919 la rue Henri Gautier, la rue du Prieuré, qui partait en biais a disparu en partie et est devenue rue de la Petite-Californie, mais la rue du Bois Savary demeure, la rue de Paris est devenue Roger Salengro, la rue de la gare est devenue Stalingrad. Il manque deux rues dans la description, volontairement omises par l’auteur de la chanson, les rues de La Ville Aubry, actuelle rue de Saintonge, et la rue de Méan, autre rue en biais, disparue à la Reconstruction.

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    Les rues de la Ville Aubry et de Méan avaient la particularité d’être les rues où étaient les deux maisons closes de Saint-Nazaire.

    Celle de la Ville Aubry était fréquentée par les officiers de marine et la gentry locale. Elle était tenue par le couple Etienne Médan et Françoise Peytoureau qui exploitaient en 1861 sept filles : Marie Rocher, Françoise Retz, Mathurine Guillernait, Jeanne Lession, Josephine Lacly, Marie-Anne Leguenec, et Eugénie Brunian. Cette maison connut un moment de panique quand on apprit que le premier a avoir été porteur de la fièvre-jaune à Saint-Nazaire y avait passé le 25 juillet 1861 sa première soirée à terre.

    Celle de la rue de Méan était réservée aux marins et aux ouvriers. La tenancière, Véronique Maisonneuve, femme Martin, se présentait comme la propriétaire d’une pension, mais où les raccrocheuses de trottoir conduisaient leurs clients pour une passe. En plus d’une cuisinière, il y avait là en 1861 sept« pensionnaires », qui faisaient le tour du quartier entre le port et les cafés, pour rameuter le client : Julie Lebecret, Marie Bompré, Marie Mironnet, François Legac, Hortence Picard, Marie Cattana, Hélène Gouesmat.

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    Notre Nazairienne est donc l’une des filles de la « pension » de la rue de Méan.

    Elle suivait les demandes de la clientèle pour son commerce :

    « Ma Nazairienne gironde était devenue subitement blonde

    Et devant mon air baba elle me dit tu ne sais donc pas

    Qu'les blondes sont recherchées je m'suis teinté à l'oxygénée

    Mais n't'en fais pas mon gros chéri, tout ça n's'aperçoit pas dans l'lit ».

     

    Notre Nazairienne n’était pas la seule à faire commerce de ses charmes entre la place Marceau et le port, et il n’y avait pas que des femmes, nombre de marins, de garçons des chantiers, et de militaires à la Briandais arrondissaient leur fin de mois en se montrant du côté de la société de gymnastique et de tir « La Nazairienne », club sportif réservé aux hommes, avant de se rendre dans les buissons du parc de l’entrepôt des douanes (emplacement de l’ancien VIP).

    Tous les cafés avaient au moins une fille qui faisait entraîneuse. Les parents d’Aristide Briand en avaient deux en permanence, qui gardaient le petit Aristide quand madame Briand faisait le ménage et les courses. Il y avait aussi les filles employées par les hôtels…

     

    Cette présence des maisons closes dérangea certains commerçants dès 1879. Ainsi, le restaurateur Verbois, qui avait commerce rue de Nantes, écrivit une lettre au Maire, le 22 juillet 1879 ; lettre qui fut reproduite dans le Courrier de Saint-Nazaire du 27 juillet 1879 :

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    Cette lettre fit grand bruit, est-ce en réponse que fut créée la chanson Ma Nazairienne ? Possible, mais nous nos recherches actuelles ne nous permettent pas de définir l'année de la création de la chanson.

     

    Durant le stationnement des troupes étasuniennes, le haut-commandement établis deux bordels à L’Immaculé car les trois de Saint-Nazaire étaient saturés, (fille d'attente sir les trotoires, jusqu'à 30 passes par fille chaque jours), et que la prostition libre, (professionnelle ou occasionnel), entrainait debordements et propageait des maladies.

     

    Dans les années 1930, la tenancière de la plus grosse maison close de Nantes et son époux (officiellement seule une femme pouvait alors posseder une maison close), ouvrirent chaque année à la belle saison une succursale à Saint-Marc dans la villa Nutshell, demeure qui existe encore.

    Durant l’Occupation, les pauvres femmes contraintes à abattage dans ces maisons se retrouvèrent à devoir assouvir les envies des troupes allemandes. Vers la fin de la guerre, un certain nombre d’elles furent enfermées dans la base sous-marine. Quand l’une tombait enceinte, elle « mourrait subitement », et les militaires allemands déposaient son corps dans la morgue improvisée dans l’un des garages de la rue Villebois-Mareuil, laissant aux derniers nazairiens encore présents dans les ruines de les inhumer. Celles qui survécurent à ces traitements furent interrogées par les troupes alliées, et livrées à des énergumènes qui n’avaient rien fait de brave durant 4 ans mais se trouvèrent héroïques de les tondre et/ou de les violer. On peut donc n’avoir qu’une pensée à Marthe Richard, à qui le docteur Poussié sauva la vie en sa clinique nazairienne en 1913[3], et qui œuvra la fermeture des maisons closes, et qui souligna l’hypocrisie de l’État en matière de prostitution durant la guerre.

     

    La prostitution a donc toujours été un fait à un Saint-Nazaire, (deux de nos notables actuels sont au demeurant issus de filles ayant fait commerce de leur corps). Depuis plusieurs années l’activité s’est concentré sur l’avenue de la République, côté gare, du fait de la mort des commerces classiques, même si internet a étendu géographiquement les pratiques.

     

    Enfin, terminons en mentionnant que la Villa Ker Souveraine à Pornichet, construite certes après la séparation de cette fraction de Saint-Nazaire, mais à propos de laquelle je reçois régulièrement des demandes d’information, villa inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 19 septembre 2002, fut elle aussi la succursale d’un bordel Parisien situé à proximité de l’Arc de Triomphe, propriété de Suzanne Lanoue, dite la comtesse de La Noue, amante de l’industriel Lucien Rosengart, dont elle utilisait l’emblème de la marque automobile comme armoiries : «  d’argent à la rose au naturel de gueule, tigée de sinople ». C’est ce qui explique le décor criard de la maison, ainsi que le fait que les chambres donnant sur les salons au premier étage, et aujourd’hui transformées en cuisines, soient dotées de vitre à l’emplacement des têtes de lit, pour le plaisir des voyeurs.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/16/un-comte-polonais-a-saint-marc.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/01/18/l-allee-du-chateau-a-saint-marc-6121661.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/13/notes-sur-les-familles-poussie-et-thomas-de-closmadeuc-6143587.html

  • Notes sur les familles Poussié et Thomas de Closmadeuc

    La famille Poussié est originaire de Lozère, elle s’est illustrée à Saint-Nazaire avec deux chirurgiens, et laissa son nom à une clinique située à l’angle des rues de Pornichet et François Madiot, (bâtiment actuellement muré en attente d’un avenir).

     

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    La clinique Poussié en 1905

     

    I°  Antonin-Clément-Julien Poussié, (Marvejols 5 mars 1848 - Saint-Nazaire 4 juin 1923), Conservateur des Hypothèques à Saint-Nazaire, marié le 2 octobre 1876, à Saint-Flour, avec Andrée-Claire-Alix Reynard, (Clermont-Ferrand 7 août 1855- Saint-Nazaire 4 décembre 1928), d’où :

    1° Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913), épouse de Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (voyez après) ;

    2° Marc-Joseph-Raoul, qui suit.

    II° Marc-Joseph-Raoul Poussié, dit Marc-Raoul, (Châtillon-Coligny 9 octobre 1879- La Baule-Escoublac 20 mai 1947), docteur en médecine, chirurgien à Saint-Nazaire. Il passa sa médecine à Montpellier, fit deux années d’internat à l’Hôpital civil de Tunis, fit des voyages d’études en Angleterre, en Suisse, et à Vienne. Il fonda le centre de chirurgie de Saint-Nazaire en 1907, et ouvrit sa clinique en 1909, et obtint en 1911 que la Compagnie Générale Transatlantique y hospitalisa son personnel navigant, « ouvrant ainsi la voie à ces moyens puissant de solidarité sociale qui montre qu’une grande compagnie se doit d’assurer le maximum de sécurité et de confort à ceux qui la servent ». Il soigna en sa clinique l’aventurière Marthe Richard, (celle qui ferma les maisons closes en France), après son accident d’avion survenue le 31 août 1913 à La Roche-Bernard. Réformé en 1914 pour tuberculose contractée en signant les malades des hôpitaux, il offrit, à la mobilisation, tous les lits dont il disposait en sa clinique au Service de Santé de la IIème région et reçu, au début des hostilités, un fort contingent de blessés. Une réforme de l’organisation hospitalière ordonna l’évacuation de ses blessés sur l’hôpital de complément. Il affecta dix lits en sa clinique à l’hospitalisation des blessés graves de l’hôpital auxiliaire n°6 dont il était le chirurgien chef, n’acceptant comme indemnité que la somme strictement allouée à la S.S.B.M. Maintenu reformé, il continua à l’hôpital civil dans les formations militaire de la Compagnie Générale Transatlantique, et aux Usines métallurgiques de la basse-Loire. >En décembre 1916 il contracté une fièvre typhoïde grave, par suite d’un surmenage. Récupéré en avril 1917, il eu un congé de trois mois, puis fut réformé de nouveau en décembre. Il ne pu reprendre sn travail qu’en juillet 1918. Durant sa maladie et sa convalescence, il assura à ses frais le service des miliaires blessés. Encouragé par les succès de la Compagne Générale Transatlantique, diverses compagnies de navigation sollicitèrent qu’il prennent sa clinique leurs marins, et son établissement fut cité en modèle. Le préfet lui reconnu au moment. Il obtint que la riche patientèle ne soit pas la seule à bénéficier de services de pointes, et rendit de grands services à la marine marchande et aux Nazairiens. En novembre 1927 le président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, monsieur Joubert, demanda que lui soit attribué la Légion d’Honneur. Le Sous-préfet envoya au Préfet un rapport élogieux le 3 décembre 1927, aujourd’hui consultable aux Archives de Loire-Atlantique, mais il n’y eu pas de suite à cette demande. Le docteur Poussié avait épousé Alice Labourdette, (1884-1972), d’où :

    1° Marthe Poussié, (Saint-Nazaire 14 mars 1911 – Paris 28 septembre 2004), épouse de : 1er 29 mars 1932 à Saint-Nazaire avec Pierre-Marie Blondeau, (né le 2 avril 1905 à Auch), chirurgien, divorcée le 2 décembre 1935 ; 2ème le 25 juin 1938 à Paris avec John Linton, (Paris 2 mars 1911 – Paris 20 janvier 1948), d’où postérité du second lit ;

    2° Henry Poussié, (Saint-Nazaire 16 novembre 1914 – Saint-Nazaire 29 mars 1935) ;

    3° Louis-Raoul Poussié, (Saint-Nazaire 5 juin 1917 - La Baule-Escoublac 28 mars 1958), chirurgien, s’illustra en opérant à l’hôpital durant 48 h avec les docteurs Allaire, Jacquerod, Gentin, Avril et Jégo, les blessés du bombardement du 17 novembre 1947, qui laissa postérité.

     

    La famille Thomas de Closmadeuc est une famille de la bourgeoisie bretonne dont la filiation remonte à l’an 1598.

    Armoiries : D'azur au mât de navire, gréé d’or, pavillonne d'argent ; broché d’une fasce d'argent, chargée de trois taus de gueules.

     

    I° Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (La Roche-Bernard 25 mai 1874 - 10 mai 1952), pharmacien à Saint-Nazaire, fils d’Eugène-Hyacinthe Thomas de Closmadeuc, notaire à La Roche Bernard, (1832-1915), et de Marie Langloit, (1833-1926) ; marié : 1er le 10février 1903 à Clamecy avec Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913) ; 2ème le 12 février 1920 avec Marcelle Léonard ; d’où :

    Du premier lit :

    1° Geneviève-Andrée, (Saint-Nazaire 30 mars 1907 - Le Chambon-Feugerolles 31 mars 2007) ;

    2° Simone-Antoinette, (Saint-Nazaire 10 août 1909 - Les Pavillons-sous-Bois 12 août 2000) ;

    Du second lit :

    3° Armelle

    4° Jean-Yves, époux de Marguerite Louboutin, d’où postérité ;

    5° Nicole

    6° Nicole, épouse de Roger Peyrot, d’où postérité ;

    7° Rozenn, épouse de Roger Mandement, d’où postérité ;

    8° Soizick, épouse de 1er Jacques Guy ; 2ème Jean Fréour.

     

     

    Les membres des familles Poussier et Thomas de Closmadeux sont inhumés au cimetière de La Briandais.

  • Consuls et vice-consuls nazairiens

     

    Plusieurs de nos lecteurs ont été surpris, à la lecture de nos articles consacrés aux Protestants de Saint-Nazaire[1], à Marc Hélys[2], et à la Villa Victor[3], furent surpris, donc, d’apprendre qu’il y avait eu des représentations diplomatiques à Saint-Nazaire.

    Les Nazairiens sont tellement habitués à ne voir barboter dans les bassins du port que des géants d’acier en construction ou en réparation qu’ils ont occulté le fait que le port a été initialement construit pour le trafic maritime, et qu’il y avait, outre les voyageurs et marins en provenance du continent américain et du Nord de l’Europe, différentes communautés étrangères résidentes.

    Il est vrai qu’après la Seconde Guerre mondiale le Gouvernement décida de favoriser le Havre en matière de transport, et ne laissa à Saint-Nazaire « que » la construction navale, avec un projet de port industriel qui ne vit finalement jamais le jour, et pour lequel on avait poussé les murs des bâtiments du Vieux Saint Nazaire, de la rue Henri Gautier, et justifié le déplacement de la gare au bout d’un terre-plein nouvellement gagné sur les marais de Prézégat. Projet qui, précisons-le, avait été organisé dès le bombardement de mars 1943 en s’appuyant sur un plus ancien qui voulait déjà envoyer la gare à Méan dans le but de dégager les terrains le long du bassin de Penhoët.

    Tout cela fit que tous ces ressortissants étrangers ne revinrent jamais à Saint-Nazaire, et que les représentations diplomatiques nazairiennes disparurent. Il ne reste que quelques supports fixés à des balcons et bow-windows de demeures bordant le boulevard Wilson pour rappeler ce temps où les pavillons de pays lointains émaillaient nos rues.

     

    Le sujet des délégations diplomatiques à Saint-Nazaire a été écarté par nos deux grands historiens locaux, Henri Moret et Fernand Guériff, et nous n’avons pas trouvé de publication consacrée à ce sujet. Notre approche semble donc inédite, et nous la livrons après avoir consulté le Moniteur Universel, le Journal Officiel, les almanachs commerciaux et du Gotha, et puisé dans la mémoire nazairienne.

     

    Les dates indiquées sont celles des exequatur accordés par la France.

     

    1857, la Prusse et le Royaume de Suède-et-Norvège :

    Les royaumes de Prusse et de Suède-et-Norvège furent les premiers états à se faire représenter à Saint-Nazaire dès janvier 1857 avec la même personne : Gustave Boucard, vice-consul du Royaume de Suède-et-Norvège, et agent consulaire pour la Prusse, mais aussi consul de Danemark en 1861. En 1869 les représentations furent séparées :

     

    Suède-et-Norvège, (rue Villès-Martin) : Thierry Smits, vice-consul en mars 1869 ; remplacé par le vice-consul de Danemark Joos van Ameyden van Duym agent consulaire en 1871, promu vice-consul en février 1874, (il fut aussi représentant des États-Unis d’Amérique et du Danemark)[4] ; Quirouhard, vice-consul en 1894 ; Schanche, consul au Havre avec juridiction le département de la Loire-Inférieure en août 1900.

     

    Suède (1 puis 6 place de la Vieille Eglise) Le Royaume de Suède désigna A. Gautier comme vice-consul en 1907 ; H.P. Mosesson vice-consul en 1919 ; .Joseph Dousset, vice-consul en 1933.

     

    Norvège : À la suite de l’indépendance du Royaume de Norvège en 1905, Joos van Ameyden van Duym devint vice-consul de ce pays en juin 1906 ; Victor Dupin (1854-1916), directeur de la succursale nazairienne de Hailaust et Fils, vice-consul en juillet 1908, dont nous avons déjà parlé, son état de santé l'obligea cependant à laisser la gestion des affaires au secrétaire S.H. Evain ; monsieur Auguste J. M Bellan vice-consul en 1919 jusqu'en 1942, sous-directeur, puis directeur de Hailaust, secrétaire des corps consulaires nazairien en 1935, membre du Bureau d'Administration du Collège de Garçons ; le consulat était en 1934 à l'adresse de l'entreprise Haillaust quai des Frégates.

     

     

    L’empire allemand ayant été proclamé le 18 janvier 1871, la représentation de la Prusse devient celle de l’Allemagne : L.-R.-Th. Quirouard, agent consulaire en octobre 1872, puis vice-consul en 1877 ; H. Zelling, vice-consul en 1882 ; J. O’Hagan vice-consul en 1884 (rue de Nantes) ; René Le Bozec, vice-consul en juin 1892 (place des Bassins).

     

    1859, L’Espagne (Rue de Villès-Martin en 1890, rue du Prieuré en 1893 ; puis 28 rue de l'amiral Courbet durant l'entre-deux-guerres) :

    Luis Genú y Regio, vice-consul en juin 1859 ; Francisco Carpi, vice-consul en 1887 ; Damaso Ruis de Lazurriaga en avril 1870 ; Federico Moreno y Albareda, vice-consul en décembre 1874 ; José-Maria-Fernandez Quiros, vice-consul en 1876, puis consul en mars 1877 ; Mariano Brusola y Tellez en décembre 1881 [5] ; Emilio de Pereira 1889, qui fut suppléé, ainsi que ses suivants, par un vice-consul ; Rafael Acquaroni en décembre 1893 avec Léopold Gabard vice-consul (toujours en poste en 1924) ; Juan Manuel Bel y Serrano consul en décembre 1902 ; Ferez del Pulgar consul en 1913 ; I. Plana en 1919 ; Antonio Bauzale vice-consul, puis consul en mars 1920, (il avait possédait le Restaurent Espagnol à l'angle des rues des Chantiers et de Penhoët, face au bassin) ; T. de La Guarda consul en 1922 ; Luis Temes y Fernandez consul en mai 1926 ; Guy Aveneau vicomte de La Grancière,  (Malguénac 12 mai 1889 -  Savenay 11 septembre 1959), agent consulaire en juin 1929, vice-consul en 1938.

     

     

    1860, l’Uruguay et les États-Unis d’Amérique :

     

    Si le consulat des États-Unis d’Amérique n’eut qu’une existence éphémère, et fut rapidement remplacé par des agents consulaires, et l’Uruguay, avec un vice-consulat, il fut constamment présent jusqu’à l’entre-deux-guerres.

    L’Uruguay fit succéder deux membres de la même famille, Edouard Gallès père, et Edouard Gallès fils. Les Gallès ont été aussi les deux premières personnalités de confession juives qui se sont distinguées à Saint-Nazaire. Edouard Gallès père, (1801-1868), qui faisait du commerce maritime, avait débuté comme vice-consul du Brésil à Bordeaux, et s’était distingué par sa personnalité autant que par ses poésies et odes, qui ont mal vieillies, mais qui eurent leur temps un certain succès [6]. Son poème « Hommage à LL. MM. L’empereur Faustin et à l’impératrice d’Haïti, le Nègre esclave dans le Brésil élevant son âme vers l’empire haïtien », publié chez Dubuisson et C° à Paris en octobre 1858, quelque mois avant la chute du dictateur, lui valut une décoration. Il en possédait d’ailleurs un certain nombre, dont la plus importante était celle d'Officier de l’Ordre de Charles III d’Espagne. Il était aussi membre de l’Institut Historique de France [7]. C'est en grande partie à Edouard Gallès père que Saint-Nazaire doit d'avoir obtenu l'exclusivité des lignes transatlantiques vers l'Amérique-Centrale, dite Ligne des Petites et Grandes Antilles. Consulté en 1857 par la Commission parlementaire  qui devait attribuer les lignes maritimes, il défendit bec-et-ongle Saint-Nazaire, alors que les journaux de Bordeaux et du Havre lancèrent contre lui des attaques. (il est regrettable qu'on n’ait pas à Saint-Nazaire donné son nom à une rue.) 

    Âgé et malade, il était reparti à Bordeaux en 1867, où Charles Ceylis, mirliton local, lui écrivit une ode en martyrisant Calliope. Edouard Gallès père avait laissé ses affaires nazairiennes à son fils, qui reçut à son tour l’exequatur de l’Uruguay, et conserva cette fonction jusqu’à son décès. En 1888 B. Lagrange devint vice-consul, puis ce fut E.-Louis Bernard en octobre 1903 jusqu'en 1914. En 1914 le consulat fut déplacé à Nantes.

     

    Les États-Unis d’Amérique, (6 rue du Traict en 1888 ; Boulevard de l'Océan en 1899) : le nom de leur premier consul était Routrée. Il fut remplacé par Joos van Ameyden van Duym, (déjà cité) agent consulaire en octobre 1867 ; Henri-Prince Sutton, le vice-consul britannique, fut agent commercial en 1882 ; Jean-Pierre Aubré, délégué consulaire, en 1888 ; Henri-Prince Sutton, consul en 1890 ; Thomas Saukey en juin 1899. En raison du débarquement des troupes étasuniennes en 1917, qui multiplièrent par deux le nombre d’habitants à Saint-Nazaire, Gabriel Bie Ravndal reçut l'exequatur de consul général en janvier 1918 ; par la suite le consulat fut déplacé à Nantes.

     

    1861, le Danemark (chez Latouche place du Bassin à partir de 1900) :

     

    Gustave Boucard, vice-consul en 1861, (aussi vice-consul du Royaume de Suède-et-Norvège, et agent consulaire pour la Prusse) ; François-Clément-Constant Boudet, vice-consul en janvier 1873 ; Joos van Ameyden van Duym, vice-consul en 1881, (déjà cité comme représentants des États-Unis d’Amérique) ; M.A. Bourcard en 1898 ; Appolon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, vice-consul (fut aussi consul du Guatemala) ; Max La Touche (° Saint-Nazaire 26 juillet 1885 - 18 juillet 1963 La Baule-Escoublac), fils du précédent, vice-consul en 1910, (aussi consul du Guatemala en 1911 et du Portugal en 1917, puis de la République dominicaine en 1922).

     

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    Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche durant la semaine maritime de 1908. Ce fut pour lui l'occasion de réceptionner le prince Axel de Danemark, cadet de la marine danoise à bord du Hendal.

     

    Les La Touche, père et fils, négociants, place des Bassins, dont les entrepôts portaient le long des quais le nom Latouche et Fils en grandes lettres, étaient moqués, en raison de leur accumulation de titres consulaires et leur course aux décorations, par la méchante formule : « La Touche et la prend ». Fils d'un sabotier, Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, né Touche le 12 avril 1848 à Saint-Jean-des-Mauvrets, avait une entreprise florissante de négociant commissionnaire d'importation, exportation, transitaire, avec succursale à Nantes, ce qui lui attirait des jalousies, mais que son attitude « un peu parvenue » exacerbait. Il avait aussi le tort d'avoir épousé une femme de religion juive, cousine du fondateur du Phare de La Loire. Il était agent de la Société navale de l'Ouest, membre de la Chambre de Commerce, président des hospitaliers sauveteurs bretons, pour la sous-section de Saint-Nazaire. Il était officier de l'Ordre du Libérateur de Venezuela. Il était le neveu de Joseph-François Latouche, devenu de La Touche, sous-chef de division de la préfecture à Nantes et qui avait épousé une fille du baron de Verteuil de Feuillas.

     

    1862 l’El Salvador (24 rue des Caboteurs ; puis 11 rue de Nantes en 1910) :

     

    Eugène Rozier, vice-consul en avril 1862 ; Francisco de Paolo Calcaño, vice-consul en 1879 (aussi consul du Chili) ; Charles Robert vice-consul en juillet 1892 (aussi consul du Honduras) ; Auguste Evain, consul en 1895, supplée d’un vice-consul. Entre 1895 et 1898, le pays fut réuni à la Grande république d’Amérique centrale (avec le Nicaragua et le Honduras), Eugène Carré en fut nommé consul en octobre 1896 ; à nouveau indépendant : Eugène Grouhand, officier d'Académie, consul en 1902 (il fut aussi président de l'Association des Employés de Commerce) ; F.-T. Laurent consul en 1921 ; Joseph Laurent consul en 1933.

     

    1864, le Pérou et l’Italie :

     

    Le Pérou fut présent dès 1864 avec un consulat partagé avec Nantes (25 rue Villès-Martin, puis de 1938 à 1939 à La Virées Bel-Air ; aux établissements Latouche en 1939) : Abertini consule ; Jean-Baptiste Bourbeau, (1814-1878), surnommé « Batista », consul en 1868, (il fut aussi représentant du Chili, du Venezuela, et du Guatemala)[8]; M. O. Rojas en 1870 ; E. Patron, consul 1877 ; Alexandre-K. Coney, consul du Mexique, fut désigné co-gérant du consulat en 1881 avec Aníbal Le Blanc Balbontin  du Chili ; Jules-César Le Blanc, consul en 1887 ; Gustave Laganry vice-consul en 1890 pour Nantes et Saint-Nazaire ; Manuel Uscategui Toro consul en décembre 1882 ; C. Arosemena y Jofré consul général en 1893, secondé de Albert Lepré vice-consul (aussi à Nantes) ; Edouard de Patron consul en 1894 ; C. Arosemena y Jofré à nouveau en 1896 avec Gustave Laganry vice-consul ; A. Lepré consul pour Nantes et Saint-Nazaire en 1898 ; C. Arosemena y Jofré à nouveau en septembre 1903 ; Elie Creston consul pour Nantes et Saint-Nazaire en novembre 1906 ; J. Araoz, consul en 1913 ; Gaillermo de Heredia, consul avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne en août 1917 ; Manuel-Angel Velarde, consul avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne en septembre 1918 ; Carlos Anderson comme vice-consul en janvier 1920 ; E. Althaus, vice-consul en 1922 avec F. Urgate comme chancelier ;  Emilio Althaus consul à Nantes et Saint-Nazaire en octobre 1923 ; Argimbaud, consul en 1929 ; Pierre Le Duc, chargé de consulat, en 1935 (domicilié Virées Bel-Air) ; Max Latouche vice-consul en mars 1939 avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne.

    Italie : Jean-Pierre Aubré, délégué consulaire du royaume d’Italie en 1864, toujours en fonction en 1890 ; Adrien Baudet agent consulaire en 1895 ; Apollon-Aimé-Charles La Touche agent consulaire en juillet 1899,  Adolphe Cotton agent consulaire en novembre 1920

     

     

    1866, le Mexique, le Guatemala et le Nicaragua, la Colombie, et la Russie :

     

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    Tampon du consulat du Mexique à Saint-Nazaire en 1899, collection privée.

     

    Mexique, (rue Villès Martin en 1879 ; 27 rue de l'Océan en 1902 (face au Grand Café) ; 45 rue Henri Gautier durant l'entre-deux-guerres) : Thomas Vial. Lui succédèrent : M. Maneyro, désigné comme agent commercial en 1873 ; Maneyro consul en 1875 ; Alexandre-K. Coney fut nommé consul en 1879, et assura aussi la représentation péruvienne, qui, ayant été promu à Paris, fut remplacé par Carlo Americo Lera (1855-1926), dont nous avons retracé la carrière dans l’article consacré à son épouse Marie, femme de lettres sous le nom de Marc Hélys. Promu secrétaire d'ambassade de première classe au Guatemala le 6 novembre 1890, Carlos Americo Lera fut replacé par le général Platón Roa (Guadalajara 1837 - 20 février 1908 Saint-Nazaire), consul général en décembre 1890, secondé par E. Carvalo nommé chancelier, puis par monsieur Bernard, officier de l’ordre du Buste du Libérateur du Vénezuela , chancelier ; docteur Salvador Quevedo y Zubieta consul général en mai 1908 ; Federico L. de La Barra en novembre 1911 ; G. de Heredia en 1918 ; Ramón Lera, (fils de Carlo Amicano), consul en mars 1923 avec pour vice-consul L.F. Castro, puis Ernesto Mercker  (décédé en janvier 1924) ; Jose Arguimbeau en novembre 1927 ; à nouveau Ramón Lera en 1935, avec Fidel Ugarde comme chancelier ; Max Latouche en 1939 avec domiciliation du consulat aux établissement Latouche place des bassins.

     

    Le Guatemala et le Nicaragua furent représentés conjointement par : Adolphe Bouret, consul en août 1866.

     

    Puis le Guatemala seul : Jean-Baptiste (Batista) Bourbeau, (déjà cité), vice-consul en mai 1867 ; Battendier consul en 1872 ; Etienne-Guillaume Robert consul en décembre 1882 (il le sera aussi d’Haïti) ; puis Appolon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, consul décembre en 1886 (déjà comme vice-consul du Danemark) ; Max La Touche, fils du précédent (déjà cité comme vice-consul du Danemark et du Portugal), consul en août 1911, le consulat était alors domicilié aux établissements La Touche place des Bassins.

     

    Nicaragua seul : Auguste Saint-Ange-Bossière consul en décembre 1881 ; François (dit Francisco) Barbier consul en 1913, (aussi consul du Honduras) ; Emile Crénaud, consul en 1938 (24 rue des Caboteurs dans le même immeuble que le consulat du Costa-Rica).

     

    La Colombie, (sous les différentes formes de son nom, (Nouvelle-Grenade, États-Unis de Colombie, Colombie), (Rue de Paris ; rue de Nantes en 1902 ; 5 rue du Palais en 1920 ; 6 rue Waldeck-Rousseau en 1938) : Simon Coste[9], consul en mars 1866 (il le sera ensuite de Belgique) ; Proto Gornez, consul en février 1867, suppléé d’un vice-consul ; Sallustien Villar consul en mai 1868 ; Fernando Conde consul en novembre 1868 ; A. Paez consul en 1871 ; Nicolas Perdra Gamba, consul en novembre 1871 ; Rodrio S Pereira consul en janvier 1873 ; Gutierrez consul nommé fin 1873 ; Guzman consul en 1874 ; L. G. Rivas consul en 1875 ; P. Flore consul en 1876 ; L. Angulo consul en 1881 ; M. Uscategui Toro consul en 1883 ; Domingo Cajiao Caldas consul en août 1884 ; Ramon Gœnaga en novembre 1884 ; J. Laborde consul en 1886 ; Carlos Benedetti consul en novembre 1890 ; Nicolas J. Casas consul en juillet 1895 ; Nicolas Casas consul en octobre 1901 ; François Moreau consul en 1902 ; Rafael Osorio consul en janvier 1903 ; Francisco Vergara Baros consul en 1905 ; Luis Enrique Bonilla, consul en janvier 1907 ; Rufino Cuervo Marques consul en mars 1908 ; Ricardo Sanchez Ramirez consul en novembre 1910 ; Jorge Moya Vasquez consul en 1912 ; Carlos Arbelaez Urdaneta en décembre 1914 ; Julio-M. Ferandez consul en juillet 1919 ; C. Tamayo consul en 1922 qui assurait aussi la représentation du Costa Rica ; Nassier, vice-consul en 1924, secrétaire de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire ; Carlos Sanz de Santa Maria en juillet 1928 ; Alfredo Villamil Fajardo, (°Bogota 1889), en 1930, (qui vivait rue Pelloutier avec son épouse, née Viginia Fajardo Alonso à Bogota en 1901, leurs trois enfant, son frère et son neveux Luis-Edouardo Villamil Valencia né en 1931 à Saint-Nazaire) ; désigner comme intendant national de l'Amazonie), il fut remplacé en 1933 par A. Vaca, avec pour vice-consul Edouard Lamand, qui resta en post jusqu'à la guerre. Les consuls de ce pays changeaient tellement souvent que les invitations étaient rédigées au seul « monsieur le consul », sans mention du patronyme, et on les identifiait dans les salons à leurs décorations à la boutonnière ! 

     

    La Russie eut dès 1866 un agent consulaire et commercial pour la représenter à Saint-Nazaire (rue Thiers, puis place des Bassins) : Lucas (dit aussi Lucien) Huette, qui fut promu vice-consul en 1881, et vit ses fonctions être étendues à Nantes en 1884 ; Jean-Adrien-Eugène Daguzan, vice-consul en septembre 1915. Ce vice-consulat fut supprimé par le régime soviétique en 1922.

     

     

    1868, la Belgique, des Pays-Bas, du Chili et du Venezuela :

     

    Belgique (rue Thiers, puis quai Demange) : Simon Coste, (déjà cité), consul en 1868 ; Henri-Urbain Gustin-Stoll, (1826-1890), en septembre 1886 ; Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, (1860-1935), consul en novembre 1890[10] ; secondé par Maurice Carré vice-consul en 1929 ; Adrien Daguzan, (1867-1941), consul en septembre 1935 à la suite de Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, qui était aussi vice-consul Pays-Bas, (consulat alors domicilier au siège de son entreprise quai Demange).

     

    Pays-Bas (rue du Parc à l'Eau, puis en 1894 ) : Thiery Smits, vice-consul en mai 1868, Luppo-Everliadus Zelling vice-consul en février 1874[11] ; Georges Fourchon vice-consul en février 1883 ; Adrien Daguzan, vice-consul en juillet 1895 jusqu’à son décès en 1941.

     

    Le Chili et le Venezuela eurent pour vice-consul en commun de 1868 à 1872 Jean-Baptiste Bourbeau, (déjà cité), promu consul du Venezuela en août 1870, avec Screiber comme vice-consul ; .

     

    Puis le Venezuela seul (4 rue Thiers en 1933 ; 11 rue Charles Brunelier en 1938) : Bermudez consul et Bergeaud comme vice-consul en 1876 ; Francisco de Paolo Calcaño consul en 1880 (aussi vice-consul de l’El Salvador) ; Louis Docteur vice-consul en février 1886, (natif de Moselle, il était publiciste et avait collaboré à plusieurs journaux parisiens et avait dirigé un journal à Nice) ; Juan Pablo Diez, consul en 1887 ; Benjamin Lagrange consul en février 1888, secondé d’un vice-consul en 1890 ; Rosendo-Appolinaire Blanco, (Tapia provine d'Oviédo en Espagne 1842 - Saint-Nazaire 10 juillet 1903), consul en juillet 1895, veuf d'une demoiselle Flores épousa en secondes noces Philomène-Françoise Joly, il est inhumé dans le caveau de la famille Joly au cimetière de la Briandais ; Lagrange en 1896 ; R. Hurtaldo consul en 1913 ; P.E. Cardenas consul en 1915 ; Asejivlo Negretti consul en juillet 1916 ; Avendado Losada consul jusqu'en en 1935, doyen du corps consulaire en 1933 ; Maurice Carré vice-consul en 1933 ; Hector Pietri consul avec juridiction sur les départements de Loire-Inférieure, Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Morbihan, Mayenne, Sarthe, Deux-Sèvres, Vienne et Vendée en octobre 1938 ; Francisco Navarette consul en décembre 1939.

     

    Le Chili seul (rue du Croisic en 1902 ; rue Amiral Coubet en 1930, rue de l'Océan (actuelle avenue Vincent Auriol) en 1935) : Nicolas Pereira-Gamba consul en 1872 ; Aníbal Le Blanc Balbontin  consul en 1880, (nommé cogérant du consulat du Pérou et consul de Bolivie en 1887) ; Aníbal Le Blanc Balbontin  chargé en 1890 ; Rosendo-Appolinaire Blanco consule en 1902 ; Césars Flores Blanco, (né à Riyadeo en Espagne en 1870), fils du précédent, consul en janvier 1904, aussi vice-consul du Paname, du Costa-Rica, du Pérou et du Brésil, (il eut deux enfants nés à Saint-Nazaire nés en 1922 et 1924, et était propriétaire de sa maison au 25 rue du Croisic à partir de 1902) ; L. E. Femandez consul en 1917 ; César Flórès Blânco, renommé en 1923 jusqu'à la guerre.

     

     

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    Le consulat du Chili vers 1905, la maison fut remplacée à la fin des années 1930 par l’immeuble actuel situé au 49 boulevard du Président Wilson.

     

     

    En 1869, la République dominicaine, le Brésil et Haïti :

     

    République dominicaine (rue du Dolmen) : Auguste Chérot, consul en mars 1869 ; Alfred Mercier, consul en 1884 ; François-M. L’Houen, consul en 1891 ; François L'Honen, consul en 1902, (rue des Caboteurs) ; François Moreau consul en juillet 1907 ; Gaston-Charles La Touche en 1910, aussi consul du Portugal, mobilité en 1914, mort pour la France [12] ; Max La Touche, son frère, réformé en raison de son asthme, le remplaça.

     

    Brésil : Émile Chevalier, vice-consul en juin 1869 ; nous ignorons les noms des représentants suivants jusqu’à celui de César Flórès Blânco, vice-consul en 1904 qui à partir de 1914 fut aussi vice-consul du Paname, du Costa-Rica, du Chili, et du Pérou.

     

    Haïti : Paul-Charles-Théodore Eudel consul octobre 1869, personnalité oubliée des Nazairiens, mais bien connue à Nantes où une rue porte son nom, il était né au Crotoy (Sommes) le 20 octobre 1837 ; armateur et négociant d’abord à Nantes, puis à Saint-Nazaire. Célèbre collectionneur et chroniqueur d'art en son temps, sous différents pseudonymes, il produisit différents ouvrages traitants d’art et de voyages, l’opuscule « Locutions nantaises » en 1884, collabora à l’écriture de plusieurs pièces. En 1884 il fut remplacé comme consul par Etienne-Guillaume Robert, mais repris ses fonctions en 1890. Il décéda le 18 novembre 1911 à Cellettes. Guillouët, chancelier en 1902 ; Coahour en 1894.

     

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    Paul Eudel

     

    En 1870 le Honduras :

     

    Atys Goy consul en juin 1870[13] ; Charles Robert consul en 1887, (aussi vice-consul de l’El Salvador) ; entre 1895 et 1898, le pays fut réuni à la Grande république d’Amérique centrale (avec le Nicaragua et l’El Salvador), Eugène Carré fut nommé consul en octobre 1896 ; redevenu indépendant, sa représentation nazairienne resté à Eugène Carré ; François (dit Francisco) Barbier consul en 1914 ; E.J. Crenaud consul en 1919 ; à nouveau François (dit Francisco) Barbier consul en 1923 ; Léon Rotte, consul en juin 1926 jusqu'à la guerre.

     

     

    1873, le Portugal :

     

     Damaso Ruiz Lazuriaga vice-consul du Portugal en janvier 1873 ; Gaston-Charles La Touche, déjà cité, en 1911, remplacé à sa mort, en 1917, par son frère Max La Touche.

     

     

    1874, le Royaume-Uni (boulevard de l'Océan en 1902 ; place Marceau en 1908 ; 31 rue de Méan en 1935) :

    L’ouverture de la ligne  de la Cie West India Royal Mail avec la France par Saint-Nazaire (Ligne Anglaise des Antilles depuis Southampton), fit que le Royaume-Uni nomma Henri-Prince Sutten vice-consul, qui fut aussi agent commercial des U.S.A.. Lui succédèrent : Harry Elford Dickie vice-consul en mai 1889 ; Emile Mary, vice-consul en 1895 ; Harry Elford Dickie, vice-consul en 1902 ; Alfred Triollot vice-consul en janvier 1908 ; vice Cecil William Cove agent consulaire août 1914 ; W. Cove, vice-consul en 1915 ; G.W. Huggins vice-consul en 1919 ; S.A. Mac-Intosh vice-consul en 1920, mors en mars 1927, inhumé au cimetière de La Briandais ; Arthur Raffin en 1929 et jusqu'à la guerre.

     

     

    1877 l’Équateur (rue de l'amiral Courbet) :

     

    Enrique Gaspard vice-consul en 1877 ; E. Dorn y Alsua, vice-consul en 1887 ; C. Rendon Perez, vice-consul en 1894 ; Antonio E. Calderón, vice-consul en 1898 ; Angel Tola Carbo vice-consul en 1901 ; Mario B. Espinel consul en novembre 1902 ; Vicanor Cuellar del Bio Guarderas, consul en 1912 ; Alberto Arrate, consul en juillet 1920 ; B. Esinet, consul en janvier 1923; Fernando Maidonado, consul en août 1926 jusqu'à la guerre.

     

    1892, la Grèce et l’Autriche-Hongrie :

     

    Grèce  : La représentation diplomatique de ce pays nous est mal connue. Citons cependant : Émile Mary, vice-consul 1892, (il le fut aussi du Royaume-Uni en 1895) ; Emile Mary, vice-consul en 1902 (rue de Paris) ; Duc, vice-consul en 1929 ; E.-J. Ducan, vice-consul en 1933 (4 avenue Villebois-Mareuil) ; Demetrius Amira (Directeur général de l'Énergie électrique de la Basse-Loire), vice-consul en avril 1938 (66 bis boulevard Wilson).

     

    L’Autriche-Hongrie eut un représentant commercial en 1892.

     

     

    1897, le Monténégro :

    Barbier, consul en 1897 de la principauté puis du royaume de Monténégro. Consulat disparu avec l’annexion du Monténégro par la Serbie en 1918.

     

     

    1900, l’Argentine (1 rue de l'amiral Courbet en 1933) :

    De Nion, consul en 1900 ; puis rattachement au consulat de Nantes ; Garcia-Mellès consul en 1930 ; Joachin Pourtale en 1933 jusqu'à la guerre.

     

     

    1904, Cuba (24 rue de l'Océan ; 47 rue de Villès-Martin en 1933 ; 24 rue de l'Océan  en 1938) :

    Tejedor, vice-consul en 1904 ; Auguste Guillouet, vice-consul en août 1906 ; A.G. Garcini, vice-consul en 1908 ; Alfredo Lopez Trigo, vice-consul en décembre 1909 ; Garcin en 1910 avec César Flórès Blânco comme consul suppléant ; Prospero Pichardo y Arredondo, vice-consul en octobre 1911 ; Alfredo Zayas y Arrieta, vice-consul en novembre 1912 ; Luis Valdes Roigt, (°La Havanne 1881), vice-consul en avril 1915, puis consul, doyen des consuls de Saint-Nazaire en 1924, resta en poste jusqu'au 4 octobre 1933, date de sa nomination à Santander (Espagne) (chevalier de la Légion d'Honneur en juillet 1928), son épouse était née à Montoire de Bretagne ; avec pour chancelier Estefano ; José Carballal y González  consul en 1938, président des corps consulaires de Saint-Nazaire, (il semble qu'il fut un espion à la solde de Franco pour renseigner le Gouvernement espagnol à propos des Républicains et des Basques réfugiés à Saint-Nazaire).

     

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    Luis Valdes Roigt, Le Courrier de Saint-Nazaire, 6 janvier 1934

     

     

    1906 ; le Panama (5 rue du Four de Marsain jusqu’'en 1935, puis 28 rue de l'amiral Courbet) :

    José Paredes, consul en 1906 ; A. Uribe, consul en 1908 ; Fabio Rios, consul en 1910 ; Julis Valdès, consul en juillet 1911 ; Carlos Zachrisson, consul en février 1912 ; Fabio Rios, consul en avril 1913 ; César Flórès Blânco, vice-consul à partir de 1914 consul en 1920, qui fut aussi vice-consul du Chili, du Costa-Rica jusqu'en 1924, Pérou et du Brésil ; Evenor Ilay, consul en avril 1937, avec pour vice-consul Guy Aveneau vicomte de La Grancière qui était vice-consul d'Espagne.

     

     

    1907, la Bolivie :

    Aníbal Le Blanc Balbontin consul en 1887 ; Edouard (dit Edouardo) Wolff, (Guichen 1er septembre 1844 - 1er février 1933 Saint-Nazaire), chevalier de l'ordre National du Condor de Los Andes, combattant médaillé de 1870-1871, consul de Bolivie en mai 1907, inhumé au cimetière de La Briandais avec ses deux épouses, Jeanne Guiton et Jeanne-Marie Guyonvarh. Propriétaire du Café Américain, président du Comité des fêtes de la place Marceau, il fut, avec Fernand Salomon, dit Salmon, l'un des propriétaires créateurs du théâtre L'Athénée, concessionnaire par la municipalité pour quinze ans, 

     

     

    1914, le Costa Rica (24 rue des Caboteurs) :

     

    César Flórès Blânco, vice-consul en 1904 qui à partir de 1914 fut aussi vice-consul du Paname, du Pérou, du Chili et du Brésil ; Auguste Richard, consul en septembre 1924 jusqu'à la guerre.

     

     

    1921, la Roumanie :

     

    de Rouard, consul pour Nantes et Saint-Nazaire en 1921.

     

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/08/les-protestants-de-saint-nazaire-6134427.html 

     

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/04/mari-lera-saint-nazaire-iyi-ak%C5%9Famlar-6141565.html 

     

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/06/21/la-villa-victor-a-porce-6061203.html

     

    [4] Né en 1843, il était le fils d’Abraham van Ameyden van Duym et d’Anna Dorothea Julia Nissen. Il avait épousé Jeanne-Marie Laurent, dont il eut une fille, Reine-Gabrielle, née en 1866, qui épousa le 7 octobre 1885, à Saint Nazaire, Louis-Auguste-Raymond Robinet de Plas, agent des postes et télégraphe à Saint-Nazaire (1859-1944) qui succéda à son beau-père dans le négoce.

     

    [5] Il fut ensuite envoyé en juin 1889 à Sète, puis à Paris en 1900.

     

    [6] L'Univers israélite : journal des principes conservateurs du judaïsme, de septembre 1868 lui consacra une courte nécrologie.

     

    [7] Société savante fondée en 1833 et disparue en 1957 qui avait pour but de propager et de perfectionner les études historiques.

     

    [8] Né à Poitiers le 26 octobre 1814, issu d’une famille, notaire dont la filiation suivie est à Poitiers depuis 1516, il fut capitaine de frégate, agent de la Compagnie Générale Transatlantique à Saint-Nazaire, chevalier de la Légion d’Honneur. Il avait épousé le 30 juin 1845 Laure Oseli (décédée à Paris le 9 juin 1881), dont il eut :

    1° Marie-Joseph-Ravmond, (24 juin 1848 -  Saint- Nazaire 3 mars 1867) ;

    2° Eugénie-Marie-Thérèse, née le 4 juin 1850 ;

    3° Marcel-Jean-Baptiste-Julien, né à Toulon, le 10 mars 1834, marié à Paris, le 7 juillet 1887, à Eugénie

    Mein ;

    4" Marie-Louise-Georgette-Eugénie, née à Toulon le 14 juillet 1861.

     

    [9] Représentant de la maison Haentjen à Saint-Nazaire, mort à Bourguenais le 22 mars 1895. Il était originaire du Croisic, et avait épousé Amélie-Louis-Marie Béatrix, dont il a eu pour fils Henri, marié avec Marie-Amélie-Léontine Benoist, nièce du docteur Alcide Benoist. - Il était le cousin des frères Émile-Joseph Coste, (1814-1878), sauveteurs en mer fameux, Jules Coste, (1826-1897), supérieur du Petit-Séminaire de Valognes, et Yves-Edouard Coste, (1824-1895), maire d’Auray de 1888 à 1896.

     

    [10] Henri-Urbain Gustin-Stoll, (Chantenay juillet 1826  – 7 septembre 1890 Saint-Nazaire ), fils de Nicaise-Urbain Gustin, et de Françoise Stoll ; fournisseur de navires au quai de la Fosse à Nantes, puis à Saint-Nazaire à l’angle des quais Wattier et du Commerce. Il habitait rue Thiers. Époux de Clémentine Fraisse, (Nantes 18 août 1826 – 2 décembre 1910 Saint-Nazaire ), tous deux enterrés au cimetière de La Briandais ; d'où :

    1° Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, (Saint-Nazaire le 6 octobre 1860 -  11 février 1935 Nantes ; enterré au cimetière de La Briandais), chevalier de l'Ordre de Léopold, Officier de l'Ordre de la Couronne, Médaille Civique de 1ère classe, négocient et agent maritime, agent maritime et négocient, associé à Adrien Daguzan, chevalier de la Légion d’Honneur en 1905 ; époux de Louise Sentis, (1862- Laplume en Lot-et-Garonne le 19 février 1944), d'où 9 enfants et 22 petits-enfants ;

    2° Nancy, (1863-1909) épouse de Gabriel Houis, (†1909).

     

    [11] Propriétaire de la compagnie de transport maritime Zelling et C° à Saint-Nazaire.

     

    [12] Fils d’Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, (°Saint-Jean-des-Mauvrets 12 avril 1848), et de Rose-Blanche Schwob, (°1856), né le 2 mai 1881 à Saint-Nazaire, en 1914 sous-lieutenant au 62ème régiment d'infanterie, mort de ses blessures le 26 janvier 1916 à Somme-Suippe (Marne).

     

    [13] Atys, courtier, consul du Honduras, conseiller municipal, (il provoqua la démission du maire Auguste Desanges le 18 mai 1884), chansonnier qui publia en 1869, chez l’éditeur nazairien Fronteau, « Hilariter. Les Chants de La Vécrie » un recueil de chanson à boire, il fut d’ailleurs le grand ami de Gustave Nadaud, chansonnier célèbre en son temps. À Propos de sa famille voyez : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/19/titre-de-la-note.html

     

  • Un explorateur à Saint-Nazaire

    - Allons saluer l’Explorateur !

    C’était immuable. Dès que nous passion dans la rue de La Paix, nous allions au cimetière de La Briandais nous recueillir sur la tombe de l’explorateur.

    L’explorateur, c’est Marie-Théophile Griffon du Bellay. Quand j’étais enfant, plus personne à Saint-Nazaire ne se souvenait de lui, sauf mon arrière-grand-père, né en 1891. Il l’avait connu, vieillard magnifique, toujours droit, et infatigable curieux.

     

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    Marie-Théophile Griffon du Bellay, portrait par Emile Furst, Nantes, 1883,

    (Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG PORTRAIT-1239)

     

    Issu d’une famille de Saint Jean d’Angély anoblie en 1441[1], il était né le 14 août 1829 à Rochefort, fil de Joseph-Jean-Baptiste-Alexandre Griffon du Bellay, (1788-1862), l’un des quinze rescapés du radeau de la Méduse qui avait survécu en pratiquant le régime anthropophagique cru, (ça n’a pas mauvais gout en fait), survivance qui lui a valu en 1831 La Légion d’Honneur, et de Marie Elisabeth Claire de Nesnomd.

     

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    Docteur en médecine, diplômé de la faculté de Montpellier, il entra dans les services de santé de la marine en 1834, devint officier de santé de 3ème classe le 1er décembre 1849, fut promu 2ème classe le 18 septembre 1853, puis 1ère classe le 25 mai 1861, il partit alors voir le banc d'Arguin où son père avait goûté de l’homme blanc, avant longé les côtes de Mauritanie, dépassé le Sénégal où son père avait vécu après son naufrage, traversa le Golfe de Guinée pour stationner entre les deux rives de l’Estuaire du Gabon à bord de l'hôpital flottant La Caravane.

    Il n’y avait alors sur la côte qu’un comptoir colonial, et Libreville n’était qu’un village fondé en 1849 par les Français et des esclaves libérés lors de la pris d’un navire négrier brésilien nommé l'Elizia.

    En juillet 1862, en compagnie de Paul Augustin Serval, (1832-1886), il alla explorer la basse vallée de l'Ogooué, douze ans avant Pierre Savorgnan de Brazza.

    Leur embarcation s’échoua dans le delta du fleuve. Ils décidèrent alors de poursuivre en pirogue. Mais la baisse des eaux et l'hostilité des tribus, dont celle des Pahouins, qui pratiquaient l’anthropophagie bien cuite et la libation rituelle en boîte crânienne, les deux européens furent contraints de faire demi-tour.

    En décembre suivant, ils décidèrent de remonter depuis l’Estuaire du Gabon le fleuve Rempolé, mais Marie-Théophile tomba malade et laissa Serval poursuivre seul et avec difficulté jusqu'au territoire des Enengas.

    Marie-Théophile rapporta de ses explorations un grand nombre d’observations géographiques et ethniques, observa la flore, étudia les légumineux, les connaraceae dont l’une des espèces découvertes par lui fut nommé Manotes Griffoniana, constitua un herbier fameux qui figura à l’Exposition Universelle de 1878, collecta des échantillons de racines d'Iboga dont il étudia les caractéristiques comme excitant du système nerveux et fut le premier à décrit la maladie du sommeil.

    Promu médecin principal de la Marine et chef du service de Santé de La Guadeloupe, il fut reçu chevalier de la Légion d'honneur le 13 août 1863 en raison de 20 ans de services effectifs, dont 10 en mer et aux colonies. Il fut élève au grade d’officier de l’Ordre de La Légion d’Honneur le 25 décembre 1869.

     

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    Signature en 1876.

    À la Guadeloupe il fit connaissance de Laurence-Joséphine-Valentine Monguy, (Fort-de-France 18 août 1847 - Saint-Nazaire en décembre 1931, inhumée au cimetière de La Briandais), fille de Clovis-Élis-Théobald Monguy, propriétaire à Saint-Pierre, et de Marie-Joséphine-Amélie Pinel-Rochu. Le couple s’établit à Basse-Terre. Il voyagea ensuite dans le Pacifique, jusqu'à Tahiti, où la reine Pōmare IV lui offrit l'une de ses robes, dont il fit don en 1902 au musée de Saint-Nazaire, accompagnée d'une lettre de la souveraine.

    En 1875 il partit vivre avec sa famille à Saint-Louis du Sénégal.

    Promu en février 1878 directeur des services de Santé à Saint-Nazaire et officier de l'Instruction publique, Marie-Théophile s’installa avec sa famille rue de Villès-Martin. C’est à cette adresse que Bon-bon-papa le connut, au milieu de sa collection de fétiches et de masques africains, dans un mobilier Restauration d’acajou hérité du père cannibale malgré lui, dont le portrait trônait au-dessus de la cheminée. C’est dans ce cabinet de curiosités qu’il recevait, souriant, Bon-bon-papa, et lui comptait ses voyages, lui décrivait les femmes Mpongwées aux seins nus sur lesquels se balançaient des colliers de perles ; le commerce de l’ébène, de l’ivoire, et du caoutchouc ; les rois Denis et Louis qui se partageaient les rives de l’Estuaire du Gabon avant de livrer leurs royaumes contre des uniformes de dompteur de cirque et des couronnes de fer doré ; la Montagne Pelée qui avait fini par ravager Saint-Pierre et envoyé par le fond tous les navires qui stationnaient dans la rade[2]

    Le médecin explorateur était encore actif, en plus de ses fonctions, il cultivait son herbier, rédigeait des mémoires, dissertait dans des revues à propos des fièvres et des côtes africaines, classait l’importante correspondance qu’il avait eu avec Louis Pasteur. Son épouse, plus jeune que lui de presque un quart de siècle, veillait sur lui. Elle était belle, avait gardé de sa Guadeloupe natale un accent charmant et le goût du sucré, (prenez une pâte de fruit). Leur plus jeune fille, Simone, avait trois ans de plus que Bon-bon-papa, et avait un minois charmant, mais, gâtée par sa mère, elle avait aussi un mauvais caractère. De leurs quatre enfants[3], la préférée de Marie-Théophile était Claire, qui ressemblait à une statue d’Athéna. Elle avait épousé 29 septembre 1900 à Saint-Nazaire, Louis-Auguste Laroque, né à Nantes le 10 décembre 1872, avocat et docteur en droit, nommé juge suppléant en mars 1898 à Vannes, et en novembre suivant à Saint-Nazaire, et déplacé à Nantes avant son mariage[4]. Le départ de Claire pour Nantes avait profondément contrarié Marie-Théophile, mais il y avait le train, et madame Laroque venait avec ses jumelles et leur nourrice tous les dimanches, (Papa il n’était utile de venir nous retrouver à la gare – Mais si, mais si ! Bonjour les petites !). Pierre Waldeck-Rousseau fit devenir Larocque substitut du procureur de Nantes en 1900, et lui obtint la place de secrétaire particulier du ministre des affaires étrangères, Théophile Delcassé. Il fut muté à Saint-Brieuc, et presque aussitôt à Saint-Malo en juillet 1904, éloignant plus encore de son père la fille chérie. La chose s’empira octobre suivant par nomination au tribunal de première instance de Foix[5]… Claire resta à Nantes, il était hors de question parti si loin. Marie-Théophile en fut soulagé.

    Le maire de Saint-Nazaire, Jean-Baptiste Lechat, lui confia en 1902 le projet de la section ethnographique du musée qu'il projetait de fonder. La Marine, elle, décida qu’après avoir fait 30 ans, 5 mois et 17 jours de services, il était temps de mettre Marie-Théophile en retraite, avec 2.566 francs de pensions. Il n'en fut pas content, mais s'y fit.

    La vie était douce… Hélas Claire décéda à l’âge de 33 ans le 21 février 1908. Marie-Théophile en fut brisé, et quand en novembre suivant on lui annonça que l'une des jumelles, elle aussi prénommée Claire, était atteinte d’une maladie incurable, son cœur ne le supporta pas. Il décéda le 10 novembre 1908 à Saint-Nazaire, dans sa demeure du 57 rue Villès-Martin. Sa petite-fille Claire décéda le 29 novembre. Elle fut inhumée avec sa mère et son grand-père au cimetière de La Briandais.

     

     

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    Bibliographie partielle :

    • Essai sur le Tétanos, 1856
    • Exploration du fleuve Ogo-Way, côte occidentale d'Afrique (juillet-août 1862), dans la Revue maritime et coloniale, 1863, p. 68-89 et 296-309
    • Lettre sur l'Ogooué, Bulletin de la Société de Géographie, 1864, p. 462
    • Le Gabon, dans Le Tour du monde II, 1865, p. 273-379
    • Exposition universelle de Paris en 1878. Notice sur la situation actuelle de la marine en Algérie comparée à celle de différentes époques depuis la conquête. Imprimerie de l’Association ouvrière V. Aillaud et C°, Algers, 1878
    • La fièvre jaune aux Antilles en 1881 et le Choléra d’Égypte en 1883, Mellinet, Nantes, 1884.

     

     

     

     

    [1] Elle porte : d'azur au griffon d'or.

     

    [2] Le Belem, ne pouvant stationner dans la rade qui était encombrée, échappa ainsi à la nuée ardente qui envoya par le fond tous les navires présents.

     

    [3]  1° Marie-Élie-Gabriel, (Basse-Terre 24 juillet 1872 – Paris 29 décembre 1957), Officier de la Légion d'honneur, licencié en droit, qui finit sa carrière inspecteur général des Finances et fut chef du service interallié de la Commission des réparation 1921-25, marier le 12 novembre 1906 à Paris avec Denise Germaine Simone Reynoird, (1883-1975), d’où trois fils ;

    2° Joséphine-Marie-Claire (Pointe-à-Pitre 22 octobre 1874 – Nantes 21 février 1908), épouse de Louis Auguste Larocque, d’où : Claire, (1901 - 29 novembre 1908), et Lise (Saint-Malo 3 novembre 1901 - Dôle 22 janvier 1996), mariée avec Michel Adam, d’où postérité ;

    3° Marie-Joséphine-Louise, (Saint-Louis du Sénégal 22 octobre 1877 - Dijon 1948), Religieuse chez les Dames Dominicaines de Dijon ;

    4° Valentine-Marie-Simone (Saint-Nazaire 25 février 1887 - Sainte-Reine de Bretagne 16 janvier 1978), mariée le 2 octobre 1920 avec Laurent Cuzon du Rest, (Nantes 21 août 1874 - Nantes 27 mars 1949).

     

    [4] Il était fils de Louis-Eugene Larocque, inspecteur d’Académie, directeur de la station de météorologie de Nantes, chevalier de la Légion d’Honneur en décembre 1900, et de Marie-Louise Deguit.

     

    [5] Il devint ensuite procureur de la République auprès du tribunal de Nantes le 24 mai 1924, puis procureur général auprès de la Cour d’appel de Caen le 10 décembre 1939, demanda la retraite à partir du 31 décembre 1940, et fut nommé premier-président honoraire.

  • Marc Hélys, Marie Lera, Saint-Nazaire, iyi akşamlar

    Souper à İstanbul, conversation avec la jeune-femme à ma gauche :

    « D’où venez-vous ?

     - Je suis d’une cité qui se nomme Saint-Nazaire.

    - Comme Marc Hélys ! »

    J'ai été stupéfait quelques secondes, non du fait qu’elle ait connaissance de l’existence de Saint-Nazaire, dans tous les grands ports du monde j’ai rencontré des gens qui savent le situer sur le globe ; non, j'ai été surpris que cette Stanbouliote connaisse Marc Hélys que les Nazairiens ont oublié.

    À İstanbul ma voisine de table s’avéra lettrée, elle a lu « Kapali Bahçe », traduction turque du livre de Marc Hélys « Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie », publié en 1908 en France, republié en Turquie en 2011, et, comme toutes les filles de la bourgeoisie kémaliste, elle a lu de Pierre Loti « Les Désenchantées », publié en 1906 en France, en Turquie en 1940, roman qui se voulait être le témoignage de la condition des femmes dans les harems à travers la correspondance de l’auteur avec une Turque.

    Or, ce livre, « Les Désenchantées », est né d’une supercherie orchestrée par une Nazairienne dont fut victime Pierre Loti en 1904…

    Pierre Loti[1], auteur français adoré en Turquie, et dont le premier roman, « Aziyadé »[2], se déroule en partie à Istanbul[3], séjournait en 1904 dans la capitale ottomane quand un jour se présentèrent trois femmes voilées disant vivre dans un harem. Loti, trop heureux de pouvoir converser en français avec des doubles de sa première héroïne, les reçue, discuta longuement avec elles de la condition des femmes dans les harems, entama une correspondance durant tout son séjour stambouliote.

    En réalité ces trois femmes étaient Hadidjé-Zennour et Nouryé, deux des filles de Mehmed Noury Bey, secrétaire général du ministre des Affaires étrangères, et madame Marie Lera, une écrivaine-journaliste nazairienne connue sous le pseudonyme de Marc Hélys.

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    Marie Lera naquit Hortense-Marie Héliard, le 2 juin 1864 à Saint-Nazaire, rue de Montoir, une rue aujourd'hui disparu qui faisait face au bassin. Dans sa famille elle fut toujours désignée sous son second prénom. Fille de François Héliard, (Granville 26 juillet 1829 – Saint-Nazaire 16 mars 1901, sa tombe est au cimetière de La Briandais), capitaine au long cours, commandant à la Compagnie Générale Transatlantique sur la ligne des Antilles dès 1857, puis du Mexique à partir de 1864, chevalier de la Légion d'Honneur, et de Marie-Philomène Laborde, (Saint-Nazaire 15 août 1836 - Saint-Nazaire 2 mars 1918), une des cofondatrices de la section nazairienne de L'Union des femmes de France, sœur de monseigneur Laborde[4] et d'Anthanase Laborde, et aussi la nièce de Désirée Tartoué, religieuse, cousine par alliance du maire René Guilouzo, quatre personnalités nazairiennes qui ont laissé leur nom à des rues de la Ville.  Le couple, uni à Saint-Nazaire le 8 juillet 1863, eut pour autres enfants :

    2° Charles-François Helliard, (Saint-Nazaire 23 juin 1866 – Saint-Nazaire 30 août 1884) ;

    3° Paul-Marie, (Saint-Nazaire 17 mai 1868 - Saint-Nazaire 23 juillet 1868) ;

    4° Marie Amélie, (Saint-Nazaire 23 août 1869 – Lorris 6 décembre 1964) ;

    5° Paul-Marie-Alphonse, dit Athanase, (Saint-Nazaire 21 décembre 1870 – Berchères-sur-Vesgre 16 janvier 1948), ingénieur, puis industriel, marié le 4 décembre 1905 à Tour avec Madeleine-Marie Zwierkowski, (Paris 17e 4 janvier 1882- 1er janvier 1963 Boulogne-Billancourt) ;

    6° Pauline Marie, (Saint-Nazaire 30 avril 1872 - Le Conquet 11 décembre 1971), mariée à Saint-Nazaire le 5 septembre 1904 avec Jules-Alexandre Ruel, (Choisy-Le-Roi 6 décembre 1864 - Le Conquet 22 février 1949), inspecteur principal adjoint des chemins de fer PO ;

    7° Alphonse-Marie-Paul, (Saint-Nazaire 30 avril 1872 – Paris 7ème 18 octobre 1951), directeur de succursale de la banque Société Général ; marié 1er avec Elise-Madeleine-Charlotte Tachard, (d'où postérité) ; 2ème avec Yvonne-Louise-Amélie Mauplin.

     

    En 1870 la famille vivait au 34 de rue Villes-Martin, (aujourd'hui avenue du Général de Gaulle), à proximité de la Place Carnot, (Quatre Horloges), dans un appartement doté d'un jardin qui occupait tout rez-de-chaussée. L'immeuble avait pour autres résidents la famille Guillet, une famille de notaire dont le plus jeune fils, Léon, (Saint-Nazaire 11 juillet 1873 - 9 mai 1946 Paris), futur membre l’Académie des sciences.

     

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    L'immeuble Héliard rue de Villès-Martin avant 1914

     

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    Plan d'alignement de 1899, Archives départementales de Loire-Atlantique

     

    Si le père de Marie était Normand, d'une famille originaire de Carantilly, connue depuis 1642, et son grand-père Charles Laborde, pilote major et capitaine, basque, son arrière-grand-père-maternel Honoré Tartoué, (Saint-Nazaire 3 décembre 1774 - 5 janvier 1854 Saint-Nazaire), boucher de profession, était d'une très ancienne famille nazairienne de meuniers, laboureurs et charpentiers de marine, connue depuis 1678. Honoré Tartoué fut chargé du ravitaillement des troupes prussiennes cantonnées à Saint-Nazaire du 12 septembre au 22 septembre 1815.

    Marie, née dans une famille fortunée et en vue, qui avait un rang à Saint-Nazaire, reçut une éducation soignée, baignant dans le respect de la religion catholique. On lui enseigna l’anglais et l’italien, et sa gouvernante suédoise lui apprit sa langue. Plus tard elle apprit l'espagnol et eut des notions de polonais.

    A Saint-Nazaire, on l’a oublié avec la Reconstruction et une politique d’État qui a voulu en faire une ville uniquement habitée d’ouvriers de chantier naval, fut aussi un grand port de voyage et de commerce, à la vie culturelle et artistique non négligeable, et possédant une mixité sociale importante, ainsi qu’une population cosmopolite. Quand Marie fit son entrée dans le monde, elle fréquenta les bals et réceptions de la Compagnie Général Transatlantiques, de la mairie, et ceux organisés par les représentants des dix-huit corps consulaires établis à Saint-Nazaire. Parmi ces diplomates, était Carlos Americo Lera Macias, avocat nommé consul du Mexique à Saint-Nazaire en 1883. Il était né espagnol à La Havane le 4 novembre 1855, d'une famille originaire de Valladolid, devenu mexicain en 1880, époux, en 1878, d'une Mexicaine, Edelmira Borrel Borrá, née à Guanajuato en 1855, fille de Ramón Borrell Can, entrepreneur en fournitures militaires, et d'Edelmira Borrás Many, dont il avait trois fils, Carlos Américo, (La Havane 8 novembre 1878 - Paris 18 juin 1915), Ramón Federico, (Mexico le 3 mai 1880 - Zimepa 15 novembre 1943), Fernando (Mexico 11 février 1882 - Mexico 14 août 1935), et une fille, Edelmira-Delfina-Amelia, (Saint-Nazaire 26 mai 1885 - New Bedford 1961). Carlos a laissé la réputation d’un homme brun aux yeux bleu myosotis, magnétique, qui ne se privait pas de séduire toutes les femmes, d’autant que son épouse était gravement malade depuis qu’ils s’étaient installés à Saint-Nazaire. Marie, châtain aux yeux noisette, menue, ne mesurant qu'1 m 50, était elle-même considérée comme étant la plus belle-jeune femme de Saint-Nazaire, et avait une foule de prétendants. Subjugués mutuellement l’un par l’autre, ils commencèrent à se fréquenter, avec le consentement des parents de Marie qui pariaient sur la mort prochaine de l’épouse d’un si bon parti pour leur fille. Edelmira Lera décéda à Saint-Nazaire le 26 juin 1885, épuisée par son accouchement. Son état de santé avait tellement préoccupé Carlos Americo, que celui-ci oublia de déclarer la naissance de sa fille, qui ne fut réalisée qu'à la suite d'un jugement du tribunal civil de Saint-Nazaire en date du 28 juin 1901, en marge du registre entre les naissances déclarées en mai 1885, avec retranscription dans le registre de 1901 de la constatation de naissance !

    En juillet 1886, Marie, avec son amie Henriette Van den Brouk, fille de l'architecte et future mère d'Odette du Puygodeau, fut reçue au brevet de capacité, l'examen pour devenir institutrice en primaire. Le 10 août 1886, Marie épousa Carlos. Leur couple fut le plus en vue de la ville.

    Établis ensuite à Nantes, rue Gigant c'est là que naquit leur fille, (elle dira dans les années 1950 avoir eu des jumelles, mais c'est l'un de ses nombreux mensonges). Marguerite-Marie-Amélie, le 5 novembre 1888. Marie n'eut jamais la fibre maternelle, mais à cette époque-là les mères de la bourgeoisie ne s'occupaient pas de leurs enfants.

    Le 6 novembre 1890, Carlos Americo Lera fut promu secrétaire d'ambassade de première classe au Guatemala. L’arrivée dans ce pays, avec sa famille, manqua de tourner au drame. Débarqués au port de Puerto Barrios, en étant mis dans des filets de cordes tels des bagages afin d’atteindre le quai, ils furent attaqués sur la route qui les conduisait à Nueva Guatemala de la Asunción, la capitale, par une bande armée qui se disait nationaliste, et qui cultivait cette haine envers les Mexicains, née de l’annexion que ce pays avait fait du Guatemala de 1821 à 1839. Ils ne durent leur salut qu’à l’arrivée de la troupe d’honneur venue de la capitale à leur rencontre. Marguerite, qui n’avait que deux ans, fut si marquée par l’événement, qu’à plus de 90 ans, elle se souvenait avec exactitude et émotion de la chaleur du corps de sa mère contre laquelle elle s’était réfugiée.

    Carlos Americo fut ensuite nommé chargé d'affaires du Mexique pour l'Amérique centrale le 6 septembre 1891. Le 12 août 1893 il devint secrétaire d'ambassade de première classe et chargé d'affaires à Rome. Le 14 novembre 1894, il fut rappelé de son poste à Rome pour devenir député le 14 décembre 1894 au Parlement mexicain. Le couple partit à Mexico avec Marguerite et Edelmira, accompagné en plus de la plus jeune sœur de Marie, Amélie Héliard, qui, (nous raconte le manuscrit de la chronique familiale des Héliard), ne s'entendait plus avec sa mère. Etaient aussi du voyage les trois fils de Carlos, mais dès le 24 novembre il fut annoncé dans le Populaire que ceux-ci retourneraient, à bord du Normandie, à Saint-Nazaire pour y poursuivre leurs études.

    Alors que Carlos Americo devint secrétaire privé du ministre des Affaires étrangères, Ignacio Mariscal, le 18 décembre 1895. Marie le quitta en janvier 1896, lui laissant leur fille, conservant cependant le passeport diplomatique que la position de son époux lui conférait, et avec une belle pension qui lui permit de prendre un appartement à Paris. Le couple ne divorça jamais.

    Il faut dire que Marie s’était aperçue être attirée par les jeunes-femmes, ce qu'elle ne l'avoua jamais, mais qui transparaît dans ses écrits publiés et personnels, ainsi que par son comportement et ses relations. Elle raconta à sa secrétaire (bénévole) à Paris en 1951, Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, (citée dans « Évadées du harem », d'Alain Quella-Villéger qui nous a remis une copie du manuscrit témoignage de cette dame), que Carlos avait eu une aventure avec « sa sœur cadette », qu'ils avaient tenté de la supprimer par le poison, et qu'elle s'était réfugiée à l'ambassade de France avec sa fille, que l'ambassadeur l'avait fait quitter de pays de nuit à bord d'un bateau... ce qui nous le savons est totalement faux ! La Chronique familiale des Héliard, prudente, met chaque protagoniste de l'histoire dos à dos, ne voulant pas prendre parti et expliquant qu'il y avait plusieurs versions. Elle mentionne que le couple Lera n'allait plus, et qu'il y eut un rapprochement mal défini entre Amélie et Carlos. Selon toute vraisemblance, ce rapprochement affectif, mais certainement pas sensuel, servit de prétexte à Marie pour rompre. Marie fit à sa sœur une réputation épouvantable, ce qui la fâcha avec leur mère qui ne s'entait déjà plus avec Amélie. Cette dernière ne revit sa mère qu'au moment de ses dernières heures. Amélie vécut coupée de sa famille, salie par sa sœur.

    Libérée de son époux et de sa fille, Marie choisit de voyager à travers le monde, se fit journaliste, traductrice, écrivain, s'engagea dans le féminisme. Elle débuta modestement avec un ouvrage pour enfant, dédié à propos de la guerre du Transvaal, « Les Petits Boërs » en 1900, édité par la Librairie Gedalge à Paris, illustré par Valerie Rottembourg. Marie laissa entendre être allé en Afrique du Sud, mais il semble qu'en réalité elle se soit uniquement inspirée de journaux et de revues géographiques. A la même époque, elle aurait prodigué des cours de langue dans une école religieuse. Cependant la publication de ce livre lui permis de collaborer dès cette année-là à la revue Le Mois Littéraire et Pittoresque, (et jusqu’à la disparition de celle-ci en décembre 1916), avec des textes qualifiés alors de féministes, des observations de voyages, personnels ou justifiés par des visites à sa fille qui suivait Carlos Americo au gré de ses affectations, (Pologne, Guatemala, Mexique, Inde, Suède, Italie, Japon), ainsi qu'à la revue Le Correspondant, d'abord sous le nom de M. Lera en 1901, puis de M. Héliard en 1902, et, dès août 1904, sous le pseudonyme de Marc Hélys, formé de la racine du nom Héliard, le prénom Elis, associé au lys virginal. C'est donc sous ce pseudonyme qu'elle fut publiée à partir de 1904, avec des observations de voyages, puis des traductions d'anglais, de suédois, d'espagnol, et d'italien sa langue de prédilection, des portraits de femmes publiques, puis activement avec des extraits de ses livres à partir de 1914 ; elle collabora à cette revue jusqu'à son entrée au Figaro en 1929. Elle s’essaya au roman avec « Laquelle ? », en 1903, publié sous le pseudonyme de Jean d'Anin, aux éditions Plon. Ce roman, initialement publié en feuilletons dans la revue Le Correspondant, est une bluette racontant les recherches amoureuses de deux jeunes filles, l'une éduquée aux Etats-Unis, l'autre en France, le première, indépendante, trouvant le mari idéal sans tenir compte de sa fortune pour indice de valeur, la seconde restant toujours en quête. Ce roman devait avoir une suite, qui ne fut jamais écrite.

    Au début de l’année 1904, elle vivait dans la capitale ottomane, ville où elle avait déjà séjourné avec sa fille Marguerite en 1901 sur invitation de Mehmed Noury Bey, secrétaire général du Département des Affaires étrangères, rencontré à la Conférence de La Haye en 1899, alors qu’utilisant son passeport diplomatique, elle espérait y composer des articles à revendre aux journaux. Mehmed Noury Bey était surnommé à Constantinople « Le Français », car il était le fils de l'ingénieur métallurgique français, Hyacinthe Ulysse de Blosset de Grand de Chateauneuf, dit le comte de Chateauneuf, (Blosset était le nom de sa mère, son père était Grand de Chateauneuf), directeur des fonderies de Samalat, devenu sujet du Sultan et musulman sous le nom de Mehemed Réchad Bey, et d'une circassienne née à Tbilissi, prénommée Safyé, fille d'un notable de la cour impériale d'après des chercheurs turcs, mais que la famille désigne comme une parente du chef guerre d'origine avare, et troisième imam du Daghestan et imam de Tchétchénie, Şeyx Şamil (1797-1871). Mehmed Noury Bey avait achevé ses études à Paris, devenant, selon les mots de Marie dans son article consacré à la chapelle de l'Ambassade de France à Constantinople, paru en décembre 1901 dans Le Correspondant, un « parisien oriental ».

    Mehmed Noury Bey logea Marie et sa fille durant un peu plus de trois mois en 1901, de septembre au 13 novembre, (Marguerite et Marie laissèrent chacune à cette date un mot dans le liber amicorum de Nouryé, cahier conservé par la famille). Elles rencontrèrent ainsi l'épouse de Noury Bey, Safye Melmed, son fils Rechad (Istanbul 1892 - 28 avril 1962 Istanbul), (plus tard Reşat Nuri Darago à la suite de la réforme des états civils), et ses trois filles, Hadidjé-Zennour (née en 1884), Nouryé (née le 25 juin 1886), et Mihrinour (1897-1961). Il détermina finalement qu’elle n’était pas une personnalité très fiable ; trouva qu'elle avait trop d'ascendance sur ses deux filles aînées, cependant, il ne les empêcha pas de maintenir avec elles une correspondance, conservée par la famille, qui comprendre aussi les copies des lettres envoyées. On y lit par exemple que les sœurs se plaignaient régulièrement à Marie de ne pas donner de nouvelles de Marguerite. Mais comment marie aura-t-elle pu en donner alors qu'elle n'avait qu'un intérêt limité envers sa fille ? Quand Marie revint à Constantinople en avril 1904, elle avait pris ses quartiers chez une dame française, et renoua avec les deux filles aînées de Noury Bey avec lesquelles elle avait entretenu une correspondance soutenue. Hadidjé-Zennour avait épousé le 12 novembre 1903 Abdüllatif Safa Bey, (1868- 1931), de 16 ans plus âgé, dont la mère était albanaise, sœurs des trois frères Frashëri pionniers du nationalisme albanais, et cousin germain de plusieurs personnalités ottomanes et albanaises, (lire à ce sujet « Ottoman Imperial Diplomacy : A Political, Social and Cultural History », de Doğan Gürpınar, Editions Bloomsbury Publishing, Londres, 25 octobre 2013). Abdüllatif Safa Bey était alors secrétaire interprète du grand vizirat. Le couple vivait dans une demeure de conception européenne, meublée en style Louis XVI, mitoyenne de celle de Noury-Bey et de la délégation de Belgique, au quartier neuf de Taksim. Zennour raconta plus tard l'avoir le menaça du divorce s’il n’obtenait pas immédiatement un poste de consul en Europe ou un secrétariat d’ambassade. Elle avait alors les symptômes qu'on attribuait à la tuberculose, mais qui pourraient avoir été feints. Sa cadette, Nouryé, célibataire, passait ses journées chez elle. Dotées d’une bonne éducation, quoique superficielle, à l'image de toutes les jeunes-filles de bonne famille, elles parlaient parfaitement le français, l'anglais, le grec, le perse, et l'arabe, et s'étaient nourries de tous les romans qu’on éditait à Paris et des idées du mouvement des Jeunes-Turcs auquel la jeunesse dorée Constantinople adhérait aveuglément. Précisons ici que, même si les sœurs s'affirmèrent comme de pures Turques par la suite auprès des journaux européens, mais leur père, Noury-Bey répétait son orgueil de son ascendance française, et que ses filles et lui n'avaient presque pas une goutte de sang turc, attendu que leurs ascendants ottomans étaient tous issus de femmes circassiennes. Les deux jeunes femmes s’ennuyaient beaucoup, Marie en profita, les manipula et les poussa à la révolte autant qu’aux bêtises, mais sans avoir conscience que ce qu'elle faisait par jeu allait avoir des conséquences graves.

     

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    De gauche à droite, Marie Lera, Hadidjé-Zennour, et Nouryé, photographie prise par Valentine de Dudzeele, en 1904, qui servit de couverture au livre « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées »

     

    Comme toutes les bourgeoises de Constantinople, Hadidjé-Zennour et Nouryé avaient adoré « Aziyadé » et rêvaient de rencontrer Loti, elles lui avaient écrit en 1901, mais il n’avait pas fait de réponse. Le rêve prit réalité quand elles apprirent en avril la présence du Romancier en ville. Il commandait alors le Vautour, avisor-torpilleur de la marine française, comme attaché naval de l'ambassade.

     

    Pierre Loti, considéré par les Turcs comme l’ami de la Turquie, était un écrivain mondialement connu. Ses romans, dont les actions ses déroulent au Japon, à Tahiti, en Bretagne, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, ont aujourd’hui très mal vieilli, et ne sont presque plus lus. De son vivant, il inspira des vocations de voyageurs et d’aventuriers, (c’est après avoir lu ses romans qu’Isabelle Eberhardt, encore mineure, partit vivre dans le Sahara Algérien et se convertit à l’Islam). Mais l’œuvre de Loti est orientaliste, et non une peinture réelle des pays où il situait l’action de ses romans, encore moins de leurs mœurs. Loti, officier de marine, l’un des pères de l’autofiction, était avant tout un rêveur qui inventait des histoires avec une vision des pays où il séjournait recomposée pour lui plaire, qui se plaignait dans son journal de l’occidentalisation du monde, (ses lignes à propos des souks de Beyrouth sont édifiantes). La Bretagne de Loti est considérée par les Bretons comme une « bignouserie », et l'on peut dire tout autant que sa vision de l’empire Ottoman et des Turcs plus qu'une « turquerie », elle est « loukoumesque », car il niait le fait que l’Empire était cosmopolite, que Constantinople et Smyrne, (aujourd’hui İzmir), villes où il séjourna, étaient surtout peuplées de Chrétiens hellènes et arméniens, que les Turcs qu’ils fréquentaient appartenaient à l’élite, non au peuple réel, et que tous vivaient à l’occidentale, sauf les plus pauvres. Les gens qui connaissaient les pays où Loti situait l’action de ses romans ne manquaient de critiquer et de dénoncer les incohérences, mais Loti vivait dans un nuage de gloire, et ses lecteurs étaient essentiellement des gens qui n’avaient jamais voyagé hors d’Europe. Loti inventait un Orient de théâtre inspiré d’époques révolues, tout autant qu'il s'inventait lui-même. En Louis II de Bavière de la littérature, il écartait la réalité qui tuait ses rêves. Pourtant, Loti connaissait très bien les affaires politiques et diplomatiques ottomanes, et maîtrisait les bases de l’Islam classique.

    Pierre Loti était réputé comme étant inaccessible. Il était surtout très occupé par ses fonctions à Constantinople. Marie imagina un stratagème pour le rencontrer. Une lettre en français fut déposée à son intention : « Avez-vous oublié Aziyadé, et ses sœurs ne vous intéressent-elles donc plus ? ». Elle était signée « Nour el Nissa », ce qui n'est pas anodin, car il signifie « Lumière des femmes », le mot lumière étant ici à comprendre au sens divin de guide. Loti fit répondre, en poste restante, dans l’un des bureaux d’une poste étrangère qui avait une succursale à Constantinople, par son secrétaire. Il exprima dans ce courrier tapé un doute quant à une possible mystification. Marier Lera lui répondit par une lettre courte qu'il n'y avait pas à s'inquiéter tout en employant un ton outré. Loti, piqué dans sa vanité, se laissa fléchir par curiosité. Les écrivains sont des insectes qui se nourrissent de la vie des autres plus que de la leur.

    Les harems, tel que les Occidentaux l’imaginent, (comme la polygamie interdite en 1926), était privilège de riche, qui ne se perpétuait alors que dans une minorité de vieux messieurs qui avaient encore chez eux des odalisques, c'est à dire des esclaves chrétiennes ou juives, converties ensuite à l'Islam, (on ne pouvait rendre esclave une personne musulmane), formées à servir la famille, ou à la distraction intellectuelle et sexuelle du maître. En 1897 l’esclavagisme fut définitivement interdit, mais les esclaves ne furent pas tous libérés. Le mot harem désignait en réalité la partie privée des demeures des riches ottomans, où vivait la famille, et où les femmes recevaient leurs amies. Les parties de la maison réservées aux hommes et aux réceptions étaient le selamlik. Dans les familles de hauts-fonctionnaires dont étaient issues Hadidjé-Zennour et Nouryé, les femmes vivaient et s’habillaient à l’Européenne, profitaient comme toutes celles de leur milieu social d’une voiture attelée avec un cocher, pouvaient se déplacer à leur guise sans porter l’habit traditionnel et se voiler, même s’il était convenu de porter le yashmak, un léger voile de gaze, semblable aux voilettes des européennes, couvrant le nez et la bouche. Elles avaient des professeurs occidentaux, pouvaient suivre des cours dans les lycées et universités étrangères implantées dans les grandes villes, y passer un baccalauréat, ce qui était encouragé par le sultan-calife Abdülhamid II. Certes les pères voulaient les unir, sans qu’elles puissent donner leur avis, à des hommes de la même caste, mais c’était une chose commune aussi dans les familles riches des pays chrétiens. En 1904, la ségrégation entre hommes et femmes perdurait dans l’espace public ottoman : les femmes ne pouvaient se rendre seules au grand bazar, où dans tout autre espace de négoce ; les navires faisant la navette sur le Bosphore, et les trains avaient des espaces réservés exclusivement aux femmes voyageant seules ; elles n’avaient pas les mêmes droits que les hommes, l’exemple le plus courant étant le fait qu’un témoignage d’homme valait celui de deux femmes. Mais la femme musulmane dans l'Empire avait droit au divorce, à la jouissance entière de ses biens sa vie durant, devait être entretenue par son époux, droits que les femmes d'Occident n'avaient pas. On ne peut juger en fait si des femmes de l'Occident et de l'Orient d'alors, lesquelles étaient les plus avantagées, ces deux mondes étaient différents et aussi contraignants de l'autre sur des points totalement différents. Si la condition des femmes musulmanes du peuple n’était pas enviable matériellement et humainement, qu'elles avaient la contrainte dans les villages et les bas quartiers de se voiler et de fuir les hommes, les filles de Noury Bey, qui vivaient dans une bulle occidentalisée, n'avaient aucune connaissance de la réalité du peuple, et Marie Lera n'eut jamais de contact direct avec ces femmes du peuple dont elle ignorait la langue, et qui n'auraient jamais pu discuter directement avec elle, non par interdit, mais par principe communautaire. Ce que Marie en rapporta était filtré par les gens de la haute société qu'elle côtoyait et qui ne s'intéressaient pas en réalité aux groupes sociaux qu'ils jugeaient inférieurs.

     

    Le samedi 16 avril 1904, les trois complices prirent le vapeur en direction de la côte asiatique pour aller pique-niquer dans un parc, au milieu des violettes dont elles se firent des bouquets, puis elles dissimulèrent leurs visages sous deux longs voiles noirs superposés nommés tcharchafs, et des feradjes robes noires couvrant le vêtement, élimés, car elles n’en avaient pas trouvé d’autres, laissant paraître leurs gants blancs neufs, leurs fins souliers et bas de soie, et sentant des parfums français. Un accoutrement dont Marie Lera dira que « le contraste augmentait le mystère ». Elles retrouvèrent Loti à proximité d'un café. Le romancier était accompagné du mécanicien du Vautour, Auguste-Laurent Masméjean.

     

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    Pierre Loti et Auguste-Laurent Masméjean à la fumerie de Beïcos dans le quartier d'Eyüp à Constantinople, réserves muséographiques de la ville de Rochefort.

     

    L’écrivain, qui revêtait une tenue semblable aux bourgeois de la ville, (complet gris et tarbouche écarlate sur la tête), fut surpris de leur accoutrement qui lui sembla fantaisiste, autant que de la perfection du français de ces trois femmes qu'il pensa être âgées d'une vingtaine d'années. Marie Lera se fit prénommée Leyla (Crépuscule) pour l’occasion. Elles racontèrent vivre dans un harem, en mêlant à leur discours des balivernes que ceux qui connaissait la vie ottomane n’aurait cru, et des potins de la bourgeoisie du quartier de Péra.

    Durant l’entrevue, l’Écrivain fut peu loquace, décevant les trois femmes, mais se laissa tromper, trop heureux d’alimenter son écriture et de vivre un rêve dont il envisagea immédiatement d’en faire un roman. Il leur dédicaça les exemplaires de ses livres qu'elles avaient apportés.

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    Dédicace de Loti à Leyla, personnage interprété par Marc Hélys, (ancienne collection Marc Hélys)

     

    Cette première rencontre fut écourtée par l’apparition de policiers turcs. Loti était en effet surveillé en permanence, et tout ottoman s’entretenant avec lui devenait suspect. Henri de Régnier relatera la visite sur le Vautour d’une autre jeune femme, surnommée par Loti Balkis, (prénom de la Reine de Saba), qui venait en caïque, (en turc « kayık », petit bateau à rames servant à circuler sur le Bosphore, à bord du Vautour, musulmane non voilée et en robe de soirée à la mode parisienne, qui dut écourter sa visite parce que la police avait arrêté son batelier stationné à côté du navire, (lire : Henri de Régnier, « Escales en Méditerranée », Ernest Flammarion, Paris, 1931). 

    Sur le bateau du retour, elles décidèrent de pousser la supercherie plus loin encore. Des entrevues de loin furent organisées autour de mosquées, histoire de toujours fournir un décor de carte postale, puis ce fut un second rendez-vous, le 1er mai 1904, dans une maison modeste louée quelques heures à une veuve et redécoré dans un style pseudo oriental, pour l’essentiel composé d'objets d’origines européennes, comme des verres de Venise et de vieilles porcelaines anglaises, de quelques soieries sorties d’un fond d’armoire, apportés dans des paniers par les domestiques de sœurs Noury Bey, et d’une table à thé arabe, car le décor, composé de presque rien, comme dans toutes les maisons authentiquement ottomanes, ne faisait pas suffisamment exotique, et ne pouvait coller à l'image que Loti se faisait de l'Empire.

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    Message de Loti confirmant le rendez-vous dans la maison louée, ancienne collection de Marie Lera

     

    À cette occasion, trois photographies d’elles voilées entourant successivement Loti furent prises avec le Folding Pocket Kodak, 13x18, de Marie.

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    Pierre Loti entre Hadidjé-Zennour et Nouryé.

    Photographie prise par Marie Lera et publiée dans « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées ».

     

    Durant ce rendez-vous, qui dura deux heures, elles jouèrent à faire croire à Loti qu'elles étaient amoureuses de lui, et lui dirent des expressions en argot, qu'elles affirmèrent avoir appris via leur institutrice dont le frère était « au régiment chez les chasseurs d'Afrique »... On reste surpris, tout autant que les trois femmes, que Loti accepta de se mystifier lui-même. Une correspondance riche, composée de nombreuses lettres et de très nombreux billets, s’établit entre lui et Marie/Leyla, dont 24 lettres qui servirent à Loti pour illustrer son roman. Marie pasticha le style de Loti, s’épanchant dans des états d’âme artificiels théâtraux. Cette correspondance s’entremêlait avec celles de Hadidjé-Zennour et Nouryé dans une longue plainte de la condition des femmes musulmanes qu’elles exagéraient malgré une réalité qui se suffisait à elle-même. Marie avoua plus tard qu'une personne attentive aurait dû voir que les lettres des trois femmes à Loti se contredisaient et qu’elles étaient invraisemblables, tout autant que les visites organisées étaient absurdes et impossibles dans leurs formes. Si l’on écarte la méconnaissance entretenue de Loti de la société ottomane, il semble que le romancier ne lisait que les lettres de Marie, les deux sœurs étant trop immatures et bien incapables de susciter une stimulation cérébrale et d'entretenir son fantasme oriental, tout comme son besoin de vivre une relation à la fois pure, car privée du contacte charnelle, et impossible, qui ne l'obligeait pas à s'investir réellement, lui qui était un officier de marine marié, protestant, et dont l'homosexualité n'était pas un mystère dans les milieux littéraire et mondain. A la lecture des échanges entre Marie, elle aussi homosexuelle, et lui, on peut affirmer qu'elle-même prenait plaisir à ce jeu d'auteurs. Un écrivain honnête reconnaîtra que les plus belles aventures amoureuses qu'il a vécues, étaient des relations épistolières, et donc masturbatoires, du moins moralement, car leurs échanges restèrent chastes. En annexe de cette excitation cérébrale, il ne faut cependant pas perdre de vue que Marie, tout au long des échanges, a toujours sollicité de la part de Loti qu'il dénonce la condition de la femme musulmane dont le statue dépendait, malgré les lois instaurées par les Sultans Califes, successifs, telle la Charia. Il y a toujours eu de la part de marie une volonté de manipulation politique qu'elle n'a jamais niée, même si elle a minimisé plus tard ses intentions véritables.

    Ajoutons ici qu'elles ne sont pas les seules ottomanes à rendre visite à Loti. Il y a aussi une demoiselle Balkis, qui vient le soir en barque, porte des tenues parisiennes à la dernière mode, et se sauve quand la police passe. Cette femme, Henry de Régnier et son épouse la rencontrent à cette même période à bord du Vautour. Henri de Reignier relatera les entrevues auxquelles il assista en 1931 dans ' « Escales en Méditerranée», édité chez Flammarion.

    Les deux filles de l'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Belgique, Gaston Errembault de Dudzeele et d'Orroir, (1847-1929), Germaine, (1874-1952) et Valentine, (1875-1969), (qui épousa le Carlo comte Sforza en 1911), furent bientôt associées à la supercherie. Elles réalisèrent des photographies des sœurs Noury Bey et de Marie déguisées, caricatures d'odalisques à voiles blancs et collier de fleurs de soie, et acceptèrent de jouer les cautions morales en prêtant la maison de leur père un après-midi pour une visite de Loti, durant laquelle Marie resta seule avec l'écrivain dans un salon à se jouer de lui, alors que Hadidjé-Zennour et Nouryé poussaient la chansonnette au piano à côté !

    Loti invita « ses trois fantômes noires » un après-midi à bord du Vautour, leur envoyant un canot pour l'occasion. A bord elles eurent la surprise d'y voir la pierre tombale de Hatice Hanım, la femme qui inspira au romancier « Aziyadé », dont Loti avait obtenu du Sultan-Calif de pouvoir la ramener à Rochefort, (le Sultan avait exigé que cela se fasse de nuit, on il court depuis la légende que ce fut un vol), et se plaignirent après que Loti ne vivait pas à bord dans un luxe de nabab, malgré la vaisselle fine et les photographies dédicacées de monarques qui emplissait les trois pièces de ses quartiers ; qu'il n'avait pas pensé à leur offrir des fleurs ou un souvenir de lui, ni entrepris de leur offrir une traversée en mer. Le personnel de bord estima qu’elles étaient trois aventurières qui n'avaient pas de bonnes manières, et que Loti devait s'en méfier.

     

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    Salle à manger du Vautour avec Choukri le domestique garde du corps de Loti

     

    L’écrivain les informa qu’il allait faire un roman de leurs lettres, et livra alors deux textes à La Revue des Deux Mondes, amorce du roman qui sera « Les Désenchantées ».

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    Photographie dédicacée de Loti à « Leïla » ; ancienne collection de Marie Léra

     

    Par deux fois Marie dut faire des retours à Paris ; elle dit que son personnage devait se rendre à Smyrne, ou « où vivait son vieux mari », ce qui justifia des temps longs de circulation des courriers, car il fallait les refaire passer par des intermédiaires. C'est durant l'un de ses séjours parisiens, que Hadidjé-Zennour et Nouryé se rendirent au vieux cimetière de Topkapı, où Loti, qui devait quitter Constantinople au printemps, demanda aux sœurs de veiller sur la tombe de Hatice Hanım.

    Marie était très petite, très fine, elle fut parfois remplacée dans d'autres entrevues par une jeune cousine des sœurs, qui garda le silence à chaque fois, élément d'étonnement dont Loti fit part dans son roman.

     

    En février 1905, Marie Lera était alors à Paris, et s’apprêtait à partir en Suède, à Upsal, quand Loti lui annonça se rendre à Smyrne dans les premiers jours de mars, et vouloir l'y voir avant son départ le 24 pour la France. Il avait organisé une équipée pour qu'ils puissent se rencontrer à l'extérieur de la ville. Elle eut toutes les peines du monde pour justifier l'impossibilité de cette rencontre, et lui adressa un portrait photographique (très retouché) d'elle en tenue ottomane.

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    Marie Léra en Leyla en en costume de dame ottomane musulmane de haut rang, photographie prise à Istanbul en 1904, Fonds et Collections Odoevsky Maslov. Une photographie similaire, plus petite et dédicacée, fut adressée à Pierre Loti en mars 1905.

     

    Les échanges par intermédiaires postaux devenant impossibles à gérer, et parce qu'elle était aussi lasse de ce jeu, tout comme elle était probablement lassée de Hadidjé-Zennour et Nouryé, (elle ignora du jour au lendemain ses amis comme un enfant abandonne un jouet, et parlait habituellement des choses advenues deux ans au paravent comme si elles avaient eu lieu il y a 20 ans parce qu'elle les avait classées dans sa mémoire), Marie annonça dans une lettre datée du 15 décembre 1905 le suicide de son personnage à Loti, poussant le culot en donnant du « mon amour », de quoi alimenter l’ego démesuré de Loti. Cette lettre de huit feuillets commence avec une écriture très serrée, puis se délie pour mimer l’effet du poison ingéré. Elle adressa aussi une lettre à Auguste-Laurent Masméjean, dont elle s’était aussi amusée à exciter les sens, et à l'épouse de Loti qui lui avait écrit à l'occasion. Ces trois lettres furent adressées par Nouryé à Loti, avec une lettre de sa part racontant qu'un domestique les avait apportées à l'aube, et en concluant que c'était « une lettre de folle ». Loti fut très affecté par la lecture de la lettre de suicide... mais l'écrivain prend toujours le pas sur l'homme, et Loti demanda s’il pouvait continuer la rédaction de son ouvrage à partir des faits et des lettres de Leyla/Marie, renommée « Djenane » dans le roman. Hadidjé-Zennour et Nouryé lui dirent que les lettres de leur « défunte cousine » devaient être publiées dans leur intégralité. Loti les modifia à peine et l'on peut affirmer que son roman Les Désenchantées est pour moitié l'œuvre de Marie Lera.

     

    De Suède Marie Lera envoya à La Croix des articles, collabora toujours au Correspondant et au Mois littéraire, revenue où elle signait sous son nom, puis rapidement sous le pseudonyme de Marc Hélys, employé jusque-là uniquement dans Le Correspondant, annonçant toujours qu’elle était une femme. Cette pratique était alors courante, depuis George Sand, en Occident, une femme qui ne voulait pas être cantonnée aux romans pour enfant où jeune-fille devait employer un pseudonyme masculin. Carlos-Americo ayant été nommé le 19 février 1899, Marie fit son premier séjour au japon au prétexte d’y voir sa fille, et publia un article à propos de la Croix Rouge au Japon dans Le Correspondant du 25 juillet.

     

    Marie se fit aussi morte que Leyla quand elle apprit que Hadidjé-Zennour et Nouryé affolèrent l’Empire et l’Europe en fuguant le soir du 8 janvier 1906 pour Paris. Vêtues à l’européenne, munies de passeports français fournis Marcelle Weissen, dite Szumlanska-Weissen, née à Annecy le 19 octobre 1886, une amie française d'origine suisse et polonaise, fille d'Afred-François-Xavier Weissen, professeur de langue du lycée lazariste qui rêve depuis toujours d'avoir un haut poste administratif, dont la réputation est fort mauvaise, et d'Emilie-Marguerite Szumlanska, professeure de chant chez qui les filles de Noury Bey prenaient des cours, issue de la noblesse polonaise, vivant dans le regret d'avoir déchu en épousant un roturier sans carrière. A Marcelle, il faut ajouter un jeune employé du bureau de la Poste allemande à Constantinople, nommé Hensel, qui s'était fait tourner la tête par Nouryé. Conduite à la gare par madame Weissen, qui s'était risquée à leur donner un passeport collectif devant leur permettre l'entrée en France, et d'Yvonne, la sœur Marcelle, elles aussi embarquées dans l'affaire, la tête tournée par la promesse d'une carrière en Egypte sous la protection de deux princesses amies des sœurs. Marcelle accompagna Hadidjé-Zennour et Nouryé dans leur fuite. Elles prirent le train à la gare de Sirkeci pour un périple de soixante heures de voyage à bord du Conventionnel, (train concurrent de l’Orient-Express). Le voyage s’arrêta le lendemain en gare de Belgrade où un diplomate ottoman et deux policiers serbes les attendaient pour les reconduire à Constantinople. Le grand-vizir, Avlonyali Mehmed Ferid Pacha, avait écrit en personne au gouvernement Serbe. Son inquiétude était que les filles de Noury Bey ne se rendent en Suisse pour rejoindre les nationalistes Jeunes-Turcs en exil qui cherchaient par tous les moyens à provoquer une révolution. Le Sultan, informé, demanda que l'on ramène les filles de Noury Bey et qu'on punisse ceux qui les avaient aidées. L'ambassadeur de France, Jean-Antoine-Ernest Constans se vit demander de punir les Weissen. On frisa l'affaire d'état ! Mais l'arrestation, en réalité une mise en résidence surveillée dans un luxueux hôtel, par la police serbe reposait sur le fait qu'elles étaient entrées sur le territoire serbe sous de fausses identités, avec les passeports d'autres.

    Hadidjé-Zennour et Nouryé contactèrent le Consul de France à Belgrade qui se dit impuissant, et une amie serbe connue à Constantinople, Nathalie Georgevitch, sœur d’un diplomate, qui, devant les menaces de suicide à l'aide de poison et d'un revolver de voyage, les aidèrent à fuir du Grand-Hôtel où elles avaient été assignées pendant que la presse serbe s’empara de l’affaire en criant au joug ottoman revenu ! Hensel voulait prévenir l'ambassade d'Allemagne, mais les trois femmes l'en dissuadèrent, et dès le lendemain il fut expulsé de Belgrade. Noury Bey envoya une lettre de supplique pleine de tendresse à ses filles pour qu'elles reviennent. Comme elles refusèrent de revenir, il dut promettre à son gendre de prendre en charge le divorce d'avec Hadidjé-Zennour, et annonça son arrivée. Affolée à l'idée de voir Noury Bey, suivies par les journalistes à qui elles racontaient s’être évadées d’un harem, passèrent en Autriche, gagnèrent Venise, Milan, Nice où Hadidjé-Zennour fit un séjour dans un sanatorium en raison de sa tuberculose qui s'est empirée dans le froid serbe et l'humidité vénitienne. C'est alors que Marcelle réalisa s'être fait bernée par celles qu'elle pensait être ses amies. Ses parents étaient arrivés au Caire avec la certitude donnée par Hadidjé-Zennour et Nouryé que des princesses égyptiennes les accueilleraient. Mais ces princesses n'existaient pas, et la famille Weissen se retrouva dans une situation catastrophique, perdant toute crédibilité et son peu de fortune. Marcelle demanda des explications. Nouryé montra alors son vrai visage, assumant sans ciller son mensonge et se moquant ouvertement de la naïveté de Marcelle et des siens. Marcelle resta cependant avec les deux sœurs jusqu'en juin 1906, s'occupant de Hadidjé-Zennour dont l'état de santé était alors catastrophique, avant d'être chassée par Nouryé. Marie ne se manifestât pas, et Loti accusé par la presse ottomane, qui parla de l‘affaire à mot couvert, d’avoir organisé et financé l’aventure, envoya Masméjean à Nice. La Sublime Porte imposa alors la censure. Un lointain cousin, le diplomate Jean-Louis-Marie Allard de Chateauneuf, (1864-1937), qui avait relevé en parti le patronyme de sa mère, intervint un temps financièrement pour les aider, et les introduit auprès de quelques personnes de la bonne-société. C'est alors qu'apparut à Nice la poétesse Renée Vivien, qui crut voir dans les deux sœurs et les récits de leur fuite qu'en faisaient la presse, deux héroïnes à qui il fallait apporter une aide financière. Renée Vivien vivait depuis l'été 1904 une relation amoureuse épistolière avec une ottomane prénommée Kérimée, (1874-1948), épouse d'Arnavut Turhan Pacha (plus tard nommé Përmeti), (1839-1927). Subtilisant Kérimiée par les deux sœurs, elle surnomma Hadidjé-Zennour « Fleure-Fragile » et Nouryé « Messagère-Lumineuse ». Renée dit intervenir au titre de la solidarité féminine en leur prêtant sa maison de Nice, mais cette lesbienne assumée commença à sortir dans les restaurants, au théâtre et au casino de Nice avec Nouryé, qui se rajeunit de sept ans en lui disant être née en 1896... Masméjean observa tout cela avec un certain dégoût, mais resta à Nice pour veiller sur Hadidjé-Zennour jusqu'à ce que Nouryé le chasse.

     

    Tous les journaux d’Europe parlaient de deux sœurs, racontant des absurdités et grossissant l'histoire. Le Petit Journal publia le 4 février 1906 une couverture illustrée complètement fausse et ridicule, intitulée « Un Scandale à Constantinople, deux musulmanes s’évadent d’une harem ».

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    Quand elles arrivent à Paris, logée dans un appartement loué pour elles par Renée Vivien, Loti les aida discrètement, et finit par les recevoir chez lui à Rochefort.

    Nouryé vendit deux articles en mai 1906 au Figaro, qui les fit paraître dans son supplément littéraire, dans lesquels elle prétendit être issue des khans de Kiziltépé et avoir passé son enfance dans la région d’Éphèse, ce qui était des inventions. Elle signa ses lignes Neyr-el-Nissa.

    Loti acheva son roman qui parut en feuilletons dans La Revue des Deux Mondes avant de paraître chez Calman-Levy en juillet 1906. On fit le rapport entre les deux sœurs et les héroïnes des Désenchantées. Bon coup de publicité pour tout le monde… sauf pour Marie Lera qui n’alla pas à leur rencontre, ne pouvant dévoiler le mensonge qu’elle avait en grande partie bâti. Elle ne reprit jamais contact avec les deux sœurs, qui pourtant lui avaient envoyé une lettre depuis Belgrade. Mais Marie était madame Lera, épouse d'un diplomate qu'elle avait quitté en s'enfuyant un jour en abandonnant sa fille, mais qui continuait de lui verser une pension et à lui accorder des largesses que d'autres n'auraient jamais accordées. On aurait pu l'accuser d'avoir incité les sœurs à fuir, on aurait dénoncé la supercherie faite à Loti, et cela aurait détruit la vie de Marie qui construisait sa carrière d'écrivain en devenant Marc Hélys.

    Certains critiques jugèrent que les lettres retranscrites par Loti dans son roman, avaient un style trop proche du sien pour sembler véritables sans avoir été passablement retouchées. Un fonctionnaire ottoman en poste à Paris dira dans la presse : « nos femmes ne sont pas ainsi ». Jehan d'Ivray, (1861- 1940), écrivaine épouse d’un médecin égyptien et vivant au Caire, rapporta dans La Revue illustrée les témoignages très critiques de femmes de l’aristocratie et de la bourgeoisie égyptienne musulmane, qui estimaient que Loti avait imaginé plus qu’il n’avait retranscrit ; elle rédigea ses observations sur la vie des femmes en Égypte, et joignit à son article des photographies de femmes du Caire. Le romancier breton Charles Géniaux, (1870-1931), habitué de l’Algérie et la Tunisie, et qui connaissait Marie Lera, lâcha que « ce n’est pas du tout cela, et Loti a dû se faire mystifier par des Européennes déguisées ». En réalité tout le monde littéraire parisien savait la supercherie. Marie Lera avait été comme toutes les mondaines : trop bavardes. Elle n’avait pu se priver pour se rendre brillante en racontant aux Françaises qu'elle rencontrait à Constantinople, puis à son petit cercle parisien, le mauvais tour qu’elle avait joué à Loti, ce vieillard fardé dont disait depuis des décennies que sa véritable « Aziyadé » devait être un Köèek, c'est à dire un esclave travesti vivant dans un harem, et dont on vomissait les amitiés viriles trop caressantes en public. Au fur et à mesure de la parution des extraits du roman de Loti dans la Revue des Deux Mondes, une amie, la comtesse de Custine, (c'est ici un nom usurpé, la famille de Custine étant éteinte depuis le milieu du 19ème siècle, cette dame, née Elisabeth-Alix Treugue, était l'épouse d'Antoine-Constant Custine, trésorier-paveur des Postes à Tananarive, d'origine belge, qui se faisait appeler comte de Custine ; elle vivait séparée de son époux à Verneuil-sur-Avré), et de l'écrivain et traductrice Anglaise, Alys Hallard, qui était informée de la supercherie, écrivit dans une lettre du 26 août 1906, conservée à la BNF, que le livre de Loti était presque intégralement un plagia de ses lettres, et qu'on y reconnaissait bien son style, tout en s'étonnant que Loti donna comme nom à son personnage celui d'André Lhéry, qui semblait un mixage entre Léra et Hélys. Elle lui proposa de dévoiler le pot aux roses, et de l'aider à obtenir de la part de Calman-Lévy que son nom figurât sur la couverture du roman (et donc la moitié des bénéfices). Marie refusa, cela l'aurait mise dans une situation grave, on moquait Loti, mais si elle était découverte, c'est sur elle que tout serait retombé, Loti aurait été plaint et elle définitivement perdue de réputation. Un après-midi de juin en 1906, Marie trouva devant sa porte de son petit appartement au sixième étage du 33 de la rue de Tocqueville dans le 17ème arrondissement, Marcelle, à qui Hadidjé-Zennour partie pour Fontainebleau, avait demandé qu’elle prenne contact pour elle. Marie se fit raconter par Marcelle l'intégralité de la fuite, puis entra dans une colère noire, lui disant qu'elles avaient toutes été insensées et ne plus vouloir les voir. Elle savait que les sœurs n'avaient pas vécu ce qu'elles affirmaient avoir été leur vie dans les journaux. Marcelle avait espéré de l'aide de sa part, elle s'était inscrite à une école d'infirmière. Marie la jugea incapable de suivre des cours, voulut la faire entrer comme domestique dans une institution catholique, lui proposa un prêt. Marcelle refusa ; Marie la traita de paresseuse.

    Hadidjé-Zennour finit sa convalescence à Fontainebleau, dans une maisonnette mise à sa disposition par des amies de Renée Vivien. C'est là que le mystère prend alors de l'épaisseur, une lettre adressée à Marc Hélys après la publication de son livre révélation sur Les Désenchantées, conservée à la BNF, elle y aurait accouché d'une petite fille qui fut confiée à madame Fernande Mouchaniny. Dans les « Évadées du harem », monsieur Alain Quella-Villéger relate qu'il a trouvé une fillette née le 14 août 1906 de parents inconnus à Fontainebleau au moment de la convalescence de Hadidjé-Zennour, et l'identifie comme la fille de cette dernière. La source de monsieur Quella-Villéger est la descendance de Nouryé qui connut cette tante éduquée sous un autre nom, mais qui savait tout de ses origines et voyait régulièrement sa tante et ses cousins. De qui Hadidjé-Zennour était-elle enceinte quand elle fuit Constantinople ? Pas de son époux c'est certain. Cette grossesse est donc la véritable raison de la fuite des sœurs. Explique-t-elle pourquoi Marcelle Szumlanska-Weissen resta à soigner Hadidjé-Zennour malgré la prise de conscience de l'escroquerie dont elle avait été victime avec sa famille ? Pas sûr, en effet Marcelle était vraiment naïve à cette époque, sans connaissance du corps humain, et il était facile de cacher sous les vêtements de l'époque une grossesse jusqu'au cinquième mois. Il semble plus probable que Nouryé se dépêcha de la chasser dans les premiers jours de juin quand il ne fut plus possible de lui cacher la vérité. La fille de Zennour eut une vie heureuse, et décéda il y a plusieurs décennies.

    Marc Hélys publia « À travers le féminisme suédois » en septembre 1906, qui fut son premier succès en librairie.

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    Marc Hélys en 1906, portrait paru dans La Vie Heureuse du 15 novembre 1906

     

    Loti revit en privé les deux sœurs qui lui parlèrent encore et toujours de l'imaginaire Leyla, il les invita chez lui à Rochefort, et elles lui soutirèrent régulièrement de l'argent pour finance leur logement à Paris, rue du Midi, puis rue Klebert.

    Craignant finalement les importuns et le scandale des sœurs qui faisaient régulièrement les entrefilets de la presse, Marc Hélys fit publier dans Le Petit Journal, du 8 février 1907, qu'elle partait séjourner au Maroc où elle resta plusieurs mois.

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    Le 27 juillet 1907, le supplément littéraire Figaro publia à nouveau un texte de Nouryé à propos du voile que l’on lui aurait imposé, avec ode à la France qui rendait libre les femmes, liberté relative quand on sait comment était le pays en 1907, d’ailleurs elles finirent par désenchanter véritablement en découvrant peu à peu la réalité de la phallocratie européenne. Valentine de Dudzeele écrivit de Constantinople à une de ses amies que les deux sœurs chargeaient leur père de fautes inexistantes dans le Figaro, alors que celui-ci était en disgrâce et que le calme que le scandale venait à peine de dissiper.

     

    En décembre 1907, Marie Lera participa à la fondation orchestrée par la duchesse d’Uzès de la section française du Lyceum-Club, un cercle britannique réservé aux femmes, fondé à Londres en 1902, dont la secrétaire fut son amie Alys Hallard, déjà citée comme amie commune avec la fausse comtesse de Custine. C'est probablement à cette période qu'elle fit la connaissance de la poétesse guatémaltèque María Cruz, née en 1876. María Cruz, était fille du diplomate et poète Fernando Cruz, (1845-1902). Elle avait suivi son père aux États Unis, en Espagne et puis en France. C'était une brune potelée à la peau mate, tout à fait le genre de jeune fille intéressant Marc Hélys (pour reprendre l'une de ses expressions).

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    María Cruz...

     

    Les filles de Nouri Bey décidèrent de rester en France et prirent le patronyme de Blosset de Châteauneuf de leur grand-père. Nouryé se fit faire la cour par Rodin, (qui fit d'elle et de Hadidjé-Zennour, des esquisses rehaussées à l'aquarelle, conservées au Musée Rodin), et fréquenta les salons littéraires.

    A Constantinople Nouri Bey mourut de chagrin et de honte le 15 février 1908 ; son épouse décéda en mars 1909.

    Paris 16 , Nouryé épousa en grande pompe à Nice, le 28 avril 1908, où elle s'établit, un comte russo-polonais, Ladislas-Eugène-Joseph Rohoziński, (Saint-Pétersbourg 7 novembre 1898 - 4 septembre 1938 Paris 16e), rentier et musicien réputé, dont la famille jouait un rôle important à Nice, considéré par le frère de Nouryé comme un « chenapan d'aventurier ». Elle se convertit au catholicisme à cette occasion, recevant les prénoms Marie-Lucie à son baptême. Ils eurent deux garçons et deux filles. Ruinés par la Révolution de 1917, Nouryé vendit tout ce que Rodin lui avait offert, ainsi que les lettres de Loti lui avait adressé à elle et sa sœur. Elle travailla dans deux boutiques de modes, puis vers 1932 dans une librairie à Paris, elle y décéda le 25 juin 1965 et fut inhumée à Nice. Seul un journaliste du Jour la retrouva en août 1934, elle lui répondit que « les Désenchantées ont été un péché de jeunesse ». Vieille dame respectable et intimidante, distante avec ses enfants et peu intéressée à ses petits-enfants. Elle donna quelques conférences à propos de Loti à la fin de sa vie.

     

    Malgré une attitude discrète en surface, Marc Hélys profita cependant du ramdam des filles de Nouri Bey pour publier en 1908 « Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie », édité chez Perrin, qui devint son éditeur pour le reste de sa carrière. Le livre est un ramassis de on-dit et d’anecdotes pas vérifiables, datées, de choses piochées au Maroc et non à Constantinople, et d'inventions grossières qui ne collent pas avec la réalité ottomane et l'Islam, mais a surtout la particularité dans son premier chapitre de contre dire le discours qu'elle avait tenu à Loti sous son déguisement de Leyla ; ignorant ou minimisant les inconvénients de la vie féminine musulmane ottomane, et en faisant la réclame des droits et libertés que ne possédaient pas les Occidentales. Marcelle Szumlanska-Weissen publia au même moment « Hors du Harem, histoire vraie », (Librairie Felix Jouven, Paris, 1908), où elle dénonça à mot couvert la supercherie de Leyla, mais le reste du texte est en fait une continuité du mensonge de sœurs Nourri Bey, attendu qu'elle était ignorante de la vérité. Elle avait espéré récupérer de l'argent, mais son livre se vendit peu. Cependant, contrairement à ce que Marie répétera à son sujet, Marguerite-Adèle-Marcelle Szumlanska-Weissen, n'était pas une paresseuse, elle suivit des cours d'infirmière, complétés par d'autres à la Sorbonne, puis rejoignit sa famille au Caire, devint institutrice, fit carrière comme anthropologue, voyagea de par le monde, se spécialisa après 1945 dans l'étude de la société préhistorique ; auteure de plusieurs ouvrages, elle reçut pour celui intitulé L'âme archaïque de l'Afrique du Nord le prix Montyon en 1935. Marie deux fois, (à Paris 7e le 14 décembre 1912 à Georges-Louis Carle, (1879-1947), ingénieur en chef au service de la colonisation ; puis en 1922 à Constantine à Georges Vicrey, (né à Constantine le 2 août 1894) topographe), et deux fois divorcée, elle décéda à Bayonne 30 août 1965.

    Dans la revue L’Opinion du 31 octobre 1908, dans la rubrique Les gens de lettres, le chroniqueur anonyme faisant réclame du Jardin fermé, la dénonça Marc Hélys comme étant celle qui avait trompé Loti en se faisant passer pour femme de harem. On retrouve cet élément en 1923 à la fin du Secret des désenchanté, où Marc Hélys fit la mention d'un journaliste venu l'interroger, mais auquel elle avait fait « des réponses évasives ». Heureusement pour elles, l'article passa inaperçu, autrement la colère de Loti aurait été terrible.

    Charles Géniaux publia « Les Musulmanes » en 1909, qui participa à rectifier le discours.

    La polémique reprit avec un extrait d'un livre de Marcelle Tinayre, écrivaine qui avait ses habitudes à Constantinople, dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1909, intitulé Notes d'une voyageuse en Turquie, dans lequel elle dénonça qu'à Constantinople personne ne croyait à l'existence de l’héroïne de Loti, ajoutant, à travers la bouche d'une dame ottomane de haut rang, que « Des Désenchantées ? Il y en avait quelques-unes à Stamboul, et ce n'étaient pas les plus intéressantes parmi mes compatriotes. Le livre de Loti en a fait éclore des douzaines. Oui, beaucoup de dames ont appris qu'elles étaient fort malheureuses. Elles ne s'en doutaient pas, avant d'avoir lu le roman. Pour moi, je me contente de ma destinée... Chacune de nous porte son bonheur en elle-même. » Dans son livre elle ajouta que pour les Turcs, Loti inventait des situations fantaisistes, ne connaissait pas réellement le pays. Marcelle Tinayre était par ailleurs informée de la supercherie, car Marie la lui avait racontée, et elle n'hésitait pas à rapporter l'histoire sans nommer les protagonistes, s'amusant du mauvais tour joué à Loti. Le Romancier, furieux, demanda des comptes. On prétendit que l'ambassadeur Constans cherchait à lui nuire. Hadidjé-Zennour récusa toutes les accusations auprès de Loti, et prit à son tour la plume dans le supplément littéraire du Figaro du 21 décembre 1909, pour affirmer que Loti avait retranscrit la réalité, qu’elle était « Zyneb » dans le roman « Les Désenchantées », et sa sœur « Mélek ». Elle mentit cependant en disant que le personnage de Loti, « Djedane », était Leyla une cousine « reposant au cimetière d’Eyoub ». Entre deux compliments à Loti, trop obséquieux pour être honnêtes, elle lui reprocha de ne pas avoir été plus critique à propos de la condition des femmes musulmanes. Hadidjé-Zennour en rajouta en écrivant à propos de cette cousine imaginaire qu’« Elle n’avait point d’atavisme français, elle, et c’est peut-être pour cela qu’elle n’a jamais voulu quitter notre pays : elle était purement Circassienne ». Elle s’attaqua à nouveau aux critiques de 1906, dénonçant, avec toute la xénophobie et le racisme des adhérents au mouvement des Jeunes-Turcs, le fonctionnaire ottoman insurgé comme étant « un Arménien enquête d’avancement », se prit les pieds dans le tapis en le disant ensuite être un « orthodoxe géorgien qui n’a jamais dû adresser la parole à une Turque » et qu’elle jugeait avoir eu le tort de s’exprimer au nom des musulmanes. Elle récusa aussi les critiques de Jehan d'Ivray l’accusant de ne pas avoir mis un pied à Constantinople, affirma qu’en Égypte les femmes y étaient plus libres que dans l’Empire. Hadidjé-Zennour s’insurgea aussi contre Charles Géniaux qu’elle accusa de parler d’un sujet qu’il ne connaissait pas, puis s’en prit à un Stanbouliote critique, en le désignant lui aussi comme étant un Arménien. Au milieu de ces règlements de compte tardifs, dans le désordre de son esprit et de ses idées, elle affirma que Loti avait reproduit dans son roman les lettres qu’elles lui avaient envoyé toutes trois, n’ayant retouché que légèrement les siennes et celles de sa sœur, « mais aucunement celles de [sa] cousine » Leyla/Marie Lera. Elle osa commenter qu’« il n’ a jamais voulu toucher celles de « Djenane » qui écrivaient mieux que nous toutes », et justifia que le style de leurs lettres avait des similitudes avec celui de Loti parce qu’elles avaient été habituées à travailler leur français à partir de ses romans. Elle finit enfin disant ne pas vouloir parler de la mort de « Leyla », tombant dans le grotesque en décrivant de son imaginèrent cousine comme un modèle de femme musulmane opprimée poussée au désespoir par la souffrance de sa condition, et finit en affirmant que la Révolution Jeune-Turque avait délivré la femme musulmane, ce qui était totalement faux.

     

    Loti se rendit à Constantinople, chercha en vain la tombe de Leyla durant son séjour à Constantinople en 1910, on lui dit qu'il s'était fait duper, mais il ne voulut pas y croire. Des rumeurs disaient que Leyla était encore vivante, mariée à un bey ou un pacha. Louis de Robert, amant de Marcelle Tinayre, ramena le calme chez Loti en lui disant que son amante s'était faite mystifiée par une madame « Hera » alors qu'elle était à Constantinople ! Marcelle Tinayre écrivit à Loti le 7 décembre 1911 pour dire qu'elle avait été trompée par une dame française, sans jamais en citer le nom.

    Jehan d'Ivray publia « Au cœur du harem », en 1910, corrigeant bien des absurdités.

    Hadidjé-Zennour, se déclara inadaptée à la société occidentale et décida en 1912 de retourner à Constantinople. Son époux, Abdüllatif Safa Bey, devenu en août 1908 ambassadeur à Bucarest, avait obtenu le divorce[5]. Devenue Zenep Hanoum, elle publia à Londres « A Turkish woman's European impressions », regroupant des lettres envoyées à la journaliste Grace Ellison,(1880-1935), qui était venue la rencontrer à Fontainebleau, le dernier dimanche d'août 1906, alors que Zennour était toujours au plus mal physiquement et psychologiquement. Elle fut reçue par Nouryé, dont Grace a écrit dans la préface du livre des lettres de Zennour, qu'elle comprit immédiatement les allusions sexuelles qu'elle lui fit. Les lettres publiées, étalées entre septembre 1906 et mars 1912, sont des courriers d'impressions entrecoupées de souvenirs d'enfance, d'avis sur la société européenne comparés à sa vie à Constantinople, dans un long discours transpirant la tristesse. Marc Hélys, longtemps après les faits, blâmera Grace Ellison, un texte conservé dans ses papiers remis à la BNF nous donne sa vision des faits : « Elles se sont liées aussi avec une Anglaise un peu louche, miss Grace Ellison, une sorte de journaliste mêlée à beaucoup de choses. Cette personne les a accaparées et les a certainement éloignées de moi. J'en ai eu du chagrin d'abord. Ensuite, j'ai compris que cela était mieux ainsi. » On voit ici un autre exemple de déformation de la réalité par Marc Hélys qui cherchait toujours à se donner le bon rôle et celui de la pauvre victime de la méchanceté des autres ! Si Marc Hélys ment en disant que c'est Grace qui l'a éloignée des sœurs, il faut cependant confirmer que Grace Ellison est un personnage trouble, vraisemblablement un temps employée par les services secrets britanniques, qui avouait se moquer de la véracité des propos des deux sœurs, du moment que cela faisait «  vendre du papier ». Grace n'aura aucune considération pour Nouryé, mais de la tendresse pour Zennour.

    Réinstallée dans sa maison de Taksim, Hadidjé-Zennour se remaria en 1920 avec un Mouhoud Bey, le médecin en chef de l'Hôpital de la Marine. Devenue très dépendante de médicaments la soulageant de ses douleurs, elle commença à avoir des troubles mentaux graves après une opération en 1921. Les sources turques, (plus exactement l'écrivain Taha Toros qui publia plusieurs fois en Turquie à propose de Loti), disent qu'elle se suicida par pendaison en avril 1923, ce que confirme Grace Ellison, dans un passage de son ouvrage « Turkey Today », publié en 1928 ; Marc Hélys commenta : « Zennour c'est détraquée à prendre des drogues, cocaïne ou morphine. Lorsque la guerre éclata, elle se hâta de quitter la France. Retournée en Turquie, elle se remaria avec un médecin. On a dû la soigner, la désintoxiquer. Enfin, après avoir donné plusieurs preuves de déséquilibre mental, elle s'est suicidée lamentablement. » Notons ici que, outre que Marc Hélys ne se fait que l'écho de ouï-dire, certes bien renseignés, la consommation de morphine était liée à soulager Hadidjé-Zennour des douleurs de sa maladie, et qu'à l'époque, la cocaïne était considérée comme un fortifiant que les médecins prescrivaient même aux impératrices d'Autriche et de Russie. 

    Après un séjour à Copenhague, Marie Lera publia « La famille royale de Danemark » en 1911, et participa un temps à la Revue Bleue, avec quelques articles pro-colonialisme et pro-évangélisation. Elle décida en 1912 d’aller voir sa fille à Saint-Pétersbourg, où son mari était ambassadeur depuis le 20 juin 1907. Il était devenu durant leur séparation successivement chargé d'affaires pour l'Amérique centrale en septembre 1896 à Guatemala, (une aventure avec une femme mariée fit que gouvernement guatémaltèque demanda au gouvernement mexicain de le rappeler, ce qui ne fut pas exécuté), le 24 Décembre 1897, il avait été promu ministre résidant au Guatemala ; le 19 février 1899, il devint ministre à Tokyo, puis à partir de mai 1904 ministre plénipotentiaire, il fut aussi ministre plénipotentiaire auprès de l’empereur Yixin à Pékin en août 1904, mais resté en résidence à Tokio, jusqu'en octobre 1905, (la légation avait été confiée au chargé d'affaires Moricio Wolheim), il quitta sa fonction de ministre au Japon le 1er février 1907, étant nommé ambassadeur auprès de sa majesté l’empereur Nicolas II de Russie à Saint-Pétersbourg et y resta jusqu'au 26 juillet 1912, et négocia en août 1909 l’accord commercial et maritime entre le Mexique et la Russie, qui fut signée le 2 octobre 1909 (dates du calendrier grégorien). 

     

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    Lettre du président du Mexique Porfirio Díaz à l'empereur Nicolas II à l'occasion de la commission de l'ambassadeur du Mexique en Russie Carlos Americo Lera pour exprimer sa gratitude au gouvernement russe pour sa participation aux célébrations à l'occasion du 100e anniversaire de l'indépendance du Mexique le 7 décembre 1910. (Archives du Ministère des Affaires étrangères de Russie)

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    Signature de Carlos Lera sur la Convention entre la Russie et le Mexique sur le commerce et la navigation,

    le 2 octobre 1909 à Saint-Pétersbourg, (Archives du Ministère des Affaires étagères de Russie)

     

    Durant cette visite faite à sa fille en 1912 à Saint-Pétersbourg, Marie voulu d'extirper à son époux des informations à propos de l'Empereur et de sa famille pour composer un article. Mais Carlos Americo, qui allait prendre sa retraite, ne lui dit rien, à la fois par volonté de respecter sa fonction, mais aussi parce qu'il ne savait rien de l'Empereur qui vivait reclus et qui ne communiquait pas au sujet de ses enfants et de son épouse. Il l'informa de son intention de s'établir à Paris. Il y eut alors une tentative de Marie de se rapprocher de sa fille durant un peu plus d'un an, période qui correspond à une période d'inactivité littéraire.

    María Cruz séjournait alors en Inde ; elle était devenue membre de la Société de Théosophie, sorte de secte fondée par une aventurière russe, prêchant le développement de soi en utilisant l’ésotérisme européen et le brahmanisme en les mélangeant avec la franc-maçonnerie et le martinisme. La société avait fixé son quartier général à Adyar, en banlieue de Chennai. María Cruz avait traîné Marc Hélys à la conférence qu'Annie Besant, la chef de ce mouvement, avait donné à Paris, le 14 juin 1911 à Paris. María Cruz resta en Inde de 1912 à 1914, échangeant de nombreuses lettres avec son amante, faisant état de sa vie quotidienne et de ses avancées en Théosophie ; point qui n’intéressait pas sa correspondante repliée dans son catholicisme de principe, si bien qu’elle finit par lui écrire ironiquement qu'elle lui détaillait les tenues d'Annie Besant car cela seul l’intéressait ! María Cruz revint à Paris atteinte d'une maladie tropicale qui détruisit peu à peu son organisme.

    En 1914, Pierre Loti donna une conférence à Paris, à la rédaction de La Vie Feminine, à propos des femmes turques, où fut lu la lettre de suicide de Lyla que Loti écouta le front entre les mains, pour le grand plaisir de Marc Hélys, présente dans la salle, (cf. Istanbul du 20 mars 1926).

    Durant le Première-guerre-mondiale, Marc Hélys s'engagea comme nombre de femmes de la bourgeoisie à la Croix-Rouge, elle fut chargée de diriger d'un ouvroir et d'une cantine au Quartier Latin, puis en 1915 affectée à la direction des cantines en province ce qui lui permis de voyager à travers la France jusqu'en juin 1917. Elle fit de ses observations des articles publiés dans Le Correspondant, puis rassemblés sous forme d’ouvrages intitulés : Cantinière de la Croix-Rouge 1914-1916, publié en 1917, et Les Provinces françaises pendant la guerre publié en 1918.

    María Cruz s'était engagée elle aussi dans un ouvroir, mais sa santé déclina et elle décéda le 22 décembre 1915 à la clinique du Docteur Blanche. Par testament elle laissa à Marc Hélys de l'argent, ses vêtements, divers objets personnels, et l'usufruit de cinq villas situées dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, qui devaient lui fournir des revenus, et qui devaient après devenir la propriété de la Société de Théosophie. Marc Hélys rassembla les lettres de María Cruz et en édita à ses frais une partie chez un imprimeur d'Evreux, dans un recueil intitulé Lettres de l'Inde, 1912-1914. Elle quitta les cantines en juin 1917 pour séjourner à Londres où elle attendit la fin de la guerre.

    La Révolution russe la priva de l'usufruit des villas, puis la chute du Franc, firent que ce que María Cruz lui avait légué partit en fumée en quelques années.

    Loti, très affaibli par une attaque cérébrale depuis 1919, rendit son âme le 10 juin 1923. Le 26 juin, Marie fit paraître en feuilletons dans la Revue Française les extraits d'un livre qu’elle avait sous le coude depuis des années : « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées », révélé par celle qui fut Djenane », revue dont elle assurait une chronique sous le pseudonyme de « Chantal », puis « Chantal-Marc Hélys ».

    Bombe dans le monde littéraire, scandale, Loti à peine enterré trompé, bafoué. Seul Jacques Evrard en Belgique, dans La Liberté du 25 juin 1923, fit une critique positive du premier chapitre parue. Le 3 juillet la pseudo comtesse de Custine écrivit à Marc Hélys : « Enfin la vérité sort du puits où vous la tenez enfermée depuis longtemps, ma chère amie. »

    On n’en fit pas publicité en France de l'ouvrage paru en septembre, mais il se vendit très bien, et fut réédité tous les ans jusqu’à la Seconde-guerre-mondiale ; à 57 ans Marie connut enfin un énorme succès en librairie. Claude Farrère, qui avait été l'enseigne de Loti à bord du Vautour, sera le seul à s’exprimer, pour défendre le souvenir de Loti, dans le Gaulois du 18 septembre 1923. Sans jamais nommer Marc Hélys, ni le titre de son ouvrage, il assura que Loti avait agi en toute honnêteté, et s’il commenta que le roman qu’il en fit était « médiocre », il conclut son article par « Mais je m’étonne qu’aujourd’hui, « celle qui fut Djenane » nous fasse sa confession publique, non seulement sans contrition aucune, mais avec une espèce d’extraordinaire vanité ».

    Nicolas Serban[6], vengea Loti dans la biographie qu’il lui consacra en 1924, « Pierre Loti, sa vie et son œuvre », en faisant ce portrait mi-figue, mi-raisin, de Marie Lera tout en évitant de faire passer Loti pour un idiot : « Marc Hélys est la femme de lettres la moins femme de lettres qui soit. C’est une de ses Parisiennes simples et gracieuses qui sont, dans le monde, la plus charmante expression de la féminité. Elle a voyagé dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique où elle a particulièrement étudié les conditions de vie féminine. Elle a rapporté de ses voyages quelques livres bien documentés et écrits avec beaucoup de charme, notamment un livre sur les femmes turques. Se trouvait à Constantinople lors du séjour qu'y fit Pierre Loti. Elle avait parmi les jeunes femmes musulmanes des amies qu'elle aimait et plaignait : le désir de leur faire du bien à toutes, inspira l'aventure d'où allait sortir les Désenchantées. À travers le voile qu'elle ne releva jamais, de peur d'être reconnue par la suite, Pierre Loti ne put distinguer que vaguement son fin profil, ses yeux et ses sourcils sombres. L'héroïne des Désenchantées, aux cheveux dorés et aux yeux d'aigue marine, est une créature de l'auteur et peut être la personnification de l'idéal de beauté que tout artiste porte en lui. Mais si Marc Hélys n'a point les yeux verts pointillés d'or de Djénane, elle possède ce timbre de voix qui émouvait si étrangement Pierre Loti, et qu'il évoque à plusieurs reprises dans les DÉSENCHANTÉES. »

     

    Le 15 juillet 1926, après avoir longtemps souffert d'un cancer de l'estomac, dont ses enfants lui avaient caché la gravité, Carlos Americo Lera décéda à Paris, sans laisser d'argent à se partager, sa fortune ayant totalement fondue et ses dernières ressources ayant servi à payer ses soins. Son corps fut ramené à Saint-Nazaire pour être déposé le 19 juillet au cimetière de La Briandais avec sa première épouse, (sa plaque mortuaire mentionne qu'il était grand officier de la Légion d'Honneur, mais il était aussi grand cordon de Sainte-Anne de Russie, grand cordon de l'Ordre du Soleil Levant, et du Double Dragon de Chine, et Officier de l'Instruction public (Palmes académiques). Seul sa fille Marguerite, qui l'assista jusqu'à la fin, son fils Ramón avec sa femme et son fils[7], furent présents. Fernando était alors chef du protocole au Ministère des Affaires étrangères à Mexico où Edelmira l’avait rejoint et Carlos Americo "junior" était décédé en 1915[8]. Marie fut invitée à rester chez elle. A partir de ce jours, elle dut subvenir seule à ses besoins financiers, redoublant les traductions de romans feuilletons à paraître dans les quotidiens, dont L'Ouest Éclair. L’argent que lui avait laissé sa mère avait fondu avec les chamboulements économiques de la guerre et la dévaluation du Franc. Elle fut contrainte de déménagea de la rue de Tocqueville au 10 rue de Cadix, dans le 15ème arrondissement, dans un trois pièces dont elle sous-louait une chambre, pour payer l'intégralité de son loyer, à de jeunes personnes qu'elle présentait au propriétaire comme étant des « neveux et nièces » . Le logement était sombre et ne comportait que très peu de meubles. Elle avait aux murs une photographie de la Joconde, au-dessus de la cheminée, un cadre contenant une lettre de remerciement adressée au grand-père Charles Laborde pour l'avoir aidé à monter à bord du navire anglais Bellerophon à Oléron, et la photographie dédicacée de Pierre Loti.

    A 65 ans, en 1929, elle donnait des conférences sur la condition et les revendications des femmes à Paris et en province à Ligue patriotique des Françaises, plus importante association féminine de l'époque, dont le but était « la défense de la religion catholique », et qui se déclarer « ennemie du jacobinisme, du socialisme et de la juiverie » et se disait  « républicaine ». Elle devint cette même année chroniqueuse pour le Figaro, journal qui faisait depuis plusieurs années écho de ses articles dans Le Correspondant, et abandonna la Revue Française. Elle y débuta en faisait les traductions de brèves de journaux hispanophones, puis eut sa rubrique, La Vie féminine contemporaine, ce qui consistait essentiellement à relater des expositions d'aquarelles, de peintures sur soie ou porcelaine, de travaux d'aiguille, et autres activités où l'on cantonnait les femmes, avec parfois des critiques littéraires de livre écrit par des femmes, un commentaire des revendications politiques féminines, tel que le droit de vote, ou le compte-rendu d'une conférence donnée par une femme. Cette chronique était plutôt superficielle, Marie n'ayant pas de formation de journaliste d'investigation, et se cantonnant à poser des questions d'une convention bourgeoise relativement consternante, même pour l'époque. S'éloigna de plus en plus du féminisme, elle poursuivit sa carrière au Figaro de façon plus ponctuelle à partir de 1932 ; elle avait alors 68 ans et aspirait à prendre sa retraite. Au Figaro, Marie fut dès son embauche un soutien actif des œuvres catholiques des Sœurs Blanches, et de la Maison du Missionnaire fondée à Vichy par le père Wathé, dont le président d'honneur était le président Paul Doumergue.

     

    À l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Loti, on inaugura une plaque sur la maison de Saint-Pierre-d’Oléron en septembre 1933, la presse alla rechercher les trois mystificatrices et ne trouva que Marie. Elle raconta le souvenir de sa rencontre déguisée avec Loti, dans lequel repris mot à mot l’argumentaire qu’elle avait donné dans Le secret des Désenchantées pour se justifier :

    « […] Ah! nous nous amusions bien devant le désarroi du prestigieux écrivain dont les yeux erraient de l'un à l'autre de ces sombres fantômes, et qui s'écria: « C'est terrible de parler sans voir les visages ! »

     Et voilà que quelque chose d'inattendu se produisit. Au moment de nous quitter, Pierre Loti fut pris d'une vive émotion. Il changea de couleur, ses yeux s'embuèrent.

     « Ne vous reverrai-je plus ? », demanda-t-il. Notre gaieté s'éteignit...

    Dans la cabine-harem du bateau qui nous ramenait à Constantinople, nous restions silencieuses. Il était sincère et nous ne voulions que nous amuser, pensai-je tout haut avec des remords. Eh bien ! faisons- lui vivre un roman, et préparons-lui de jolis souvenirs de ce séjour -peut-être son dernier- à Constantinople.

    Mes deux amies m'approuvèrent avec enthousiasme.

    […]

    Nos lettres furent écrites avec ferveur, avec sincérité, parfois avec des larmes. Car si nous avons fait vivre à Loti un roman, nous l'avons aussi vécu. »

    Marie Lera se dédouana en assurant avoir éprouvé de la douleur lorsqu’elle fit écrire à Loti « Leyla/Djedane » la lettre d’adieu de son personnage, commentant que « l’encre était délayée de [ses] larmes », mais la lettre en question, conservée dans aux Archives de Rochefort, ne comporte aucune trace de pleurs. Les commentaires de la presse furent durs, on ne lui pardonnait pas d'avoir trahi Loti ; certains n'y croyaient pas, défendant le souvenir de Loti, tel l'écrivain Roger Vercel, (1894-1957), qui dans L'Ouest Éclair du 22 juillet 1933, présenta Marie comme une femme qui s'ennuyait dans les représentations consulaires et les ambassades, et affirma : « Quand un écrivain, un poète, se nomme Loti, il peut se permettre de prendre ses personnages où il les trouve, comme le statuaire prend son argile dans le premier trou venu Madame Marc Helys ne fut que l’argile, si elle veut nous faire croire aujourd’hui qu’elle fut, de surcroît, une des émouvantes statues des Désenchantées, personne ne la croira. » 

    Marie donna en 1935 son manuscrits du Secret des désenchantées à la Bibliothèque Nationale, livre qui fut son best-seller. Aucun des autres ouvrages dont elle fut l'auteur n'eut autant de succès, elle commenta qu'elle n'avait jamais eu le temps d'écrire comme elle aurait voulu le faire, étant obligée de gagner sa vie en faisant des articles. En réalité Marie Lera, nous l'avons écrit plus haut, n'a été obligé de gagner sa vie qu'à partir de 1926, entre son premier livre en 1900 et l'arrêt de sa carrière à la veille de la Seconde-guerre-mondiale, elle fut trop occupée à faire de son existence un roman, et malgré son talent d'écriture, sa seule idée littéraire fut le personnage de Leyla. Elle avoua en 1952 à Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais que « que cette liaison, absolument platonique et surtout épistolaire, avait été la grande aventure de sa vie, et que si elle pouvait le revivre, elle voudrait qu’elle fût la même ». Et quand on l'interrogea à cette époque à propos de son engagement pour le féminisme, elle nia l’avoir été, se désignant comme « une traditionaliste » qui n'avait appartenu à « aucun mouvement ou groupe ».

    Dans son rapport sur les prix de vertu devant l’Académie, le 19 décembre 1935, André Chaumeix, dont on disait qu’il faisait et défaisait les élections des académiciens, dit à propos de Marie : « Il existe une littérature comparée des œuvres, qui a été heureusement portée à la connaissance du public par une femme écrivain. Mme Marc Hélys a une grande expérience des problèmes sociaux et une rare science des littératures étrangères. Depuis trente ans, elle s’est intéressée à toutes les causes qui touchent l’éducation des femmes, l’apprentissage, les métiers. Par ses articles de revue, par ses livres documentaires, elle a manifesté un dévouement qui s’est étendu à toutes les œuvres. Les Sœurs Blanches d’abord, la Maison du Missionnaire ensuite ont eu en elle une amie active qui a travaillé au rayonnement de la charité française. »

    Marie s'était alors énormément rapprochée du clergé catholique dans une quête mystique qui traduisait un certain mal être.

     

    Financièrement dans le besoin durant l'Occupation, elle reçut en 1942 un prix de 5.000 fr de l'Académie, grâce à ses relations, (équivalence de 1350 euros de 2019). Puis Marc Hélys disparut de la scène. Elle songea revenir à Saint-Nazaire… Su gibi git su gibi gel, (soit comme l’eau, va et reviens)… mais la ville était en reconstruction et qu'il n'y restait rien du passé. Devenue aveugle vers 1950, elle avait uniquement les visites deux fois par semaine d'Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, (1904-1997), employée comme secrétaire, qu'elle ne payait pas et à qui elle racontait une version réinventée de sa vie, et d'une voisine, madame Boutet-Lagrée, qui avait commis un roman pour oriental enfant et quelques poèmes, veuve d'un officier devenu illustrateur à sa retraite, Paul Boutet-Lagrée. Sa fille faisait parfois le déplacement depuis Genève, depuis qu’elle y avait épousé le 6 septembre 1930 le baron helvétiquo-saxon Camille Aloys Eynard[9], (Dresde 2 juillet 1864 - Genève 27 août 1942). Les visites étaient éclaires, la baronne ne voulait pas avoir trop près d’elle cette mère égoïste, fantasque et mythomane qui lui infligeait une caresse et trois coups de griffes dès qu’elle passait plus d’une heure avec elle, et qui ne revenait vers elle que parce qu'elle ne savait plus se débrouiller seule. La ville de Bron, à côté de Lyon, fut décrétée comme lieu idéal de retraite pour Marie, (Marguerite rendait visite régulièrement à ses nièces Lera qui habitaient non loin). Marie s'y installa à la Pension Jésus Marie, une maison religieuse pour personnes âgées, sous le nom de Hortense Héliard, effaçant son passé de femme, et c'est au lieu-dit Le Mas des Tours, le 9 octobre 1958, qu'elle décéda, dont le joli nom cache en réalité celui du l'Asile départemental d'aliénés de Bron, où l'on avait fini par se débarrasser d'elle.

    Inhumée à Bron, dans une concession pour quinze ans, qui ne fut renouvelée une fois, il semble que sa tombe fut reprise et que ses restes sont aujourd'hui en l'ossuaire du cimetière.

    Durant des années elle avait tenu un journal intime, remplissant plusieurs cahiers qui furent détruits ou perdus en 1989 dans la confusion que laissa la succession de sa fille.

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    Acte de décès de Marie Lera.

     

    À Saint-Nazaire il ne reste rien d’elle, seule la famille de son époux y subsiste. À İstanbul Mack Hélys est encore parfois cité. Atatürk, le père de la Nation a donné l’égalité des droits aux femmes, les a toutes revêtues à l’occidentale et les a poussées à étudier, mais la condition de la femme en Turquie reste très fragile.

     

     

    Bibliographie :

    ‎Sous le nom de Marie Lera :

    Les Petits Boërs : épisode de la guerre du Transvaal en 1900‎, Paris, Librairie Gedalge ;

    Sous le pseudonyme de Jean d'Anin :

    1903 - Laquelle ?, Editions Plon, Collection Stella n°107,  ;

     

    Sous le pseudonyme de Marc Helys :

    1906 - À travers le féminisme suédois, Plon-Nourrit et Cie, Paris, 1906 ;

    1908 - Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie, Perrin et Cie, Paris, 1908 ;

    Cantinière de la Croix-Rouge 1914-1916, Perrin et Cie, Paris, 1917 ;

    1921 - Aimé pour lui-même, Collection Stella, Petit Echo de la Mode, Paris ;

    1923 - Le secret des désenchantées, Perrin et Cie, Paris ;

     

    Il faut ajouter à cette liste de nombreux articles, ainsi que les traductions suivantes :

     

    1911 - Le Vieux Manoir, Selma Lagerlöf, Perrin, Paris ;

    1912 - Dans le désert, Grazia Deledda, Hachette, Paris ;

    1914 - Une héroïne de la Renaissance italienne, Caterina Sforza, 1463-1509, traduction partielle de l'ouvrage historique en trois volumes de Pier Desiderio Pasolini, Perrin, Paris ;

    1917 - En mission secrète ; Par Celui qui a dîné avec le Kaiser, Perrin, Paris, mais qui pourrait être en réalité une supercherie de Marie Lera réalisée à partir de ragots d'ambassades ;

    1919 - Les fautes des autres,  réédité sous le titre Des roseaux sous le vent, Grazia Deledda, Paris, Grasset ;

    1922 - La Colline ensoleillée, Maria Albanesi, Petit Echo de la Mode

    1925 - Une étrange veuve, Gertrude Wentworth-James, Perrin, Paris

    1926  - Béatrice Cenci, Bruno Brunelli, Perrin, Paris ;

    1927 - Kar-Chat ou la Première Neige, Ferdynand Goetel, La Renaissance du Livre, Paris ;

    1928 - Polichinelle, François-Martin Salvat ;

    1928 - Tout se paye, Ruben et Ivy Sen ;

    1928 - Une Amie de Casanova, Bruno Brunelli, Perrin, Paris ;

    1929 - Vu par des yeux orientaux, Ernest Poole ;

    1933 - Les collines ensoleillées, Maria Albanesin, Stella, Paris ;

    1936 - Betty et ses amoureux, Hachette, Paris ;

    1938 - La gloire de frère Antoine, Nello Vian, Librairie Académique Perrin, Paris

     

     

     

     

    [1] Pierre Loti séjourna à Saint-Nazaire en mars 1878, il écrivit notamment dans son journal intime à la date du 15 : « Longue promenade sur la plage du Porcet. […] Dévalisé les jardins pour remplir une caisse de camélias destinée à Sarah Bernhardt ». Une rue de la ville a été baptisée à son nom.

    [2] Une histoire d’amour entre un officier de la marine britannique et une femme du harem d’un vieillard.

    [3] Il orthographiait ainsi le nom de la ville que tout le monde nommait encore Constantinople.

    [4] A propos de monseigneur Laborde et d'Athanase Laborde : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/06/26/notes-sur-la-famille-laborde-6062599.html

    [5] En octobre 1916, il fut nommé ambassadeur à Copenhague, en décembre 1917 à Sofia où il resta en fonction jusqu'en novembre 1918. Puis, entre février et avril 1920 et octobre 1920 et juin 1921, il fut deux fois ministre des Affaires étrangères, et enfin ministre du commerce de juin 1921 à novembre 1922.

    [6] Critique littéraire et professeur de littérature française à l'Université de Jassy en Roumanie, il se nommait en réalité Nicolas Serbanesco.

    [7] Ramón Lera Borrell fut consul du Mexique à Kobé, à Yokohama, à Brême de 1909 à 1915, puis à Saint-Nazaire de mars 1923 à novembre 1927, puis à nouveau de 1935 à 1939. Il habitait au 27 rue de l’Océan, (Vincent Auriol), à l'angle de la place Carno (Quatre z'Horloge). Il avait épousé Suzanne Buchy (1889 – Saint-Nazaire 27 octobre 1932) dont il eut :

    Enrique Lera Buchy, (Brême 19 octobre 1910 - Saint-Nazaire 1997), docteur en médecine à Mexico, puis à Saint-Nazaire, marié 5 fois ; il eut une fille de sa première union avec Marie-Georgette Moret (Saint-Nazaire 22 septembre 1911 - Lorient 9 mai 1978) ; sa cinquième épouse fut Marion Frey, (1945-1982), d’où : une fille et un fils : Enrique Rodolfo Lera Frey, (Mexico 18 mars 1968 – Saint-Nazaire 4 mai 2018).

    [8] Fernando fut secrétaire de la légation du Mexique à Tokio en 1907, puis, vers 1915, à Oslo, promu ministre du Mexique à Stockholm de 1918 à 1919, puis chef du protocole au Ministère des Affaires étrangères à Mexico : Edelmira s'établit aux Etats Unis d'Amérique avant la déclaration de guerre, elle fut professeur de français à New-York, puis elle épousa Ernest E. Beauvais, capitaine dans la marine marchande des U.S.A., avec qui elle alla vivre à New Bedford au Massachusetts, dont elle fut veuve en avril/mai 1959 ; elle décéda après le 17 mars 1971 ; Carlos Americo Lera Borrell, avocat, officier de l'Ordre du Nichan Iftikhar (Tunisie), officier de l'Instruction Publique (palmes académiques), fut consul à Lyon de 1904 à 1908, il s’y maria, et décéda jeune de la tuberculose le 18 juin 1915 à Paris. Il laissa de son union avec Henriette-Alphonsine Lavenir, (Lyon 12 décembre 1888 - Lyon 16 septembre 1969), un fils, Roberto Lera-Lavenir, (Lyon 20 août 1909 - Lozanne (du Rhone) le 10 avril 1992), se maria avec Gabrielle Versaud, dont il eut Danielle, épouse Dubault Lera-Versaud, (Villefranche sur Saône, 27 octobre 1939 - 4 juin 2015), dont il divorça en 1954, puis se maria avec Odette-Simone Violet, (Lyon 10 juin 1925 - Chambéry 8 septembre 1985), dont il eut deux filles.

    [9] Marguerite Lera fut la quatrième épouse du baron Camille Alois Eynard, (titre de freiherr accordé par le roi de Saxe à son père ; armoiries : d'argent, au lion de gueules) ; il était l'arrière-petit-neveu du banquier et philanthrope Jean-Gabriel Eynard qui participa activement à l'indépendance grecque, et avait été chef d'escadron du roi de Saxe, et avait deux enfants de son second mariage. Marguerite décéda à Genève le 22 janvier 1989, elle n'eut pas d'enfant.

  • Notes sur la famille Albanel de La Sablière

    Famille anoblie par l’élection à l’échevinage de Lyon en 1716, présente aux État généraux de 1789, établit en Bretagne vers 1850.

    Armes : D’azur au chevron d’argent, accompagné de deux étoiles et d’un croissant du même.

     

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    Cette famille s'établie en Bretagne avec Louis-Victore Albanel de La Sablière, (Cayenne 1768 - Muzillac, 21 août 1853), douanier, qui laissa une nombreuse descendance en Morbihan et Loire-Atlantique. 

     

    I° Armand-Pierre-Marie Albanel de La Sablière, né à Ploermel en 1856, chaudronnier, domicilier rue de la Trinité à Saint-Nazaire, puis au 15 rue de La Ville-Étable, époux de Marie-Joséphine-Françoise Le Sousse, (1858 - Saint-Nazaire janvier 1931), d'où :

    1° Marie-Marguerite, (Saint-Nazaire 21 mars 1884 - Saint-Nazaire 22 mars 1957), 

    2° Louis-Médéric, qui suit ;

    Louis-Médéric Albanel de La Sablière, né à Saint-Nazaire le 4 avril 1885, chaudronnier, sous-chef atelier tuyauterie, médaille d'argent d'Honneur du Travail en août 1934, (remise en janvier 1935), pour 31ans de service, domicilié d’abord au 33 rue Alcide Benoît, puis 52 rue Jean Jaurès, décédé à Saint-Nazaire en avril 1935, inhumé le 19 avril 1935 à 15 h 45 au cimetière de La Briandais ou sa tombe existe toujours (cf. Ouest éclaire du 19 avril 1935) ; marié à Saint-Nazaire le 14 avril 1916 avec Gabrielle-Berte-Julie-François Daumer, née à Dol en 1893, d’où :

    II° Maurice-Robert-Louis, (Saint-Nazaire 9 février 1917 - Paris 5° 16 mai 1983), bachelier à Rennes en juillet 1935, puis employé à la Direction générale de l'aviation civile ; Service des personnels et de la gestion ; Sous-direction des personnels et des affaires juridiques ; Bureau des personnels.

     

  • Une figure nazairienne : Louis Campredon

    Au cimetière de la Briandais est une tombe noire, parmi celles d’autres personnalités locales. C’est celle de Louis Campredon, de son vivant grande figure de Saint-Nazaire, et de son épouse.

     

    Louis-Campredon, Saint-Nazaire

    Louis-Léon Campredon, naquit le 1er juin 1863 dans une famille protestante à Saumane dans le Gard. Il fit ses études au Collège d'Alès, puis à Paris au Collège Chaptal. Il suivit les cours de Frémy au Muséum et débuta comme chimiste à l'usine Dessignole qui s'occupait de l'extraction de l'or.

    Successivement sous-chef du Laboratoire de la station agronomique de Seine et Marne, chef du laboratoire des Usines métallurgiques de Fourchambault et Imphy, directeur de la fabrique de platines Chapuis, chimiste-expert au Laboratoire municipal de la Ville de Paris et, enfin, chef de laboratoire des Usines de Trignac en 1892.

    En 1897, il fonda son propre laboratoire d'analyses métallurgiques à Saint-Nazaire, rue de Villès-Martin, qu'il dirigeait encore au moment de sa mort et qui avait une renom mondiale[1].

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    L'Ouest-Éclair des 31 octobre 1938 et  8 novembre 1938 donnent du laboratoire les descriptions suivantes : 

    « Rue Villès-Marin, dans sa partie la plus paisible, éloignée du centre, un immeuble de modeste apparence porte, à l’une des ses entrées, un petit panneau émaillé sur lequel on lit ces mots : R. Campredon, chimiste, Laboratoire, s’adresser, etc ... Ce n'est certes pas cette courte inscription qui permet au profane de deviner qu'il s'agit là de l'un des premiers laboratoires industriels existant en Europe. » (31/10/1938)

     

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    L'Ouest-Éclair du 31 octobre 1938

     

    « L'établissement, en dehors des bureaux, comprend six pièces et un pavillon où sont rangés les échantillons de minerai déjà soumis à l'analyse et qui sont classés suivant leur nature ou leur destination et usage. La première pièce comprend des mortiers et des fours permettant de donner aux échantillons une forme telle qu’ils puissent ensuite être réduits en leurs éléments composants. Ceci est obtenu grâce à l’action d’acides ou par la distilla1on dans les autres pièces qui font suite à la première salle. […] Une chose qui frappe le visiteur, c'est l'odeur très pénétrante des acides. Ceux-ci ne se manifestent pas qu'à l'odorat. On remarque que le matériel est attaqué par les vapeurs acides. […]

    En dehors du laboratoire proprement dit, M. Campredon a créé une collection de minéralogie, pétrographie, paléontologie, conchyliologie, etc., qui est fort appréciée par les spécialistes. On y trouve des échantillons remarquables, dont certains proviennent des endroits les plus reculés de l'Univers et qui ont été envoyés par des entreprises d'exploitation de mines, par des prospecteurs ou par des savants en mission. […] du cuivre du Lac Supérieur, du nickel de la Nouvelle Calédonie, des terres radioactives de Madagascar, etc. Une ébauche magnifique de Chaudron décore cette salle. » (08/11/1938)

     

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    L'Ouest-Éclair du 8 novembre 1938

     

    Il avait aussi fondé en 1918 la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire, organe rattaché à la Ligue nationale, qui luttait contre l'alcoolisme et gérait des kiosques de tempérance décimés autour du port. Ces kiosques, qui avaient pour enseigne une étoile bleue, vendaient du café et autres boissons non alcoolisées, mais ne rendaient pas la monnaie, ou du moins la rendaient sous forme de jetons utilisables uniquement chez eux, et qui furent rapidement imités par la coopérative de vin de Vallée, semant une certaine confusion.

     

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    Exemples de jetons de la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire

     

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    Kiosque devant les bâtiments des douanes

     

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    Kiosque du pont des frégates

     

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    Kiosque de la nouvelle entrée rue de Guérande

     

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    Buvette improvisée au parc des Sports

     

     

     

    Louis Campredon collabora avec le docteur Méloche[2] à l’Œuvre Antituberculeuse ; fut président du comité général des fêtes de Saint-Nazaire, inspecteur départemental de l’enseignement technique ; président de la Société d’Aviculture de Saint-Nazaire ; de la société de sport nautique Les Goélands Nazairiens[3] ; qui a appris à nager à des centaines de Nazairiens dans le Bassin de Penouët ; il fut nommé en novembre 1923 par le Préfet au Comité de patronage des Habitations à bon marché et de la prévoyance sociale, dont il fut le trésorier ; et fut membres des conseils d’administration d’une vingtaine de sociétés privées.

     

    Il avait épousé à Rouen, le 31 octobre 1891, Berthe-Anne-Marguerite-Marie Decazes, dite Marie, (Fargues en Gironde 14 février 1872 - Saint-Nazaire 1829), à  fille de  Jacques-Léon Decazes, (décédé à l'âge de 43 ans à Macau en Gironde le 16 octobre 1876), et d’Augustine Marie-Suzanne de Coquerel, (décédée à l'âge de 34 ans à Fargues, le 7 juin 1872)[4], dont il eut une fille, Yvonne-Pauline (Saint-Nazaire 29 janvier 1894 - 13 avril 1983 Aubagne), épouse en premières noces, le 8 octobre 1921, à Saint-Nazaire, de Georges-François-Paul-Léon Isabey, dont elle divorça, en secondes noces à Paris 20e le 29 janvier 1938 avec Georges Dobrovolsky et un fils, Roger-Léon (Saint-Nazaire 11 mars 1896 - 16 octobre 1973 Saint-Nazaire), marié à Montrouge, le 8 décembre 1923 avec Suzanne-Marie David (Paris 4e 5 novembre 1898 - 5 février1983 Blain), couturière (veuve, elle fit dont en septembre 1974 de la bibliothèque et des archives de son époux à la Bibliothèque municipale, dons depuis réparti entre la Médiathèque et les Archives de la Ville).

     

    Le samedi 22 décembre 1928, Louis Campredon partit de la gare de Saint-Nazaire à 7 h du matin, par le train de Nantes, pour y retrouver monsieur Ménoreau, industriel à Chantenay, avec qui il devait minéraliser en Vendée. Monsieur Ménnoreau possédait une torpédo fermée. Venant de quitter Montaigu où ils avaient fait un arrêt pour y boire des boissons chaudes, en passant le pont de Saint-Georges-de-Montaigu, qui domine la Maine à 9 m de hauteur, la voiture dérapa sur une plaque de verglas, fit une embardée, et tomba à l’eau de la rivière en crue, qui engloutit tout entière l’auto. L’accident fut observé par un paysan dans son champ qui alerta immédiatement les secours.

    Il fut plusieurs heures pour les secours à l’aide de chevaux et de bœufs pour sortir la voiture. Ménoteau n’avait pas lâché son volant, mais en sortant la voiture de l’eau, le corps de Campredon fut emporté par les flots. Il fut retrouvé le lendemain vers 17 h à 40 km en aval. On rapporta immédiatement le corps à Saint-Nazaire dans la nuit, et on fit venir le Pasteur Jospin pour le service funèbre[5].

    Une première longue nécrologie fut publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 29 décembre 1928.

    Le 31 janvier 1928, une cérémonie fut célébrée au Temple de Saint-Nazaire, pour lequel Louis Campredon  contribuait à l’entretien et au financement des œuvres sociales.

    À 10 h le corps de Louis Campredon fut conduit au cimetière de La Briandais. Le défunt avait exigé « ni fleur, ni couronne, ni discours », mais le corbillard fut suivi par une foule nombreuse. Les cordons furent tenus par messieurs Guillou, le docteur Méloche, Guillouet, Le Moine, Lemesle et Solignac.

     

    Le 5 janvier 1929, Le Courrier de Saint-Nazaire publia une seconde longue nécrologie.

    Louis-Campredon, Saint-Nazaire

     

    La Revue de la métallurgie, n° 2, de février 1929, en publia, elle aussi, une.

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    Son épouse ne lui survécut que quelques mois, elle décéda de chagrin en 1929, et fut inhumée avec lui au cimetière de La Briandais. Son fils, Roger, reprit la direction du laboratoire, (détruit dans les bombardements), et participa à la Ligue anti-alcoolique ; il s'illustra comme directeur de la Défense passive. 

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    Roger Campredon dans son bureau au Laboratoire, L'Ouest-Éclair du 8 novembre 1938

     

    Louis Campredon publia un grand nombre d’articles et de plaquettes consacrés à la métallurgie. Citons :

     

    • L'Acier. — Historique, fabrication, emploi. — B. Tignol, éditeur, Paris 1890.
    • La Métallurgie du fer à l'Exposition de 1889. —Ouvrage en collaboration avec M. Hallopeau, professeur à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. — Bernard et Cie, éditeurs, Paris 1891.
    • Les Moulages d'acier. — Edition de la Société de Publications industrielles, Paris 1892.
    • Notes et Formules de l'Ingénieur, du Construcieur-Mécanicien, du Métallurgiste et de l'Electricien. — En collaboration avec MM. Barré, Vigreux et Bouquet. — Bernard et Cie, éditeurs, Pans 1896.
    • Dosage du soufre dans les produits de la sidérurgie. — Monographie éditée par Ch. Béranger, Paris 1897.
    • Essais des minerais par la voie sèche. — Editions de la Société de Publications industrielles, Paris 1897.
    • Guide pratique du Chimiste-Métallurgiste et de l'Essayeur. — Ouvrage honoré d'une récompense par la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale. — Ch. Béranger, éditeur. (Resté une référence durant quarante ans, il fut couronné par Le Comité des Arts chimiques).
    • Analyse chimique et essais des combustibles. — Conférence faite le 26 octobre 1897, à la réunion de l'Association des Anciens Elèves de M. Frémy. — Ch. Béranger, éditeur.
    • Analyse rapide des fers, des aciers et des fontes. — Brochure éditée par la Société de Publications industrielles, Paris 1900.
    • Dosage de l'argent et de l'or, par la voie sèche, dans les minerais. — En collaboration avec M. G. Campredon. — Ch. Béranger, éditeur, Paris 1904.
    • Détermination expérimentale du pouvoir agglutinant des houilles (Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 2 décembre 1895).
    • Dosage du phosphore dans les cendres de houille et de coke (Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 7 décembre 1896).
    • En outre, il collabora au Dictionnaire des Arts industriels, publié par M. E.-O. Lami.

     

    [1] Revue de la métallurgie n° 2, février 1929, p. 115 ; et L'Ouest Éclair du 31 octobre 1938.

    [2] Il en était l'un des vices présidents, avec monsieur Gorel. Le docteur Pierre-Ernest Méloche, (1860-1946), ancien interne des hôpitaux de Nantes, avait son cabinet 24 rue Henri Gautier à Saint-Nazaire. Il fut la risée de la ville et de la profession à la suite d’une erreur de diagnostic : le 18 mars 1896 le juge d’instruction de Saint-Nazaire, Jules Batillat, (père de l'architecte André-Laurent Batillat), convoqua le docteur Méloche pour examiner une prévenue, la veuve Billy, arrêtée sous l'inculpation d'infanticide. La femme nia l’accusation, et affirma être toujours enceinte. Le docteur Méloche se déplaça, examina, et dit que la femme avait déjà accouchée. Deux jours plus tard, la veuve Billy accoucha en prison d'un enfant de cinq mois qui ne vécut que quelques minutes. Elle porta plainte conte le médecin, et lui réclama 1.000 frs de dédommagement, (la consultation qui avait coûté 6 frs au Tribunal de Saint-Nazaire). Le tribunal de Saint-Nazaire condamna le docteur Méloche le 26 février 1897. Il gagna en appel à Rennes le 2 juin 1898. Son honneur étant lavé, il reprit sa place à Saint-Nazaire, et la ville fit comme si rien ne s’était passé, tout en ricanant dans son dos. Appuyé par ses confrères, et ses relations politiques et maçonniques, il fut promu en 1911 médecin chef du comité de la Croix Rouge de Saint-Nazaire. Durant la première-guerre il fut médecin chef de l’hôpital bénévole des sœurs de Saint-Vincent de Paul, puis il dirigea l’Œuvre Antituberculeuse de Saint-Nazaire, et fut nommé président du syndicat des médecins de Saint-Nazaire le 28 septembre 1930.. Durant l'entre-deux-guerres il fut aussi président du Conseil d’Administration de l’École de musique, et était de toutes les inaugurations. Personnalité incontournable et indéboulonnable, il  se fait gentiment moquer par les chroniqueurs de L'Ouest-Éclaire. Réfugié à La Baule à la suite des bombardements, il y décéda en 1946. Si le caveau familial au cimetière de La Briandais comporte une plaque mentionnant " Docteur Méloche 1860 - 1946 ", son corps ne s'y trouve pas. Il fut en effet inhumé à La Baule dans une sépulture provisoire, mais,  dans la confusion de l'après-guerre et de la reconstruction, ses cendres ne furent jamais transférées, la tombe provisoire fut reprise par les services de La Baule et ses restes déposés en l'ossuaire. Il fut aussi  cofondateur en 1913 du Groupe Artistique de Saint-Nazaire http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/30/le-groupe-artistique-de-saint-nazaire-et-le-groupe-de-indepe-6069504.html .

    [3] Fondée en 1924. Voyez à propos de cette société le très complet article que lui a consacré monsieur Michel-Claude Mahé : https://michelcmahe.com/2018/04/01/les-goelands-nazairiens-la-naissance-de-la-societe/

    [4] Mineure au décès de ses parents, elle fut ballottée dans sa famille jusqu’à ce que, à la veille de son mariage, elle fut, le 14 octobre 1891, sous la présidence du juge de paix de Versailles, le conseil de famille l’avait alors confiée à son cousin Eugène Decazes, officier militaire et administrateur colonial.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/08/les-protestants-de-saint-nazaire-6134427.html

  • La famille Calimaque

    Au cimetière de La Briandais un gros caveau à casiers attire le regard. Sur son fronton est inscrit le nom de la famille Calimanque. Ce nom frappe par sa consonance grecque, et l’on nous interroge à son propos.

     

    La famille Calimaque n’est pas grecque, elle est originaire des Charentes, mais son nom, donné par un agent administratif à un enfant trouvé, est inspiré du prénom d'un poète de l'antiquité grecque, Callimaque de Cyrène.

    Paulin Calimaque :

    Paulin Calimaque, est un enfant trouvé qui inscrit sur le registre d'état-civil d'Angoulême le 7 août 1829, à un âge estimé de 5 jours ; devenu maître charpentier, il se fit entrepreneur à son établissement à Saint-Nazaire. En 1873 il habitait avec son épouse, Cécile-Marie Bécigneul, (1839-1914), au 25 de la rue des Halles. Il participa à la construction de l'hôpital-hospice de Saint-Nazaire, à l'édification du bâtiment de la Compagnie Générale Transatlantique, à des travaux aux tours d'Aiguillon et du Commerce, et à la Bourse du commerce. Maître de cérémonie de la Loge maçonnique de Saint-Nazaire[1], c’est lui qui s’étonna auprès du vénérable du fait qu’Aristide Briand ne se présenta pas à son initiation le 1er juillet 1887, (Briand avait préféré être initié à Nantes car cela était plus prestigieux). Paulin Calimaque fut candidat malheureux aux municipales de mai 1888.

    Sur adjudication il se vit attribuer, le 26 décembre 1896, le chantier de construction du phare de la pointe des Chats au sud-est de l'île de Groix. Après quelques retards, il acheva son ouvrage le 15 mai 1899. 

    Paulin Calimaque est décédé à Saint-Nazaire le 10 avril 1903. Durant sa vie il dit être né à Magnac-sur-Touvre, un village de Charente, afin de dissimuler le fait qu'il était un enfant trouvé, et sur les registres duquel il ne figure pas.

    Il fut le père de :

    1° Pauline-Alexandrine, (Saint-Nazaire 21 mai 1861- La Baule-Escoublac 12 janvier 1950), épouse d’Edouard Méneux, (1852-1936), horloger à Saint-Nazaire, d’où :

    a° Henriette-Pauline, (Saint-Nazaire 22 septembre 1880 – La Baule-Escoublac 12 mars 1969), marie le 10 mai 1910 à Jean-Baptiste Douarre, (1873-1941) ;

    b° Pauline-Cécile, (Saint-Nazaire 11 juin 1884 – Saint-Nazaire 9 mai 1976), restée célibataire et qui fit dont des archives de son grand-père à la municipalité, (Fond Calimaque 1860-1901), ainsi que, en mars 1952, des œuvres de son oncle Paulin-Emile qu'elle avait hérité ;

    c° une petite fille décédée à 6 mois mentionnée sans prénom sur le caveau de famille.

    2° Paulin-Émile, né à Saint-Nazaire le 12 août 1873, s’illustra dès l’adolescence comme sculpteur et modeleur. Kerviler dans ces Bio-Bibliographie s’extasie de ses œuvres. Elève de Thomas et de Rouleau, son talent lui valut d’entrer avant sa majorité à la Société des artistes français et d’être exposée au Palais des Champs-Elysées au Salon des Artistes Vivants en 1892 avec le buste du docteur Lajartre, décrit comme " d'un modelage habile et d'une certaine largeur de touche " par Jean Tribaldy dans La Dépêche de Brest ; au Salon de 1893 il fut présent avec celui du docteur de Cour, et en 1894, alors qu'hélas il était décédé quelques mois avant, durant l’hiver 1893, avec « Mon père », buste en terre cuite, et « Mes nièces » médaillon en plâtre. Ces deux œuvres ont été léguées avec les archives de la famille à la ville de Saint-Nazaire, ainsi qu'avec un second médaillon de plâtre, un buste d'Edouard Méneux (non désigné mais reconnaissable), brisé, et un moulage en plâtre de la main de l'artiste.

     

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    Portrait de Paulin Calimaque daté du 7 juillet 1890 et reproduit dans le Dictionnaire bibliographique de la Loire-inférieur de Henri Jouve,  Paris 1895.

     

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    "Mon Père" ; signé à dextre Calimaque P. ; et gravée à Senestre : 9, 0, 1892 ; Terre cuite ;
    H. 43,0 cm ; L. 27,0 cm ; Pr. 25,0 cm ; Poids : 10,8 kg
     © Ville de Saint-Nazaire

     

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    " Mes nièces " ;  signé 0 91 Calimaque. P. ;
    Plâtre vissé sur une de bois bois (fixation faite après décès de l'artiste par sa famille)
    H. 55,0 cm; L. 49,5 cm ; Pr. 7,0 cm ; Poids 5,4 kg

     © Ville de Saint-Nazaire

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    " Ma main " ; " Le 15 Février 1892 " ; Pln CALLIMAQUE (avec deux L !); Plâtre ;

    H. 21,0 cm ; L. 14,5 cm ; Pr. 6,5 cm ; Poids : 1,1 kg

    inscrit au crayon gris au-dessous : " main du sculpteur Calimaque ".

    © Ville de Saint-Nazaire

     

    Tous les membres de la famille Calimaque-Meneux-Douarre, sont inhumés au cimetière de La Briandais dans le caveau Calimaque.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/02/les-loge-et-temples-maconniques-de-saint-nazaire-6132902.html

  • La presse nazairienne, 1857-1944

    Saint-Nazaire eut une presse locale dès le 18 novembre 1857, avec le Journal de Saint-Nazaire, maritime, commercial et littéraire, paru jusqu’en 17 juin 1865. Quotidien puis trihebdomadaire, et finalement hebdomadaire, la BNF n’en conserve de onze exemplaires. On sait peu de choses à son sujet, si non qu’il fût un journal d’information locale, plutôt favorable au régime impérial.

    Ce premier journal eut pour concurrent les publications successives de l’imprimeur Pierre Fronteau.

    Né à Bocé en Maine-et-Loire le 11 juin 1827, Pierre Fronteau s’établit à Savenay comme imprimeur, et y fonda Le Savenesien, en mars 1857, et devint en février 1858, Le Pilote de Saint-Nazaire, journal maritime, commercial et littéraire. Ce journal paraissant deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, puis uniquement le dimanche.

    Pierre Fronteau déménagea en 1868 à Saint-Nazaire au 6 de la rue de l’Hôtel de Ville. Il logeait dans l’entresol au-dessus de son imprimerie avec son épouse, Anne-Marie Chaudet, et leur fille, Berthe-Honorine. Il rebaptisa son journal : L’Avenir de Saint-Nazaire, puis L'Avenir de l'arrondissement de Saint-Nazaire. À l’effondrement de l’Empire, son journal devint républicain, et Pierre Fronteau fut nommé conseiller municipal de Saint-Nazaire en 1871. Il fut aussi secrétaire général du tir et de gymnastique La Nazairienne en 1892, membre de l'Académie armoricaine, administrateur de la Bibliothèque municipale, membre de la Société géographique commerciale, (Henry Jovet lui a consacré une notice dans son Dictionnaire bibliographie que la Loire-Inférieure, en 1895).

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    L'Avenir du 6 janvier 1878, (Archives départementales 44)

     

    Au décès de sa fille Berthe-Honorine à l’âge de 25 ans, le 18 juin 1879, Pierre traversa une profonde dépression et publia en 1880 la correspondance de celle-ci sous le titre « Lettres intimes ». Il décéda le 14 février 1902 à Saint-Nazaire et fut inhumé avec sa fille au cimetière de La Briandais, la tombe existe toujours, abandonnée...

    Devenu farouchement anticlérical au décès de Pierre Fronteau, L’Avenir perdura jusqu’en 1928. En 1921 il était dirigé par Charles Jamouillet, (1864 - Paris 17 mai 1933, inhumé au cimetière de La Briandais)[1], et avait déménagé au 5 rue de l'Amiral Courbet et publiait des photographies, alors que les autres journaux locaux peinaient à s'illustrer. Le procédé fut cependant trop coûteux fut abandonné à partir de 1923. Charles Jamouillet abandonna la direction du journal en 1926. Il devient alors L’Avenir de Saint-Nazaire et de la Loire Maritime, paraissait tous les mercredis, et siégeait au 4 Henri Gautier, au 1er étage, sa directions était  devenue une collectivité. 

     

    Autre journal anticlérical La Démocratie de l'Ouest, organe des intérêts ouvriers, commerciaux, agricoles et maritimes de Saint-Nazaire et Paimbœuf, fondé en 1879 par Eugène Couronné. Ce journal républicain connut de nombreuses difficultés financières ; se publications furent irrégulières jusqu’en 1883. Quotient puis hebdomadaire, ce journal fut acquis en 1892 par Engène-Napoléon-Régulus Lucciardi, (né à Ajaccio 31 mai 1865 - 1935 Hyères), qui en fut aussi rédacteur-en-chef. Journaliste polémiste qui fut auteur de violentes. Républicain convaincu, il avait débuté très jeune comme journaliste collaborant à plusieurs journaux parisiens, dont La SolidaritéLa Presse, et L'Avenir National. Il dirigea Le Patriote, et La République, et à partir de 1892 La Démocratie de l'Ouest. En 1894 il publia La Navarre, huit jours à bord d'un grand paquebot-poste transatlantique: La Corogne, Lisbonne, Gibraltar, avec notice technique, préfacé par Maurice Charpentier, et édité par P. Letourneur, dont Eugène épousa la fille, Marie-Louise Letourneur.  Philanthrope, il finança différentes œuvres nazairiennes, et créa un asile de nuit. Il aida au sauvetage des archives de la Ville durant l'incendie du 14 février 1893, et sauva la vie de Henri Moret, ce qui lui valut par décret du 28 avril 1893 une médaille d'argent de 2ème classe. Il fit de ce journal un hebdomadaire socialiste en 1885 sous l’impulsion de Quémeneur, ancien rédacteur du Populaire, avec qui pourtant Lucciardi fut en conflit ouvert en juin 1893, ce qui entraîna une saisi du Syndicat de presse de Nantes, qui finit par en faire son directeur politique. Eugène Lucciardi entra dans la diplomatie et devient vice-consul de France au Brésil, en Australie, au Congo et au Maroc. Le journal appartenait à P. Maillard en 1892, et son siège se trouvait au 6 rue des Quatre-Vents ; 1905 il était à Maurice Tournadour. Victor Pécot le repris en 1920 et le garda jusqu’en 1930. Il devint alors la propriété d’un comité d’actionnaires et déménagea au 9 rue de Villès-Martin et disparut en 1934. La direction en avait été confiée à Charles Jamouillet déjà cité. Aristid Briand y fit ses débuts de journaliste le 17 août 1884.

     

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    (Archives départementales)

     

    D’autres journaux eurent des existences éphémères : La Basse-Loire journal indépendant des arrondissements de Paimboeuf & Saint-Nazaire, hebdomadaire républicain de centre-droit, il parut du 10 juillet au 3 novembre 1898, et était imprimé à Savenay ; Le Petit Nazairien paru du 11 mai au 22 novembre 1889, trois fois par semaine, ce journal républicain fut racheté par L’Ouest Républicain de Savenay, (journal qui perdura jusqu’en 1904) ; le titre fut repris et devint Le Petit Nazairien, hebdomadaire d'informations locales et régionales, du 27 août 1907 au 16 décembre 1910 ; mais à partir de 1909 ce journal était rattaché groupe de presse Agence républicaine des journaux de cantons, qui possédait L'Écho guérandais, Journal de Blain & des cantons voisins, Journal du Croisic, Batz et Le Pouliguen, et Le Pays de Retz, dont les pages étaient publiées majoritairement à l’identique ; mentionnons le Saint-Nazaire-plage, journal hebdomadaire de P. Guéry, le temps du mois de juillet 1904, il semble que c’est le même journal que La Vague, journal littéraire, mondain et sportif des plages de l'Ouest , qui était aussi publié dans les cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, La Roche-Bernard, et Pontchâteau entre 1905 et 1911. Il devient un supplément de L'Indépendant de l'Ouest à partir de 1909.

     

    Nombre des journaux nazairiens ne furent que des publications dans le cadre des élections ou de coups politiques. Ainsi trouve-t-on : L'Écho de Saint-Nazaire, journal républicain d'intérêts locaux, paraissant les mercredis soir et samedis soir, le temps des élections municipales des 3 et 10 mai 1896 ; Le Père Nazaire, paru le 1er mai 1896, journal d’ouvriers ; L'Ouest républicain débuté le 21 janvier 1888, (date choisie par provocation envers les royalistes), et aussitôt arrêté, puis repris durant quelques semaines en septembre 1889, il appartenait non pas à Aristide Briand, comme on le croit souvent, mais Léonce-Adrien-Saint-Ange Pelloutier, commis principal des Postes et Télégraphes de Saint-Nazaire, père de Fernand Pelloutier, et ne fut republié qu’à l'occasion des élections législatives des 22 septembre et 6 octobre 1889 pour soutenir la candidature la candidature d’Aristide Briand, et fut définitivement liquidé le 11 janvier 1890 ; Le Nazairien républicain démocratique, paraissant les lundi, mercredi et samedi, à l'occasion des élections législatives du 27 avril 1902 pour soutenir la candidature de Julien Lanoë ; L'Union ouvrière de Saint-Nazaire, hebdomadaire paru entre les 5 août et 4 nov. 1905, en pleine séparation de « l’Église et de l’État », il reparut à nouveau le temps d’un numéro le 7 avril 1906 ; La Dépêche de Saint-Nazaire et du littoral, édition du soir, ce journal d'informations, paraissant tous les jours, excepté le dimanche à partir du 16 avril 1908 à l'occasion des élections municipales des 3 et 10 mai, il disparut à la fin des scrutins ; Le Nazairien, à l'occasion des élections législatives du 22 avril 1928 pour soutenir la candidature du candidat républicain indépendant Jean Gouzer, avocat au barreau de Saint Nazaire, (dont il fut le bâtonnier de 12 novembre 1913 à 11 juin 1919 et de 9 octobre 1929 à 6 octobre 1931).

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    Le Nazairien du 29 mars 1928, (Archives départementales 44)

     

    Plus surprenant, L'Écho du Vénézuela, parut durant l'année 1887, d'abord imprimé à Nantes, puis à Saint-Nazaire, à l'histoire énigmatique ; et tiré (semble-t-il) à un seul numéro le 1er septembre 1914, le St-Nazaire mail, journal en anglais publié par James M. G. Fay, (en raison du débarquement dans le port des troupes britanniques et australiennes), dont le gérant était Pierre Legal ; et Loire-océan-touriste, organe officiel du Syndicat d'initiative de tourisme du port et de la région de Saint-Nazaire avec un seul numéro paru en mai 1919.

     

    Il y eu aussi différentes revues. Citons : L'Épingle devenue ensuite Le Ruy-Blas, revue littéraire et satirique, paraissant le dimanche, le temps de l’année 1884 , elle appartenait à Émile Derval ; Fernand Pelloutier se risqua avec La Plage, entre le 15 mai 1886 et le 24 juillet 1886 ; Le Réveil Artistique, fondée en 1918 et 1919, qui réapparût sous le nom de La Semaine nazairienne, revue hebdomadaire théâtrale, littéraire, artistique, mondaine, du 1er 7 octobre 1924 au 24 juin 1925, siégeant au 16 rue du Calvaire, cette publication au joli frontispice, fondée par Fernand Salmon, directeur des théâtres municipaux, était au trois-quarts emplie de réclames, publiait quelques critiques théâtrales et cinématographiques, ainsi que des vers de mirliton locaux, dont ceux de Pierre Armor, poète local tombé dans l’oubli, pseudonyme du secrétaire général de la Sous-Préfecture, mais qui durant l’entre-deux-guerres avait parfois la chance de se voir publier amicalement dans les journaux nazairiens.

     

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    La semaine Nazairienne (Archives départementales 44)

     

    Paul Paillotte, nazairien exilé à Paris, tenta sa chance en juin 1910 avec Le Nazairien de Paris organe mensuel des originaires de Saint-Nazaire. Il avait espéré vendre sa publication en gare Montparnasse, mais ce fut un échec.

     

    Les hebdomadaires nazairiens furent écrasés par la concurrence des éditions localisée de L'Ouest-Éclair à partir de 1914, et du Phare de la Loire à partir de 1928. Leur survivance tenait au fait d’être publiés par des imprimeurs qui pouvaient compenser les faibles chiffres de vente par leur commerce ordinaire. Si bien que le seul journal nazairien qui perdura véritablement fut Le Courrier de Saint-Nazaire, journal royaliste, devenu de droite catholique, et tombé dans la collaboration en 1940. Ce journal, le lecteur l’a vu cité plusieurs fois sur ce blogue, mais aussi dans des ouvrages ou des articles de Fernand Guériff, et par ses suiveurs. Et pour cause : ce journal publia à partir de 1930, et jusqu’à sa disparition à la Libération, des articles consacrés à l’histoire et au patrimoine local, très détaillés, finement illustrés, et quelques plaquettes regroupant ces articles.

     

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire, du royalisme à la collaboration :

     

    Fondé 1867 par Frédéric Girard, (né dans Deux-Sèvres, le 7 mai 1835), imprimeur en lettres à Saint-Nazaire, par brevet impérial  du 9 octobre 1866, (en remplacement de N. Richier), qui confia la direction de ce journal à monsieur Bourlet de la Vallée, qui en fit le soutient après Sedan à la cause d’Henri V, éphémère roi de France, (du 1er au 7 août 1830), retenu par l’Histoire sous le nom de « comte de Chambord », et devint le journal des catholiques nazairiens. C’est chez cet imprimeur que René de Kerviler publia ses Documents pour servir à l'histoire de Saint-Nazaire en 1876. Cependant, Kerviler, plus modéré, acquis à la République, préféra s’éloigner de Girard. A l’inverse, Gustave Bord[2], royaliste militant et catholique enflammé, représentant local du Comte de Chambord, s’en rapprocha et publia chez lui son Saint-Nazaire sous la Révolution, 1789-1790, en 1881, et lui fournit quelques articles qu’il ne signa pas.

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en avril 1879, (Archives départementales 44)

     

    À la mort de Frédéric Girard en 1888, son fils, lui aussi prénommé Frédéric, né à Saint-Nazaire, repris la direction du journal, mais finit par le vendre avec l’imprimerie à Léon Bouchet en 1891, un boulangiste qui depuis 1886 publiait des éditoriaux sous le pseudonyme d'Innominalo. Qualifié de « non breton » par Kerviler dans son Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, il ne fut pas moins très attaché à la Bretagne et fut l’auteur de « Profils bretons contemporains » ouvrage oublié paru à Paris en 1888

     

    En 1891, François-Marie-Edmond, (dit Francis) Clavier, repris le journal. Né à Rouans le 2 octobre 1864, il avait débuté comme avocat stagiaire à Saint-Nazaire en 1885, et fut inscrit au tableau en 1892 et cosigna la demande des avocats de la ville pour l’obtention du monopole des plaidoiries au tribunal local. Il avait intégré la rédaction du Courrier de Saint-Nazaire dès 1888, et signait sous le pseudonyme de Jehan d’Hust, en hommage au héros de la ville[3]. Il était particulièrement incisif, voir calomnieux, et se plaisait à créer des polémiques à tour de bras, si bien qu’il se trouvait attaqué nommément dans les autres journaux locaux, jouant sur son patronyme, mais aussi sur un défaut d’élocution dont il semble avoir été victime. Le Petit Nazairien du 21 mai 1889 publia ainsi : « Le Clavier du Courrier de Saint-Nazaire s’est enfin accordé, et en huit jours il a écrit dix phrases qu’il eut mis six mois à prononcer »…

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en mai 1906, (Archives départementales 44)

     

    Francis Clavier décéda à Savenay le 17 septembre 1918. En 1921, sa veuve, née Marie Josèphe Emilienne Gallonier (Savenay 19 juillet 1875 - 21 janvier 1958 Savenay), mit le journal se retrouva en vente avec l'imprimerie. Alexandre-Marie Bernard, surnommé « Alex », (Nantes 1872 - Nantes 1948), ancien dessinateur, catholique nationaliste, qui n’était pas royaliste quoique très imprégner des idées politiques nauséabondes de Charles Maurras, et a qui Clavier avait confié la rédaction en 1909, lança une souscription en 1921 au sein des financiers catholiques du département et les membres de l’Action française. Il collaborait au journal depuis 1908. Appuyé par le souvenir de Clavier qui en parlait comme de son seul successeur possible, Alex Bernard obtient de constituer Le Courrier de Saint-Nazaire et son imprimerie en une société par actions au capital de 250.000 fr réparties en 250 actions de 100 fr partagées entre 144 actionnaires, en mai 1921 sous le nom de Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire. Il y avait pour actionnaires, outre Alex Bernard : le député Henri de La Ferronnays, (1876-1946)[4], leader local de la droite-catholique, pour 50 actions et qui possédait Le Journal d’Ancenis ; Georges Paquet, directeur des Ateliers et Chantiers de la Loire, pour 10 actions ; Raymond de Parscau du Plessis, (1859-1943), maire de Montoire, pour 10 actions ; le marquis Landemont ; Busson-Billault ; le sénateur François Saint-Maur ; Hubert de Montaigu, maire de Missillac de 1927 à 1945, propriétaire de L’indépendant de Pontchâteau et de La Presqu’île guérandaise, pour 20 actions ; l’industriel républicain catholique René Delafoy, (1860-1946), président de la Chambre de commerce de Nantes, et député de la Loire-Inférieure de 1919 à 1924, inscrit au groupe de l'Entente républicaine démocratique. La présidence du conseil d'administration de la société fut confiée à Arsène Chaumier, un financier, qui présidait aussi l'Union Immobilière de Saint-Gohard, et était directeur du collège Saint-Louis, qui fut aussi el beau-père de Georges Parquet, sous-directeur, puis directeur en 1925 des Chantiers de la Loire. Le conseil comprenait aussi E. Bouillet, ancien entrepreneur de travaux publics et F. Kéruel, qui possédait un grand magasin de vêtement à Saint-Nazaire, qui furent aussi du conseil d'administration du Collège Saint-Louis ; Rieul, directeur de la Société Générale et trésorier du Syndicat d'initiative jusqu'à sa retraite en septembre 1929 ; A. Rigoire, agent d'affaires (en fait agent immobilier) ; Adrien-Eugène Daguzan, ancien vice-consul de Russie, agent maritime et négocient associé à Henri Gustin-Stroll. Alex Bernard fut nommé rédacteur et fit du quotidien un journal nationaliste catholique ; il établit l’entreprise au 7 rue du Bois-Savary, et transforma le titre en : Le Courrier de Saint-Nazaire et des cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, Savenay, Saint-Etienne-de-Montluc, et obtient des contrats d'impression pour différentes revues, dont l'édition locale de La Voix du Poilu.

    La Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire ne devient cependant propriétaire du journal et de l'imprimerie que le 3 novembre 1922, après un long procès avec les héritiers de Clavier dont certains avaient contesté la vente et désiraient le vendre plus cher à d'autres. Le journal et l'imprimerie furent transférés le lendemain de l'achat au 24 rue du Palais, Alex Bernard ayant obtenu l’usage d’un terrain acquis par le Henri de La Ferronnays auprès du docteur Ernest Bachelot-Villeneuve, sur lequel il fit construisit une échoppe dotée de deux vitrines te bénir les lieux et les machines par l'évêque de Nantes, monseigneur Le fer de La Motte et le révèrent père don Jean-Baptiste Ollitrault de Keryvallan, abbé de l'abbaye de La Melleray.

    A partir du 4 novembre 1924 : Courrier de Saint-Nazaire - Journal de la Basse-Loire et de la Presqu'île Guérandaise.

     

     

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    Le siège du Courrier de Saint-Nazaire en 1924, l'incendie de la buanderie du primeur voisin manqua de le détruire le matin du 24 septembre 1929. Alex Bernard étant arrivé à 6 h, découvrit le sinistre et alerta les pompiers. Tous les numéros de la revue " La Voix du Poilu ", qui était imprimée la veille furent détruits. 

    (publicité dans le premier numéro de la Revue Nazairienne ; Archives départementales 44)

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire éditait uniquement du texte, mais l’évolution des moyens d’impression fit qu’à partir du 9 avril 1927 il commença à s’illustrer de quelques dessins, puis de photographies à partir du 3 septembre 1927. Les premières photographies vinrent des agences de presse, puis Alex Bernard s’adressa à la société Express-Photo de Saint-Nazaire, mais l’association ne fut pas concluante.

    À partir de 1929, Alex' Bernard fit entrer à la rédaction son fils, Alexandre-Georges-Albert, (Saint-Nazaire 8 juillet 1902 - Nantes 4 juin 1970), dit Alex'fils, et sa fille Renée-Élise-Louise-Marie, (Saint-Nazaire 22 juillet 1898 -  Nantes 1996). Ils signèrent leurs articles sous les pseudonymes de Durandal et Joyeuse, du nom des épée de Roland et Charlemagne. Mais c’est surtout sous le pseudonyme de Jacqueline Bruno que Renée s’illustra avec des articles consacrés aux activités artistiques et culturelles de la ville, et surtout à partir de 1930 Alexandre Bernard père signait déjà certains articles sous le pseudonyme de « un vieux »,  « un vieux grognon », alors que Gustave Olliveau, héritier des chantiers disparus à Méan signait « un catholique méanais »,  puis « un vieux méanais ». Père et enfants s’amusèrent à se répondre par articles interposés, et à se faire de fausses querelles. Il arriva même que René se parlât à elle-même à travers Joyeuse et Jacqueline Bruno ! Dans cette joueuse schizophrénie familiale, les deux enfants Bernard tirèrent leurs épingles. Alex fils fini par devenir le photographe du journal dès 1931, il réussit même inciter son père à insérer à partir du 12 novembre 1932 un jeu concours qui proposait aux lectrices de se reconnaître sur photographie publiée et de gagner un bon d’achat de 50 fr chez un commerçant de la rue de Nantes. Il obtint aussi de son père de faire éditer certaines de ses photographies sous forme de carte postale, hélas le procédé d’impression étant celui du journal, ces cartes étaient laides et trouvèrent difficilement preneur.

    Renée sous le pseudo de Jacqueline Bruno se fit historienne locale à partir de 1931, aidée par Paul Bellaudeau, (Nantes en 1899 - La Baule 1947), qui lui illustra ses articles à l'aide de dessins, et avec qui elle réalisa une plaquette : « Les curiosités mégalithiques de Dissignac et du Pé en Saint-Nazaire-sur-Loire ». Paul Bellaudeau travaillait au Maroc et ne pouvait illustrer chaque article, aussi René s'adressa à Charles Beilvaire[5] qui lui livra ses souvenirs, illustra ses articles, et lui permit d’utiliser la documentation qu’il avait accumulé tout au long de sa vie sur Saint-Nazaire. Cette collaboration prit brutalement fin en 1936, entrainant la raréfaction des articles à propos de l’histoire locale, car Charles Beilvaire était en réalité le véritable auteur de leur majorité. Charles Beilvaire fut contraint de s'occuper de son fils aîné qui était atteint de démences en raison d'une syphilise non soignée. Paul Bellaudeau revint définitivement à Saint-Nazaire en 1933. Très catholique, célibataire, Paul était plus proche des opinions politiques de Renée Bernard que ne pouvait l’être Charles Beilvaire, et celle-ci avait des espoirs sentimentaux envers lui, hélas non réciproques.

    C'est Renée/Jacqueline qui incita son père à faire de l'édition de plaquettes historiques, d'abord des tirages spéciaux réunissant des articles parus, puis de courts livres spécialement écrits pour l'édition, aux tirages limités. Elle espéra en faire une vraie maison d'édition après que son père édita en 1930 un livre du nazairien Gustave Bord, « Grandes et petites légendes », ouvrage consacré à des événements se déroulant en Bretagne, ne traitant pas de Saint-Nazaire ; elle arriva ainsi à faire éditer en 1931 « Les trois jardins de Pierre Loti », œuvre devenue de référence, écrite par le nouvelliste déjà reconnu, Antoine Vicard, mais l'expérience d'écriture non-nazairienne stoppa là.

     

     

    Le 18 avril 1931, le journal devint : Le Courrier de Saint-Nazaire et sa Région, (puis de la Région).

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    Déjà dur envers François Blancho et son conseil dès 1925, à l’arrivée du Front Populaire, Alex Bernard et ses enfants, qui remplissaient à eux trois la presque totalité des colonnes, commencèrent à devenir vociférant envers le maire de Saint-Nazaire et le Gouvernement. La question de la franc-maçonnerie, à laquelle Blancho appartenait, comme beaucoup de cadres du parti SFIO, et les relents des idées de Léon Daudet associée à celle de Maurras, devinrent de plus en plus flagrants dans les articles politiques. Le journal qui s’était contenté jusque-là de la vie locale du canton, commença à relayer et commenter les événements nationaux et internationaux. La Guerre d’Espagne et les débordements des Républicains espagnols envers les congrégations catholiques, firent sortir de ses gonds Renée dont les analyses manquaient de finesse.

    En 1937, Alex Bernard commença à avoir des problèmes de santé, il laissa ses enfants diriger certaines éditions en son nom.

     

    À la déclaration de Guerre, Alexandre fils dut partir au front. Démobilisé, il rentra à Saint-Nazaire en fin 1940, sa sœur avait assumé jusque-là direction du journal et celle de la rédaction. Il la remplaça toujours au nom de leur père qui de temps à autre reprenait la direction de la rédaction, et surtout s’épanchait en article à la gloire de Pétain et de Laval, et à la haine des Britanniques, de De Gaulle, tout en caressant l’occupant dans le sens du poil à l’occasion. Certes, nombre de français se raccrochèrent à Pétain, et l’invasion du pays avait rendu la population totalement idiote au point de croire que ce vieillard déjà sénile pouvait les sauver. La majorité des gens crurent que le discours de Pétain du 30 octobre 1940 enjoignant à la collaboration avec l’occupant était la voix du bon sens. Cependant, les Bernard, y virent l’arrivée d’une renaissance nationale qui ferait triompher l’Église catholique en se débarrassant au passage de tous ceux qui n’entraient pas dans leur idéal.

    Les journaux de la France occupée n’avaient pas obligation de publier les déclarations de Pétain et de son gouvernement, pas plus que celles d’Hitler. Cependant, dans des encadrés ornés de la francisque, les Bernard publièrent le moindre éternument de Pétain et Laval, de celui qu’ils nommaient avec une déférence larvaire « Le Führer ». Certains actionnaires du journal tentèrent de s’imposer à la ligne éditoriale d’Alex Bernard, mais ils furent minoritaires. Au demeurant La Ferronnays et Delafoy étaient des états de santé qui ne leur permettaient plus de réfléchir. Enfin, nombre de cardinaux et d’évêques français soutenaient Pétain et Laval, c’était le cas du cardinal Gertier, archevêque de Lyon, prima de France, et aussi de monseigneur Villepelet, évêque de Nantes, ce qui contribua à conforter les Bernard dans leur position.

    Quand les Britanniques lancèrent l’Opération Chariot le 27 mars 1942, dans l’édition du 3 avril, Renée Bernard/Jacqueline Bruno, fit un parallèle avec la Bataille de Dunkerque en écrivant dans le titre que les soldats n’avaient pu rembarquer, et ajouta dans son texte : « Churchill allait, sans plus tarder, donner des gages de civisme au chef suprême Staline en déclenchant la fameuse offensive de l’Ouest ». Aucun pot à la faveur des Nazairiens qui portèrent secours aux soldats britanniques, ni à propos de la répression qu’ils subirent de la part des Allemands qui rasèrent leurs maisons. Les articles suivants de Renée Bernard ne furent du martèlement contre le bolchevisme entre deux exaltations aux prélats, et des odes à Pétain proches de la stupidité plus que de l’aveuglement. Mais leur discours était celui décomplexé du président de la Corporation nationale de la presse française, Jean Luchaire, des membres du gouvernement de Vichy tels que Fernand de Brinon et Joseph Darnand, ou encore d’un nazairien que l’on oublie dans l’histoire locale, Alphonse de Châteaubriant, qui habitait au 16 rue des Halles, et qui avait fondé à Paris le journal collaborationniste La Gerbe, et dans les colonnes duquel se mouillèrent quelques autres Nazairiens, (certes Cocteau et Marcel Aymé y écrivaient aussi).

     

    Si les Bernard se montrèrent sobres et peu pour ainsi dire mués à propos des bombardements, il faut tenir compte qu’il avait été demandé de ne pas s’appesantir sur la situation et ne pas déprimer plus la population déjà éprouvée. On ressent cependant dans les colonnes une haine envers les Britanniques, mais modérons ici le propos en rappelant que les méthodes de bombardement des Britanniques, révoltaient les Nazairiens, qui leur reprochaient, non sans raison, d’envoyer leurs bombes à côté des objectifs véritables. Dans une lettre datée du 23 mai 1942, adressée à Gabriel Loire, et conservée dans les archives de son atelier à Chartres, le chanoine Gouy, qui ne faisait pas de politique, et à qui ne s’est jamais risqué à soutenir un parti ou l’autre, écrivit : « […] Nous avons eu plusieurs bombardements sérieux qui ont fait pal mal de victimes et beaucoup de dégâts. Les Anglais se comportent comme des bandits, ils jettent leurs bombes n’importe où et n’importe comment. Nous connaissons depuis longtemps la nuit sans sommeil, au fond d’une cave. […] »

    Mais l’enthousiasme devant la guerre menée par les Allemands contre les Soviétiques et les Britanniques explosa sitôt après, n’hésitant pas à employer les termes de « péril bolchevique » et de « Croisade contre le Bolchevisme », ou blâmant « le temps où la France était gouvernée par les Juifs ». Le numéro du 3 juillet 1942 est un condensé dès la première page des opinions des Bernard s’exaltant des victoires du Reich en Égypte et devant Sébastopol, une ode à Laval, une louange aux Travailleurs français partis en Allemagne, et la félicitation de la réouverture du bureau d’engagement des la Légion des Volontaires Français, (LVF), dans un nouveau local au 10 de La Villès-Martin, après avoir été victime d’un incendie, événement qualifié « d’attentat ».

     

    Le 29 janvier 1943, Alex Bernard père quitta ses fonctions à la faveur de son fils. En première page il adressa un message aux lecteurs, expliquant son combat contre ses adversaires « francs-maçons, marxistes, démocrates, de toutes obédiences, et à cette masse de braves gens, crédules à l’excès et aveuglément confiants dans les bobards des Juifs de la radio de Londres, de Moscou et de Boston ».

     

    À la suite des bombardements du 28 février 1943 qui détruisit le centre de Saint-Nazaire, les Bernard fuirent avec le matériel de l’imprimerie à Sainte-Marie (aujourd'hui commune de Pornic). La poursuite de la publication s’acheva en 1944 avec l’absence de livraison de papier.

     

    À la Libération les Bernard furent arrêtés, internés à Nantes, ils furent jugés par la Cour de Justice de la Loire-Inférieure pour collaboration le 25 février 1946. Ils se défendirent en argumentant que, journal catholique, ils avaient suivi ce que le clergé propageait... mauvaise défense qui ne fit qu’aggraver leur situation.  Alex père écopa de 5 mois de prison, Alex fils de 3 ans, et Rénée de 3 mois, condamnations accompagnées d’indignité nationale à vie et de la confiscation totale de l’ensemble de leurs biens, avec  dissolution du Courrier de Saint-Nazaire. Par arrêt du 6 novembre 1946 et deux décrets en date du 9 novembre 1946, Le Courrier de Saint-Nazaire et de son imprimerie furent la saisis, et par arrêt du 24 janvier 1947 ils furent transférés et dévolus au profit de l’État[6]. Le journal ne réapparu jamais, et l’entreprise fut définitivement démantelée en 1947.

     

    À sa sortie de prison en 1950, Alex fils retrouva sa sœur établie à Nantes. Renée vivait avec leur mère, Juliette-Joséphine-Marie-Renée Mahé (1875-1968), et s'occupait de sa nièce, Marie-Rose-Renée Bernard, (Saint-Nazaire 26 mars 1928 - Nantes 30 août 2017), qu'Alex avait eu de son épouse Joséphine-Marie-Rose Lucas (Roz-sur-Couesnon 25 août 1906 - 16 juin 1929 Saint-Nazaire), décédée de la tuberculose. Regroupant une poignée de négatifs de photographies qu’ils avaient réalisées avant-guerre et qui avaient échappé à la saisie, ils éditèrent sous la forme d’un livre boite contenant des tirages, commentés à l’arrière à la main, de vues de Saint-Nazaire et de la Presqu’île. Paru sous le titre « Visages et reflets de mon pays, Saint-Nazaire, 1939 », avec une présentation un peu naïve écrite par Renée. Il fut non signé du fait de leur condamnation à l’indignité nationale. Il regroupe en réalité des vues prises durant une période s’étalant entre 1935 et 1939.

    Oubliés de tous, retiré à Nantes, seul Fernand Guériff se risqua en 1962 à les contacter pour obtenir  d’eux des photographies pour illustration. Alex fils, peu avant sa mort, publia, à compte d’auteur, associé à sa fille Marie-Rose, « La Vie A Saint-Nazaire Au 19eme Siècle », un livre contenant des illustrations de Charles Beilvaire sous le pseudonyme de « Marlex Mernard ». Par la suite, sa fille, Marie-Rose, obtint du tribunal de grande-instance de Nantes, le 22 mai 1974, un jugement l’autorisant à faire ajouter à ses prénoms, celui de Mirèn, qui devient son prénom d'usage. Mirèn Bernard ne se maria jamais et vécu toute sa vie avec son père et sa tante. Très catholique, elle fut organiste de l'église Saint-Clément de Nantes jusqu'en 2006, et légat ses biens au diocèse, dont les archives de son père et de sa tante.

     

    [1] Il était fils de Charles Jamouillet, commis des ponts et chaussées à Saint-Nazaire, soldat au 20e de ligne, mort pour la France le 6 février 1871, qui repose avec lui au cimetière de la Briandais (tombe avec une grande palme de bronze) ; et le père de Charles Jamouillet, ingénieur E. S. E., directeur de la Cie Générale de Traction à Douais, marié à Saint-Nazaire le 8 février 1936 avec Madeleine Mugnier, native de Lille. A son enterrement, les cordons furent tenus entre autres par Louis Joubert, président de la Chambre de Commerce, et alex bernard du Courrier de Saint-Nazaire ; les discours furent prononcés par monsieur Soum, principal du Collège de Saint-Nazaire, par monsieur Crespin, rédacteur en chef de La Démocratie, et par monsieur Lavoix, au non de L'Avenir de Saint-Brevin.

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html

    [4] Puis président du Conseil général de la Loire-Inférieure de 1931 à 1940.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/12/08/charles-beilvaire-un-peintre-nazairien-oublie-5505901.html

    [6] Dans le dossier il est improprement nommé « Journal de Saint-Nazaire ».

  • Poissons d'avril et légendes urbaines de Nazairien

    Si le Vieux-Mole était surnommé avant la Première-Guerre-mondiale « la pointe des blagueurs »[1], le 1er avril est l’occasion de faire suite à notre article concernant le surnom de « petite Californie bretonne[2] » et de noyer quelques autres légendes qui courent à Saint-Nazaire et qu’on présente souvent comme des vérités, y compris dans les plaquettes touristiques de la municipalité, ainsi que conformer quelques éléments que les gens disent être faux.

     

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    « Saint-Nazaire était un village de pécheurs avant la création du port ».

    FAUX : En premier lieu Saint-Nazaire n’était pas un village, c’était une ville depuis le moyen-âge, c'est-à-dire une agglomération pourvue de fortifications. Et non, sa population n’était pas composée de pécheurs. L’activité principale des habitants du bourg étaient la navigation, comme pilotes de la Loire, et comme marins au long cours. Les femmes de ces marins pratiquaient la fabrication conjointe de chapeaux à l’aide des joncs qu’elles ramassaient dans les dunes. La seconde activité au sein de la ville était le commerce. On y faisait principalement celui du vin, car le vignoble nazairien était réputé et que la ville était dispensée du droit de billot, (impôt sur l’alcool), on y brassait aussi de la bière ; avant la révolution y avait plusieurs auberges et épiceries, et même un perruquier. La campagne nazairienne produisait outre du vin, du froment, qui était la farine la plus recherchée et la plus chère, des châtaignes dont on produisait aussi de la farine, ainsi que le maraichage, et de la production de sel à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le front de mer de Pornichet et sa plage du centre-ville. La pêche en mer était donc une activité minoritaire, au demeurant la population préférait les poissons d’eau douce, se fournissant pour cela dans les nombreux viviers seigneuriaux.

     

    « C’est à partir du 15ème siècle qu’on a un véritable bourg à Saint-Nazaire ».

    FAUX. La ville fortifiée est attestée dès le 14ème siècle. La place de Saint Nazaire appartenait aux vicomtes de Donges. Une partie de la place fut donnée en 1330 Bonabes de Rochefort, fils cadet de Thibaut de Rochefort vicomte de Donges quand il lui constitua la seigneurie de Heinlex. Une autre part avait été donnée à la même époque à la famille de Cleuz, lors de la constitution de la seigneurie de Marcein (élevé en baronnie deux générations après).

    C’est cette place forte qui fut éprouvée par une attaque en 1373 durant laquelle l’église fut incendiée, et que défendit en 1379 Jehan d’Ust contre des navires Castillans.

    Le reste de la place fut finalement donnée à Charles de Couësme à l'occasion de son mariage le 20 mai 1423 avec Marguerite de Rieux, fille de Jean de Rieux, vicomte de Donges, entraînant la constitution de la vicomté de Saint-Nazaire.

     

    « Jehan d’Ust a défendu Saint-Nazaire contre les Espagnols »

    FAUX & VRAI : En 1379 l’Espagne n’existe pas, c’est contre les Castillans qu’il fallut combattre[3]. Cependant la Flotte espagnole revint à Saint-Nazaire en 1655[4].

     

    « La vieille-église était la première église de Saint-Nazaire. »

    FAUX. Ce bâtiment ne fut construit qu’entre 1580 et 1584 à l’emplacement du logis seigneurial des Vicomtes, (nommé château Brutus en raison de la légende qui disait que Brutus de Troie, débarqua à cet endroit pour fonder de la Bretagne). La première église du bourg fortifiée était la chapelle qui fut détruite au moment du creusement de la nouvelle entrée[5]. Elle n’était cependant pas le premier lieu de culte chrétien, initialement la population vivait autour du site aujourd’hui occupé par le Ruban Bleu. On y a trouvé les reste d’une église et des sarcophages de pierre en 1850. Tout ce matériel a disparu dans les bombardements, mais il est possible qu’une partie soit au musée de Saint-Germain-en-Laye.

     

    « Le rocher du Petit-Maroc/Vieux Saint-Nazaire était plus haut. »

    VRAI : Il a été raboté en 1906 quand on a percé la nouvelle entrée et décidé de détruire la chapelle qui s’y trouvait et qu’on a saccagé le site archéologique du cimetière médiéval qui l'entourait

     

    « Les parents d’Aristide Briand possédaient le Grand Café »

    FAUX : Les parents d’Aristide Briand possédaient un magasin de spiritueux à côté du Grand Café, puis ils sont devenus propriétaires du Café Chantant un établissement qui se tenait sur la place des Quatre Z'horloges dans une baraque de bois et qui fut remplacé ensuite par Le Grand Café construire en dur. Les parents de Briand acquirent le Café des Sports rue de Sallé, (il devient ensuite Fantasio). Le Grand café était le lieu de réunion de la droite nazairienne ; Fernand Pelloutier a été un jour agressé par des clients qui étaient en terrasse alors qu'il passait.

     

    « Le dolmen a été déplacé de son emplacement initial. »

    FAUX : le dolmen occupe toujours son emplacement d’origine, la légende vient d’un article de Ouest éclair rédigé dans les années 1930 dans lequel un stagiaire ayant lu de travers une phrase d’Henri Moret pensa qu’on avait déplacé le site. En réalité Moret explique dans son ouvrage qu’il avait connu l’époque où le Dolmen était au milieu d’une prairie du domaine du Bois-Savary, avant l’urbanisation du lieu.

     

    « Pornichet est une partie de Saint-Nazaire. »

    VRAI, mais pas que :  si 1150 hectares de Pornichet correspondent à la part soustraite à Saint-Nazaire, 97 hectares ont été soustraits à Escoublac, part qui compose une grande partie de l'hypercentre. Pornichet est né de la séparation d’avec Saint-Nazaire de la paroisse de Saint-Sébastien et du village de Pornichet, avec son marais salant aujourd’hui remplacé par le centre-ville, et la plage de Sainte-Marguerite, dont le promoteur, Mercier, initiateur de la création de Pornichet, fut ensuite le premier maire de la nouvelle commune. Saint-Nazaire perdit 974 habitants et Escoublac 289 habitants. Cette séparation eut lieu par décret du 9 avril 1900, et agaça beaucoup de Nazairiens qui reprochèrent à Lechat-Boislevé, le maire de Saint-Nazaire de l’époque, d’avoir abandonné à la spéculation de Mercier une partie de la ville. Cela fit que durant plusieurs mois, le courrier adressé à monsieur Lechat à la Mairie de Saint-Nazaire, était renvoyé en direction de Pornichet par les agents de la Poste de Saint-Nazaire ! 

     

    « Il y a le village de l’Épine-Blanche sous l’étang du Bois-Joalland et quand l’eau est basse on voit le clocher. »

    VRAI & FAUX : Il y a bien un village sous la surface de l’étang, mais c’était un hameau du nom de Quelmer, où vivaient quatre familles, auquel il faut associée la ferme des Bélaudais, et une maison avec un atelier de menuiserie construit à un croisement après 1850, et qui reçut le nom d’Épine Blanche en raison des buissons d’aubépine autour. Il n’y avait pas d’église ou de chapelle, ni de tour, cependant à certaines périodes de sécheresse, on peut voir affleurer le reste du pignon de la ferme médiévale de Quelmer[6].

     

    « Les Allemands ont détruit le vieux Saint-Nazaire. »

    FAUX : Les Allemands ont détruit les maisons qui se trouvaient en bordure du Quai des Marées parce que les habitants avaient aidé les marins britanniques survivants de l’attaque de la forme Joubert. Le vieux Saint-Nazaire, fut ravagé par les bombes incendiaires britanniques de mars 1943. Les façades des maisons étaient encore debout à la Libération, elles furent rasées, à l’exception d’une maison qui abritait un café et qui existe toujours au  3 rue de la Vieille Église, l’usine élévatoire et le bâtiment du Service maritime. Il était prévu de longue date de détruire la vieille ville ainsi que la gare (qu’on voulait déplacer à Méan), dès avant la guerre, afin de permettre un développement industriel du port. C’est pour cette raison que le centre-ville fut déplacé après-guerre au niveau de la rue Jehan d’Ust, actuelle avenue de La République. Mais le Port ne s’est finalement pas industrialisé comme prévu.

     

    « Le Petit-Maroc se nomme ainsi parce qu’il y avait des pécheurs de Concarneau qui vivaient là. »

    FAUX : Il y avait très peu de pécheurs à Saint-Nazaire, et ceux-ci vivaient ailleurs. Le surnom, apparu vers 1926 dans la presse, et généralisé à partir de 1930 sur décision du Comité de Quartier[7].

     

    « Le quartier de La Havane est le seul à avoir survécu aux bombardements. »

    FAUX : En premier lieu le nom de Havane n’est que celui d’une des rues de ce quartier. Le vrai nom est Quartier du Sable, du nom du domaine féodal sur lequel i a été constitué. Ajoutons aussi que ce quartier occupe en réalité les deux côtés du Jardin des plante, et ne peut être limité aux abords immédiats de la rue de La Havane. Si vous allez à Méan, vous observerez que ce quartier développé au 19ème siècle a conservé ses maisons, de même que le quartier du Bois Savary (autour du Dolmen), mais aussi rue de La Paix, où les bâtiments anciens qui se trouvent entre des bâtiments plus récents le sont parce qu’on a fait le choix de remplacer leurs voisins par des immeubles de rapport.

     

    « Saint-Nazaire a été détruit à 85%. »

    FAUX : elle a été détruite à 72%. Ce sont les chiffres de l’enquête diligentée par le Gouvernement à la Libération. Il fut cependant reconstruit à 85% parce qu’on a fait le choix de raser des bâtiments réparables ou intacts pour agrandir la zone du port, élargir certaines rues, et que certains particuliers préférèrent reconstruire au lieu de réparer[8].

     

    « La plage   du Grand Traict est à Saint-Marc »

    FAUX : la plage du Grand Traict est en réalité ce qu’on nomme à l’office du tourisme « plage du centre-ville ». En fait cette grande plage qui borde la rade est divisée entre les Grand Traict et le Petit Traict, le premier allant de la Pointe de La Villès-Martin aux rochers du Soulevain (là où est érigé le monument du débarquement étasunien de 1917), le second allant desdits rochers à la nouvelle-entrée du port de Saint-Nazaire. La plage nommée « Grand Traict » par l’office du tourisme à Saint-Marc n’avait en réalité pas de nom jusqu’aux années 2000.

     

    « Fernand Guériff fût le premier historien de Saint-Nazaire. » 

    FAUX : Le premier à avoir publié à propos de l’histoire de Saint-Nazaire fut René de Kerviler. En 1907 Gabriel Le Barbier de Pradun publia une plaquette de 39 pages sur l’histoire de la ville, mais très succincte. Le premier véritable recueil historique à propos de la Ville fut publié en 1925 et est l’œuvre (monumentale) de Henry Moret. Fernand Guériff à repris les travaux de Moret, les a élagués pour les rendre plus digestes, et a complété sa chronologie jusqu’en 1963.

     

    « La famille Goy venait de Suisse »

    FAUX : les Goy venaient de Saint-Romain dans le département de La Loire, (ancienne province du Forez). Cette légende est venue du fait qu’il y a des Goy dans le canton de Vaux, et parce que quand Mathieu Goy se lança en politique, l’opposition le désigna comme « un étranger fraichement arrivé », (il existe des familles Goy en Auvergne).

     

    « La mairie n’avait pas légalement le droit de laisser tomber en ruine le château de Porcé. »

    FAUX : le Château de Porcé, dont le nom véritable est « Château des Charmilles » a été légué sans qu’il soit mentionné une conservation des bâtiments existants. La mairie a uniquement obligation d’employer le terrain qu’à des buts éducatifs. Les premiers bâtiments détruits du domaine le furent dès 1953.

     

    « La villa du Centre de Bonne-Anse a été léguée à la mairie. »

    FAUX : la villa Ker Louis a été achetée par la mairie en 1933[9].

     

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/10/le-vieux-mole-6127788.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/19/saint-nazaire-petite-californie-bretonne-6137164.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html

    [4] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/08/07/1655-la-flotte-espagnole-croise-dans-l-estuaire.html

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/04/ancien-chapelle-notre-dame-d-esperance.html

    [6] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/08/06/saint-nazaire-72-non-85-de-destruction-5667108.html

    [7] http://saint-nazaire.hautetfort.com/petit-maroc/

    [8] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/08/06/saint-nazaire-72-non-85-de-destruction-5667108.html

    [9] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/03/02/la-villa-ker-louis-a-bonne-anse-5312235.html

  • La spéculation nazairienne durant le Second-Empire

    Dans notre article précédent, nous avons effleuré à nouveau le problème de la spéculation des terrains nazairiens au 19ème siècle.

     

    Saint-Nazaire s’est développé en quelques années par la création de son port, apportant richesses aux propriétaires des terrains avoisinant l’anse où l’on le creusa. Dans les abords immédiats, les grands propriétaires étaient, en 1850, les frères François-Louis-Marie (1790–1858),  et Joseph-Marie-François (1788-1860), Galliot de Cran avec le domaine du Bois Savary héritage de leur père qui l’avait rachetée au héritiers du marquis de Sesmaison en 1804 ; Aimable-Geneviève Tahier- Kervaret, (1801-1866), héritière par sa mère du Domaine du Parc à L’Eau ; la famille Girard de La Cantrie qui avait acquise le domaine du Prieuré à la Révolution ; la famille de Kermasson de Kerisac propriétaire du domaine du Lin depuis le début du 18ème siècle, par héritage de la famille Martin. Ces familles, et les quelques petits propriétaires du secteur, (concentré sur le secteur de La Ville Halluard), entreprirent une spéculation effrénée de leurs terrains, surexcitée parles hauts prix alloués en 1857 par le jury d'expropriation pour l'établissement de la gare du chemin de fer. Ils demandèrent de 40 à 100 francs du mètre-carré. Cette spéculation s’étendit à un périmètre qui devait être celui des fortifications initialement projetées, et dont le tracé « côté terre » correspond aux boulevards de ceinture du centre-ville, (Lesseps, Hugo…), ce qui concernait les domaines de Toutes-Aides aux Belliot ; La Ville au Fève à la famille Delange ; La Briandais aux Cornet et David ; et Le Sable dont nous allons parler plus longuement.

     

    La spéculation fut une des premières causes qui paralysa le premier développement de Saint-Nazaire, avec les interruptions imprévues et l’administration de la municipalité par des gens incompétents, c'est-à-dire René Guillouzo[1] devenu maire « sur une méprise » en 1848, et la mauvaise volonté de l’ingénieur Paul Leferme à qui l’on demanda de dessiner les plans de la ville alors qu’il ne voulait que s’occuper du port, estimant que c’était à la Municipalité de gérer les aménagements.

    Une mauvaise communication fit aussi qu’on éleva les premiers immeubles d’habitation à plusieurs centaines de mètres du bassin, alors que les besoins de développement étaient qu’on les édifia dans le voisinage même du port. Il y eut ainsi durant une décennie un no man's land, entre le port et le centre de la nouvelle ville qui se développa suivant au-delà du tracé de la rue de Nantes (aujourd’hui Auriol). Saint-Nazaire, entre 1848 et 1895, était ce que les urbanistes nomment « mitage », c'est-à-dire des bouquets de construction disparates le long de voies tracées dans un périmètre pourtant restreint. Cette urbanisation fut d’autant plus regrettable qu’elle ne s’accompagna pas des structures nécessaires à l’acheminement de l’eau, ni d’égout. Les logements, incommodes, tant pour les ouvriers que pour les bourgeois, ne suivaient au demeurant pas un cahier des charges commun, ce qui fit que des immeubles haussmanniens voisinaient avec des taudis. Grand exemple de ce mitage, le domaine du Bois-Savary ayant été vendus par les héritiers collatéraux du dernier frère Galliot de Cran, il se trouva constitué en une société nommée Salamanca fondée en 1868. On y traça des rues, mais les îlots peinèrent à se lotir jusqu’en 1930.

     

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    Saint-Nazaire vers 1865.

    On distingue le tracé des rues et places autour de terrains vides de bâtiment...

     

    La spéculation la plus spectaculaire fut celle entreprise par Alphonse Cézard, et a été soigneusement documentée par René de Kerviler dans son « Histoire du Port de Saint-Nazaire » publiée en 1892.

    Alphonse-Léopold-Nicolas-Louis Cézard, industriel d’origine lorraine, né le 20 février 1831 à Batavia aux Indes-Néerlandaises, (aujourd’hui Jakarta capitale de l'Indonésie). L’arrivée à Saint-Nazaire en 1857 de ce protestant, ce qui sous le Second-empire était pire qu’être juif, fils d’un armateur et raffineur sucrier, petit-fils d’un boulanger devenu « marchand mercier » grossiste des armées durant la Révolution, dérangea. Il est vrai qu’il se fit bruyamment remarquer par l’acquisition des domaines et manoirs nazairiens de Heinlex-Rohan, de la famille Havard-Duclos, et du Sables, d’Emmanuel Plessix[2]. Faisant raser Heinlex pour le remplacer par le petit château en brique et pierre qu’on voit encore, il ne toucha pas manoir féodale du Sable, heureusement toujours préservé, et plus ancienne habitation nazairienne encore existante, car remontant au début du 15ème siècle[3], mais il prévue de lotir l’ensemble du domaine, dont les dunes qui bordaient le Grand Traict. Il tenta aussi de se faire élire aux législatives de mai-juin 1863. Milliardaire, comme tous les raffineurs de sucre, (Say, Beguin, et Lebaudy), il fonda en juillet 1864 une entreprise Londres, la Saint-Nazaire Company limited, au capital astronomique de 600.000 livres sterling, elle-même actionnaire fondatrice à partir de 1865, de la Société de commerce de France, entreprise maritime au capital de 6 millions de francs, elle-même actionnaire de la Société des Crédits Généraux de Saint-Nazaire au capital de 2 millions de francs, fondée, en 1865 dans le but de lotir le domaine du Sable dont l’administration fut confiée à son frère Louis Cézard, et dont les autres actionnaires étaient le comte de Lopinot, monsieur Lucassen et monsieur Bye Colchester.

    En 1865 Alphonse Cézard, propriétaire de terrains, agissant au travers de ses trois sociétés écrans, proposa à la municipalité la réalisation d’un quartier sur 450.000 m² de terrains, réparties en 84 îlots de bâtiments d’habitations de toutes classes, délimité à 33 rues, doté de 5 grandes places, d’un parc luxuriant, et de tous les bâtiments nécessaires à la vie de la population et des administrations. Alphonse Cézard proposa en sus de céder gratuitement à la ville tous les terrains nécessaires à l'établissement des voies publiques, places et squares ; d'exécuter à ses frais le perré de protection de la dune et les escaliers de service du quai-boulevard du front de mer (qu’on aurait baptisé Napoléon III) sur 1 km ; de contribuer à la construction de l'église (rappelons qu’il était protestant) ; d'exécuter à ses frais, « dans des délais déterminés, ou à sa convenance dans certains cas », les halles, l'abattoir, la distribution d'eau, les bains et lavoirs, le théâtre, le grand hôtel, la bourse, le tribunal de commerce, le tribunal civil, la sous-préfecture, le collège et la caserne… à charge par la ville de concéder à perpétuité à sa compagnie les terrains appartenant à la commune dans le quartier à créer, le privilège du service de l'eau pour quatre-vingt-dix-neuf ans, l'exploitation des principaux lieux publics pour trente ans ; de faire ou de terminer le plus promptement possible le réseau général des égouts, les travaux d'éclairage ou d'assainissement et d'entretien des rues et voies publiques comprises dans les terrains appartenant à la compagnie ; et enfin d'exempter des droits de douane et d'octroi les matériaux employés dans les constructions nouvelles.

    Mais outre la méfiance que suscitait le personnage, les élus et la préfecture se demandèrent qui voudrait venir acheter des logements sur plan, et venir y vivre. Cézard avait anticipé, par l’intermédiaire de sa Société de commerce de France, il comptait faire de Saint-Nazaire son port principal, et à court terme un port franc pour ses navires, projetant de faire de Saint-Nazaire le grand marché des chargements flottants et comme le grand entrepôt du Sud et du Nord. Cézard avait dans les ports d'Europe ainsi que dans les colonies, de puissantes relations commerciales, et possédait à Java trois maisons de commerce ayant une clientèle maritime d'une centaine de mille tonnes[4]. Les élus applaudirent et signèrent pour accord.

     

    Les dessins du projet furent publiés dans tous les journaux et revues de l’époque, dont Le Monde illustré du 15 avril 1865, dithyrambique sur le devenir du port, s’extasiant du fait que la commune avait atteint en 20 ans 15.000 habitants, (en réalité on avait dépassé les 18.000), mais soulignant cependant que « […] il ne faut pas croire que Saint-Nazaire avec ses quinze mille habitants soit déjà une ville, elle n’en a même pas l’apparence, elle n’est qu’un assemblage de maison avec une église, une mairie et une salle d’asile sans halles, sans marchés, sans théâtres, etc. C'est-à-dire que rien n’existe, tout est à faire. »

     

    alphonse césard, saint-nazaire

    Le projet Césard dans Le Monde Illustré du 15 avril 1865.

     

    On n’avait cependant pas tenu compte que pour la réalisation d’un tel chantier, il eut fallu 50.000 ouvriers, que l’on aurait dû faire camper sous des abris provisoires faute de logements.

    Cent-mille francs furent investis pour l’édification de digues, de chaussées d'empierrement, de trottoirs, d’ouvertures de rues et travaux généraux. Les terrains achetés par les investisseurs pour une somme de 6 à 15 francs étaient cotés dans l'actif de 60 à 120 francs, et l'on établit que la Société des Crédits Généraux, en joignant aux bénéfices réalisés sur les terrains les produits des différents services d'utilité publique, devait recouvrer intégralement son capital dans un bref délai et réaliser un bénéfice de 5 millions en peu d'années.

    Un autre frère d’Alphonse, Nicolas Cézard fut nommé administrateur et président honoraire du conseil d'administration en mai 1865. Louis Cézard démissionna de son poste d'administrateur de la Société des Crédits Généraux de Saint-Nazaire en octobre 1865, cette démission en fut acceptée par le Conseil de l’entreprise que le 30 avril 1866, cependant Alphonse Cézard le remplaça dès octobre, puis donna à son tour sa démission par lettre sa démission le 2 novembre 1865. Léonce Cézard, encore un frère, fut nommé administrateur conjointement avec monsieur Suermondt, le marquis de Vaugiraud, le baron Brenier, et messieurs Ruys, Lefebvre-Duruflé, Leroy de Saint-Arnaud, Roman, et Gossin… et en juillet 1866, la Société des Crédits Généraux de Saint-Nazaire fut déclarée en faillite, avec rapidement celle Société de commerce de France. Le capital annoncé par chacune était purement spéculatif !

    Il y eu un retentissant procès, Alphonse Cézard fut attaqué par ses associés Pilon, Perthuy et Derrien. Alphonse fut défendu par l'avocat nantais Edouard-Auguste Bonamy, et accusa ses anciens associés « de manœuvres frauduleuses dans le but de le ruiner » !

    Mais le montage était si bien fait, que le tribunal déclara nulle la responsabilité de la Société des Crédits Généraux de Saint-Nazaire et d’Alphonse Cézard avec ses frères, envers ses actionnaires le 28 mai 1869. Les petits porteurs d’action en furent pour leurs frais, les Nazairiens maudirent  à jamais Alphonse Cézard, et le sable du Grand Traict recouvrit rapidement les trottoirs de l’amorce de boulevard digue qu’on recouvrit finalement par l’actuelle front de mer en 1888. 

    La Société des Crédits Généraux de Saint-Nazaire disparue, ruinant plusieurs actionnaires, sans qu'Alphonse Césard et ses frères, eux aussi impliqués dans la spéculation, furent inquiétés. La Société de commerce de France survécut et resta propriétaire du domaine du Sable. L'affaire fit long feu, car c'est seulement en 1873 que le tribunal de Paris  procéda à la mise en vente, en deux lot, de ensemble du domaine du Sable le 29 mai 1873. La vente fut annoncée dans la presse le 15 mai 1873. le premier lot comportait 4230.551 m² de terrain, soit un peu plus de 42 ha, et le second le manoir avec 8.780 m² de terrain. les frère Bessard du Parc s'en portèrent acquéreurs, il n'arrivèrent pas à lotir eux aussi le domaine, et durent le revendre en 1883 au prince de Béarn qui fit tracé de nouvelles voies, et arriva à vendre certains terrains ou en échanger avec la Commune. Ses héritiers revendirent à Aymé Duquaire, un lyonnais qui paracheva finalement l'entreprise et permis en 1924 à la municipalité de devenir propriétaire du manoir, mais aussi en 1930 des rues du lotissement constitué en société sous le nom de Lotissement du Sable. C'est ce quartier qu'on surnomme « La Havanne », bien que son nom soit Le Sable, et que La Havane n’est que celui de sa plus longue rue. Précisons aussi que ce quartier s’étant en réalité jusqu’à la bordure du Grand Marais, aujourd’hui asséché pour faire place au Parc Paysager, que l’achèvement du lotissement c’est fait en 1934, et que jusqu’à la guerre, les rues de ce vaste quartier n’étaient pas pavées ou revêtues d’asphalte et dotées que partiellement d’éclairage. Les habitants se plaignirent en 1937 auprès de la Municipalité de l’état de leur voirie, et c’est finalement durant les opérations de la Reconstruction que s’accomplirent les demandes.

    Alphonse Cézard avait quitté la ville dès 1866 en vendant Heinlex à Henri Duval, le fondateur de l’Usine à Gaz, mais ce n’est qu’en 1883 qu’il arriva à vendre le domaine du Sable à un autre investisseur. Il décéda le 17 février 1892 au château de La Touchelais à Savenay, (site de l'hippodrome), après avoir fondé dans cette ville une fromagerie, et avoir marié ses enfants dans les meilleures familles.

     

    Toutes ses spéculations firent que les industriels nantais ne vinrent pas s’établir à Saint-Nazaire comme on l’avait espéré, et l’industrie navale ne put se développer qu’avec l’acquisition des terre-pleins conquis sur l’estuaire par les déblais des bassins à flot, pour une redevance annuelle de 50,000 francs 25 hectares de terrains.

     

    On comprend ainsi pourquoi Auguste Amaury dans son guide touristique Itinéraire de Nantes à Saint-Nazaire, publié par Hachette en 1858, traita Saint-Nazaire de « San Francisco », et de « Petite Californie bretonne », au sens le plus péjoratif que cela sous-entendait à l’époque[5],

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/05/notes-du-la-famille-guillouzo.html

    [2] À propos d’Heinlex-Rohan : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/14/le-chateau-de-heinlex-troisieme-partie.html ; du Sable : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/26/la-maison-noble-du-sable-seconde-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/26/la-maison-noble-du-sable.html

    [4] Il y possédait aussi 7 plantations.

    [5]  http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/19/saint-nazaire-petite-californie-bretonne-6137164.html

  • Saint-Nazaire petite Californie bretonne ?

    Saint-Nazaire « Petite Californie Bretonne », dans les années 1990 la municipalité Batteux nous rabâcha cette formule tout en plantant des palmiers de Chine anorexiques le long de l’avenue du Général de Gaulle. On nous assura que c’était le surnom de la ville au 19ème siècle. Toutes les huiles de la communication municipale s’en emparèrent, et bientôt les amateurs d’histoire locale en noircirent leurs plaquettes. Pensez donc, cela venait de La Revue des Deux Mondes, on nous donna même la date de 1848, et le nom de l’auteur : « F. Fourcade ». Ajoutez que pour la génération baby-boom tous ce qui vient des USA est forcément bien, c'est culturel, c'est « l'effet Débarquement ». Et comme le monument de celui de 1917 avait été relevé par une association en 1989, (initiative heureuse), c’était continué à surfer sur la dernière vague d’un effet de mode.

     

    californie-bretonne- saint-nazaire

    La Californie c’est la petite Bretagne (crédit photo emoji drapeau breton pour la Bretagne)

     

    Quand on s’attèle à écrire sur un sujet, il faut toujours vérifier les sources, surtout en histoire, et même ainsi, on n'est pas à l'abri d'une erreur.

    En consultant La Revue des Deux Mondes, j’ai trouvé dans la « Chronique de la Quinze » du 14 septembre 1858, un texte de E. Forcade : « Si l'on veut avoir une idée de la façon incohérente et saccadée dont s'élève en quelques mois une ville californienne, on peut aller chercher ce spectacle à Saint-Nazaire, qui était un hameau il y a un an, et qui sera peut-être un de nos grands ports de commerce avant dix années. »

    En premier lieu corrigeons que Saint-Nazaire n’était pas un hameau, mais bien une ville de 3.771 habitants en 1841.

    En second lieu, constatons que E. Forcade, transformé F. Fourcade, n’a pas écrit que Saint-Nazaire est une petite Californie bretonne.

     

    Mais d’où vient cette appellation ? « C’est Fernand Guériff », nous a-t-on répondu. Guériff a bon dos, dès qu’on publie une ânerie sur l’histoire de Saint-Nazaire, on l’accuse en se disant que personne n'ira chercher ses publications pour vérifier, et qu'il n'est plus là pour se défendre !

    En réalité c’est le commentaire du docteur Auguste Amaury Gellusseau, qui sous le pseudonyme d’Auguste Amaury, rédigea un guide à destination des voyageurs en train, Itinéraire de Nantes à Saint-Nazaire, publié par Hachette en 1858[1] :

    « Saint-Nazaire ressemble à San-Francisco. C’est une petite Californie bretonne, la plus mince parcelle de terre vaut un lingot d’or ; le moindre champ, la plus triste falaise devient pour son heureux propriétaire un vaste domaine seigneurial, avec féaux et fidèles. Ici tout se passe comme dans un conte de fée ; rien n’y manque, pas même l’invraisemblance. »

    Comme souvent, quand la citation est entière, elle perd sa magie. Cette description lapidaire fut reprise ensuite en 1867 par Adolphe Joanne dans son guide De Paris à Nantes et à Saint-Nazaire par Orléans, Tours et Angers. Pour autant cette reprise ne fait pas de l’appellation « petite Californie bretonne », une généralité du langage. On ne la trouve pas ensuite employée et jusqu’à ce que la municipalité Batteux en fasse un argument touristique, les Nazairiens n’en savaient rien, ou du moins avaient fait l'effort d'oublier ce qui avait été une insulte contre leur ville !

     

    En novembre 2016, on a pu lire sur les cartels d'une exposition : « petite Californie de l’Ouest ».

    Quand on me téléphona entre deux avions pour me faire part de cette histoire, j’eus un rire flaubertien. La Californie est située à l’Ouest dans l’esprit Occidental, et même au « Far Ouest » ; nous sommes face à un pléonasme quand l’interlocuteur nous sort cette phrase absurde. Absurde, mais pas neuve, hélas, déjà en avril 1999 dans la plaquette « Le petite Californie bretonne », publiée conjointe de l’Écomusée et l’Université inter-âges, il y a à la page 21 la formule « Petite Californie de l’Ouest », avec un renvoi en marge donnant pour source « Fourcarde R., la Revue des Deux Mondes 1858 ».

     

    Enfin, ajoutons une autre comparaison avec le boum urbanistique californien dans un article de H. Dalbert paru dans L'Illustration du 15 avril 1865, intitulé « Saint-Nazaire et son avenir » : 

    petit-californie-bretonne,saint-nazaire

     

    [1] Né à Cholé en 1812, il publia plusieurs Guide, dont un consacré à Clisson. Kerviler lui reprochait de ne pas être breton…

  • Et nous traversions le Brivet à dos de chameau…

    Connaissez-vous le Chameau de Méan ? Les vieilles familles de Donges, Trignac et Saint-Nazaire s’en souviennent, et plus encore celles de Méan. Non, vraiment ? Il vécut pourtant longtemps, deux-cents-ans. Oui, à Saint-Nazaire les chameaux vivent vieux s’ils évitent les crocodiles[1]. C’est en raison du bon air de l’Estuaire…

     

    Alors, ce chameau ? Non, il n’est pas un cadeau du sultan Mahomet Bol Ier du Petit-Maroc, il était déjà là bien avant la visite de sa majesté en juillet 1930[2]

    De ce chameau, il en reste la tête et la queue sur les rives du Brivet, coincées entre la quatre-voies, le pont Henri Gautier et la rue de Trignac. Oui, vous y êtes, il s’agit du vieux pont de Méan, qu’on surnommait « Le Chameau », quoique le quadrupède à robe jaune fut en réalité un dromadaire, ce qui provoqua longtemps des divergences entre zoologues méanais.

     

    pont-mean, batillat

    Le pont de Méan, bois d'André-Laurent Batillat, 1934.

     

    Il y a un pont à cet endroit depuis l’antiquité. La voie romaine passait par là. Ce fut durant des siècles un pont de bois qui appartenait à partir de l’époque médiévale au vicomte de Donges, (Méan n’est devenu nazairien qu’au 19ème siècle). Jusqu’à la Révolution il fallait payer un droit de passage, en échange le Vicomte prenait à sa charge l’entretien du pont, ce qui n’était pas toujours fait, ou bien fait… Un jour de foire à Saint-Nazaire en avril 1713, deux bœufs liés ensemble passèrent à travers le tablier. Une banque avec deux pêcheurs passait à ce moment-là sous le pont. L’un des hommes se noya. Le vicomte de Donges, René de Lopriac, marquis d'Assérac, refusa de payer les réparations. Les Méanais ne pouvaient plus passer sans faire un grand détour pour se rendre à Montoir dont ils dépendaient. Méan avait sa propre chapelle depuis le 17ème siècle[3], dédiée à Saint-Joseph, mais le chapellain ne résidait pas sur place, si bien que l’essentiel de la vie paroissiale fut réorienté vers Saint-Nazaire. Entre avril 1713 et novembre 1740, on baptisa les petits Méanais à Saint-Nazaire « en raison de la mauvaise situation du pont de Méan ».

    Les États de Bretagne furent saisis du dossier à la demande du Général de fabrique de Saint-Nazaire en octobre 1738. Le procès-verbal de la séance du 5 octobre justifia la présentation du problème devant la plus haute instance du Duché ainsi : « vu que l’on n’y peut passer sans risquer sa vie, dans l’état qu’il est ».

    Guy-Marie de Lopriac, le nouveau vicomte de Donges, ne voulant plus contribuer à l’entretient ni à la reconstruction du pont, perdit ses droits seigneuriaux, et ce fut l’État breton qui finança la réalisation du nouveau pont. Il fut achevé vers 1745. Trois arches, (largeur de droite à gauche : 13 m 30 ; 11 m 35 ; 11 m 35), celle du centre plus haute, pour permettre la circulation des bateaux, le profil en chevron.

    pont-mean, Saint-Nazaire

     

    Au sommet de l’arche principale, faisant face à l’estuaire, une petite niche surmontée d’une croix contenant une statuette de la Vierge fut taillée.

    pont-mean, Saint-Nazaire

    La niche avec la croix, article du Courrier de Saint-Nazaire du 21 janvier 1939.

     

    L’arche de la rive gauche fut détruite en décembre 1793 à la veille de la bataille de Savenay par les troupes de Canclaux afin d’empêcher le retrait par Saint-Nazaire de l’Armée catholique et royale. Canclaux fit aussi arracher le pavage et la chaussée sur 13 m. Pendant cette opération, il fit traverser ses canons et munitions à bord d’un navire nommé Jean Bart.

    En janvier 1794, sous la direction de l’ingénieur Hervoüet, l’entrepreneur Deniaud reconstruisit l’arche. Cela coûta 1.100 livres et les travaux furent achevés le 21 juillet 1794.

     

    En 1929, en raison de l’augmentation de la circulation, du nombre des voitures qui arrivaient en trombe dans le virage en venant de Saint-Nazaire, on se décida pour réaliser une nouvelle voie d’accès avec un pont large et droit, mais le projet fit long feu. En août 1936 on discutait encore. Les devis s'accumulèrent; on songea à réaliser des déviations en logeant la voie ferrée et faisant passer les voitures par le centre ville et le boulevard de l'Océan, ou encore par le boulevard Victor Hugo.  Les montant allaient de 7.200.000 frs à 9.500.000 frs, car il fallait acquérir des terrains en plus de la réalisation de routes nouvelles. On continua d'en discuter si bien, que le 14 juillet 1939, le Tour de France passa sur le pont de Méan toujours en fonction, et en « gravit la bosse ».

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    Le Courrier de Saint-Nazaire du 8 juillet 1939.

     

    Le 18 juin 1940, afin de retarder les Allemands, et permettre la sortie d’un autre Jean Bart, cuirassé en construction aux Ateliers et Chantiers de la Loire à Penhoët, les marins dynamitèrent l’arche centrale du pont. Depuis, il ne reste que la tête et la queue du chameau et on attend toujours le bon vouloir de la Municipalité pour la mise en valeur des ruines et de leurs abords.

     

     

     

    [1] Le crocodile de Sautron : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/06/et-le-crocodile-de-sautron-fit-s-echouer-les-navires-sur-le-6133822.html

    [2] Le Sultan du Petit-Maroc : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/22/le-petit-maroc-histoire-d-un-nom-6067779.html

    [3] La chapellenie avait été fondée par la famille Deniaud pour l’un de ses fils entré en Religion.

  • Les Protestants de Saint-Nazaire

     

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    Décor de la façade de la Fraternité de Saint-Nazaire

     

    La communauté protestante de Saint-Nazaire comporte peu de représentants à Saint-Nazaire, pourtant elle fut très active dans le développement de la ville et du port.

     

    De la réforme à l’abolition de l’Édit de Nantes :

     

    On a prétendu au 19ème siècle qu’il y avait eu un pasteur à Saint-Nazaire en 1563, élément repris et popularisé par Justin Vincent et Eugène Orieux dans « Histoire et géographie de la Loire-Inférieure », publiée en 1895. En réalité, il n’en fut jamais nommé un, en réalité le Synode tenu à La Rocher-Bernard en février 1562 avait prié les pasteurs de Guérande et du Croisic de desservir Saint-Nazaire où la communauté était de quelques âmes dont on ignore les noms, faute de registre. Certes, deux familles seigneuriales nazairiennes, les Le Pennec, seigneurs du Boisjoalland, et les Rohan-Poulduc, seigneur de Heinlex, étaient protestants, et employaient chez eux des protestants, mais ceux-ci vivaient à l’année en leur château escoublacais et manoir guérandais, plutôt qu’en leurs manoirs nazairiens.

    Quant à l’existence d’un registre protestant disparu des archives du Tribunal de Saint-Nazaire en 1920, Charles Nicol a démontré dans son ouvrage « Enfants de Luther et de Calvin », (Ed. de Matignon, 1997), qu’il y a confusion avec le registre de Blain qui se trouva aux archives du Tribunal de Saint-Nazaire par erreur, et que Kerviler identifie comme étant celui de Blain dans ses Bio-Biographies bretonnes.

    Les douze édits restrictifs envers le culte protestant émanant du Conseil du Roi entre 1661 et 1679, rendirent l’appartenance à ce culte très difficile. Une véritable machine de persécutions fut mise en place, réduisant le droit de prêche des pasteurs, nuisant jusqu’à l’ensevelissement des morts, permettant la destruction de temple au profit d’églises, incitant les catholiques à la haine, fermant les yeux sur les exactions des soldats. Beaucoup de protestants se mirent à abjurer leur Foi pour avoir la Paix. Mais l’abjuration était mal vue dans leur ville d’origine, ainsi on vit des protestants faire des centaines de kilomètres pour abjurer, et en refaire encore des centaines pour s’établir comme catholiques dans une paroisse où personne ne les connaissait. Ainsi trouve-t-on dans le registre paroissial de Saint-Nazaire, à la date du 12 décembre 1662 celles d’Antoine Charier, 25 ans, natif « de Saint-Savigné, évêché de Saintes », et de Jan Gourdon, 20 ans, natif « de Moise, évêché de La Rochelle », deux bourgades dont nous n’avons trouvé trace.

    Une troisième abjuration, celle d’Etienne Bonnet, un Poitevin, eut lieu le 6 novembre 1681. Mais on ne trouve aucune abjuration de nazairien, et ce même après la révocation de l’Édit de Nantes par l’Édit de Fontainebleau du 17 octobre 1685, alors qu’on trouve dans les registres de Batz et du Croisic des abjurations d’habitants de ces communes.

    En 1687 à Paimboeuf et Saint-Nazaire, trente protestants poitevins et mayennais en fuite sur des navires anglais, (Lindever et Rebecca), furent arrêté sur dénonciation. Les armateurs nantais qui avaient armé ces navires furent mis en prison.

     

    Le retour des protestants à Saint-Nazaire :

     

    C’est le trafic maritime qui ramena le protestantisme à Saint-Nazaire.

    Le 23 novembre 1857, Thoralf August Jacobsen, fils d’un pasteur officiant au port de Kalundborg, 15 ans et demi, matelot de l’Oresund, navire danois, se tua en tombant d’un mât vers 16 h.

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    Acte de décès de Thoralf August Jacobsen

     

    Déclaré en mairie de Saint-Nazaire, c’est sur le registre protestant de Nantes qu’on le retrouve pour son inhumation en cette ville. À l’époque on ne mélangeait en effet pas les morts non-catholiques avec les catholiques. Le protestantisme ne concernant que des marins et des voyageurs étrangers. Cependant en 1858 fut créé un carré protestant à Saint-Nazaire, au cimetière de La Briandais, carré que le maire, René Guilouzo, aussi mauvais administrateur, que mauvais médecin, et exécrable individu, proposa en juin 1859 de constitué en carré « réservé aux dissidents » qu’il proposa de séparer d’un mur des catholiques, et de doter d’une porte séparée. L’idée étaient d’y mettre tous les non catholiques et aussi les suicidés… Déjà en 1855, l’épouse du commissaire de Guérande, madame Deligny, née britannique, avait manqué d’être mise avec les suicidés, et une polémique provoquée par monseigneur Jaquemet, évêque de Nantes, pourfendeur autoproclamé du protestantisme et de ses écoles, avait échauffé les esprits.

    Le premier enterrement protestant nazairien est celui d’Eugénie Borel, âgée de 30 ans, le 12 novembre 1858, et dont on ne sait hélas rien de plus, car le registre de décès de 1858 a été perdu durant la dernière-guerre.

     

    Le premier baptême protestant (connu) ayant eu lieu à Saint-Nazaire fut pratique par le célébré pasteur nantais Jean Sohier de Vermandois, (1809-1874).

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    Acte de naissance de Charles-Henry Göbelbecker

     

    L’enfant, Charles-Henry Göbelbecker, né le 13 juillet 1861, (et déclaré le 14), était fils de Charles-Louis Göbelbecker, brasseur à Saint-Nazaire, originaire de Bavière, et de Christine-Fredericka Seiche[1]. Les parrains furent les Nazairiens Amélie Kauffman, (épouse de Jean-Jacques, commis chaudronnier), et Henri Violon, chaudronnier, originaire de Suisse. Ce baptême se fit au domicile des parents. Plusieurs autres eurent lieu dans l’années, et très vite plus de 30 protestants durent répertoriés par le Consistoire de Nantes, qui évalua que le nombre de Nazairiens protestants, tous cultes confondus, devait être d’une centaine. En janvier 1863 les famille Violon, Becker, Bourcard, Camus, Steifel, Smith, Zelling, ainsi que la veuve Lucion, et Jules Bagot, demandèrent l’instante assistance du Consistoire. Aussi, dans sa séance du 19 décembre 1862, le Consistoire décida de louer une pièce où le culte serait célébré une fois par semaine. On loua pour cela deux pièces de son appartement au docteur Guichet, qui officiait à Paimboeuf et intervint durant l’épidémie de fièvre jaune de 1861. Il logeait à Saint-Nazaire au-dessus des bureaux de la Compagnie Général Transatlantique, rue de La Paix.

    Le protestantisme étant toujours mal vu en France durant l’Empire, et étant assimilé aux étrangers, la première célébration du culte le 15 mars 1863 par le pasteur nantais Benjamin Vaurigaud (1818-1883), fit s’exciter les Catholiques. Le sous-préfet de Savenay, Louis-Emmanuel de Chastellux, fit un rapport et dénombra 120 à 130 personnes ayant assisté au culte. On a du mal à concevoir autant de gens dans deux pièces d’un appartement, même si cela devait être deux vastes salons. Au demeurant, la municipalité de Saint-Nazaire avait été informée, et le maire, René Guilouzo, s’était vu remettre le 16 mars la somme de 65 francs 59 centimes, issus d’une collecte pour l’ouverture du culte protestant à Saint-Nazaire.

    Ce pendant le nombre de protestants augmenta à Saint-Nazaire, et bénéficia du flux constant de voyageurs et de marins désireux de suivre l’Office.

     

    La construction du temple :

     

    Les Protestants nazairiens réclamaient l’édification d’un temps en 1871, espérant être appuyés par le premier adjoint, Ernest Bachelot-Villeneuve[2], un médecin républicain, que Mac-Mahon, président royaliste, releva de ses fonction avec le reste du Conseil en 1874. On commanda des plans à l’architecte nantais Georges Durant-Gasselin (1840-1911)[3], mais l’on manquait d’argent. Aussi, on se décida de louer un local rue du Prieuré, à l’épicier Brerette. Mais en décembre 1876, le loyer commença a être impayé. Brerette trouva la solution en louant le lieu pour des réceptions, sans informer le pasteur Fargues qui avait remplacé le pasteur Vaurigaud. Le mobilier, (chaises, tapis, tables), appartenait à la communauté. Le Pasteur porta plainte auprès du Procureur de La République le 9 mars 1877 pour « violation du temple protestant de Saint-Nazaire ». Il s’était en effet aperçu la veille qu’on y donnait un bal masqué pour célébrer la mi-carême. Les livres des paroissiens, et la robe du Ministre avaient étaient jetés pêle-mêle dans un coin. Pire, les musiciens étaient les chantres de la paroisse Saint-Gohard, ce qui ralluma la haine entre les communautés religieuses !  Le procureur, Charles Marion de Procé se déclara incompétent dans la mesure où il n’y avait pas eu signature d’un bail, que les loyers étaient impayés. Brerette dit « ne pas avoir pensé à mal ». Le Procureur dissuada le pasteur Fargues d’aller plus loin. Au demeurant il n’y avait pas de représentant « autorisé de la communauté protestante à Saint-Nazaire. Il fut alors nommé un comité de trois membres pour servir de lien entre les fidèles et les pasteurs de Nantes, comité augmenté de deux membres en 1880 ».

    Le culte était alors bimensuel. Les fidèles emmétrèrent le vœu que deux fois par mois un service soit présidé par un laïque, et que une fois par mois il y ait un service en langue anglaise pour les marins et résidents britanniques, dont la communauté était alors importante à Saint-Nazaire.

    On loua une maison à monsieur Pelletier… Mais la location se trouva partagée avec une madame Duau, qui sous-loua à une maquecrelle ! Ainsi le 22 avril 1881 nouvelle plainte pour violation du Temple, par « des filles publiques » !  C’en fut trop pour les fidèles qui réclamèrent au Consistoire des comptes.

     

    Le secrétaire général de la mairie était l’un d’entre eux, il se nommait Varenne, et sollicitât le Maire d’alors, Auguste Desanges, pour une participation à l’édification d’un temple. Celui-ci ne voulait pas. Varenne pensa contourner lui forcer la main en lui demandant de lui dresser la liste des protestants de la commune, avec pour commentaire « En cas négatif, vous n’aurez qu’à me retourner la présente lettre avec le mot : néant ». La lettre fut renvoyée avec un « NEANT » dans la marge…

    Le pasteur Fragues estimait ses paroissiens à « 30 à 50 », « 80 personnes à l’arbre de Noël », et « 12 à 15 élèves assidus à l’école du dimanche » ; Varren lui estimait qu’on pouvait réunir 300 personnes au culte, il est vrai qu’il comptait sur l’évangélisation des ouvriers de Penhoët et Trignac qui fuyait le culte catholique, sans imaginer que les ouvriers tendaient à l’athéisme, et aux chiffres du Consulat britannique de Nantes qui évaluait 4.000 à 7.000 marins transitant par an, susceptibles de suivre le culte. En 1889, le pasteur Lassalle, pasteur itinérant de la Société Centrale d’Évangélisation, qui assurait un culte hebdomadaire jusqu’en 1894, informa avoir une paroisse de 50 à 60 protestants, dont 25 à 30 suivant le culte régulièrement, et une quinzaine d’enfants à l’école du dimanche.

    Ce fut finalement le banquier et industriel nantais Hyppolite Durant-Gasselin, (1839-1929), frère de l’architecte nommé plus haut, et héritier de la fortune de Thomas Dobrée, qui prit en charge le dossier[4]. Il fit faire l’acquisition d’une parcelle de 345 m² rue de Cran par le Consistoire auprès de monsieur Perthuis pour 6.000 fr. Une somme de 10.000 francs fut réunie pour l’édification du temple. Cette somme était issue de dons divers à hauteur de 6.000 fr (on avait placé des troncs dans les consulats des pays protestants), 3.000 fr collectés, d’un don du gouvernement de 1.000 fr, pour la construction du temple, confiée à nouveau à l’architecte Georges Durant-Gasselin. Celui-ci renvoya les plans du temps qu’il avait dessiné en 1872, avec quelques modifications, qu’il ne factura pas, et écrivit au pasteur Dartigue à Nantes, qu’il se refusait de reprendre le dossier, ayant été profondément découragé par les difficultés administratives que lui faisaient les autorités. La municipalité de Saint-Nazaire ne voulait pas l’édification de ce temple. À cela s’ajouta des difficultés à rassembler le reste de la somme nécessaire pour l’édification. On réduisit finalement la taille du projet pour en faire un lieu de 174 places possible, en serrant les chaises au maximum, et la Mairie valida le projet.

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    Plan du temple, Archives Départementales de Loire-Atlantique, 85V1/2 ; cliquer pour agrandir.

     

    La première pierre fut posée le 21 juin 1888, mais l’argent manquait toujours. Comme la spéculation avait toujours cours à Saint-Nazaire, on divisa une partie de la parcelle pour la revendre aux enchères, le 21 avril 1898. La communauté protestante augmentait pourtant, ainsi que le nombre de marins scandinaves et allemands, du fait de l’ouverture en 1891 sur le port de la succursale de la société Hailaust, exportatrice de bois du nord de l’Europe. Des dons arrivèrent de Philadelphie, d’Allemagne et de Suisse. Un emprunt de 3.000 fr remboursable en cinq annuités fut contracté.

     

    L’inauguration, sous la présidence du pasteur tourangeau Dupin de Saint-André, de Tours, eut lieu le 1er octobre 1898. On nomma le pasteur fut Biau, suppléé par le pasteur Leuba.

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    C’est à cette époque que la Mission Populaire Evangélique, dite « Mission Mac-All », envoya sur la Loire un navire évangélique, le Mystery dont le port d’attache fut Saint-Nazaire.

    Cependant le nombre espéré de 200 fidèles au temple ne fut jamais atteint, et quand il y avait 60 fidèle, les dimensions du temple laissaient peu de possibilité de se mouvoir.

    Les espoirs de Varenne étaient tombés : les Anglicans ne se mélangeaient pas avec les Luthériens et Calvinistes. Ils avaient leurs propres pasteurs qui venaient à bord des navires, et obtinrent du Préfet en 1898 l’édification d’une chapelle « provisoire » pour leur culte. Cette chapelle était en fait une salle du Vice-consulat britannique, où le pasteur Irby, officiait en alternance avec la chapelle de Nantes, les second et quatrième dimanches ; quand à l’évangélisation des ouvriers Trignac et Penhoët, elle fut reçue à coup de sceaux d’eau et hygiénique. On tenta d’explique ce rejet des ouvriers par le fait que les pasteurs étaient issus de la bourgeoisie, mais c’est nier la monté de l’anarchisme et des mouvements dits de gauche.

    Il y eut à la fin du 19ème siècle une baisse du nombre de protestants à Nazaire, l’argent manqua pour entretenir le temple dont la toiture fuyait. La Loi de 1905 n’arrangea pas les finances. La Mission Mac-All intervint pour soutenir la communauté et l’entretien du temple. Elle organisa des réunions d’évangélisation. Mais l’argent manquait toujours, et le Consistoire suprême des postes de pasteur. Le pasteur de la Mission Mac-All, monsieur Corby, proposa de reprendre la direction de la paroisse, mais la Mission Mac-All s’y opposa, et on lui confia finalement une communauté poitevine en mars 1911.

    Le Conseil presbytéral de Nantes fit alors une démarche auprès de la Société Centrale Évangélique, qui désigna en mars 1912 le pasteur Héliodore Jospin[5], (1873-1944), sous les conditions suivantes : que la rentrée des cotisations promises serait aussitôt organisée, que Nantes ferait à la Société Centrale une part dans son budget, que le poste de Saint-Nazaire serait indépendant de Nantes et son territoire bien délimité, et que le pasteur de Saint-Nazaire donnerait à Nantes une prédication par mois.

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    Le pasteur Jospin

     

    Le pasteur Jospin resta en poste jusqu’en 1929. Durant la première-guerre-mondiale, il eut à charge en plus de ses fidèles, les prisonniers allemands qu’on employait comme main d’œuvre, (voir comme esclaves), sur le port. Sa mission ne s’étendit pas aux soldats étasuniens. En effet, les troupes US avaient leurs propres ministres du culte.

    En 1922, Mission Populaire installe à Saint-Nazaire un baraquement démontable nommé « La Semeuse », remplacé par la suite par une construction pierre. C’était un lieu de réunion et d’évangélisation qu’animait le pasteur nantais Henri Garnier. Les Éclaireurs Unionistes agirent aussi de leur côté. Si bien que la communauté protestante augmenta sensiblement par conversions, remplissant le temple le dimanche. Il faut cependant relativiser, le nombre de fidèles régulier est de 60 personnes le dimanche. Louis Campredon, (1863-1928), ingénieur chimiste, fondateur du laboratoire d'analyses métallurgiques de Saint-Nazaire, et de la Ligue antialcoolisme, participe au culte, il y fait figure de personnalité nazairienne de référence, et est un donateur généreux.

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    En 1920 un scaphandrier grec décéda asphyxier durant son travail au fond d’une épave de paquebot. On demanda au curé de l’église principale Saint-Nazaire, Donatien Joalland, de venir procéder à une cérémonie funèbre, il refusa grossièrement sous prétexte que le mort était orthodoxe. Faute de trouver un pope, on demanda au pasteur Jospin qui accomplit le culte, ce qui provoqua un grand émoi dans la population et renforça la détestation des Catholiques nazairiens envers Joalland qui depuis sa nomination en 1909 avait réussi aussi à dépeupler son église au profit de la paroisse Saint-Gohard. Peu après l’événement, le Vice-Consul de Grèce demanda au pasteur Jospin un Nouveau-Testament, et une famille grecque le baptême pour son enfant.

    Mais en 1929, au départ du pasteur Jospin, le culte n’est assuré qu’une fois tous les quinze jours par le pasteur nantais Brunet.

     

    La vente du temple à la Mission Mac-All :

     

    Société Centrale Évangélique vendit le temple pour la somme de 60.000 fr à la Mission Mac-All en 1931. Le Pasteur Maurice Le Berre fut alors nommé à Saint-Nazaire.

    En vendant le temple de Saint-Nazaire, la Société Centrale conserva son ancienne annexe de La Baule, avec la charge des protestants en résidence du canton de Guérande, elle construisit ainsi avec l’argent de la vente de Saint-Nazaire, le temple de La Baule, et en 1932, grâce au caprice de deux industriels de mosellans, elle se vit offrir un autre temple à Saint-Brévin-L’Océan. Ces temples n’étaient ouverts que l’été, le culte étant assuré par des pasteurs à qui on offrait la location d’une maison pour eux et leur famille durant les vacances.

     

    Guerre et Paix :

     

    Le pasteur Le Berre fut mobilisé en 1939. Rendu à son ministère nazairien en 1941. En février et mars 1943, la ville est écrasée sous les bombes et la population évacuée. La toiture du temple en flamme s’effondre, ne laissant que les murs.

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    Replié à La Baule, le Pasteur Le Berre visitait chaque jour les fidèles dispersés dans la Poche, alternant l’Office sainte entre La Baule et Saint-Brévin.

    À la Libération la Mission Mac-All remplaça le pasteur Le Verre par Albert Trubert, un baraquement pour loger la Fraternité de Saint-Nazaire est construit.

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    Durant les années de la Reconstruction, il y eu un rapprochement œcuménique entre protestants et catholiques nazairiens. La venue des États-Unis de « quakers », surnom donné aux fidèles de la Société religieuse des Amis, une dissidence de l’Église anglicane, durant les années de la reconstruction n’est pas à négliger dans ce rapprochement.  Ceux-ci avaient créer « le foyer des Amis » où des machines à laver et à coudre étaient mises à disposition de la population. Ils repartirent à la fin des années 1960 et ont beaucoup marqué les nazairiens.

     

    À la Libération la Mission Mac-All préféra utiliser l’argent des indemnités de guerre pour construire La Fraternité de la Mission Populaire de Saint-Nazaire, plutôt que de restaurer le temple, pourtant réparable, et qui finira détruit par les pelleteuses du Déblaiement. La Fraternité, située au 1 rue de l’Ile de France, fut inaugurée en 1955. Elle accomplie des actions à destination des plus fragiles : accueil café du matin, cours de français aux migrants, vestiaire social, aide administrative et numérique, cours d’informatique, de couture, moments festifs, activités culturelles, braderie-brocante.

     

    Depuis se sont établies à Saint-Nazaire une représentation de l’Église Protestante Baptiste Libre dont l’église couverte de bois se trouve à La Vecquerie, et une maison de l’Église Chrétienne Évangélique rue d’Ypres.

     

     

     

     

    [1] Ils furent contraints, avec les autres Bavarois et « allemands » de Saint-Nazaire, à fuir en 1870, ce qui fit disparaitre la dernière brasserie fabriquant à Saint-Nazaire. On faisait de la bière en notre ville depuis le 17e siècle, mais la Révolution avait durant plusieurs décennies stoppé cette industrie.

    [2] Ernest-Charles-Amédée Bachelot-Villeneuve, né à Pré-en-Pail le 6 juin 1840, reçu docteur en médecine à Paris le 8 août 1866, docteur en médecine à Saint-Nazaire à partir de 1868, marié à Vannes le 30 janvier 1872 avec Emilie-Rose Bachelot, Bachelot, née le 15 septembre 1852 à Piriac, fille de Vincent-Marie Bachelot et de Marie-Caroline Krieger, d'où :

    1° Rémond-Viencent-Amédé, (Saint-Nazaire 27 janvier 1873 – Saint-Nazaire 26 juillet 1873) ;

    2° Madeleine-Eugénie-Thérèse, née à Saint-Nazaire le 4 août 1876, mariée en cette même ville le 18 mai 1903 avec Alphonse van Bredenbeck de Châteaubriant, écrivain lauréat du prix Goncourt en 1912, qui se compromis dans le nazisme.

    La famille Bachelot-Villeneuve doit la seconde partie de son patronyme à la possession d’une ferme nommé Villeneuve à Piriac-sur-Mer. Certain de ses membres étaient connus comme Bachelot de Villeneuve, ou de Villeneuve-Bachelot. ), Le 27 février 1845 sous le seul nom de Bachelot, le frère du docteur, l’avocat Alphonse-Gustave Bachelot, dit Bachelot-Villeneuve, tenta de faire rectifier son état civil, ce que le tribunal civil de Saint-Nazaire rejeta au motif que la terre de Villeneuve n'était pas une terre noble et que la volonté de l'auteur ancien du patronyme n'était pas suffisamment établie, le jugement fut confirmé par la cour d'appel le 29 août 1881. les armes des Bachelot-Villeneuve sont : D'azur au chevron d'or, accompagné en chef de deux étoiles rangées du même, et en pointe d'un croissant d'argent.

    [3] Il était fils de l’architecte du passage Pommeraye.

    [4] Il est aussi le fondateur de l’École de commerce der Nantes.

    [5] Parent éloigné de l’ancien premier ministre Lionel Jospin.

  • Et le crocodile de Sautron fit s’échouer les navires sur le Grand Traict

    Quand j’étais à Beyrouth, on me racontait, que Jerdis, ou Khordr, selon si mon interlocuteur était chrétien ou musulman, et que je savais être George de Lydda, avait, pour délivrer une princesse, tué un dragon près d’un puits de la baie, et que l’on voyait les descendants de la bête traverser les jardins de Rabieh.

    Des reptiles androphages qui hantent les points d’eau et les marais, il y en a partout. En Provence la Tarasque vivait dans les marais de Tarascon, un dragon hantait ceux de Niort, des vouivres grouillent en Franche-Comté, Saint Lyphard, dans son village au nord, trancha la tête d'un serpent géant qui dévorait les pucelles… Mais moi, Nazairien, j’ai la chance d’avoir le Crocodile de Sautron, qui longtemps fit s’échouer les navires jusqu’à ce qu’on se décidât un jour à placer des barreaux de fers devant la bouche de l’Écumière, cours d’eau rendu souterrain par l’expansion de la ville, cachette de l’énorme bête. Eh quoi ? Yallah ! L’entre vaut bien les Grottes de Sarba, et la rade de Saint-Nazaire la baie de Saint-Georges ! Et puis, au Liban on ne contredit jamais les légendes, le proverbe arabe ne dit-il pas " L kizib Milh l rjel " (الكذب ملح الرجال) : " le mensonge est le sel de l’homme " ?

    Si Saint-Georges est probablement l’image de la chrétienté sauvant les Beyrouthins du culte du dieu Echmoun, éphèbe entouré de serpents, et les petits dragons qui courent les jardins sont des iguanes échappés des chez un particulier, qu’en est-il du Crocodile nazairien de mon enfance vivant sur la plage du Grand Traict ?

    Longtemps j’ai cherché l’origine de cette légende. Est-ce en lien avec Saint Lyphard qui tua un énorme serpent qu'on dit être ensuite dragon ? Une bannière sarrasine rapportée des croisades par un vicomte comme la guivre halissante des Visconti ? Ah non, le récit n’était pas si vieux d’après ce que j’avais pu trouver dans la bibliothèque familiale.

    Je me creusais la tête : était-ce un vrai crocodile rapporté tout petit par un marin et qui devenu grand fut lâché dans le petit marais de Sautron ? Ou un autre échappé de la roulotte d'un montreur de reptiles venu exposer ses bêtes pour la kermesse de Villès-Martin en août 1884 et dont Aristide Briand fit mention dans un article écrit pour la Démocratie de l'Ouest ? Une bête empaillée dans le bureau d’un capitaine au long-cours ? On me parla d’une prénommée Hélène. Hélène ? Celle de Troie ? Cela aurait donc été finalement une légende très ancienne ? Je fouillais les Chroniques d'Alain Bouchart à la recherche de Brutus qui débarqua à Saint-Nazaire au retour de cette longue guerre et y fonda le Royaume de Bretagne. Mais rien ne disait qu’Hélène lui avait donné un crocodile.

    Non, rien de tout cela… le crocodile, venait de Norvège, et Hélène était Helena, au plus exactement l’Helena, un trois-mâts inscrit au port de Christina transportant du bois pour messieurs Hailaust négociants en bois du Nord.

    Le 8 décembre 1872, pris dans la tempête l’Helena se fracassa sur les rochers de la Villès Martin, et vint s’échouer devant les villas de Sautron, entre la pointe et la baie d’Écumière. Heureusement l’équipage, composé de huit hommes, avait été sauvé à Bonne Anse par le canot de Saint-Marc.

    Monsieur Vauvert, le représentant des assurances maritimes à Nantes, demanda à monsieur J.-P. Aubré, courtier maritime, de procéder à la vente aux enchères de l’épave. On la démembra, mais l’ossature de la coque, prise dans la vase, resta sur place. On était alors en pleine période d’étude des fossiles, les revues que les familles lisaient le soir étaient illustrées de gravures figurant des crocodiles gigantesques s’en prenant à des dinosaures marins…

     

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    Un ichtyosaure (genre de crocodile) et un plésiosaure

     

    Alors aux enfants qui demandaient ce qu’étaient ces grandes côtelettes surgissant de la vase, les parents dirent que c’était les restes d’un crocodile antédiluvien… 

     

     

     

    D’autres navires se sont échoués sur le Grand Traict, Il y eut le trois-mâts Vigo, en mars 1886, devant la préfecture, échoué volontairement en réalité, dans le but de le démonter par la Société d’Entreprise de Sauvetage des Galions.

     

     

     

    En 1888 le pyroscaphe Le Rapide[1], lancé en 1828, qui transportait normalement les voyageurs entre Nantes et Saint-Nazaire, mais qui poussait l’été jusqu’à Noirmoutier, finit sur la plage.

     

    Le 28 mai 1915, devant le Casino, le paquebot La Champagne revenant de Colon avec 980 passagers, s’échoua après avoir percuté un autre navire. Les marins de Saint-Nazaire disaient qu’il portait malheur ;  depuis son lancement en 1886, il avait été percuté plusieurs fois. Il s’enlisa tout le temps de la guerre, et ne fut démantelé qu’une fois la Paix revenue.

     

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    Et puis il y eut le pétrolier Pass-of-Ballater, parti de Nantes le 6 janvier 1939 au soir, il s’échoua face au monument aux morts le provoquant le grand étonnement des nazairiens qui vinrent tous le voir le lendemain, samedi 7 janvier. Jaugeant 810 tonneaux, long de 61 m, large de 10 m, un creux de 4 m 60, son équipage était de 19 hommes. Il avait pourtant, arrivé à Saint-Nazaire, pris à son bord le pilote qui devait lui faire passer les Charpentiers. Mais une fausse manœuvre le fit prendre à tribord en direction du plateau de la rade. Un autre pilote fut dépêché, il décida l’échouage. Heureusement il était vide, on n’eut pas de marée-noire, et les dégâts étaient minimes. Une soudure électrique par les Chantiers de La Loire mandatés par l’armateur lui permit de repartir au soir du 7 janvier vers Cardiff, remorqué par l’Hœudic.

     

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    [1] Lire à son propos : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/10/le-vieux-mole-6127788.html

     

  • Les Loges et temples maçonniques de Saint-Nazaire

    La première loge maçonnique de Saint-Nazaire se nommait L’Etoile des deux mondes. Elle fut constituée par des Nazairiens membres de la loge Mars et les Arts de Nantes, en novembre 1864.

    Ces fondateurs étaient Jules Duval[1], directeur d’assurance, qui en fait le premier vénérable ; Gustave Boucard, négociant, qui passa en 1868 à la loge Mars et les arts de Nantes ; Alphonse Durand, négociant ; Foulon, de la compagnie des paquebots transatlantiques ; les frères Ernest et Francis Goy[2], capitaines, fils d’un ancien maire de Saint-Nazaire ;  Gaston Huette, dessinateur[3] ; Joys, marchand de matériaux ; Pierre-Pertieoz Loupy, médecin sur les paquebots de la Compagnie Générale Transatlantique, chevalier de la Légion d’Honneur[4] ; Pottier, mécanicien[5] ; et Evariste Quirouard, courtier maritime[6]. Ils furent rejoints par d’autres Nazairiens membres de la loge nantaise Paix et Union : Philippe-Marie Brohan, peintre vitrier[7] ; Jacques-François Daguenet, horloger[8] ; Ficher, travaillant pour la Compagnie Général Transatlantiques ; Hoquet, propriétaire ; Louis-Napoléon Pierre dit Dumas, maître serrurier, hospitalier ; Ferdinand Perdriel, entrepreneur et surtout directeur propriétaire de l'Hôtel de la Croix Verte, dans la vieille ville, passé en 1868 à la loge Paix et Union de Nantes [9] ; Émile-Louis-Marie Rio, loueur de voitures [10] ; et Subra, négociant à Saint-Nazaire.

     

    Les frères ainsi réunis restèrent un temps, attachés à leurs loges nantaises, jusqu’à ce que le Grand Orient leur accordât Constitution. Et c’est finalement le 19 octobre 1865 qu’ils inaugurèrent leur temple situé rue de La Paix, sous les auspices de la loge Mars et les Arts. Ils étaient alors au nombre de 25 membres. En ce temps là les loges avaient une activité publique, elles organisaient des galas, des fêtes de bienfaisance, et étaient jumelées avec des clubs mondains. C’était le cas de celle de Saint-Nazaire dont le temps était accouplé à un Cercle où les hommes venaient jouer au billard, aux cartes, lire la presse, en sirotant fine et café, tous les jours et jusqu’à minuit. La Tenue avait lieu tous les mercredis.

    En 1866 le vénéralat fut confié à Monnier, Boulanger rue de l'Artillerie, qui devint conseiller municipal. Le nombre de frères était de 62 en 1867. La guerre de 1870 les dispersa. Le Cercle fut transformé en hôpital de 25 lits, une mauvaise gestion endetta la Loge. Le vénéralat fut confié à Alphonse Pinguet, l’architecte des Pont et chaussées collaborateur de Leferme, puis architecte-voyer de la ville, à qui Alcide Bord commanda les plans du lotissement de Porcé, et de son château.

     

    En 1874, le Sous-préfet de Saint-Nazaire, Balleidier, trouva les agissements politiques des frères gênants : les Francs-Maçons étaient réputés pour être des athées, ce qui émouvait les politiques alors en pleine crise de catholicités et de retours sur le trône d’Henri V, le petit-fils de Charles X, exilé en Autriche sous le nom de comte de Chambord[11]. Il est vrai que Pinguet, le vénérable de la loge de Saint-Nazaire, dans une lettre adressée le 7 aout 1871 au Journal la Vérité de Lausanne, appela à une union internationale des Frères en se détachant de la géopolitique, et surtout des religions, estimant qu’elles nuisaient à la Paix des peuples, et avait proposé une ouverture de ses travaux aux profanes (c'est-à-dire aux non-initiés mais intéressé à l’être).

    Le préfet demanda une liste des francs-maçons nazairiens, elle fut bien courte, en dehors de l’ancien vénérable Monnier, il repéra : Rio, le loueur de voiture déjà cité, mais passé à la loge Paix et union de Nantes en 1868 ; Camus, chaudronnier ; Couet, pâtissier ; Couëtoux, marchand de confections ; Denigot, relieur ; Ecary, menuisier ; Feuchard, président du Comité républicain ; Guillermite, cafetier ; Lebrun, artiste ; Leroy, maître d’hôtel ; Martin, marchand de toiles ; Texier, cordonnier ; Eugène Vincent, commerçant en grain ; Violon, chaudronnier ; Charles Vonce, charcutier ; Voyer, capitaine des Pompiers. Il fut donc oublié Pinguet, le vénérable d’alors ; Vaché, son orateur ; Sorin, Sallebert et Pierre, qui en étaient officiers.

    À la fin de l’année 1874, la loge de Saint-Nazaire fut mise en sommeil.

     

    Obligés de poursuivre leurs travaux à Nantes, l’idée de récréer une loge nazairienne fut mise au débat en 1885. Une société provisoire fut fondée en 1886 sous le nom de Trait d’Union. Le Grand Orient accorda le 2 mars 1887 Constitution. La Loge se composait de 30 membres :  15 maçons, et 15 profanes, dont Aristide Briand, qui fit cependant son initiation à Nantes alors qu'il devait la faire initialement à Saint-Nazaire le 1er juillet 1887. Le 30 mai sous la présidence du vénérable de la Loge Paix et Union, assisté d’une délégation de 20 membres des loges Paix et Union et Libre Conscience, Adolphe Boulin, chef de matériel aux Ateliers et Chantiers de La Loire, fut installé vénérable. Le temple se trouvait alors au 45 rue de Paris, au premier étage, à l'angle de la rue des Caboteurs ; il fut meublé grâce à la générosité des Frères de la loge Libre Conscience, et fut inauguré le 10 juillet 1887 par le pasteur Desmons, vice-président du Conseil de l’Ordre du Grand Orient. Il y eut la veille une fête organisée à destination des Nazairiens en la salle des fêtes du Grand-Hôtel, présidée par le maire Fernand Gasnier, et qui regroupa plus de 500 personnes. Ce fuent finalement 34 membres qui ouvrir les premiers travaux : Boulin ; Daguet, 1er surveillant ; Ponsin, 2ème surveillant ; Francis Goy, orateur ; Arhtur Hongniard, dessinateur, secrétaire ; Danais, expert ; Goupil, trésorier ; P. Dumas ; Paulin Calimaque (1829-1903) maître charpentier devenu entrepreneur, candidat malheureux aux municipales de mai 1888, maître de cérémonie ; Vergne, couvreur ; Deslins ; Renouf ; Chameroy ; Dumoulin ; Chenu ; Léon Bauduin ; Nolau ; Giraudet ; Bergman ; Charvet ; Wallet ; Houisse ; Gérard ; Bomal ; Choisnel ; Pierre Gouault ; Lemarié ; Riché ; Martineuq ; Galigné ; Bredoux ; Gaborit ; Callo ; Poulard.

     

    Les relations avec les Nazairiens n'étaient pas toujours simples. Le 9 novembre 1892, les Francs-maçons de Saint-Nazaire se plaignirent au Grand-Orient : « Les maçons sont en butte aux aménités des journaux cléricaux et les syndicats ouvriers nous voient d’un mauvais œil. Quand aux républicains, ni de près ni de loin, ils ne veulent de contacts avec nous. L’administration est contre nous. Nos rangs s’éclaircissent chaque jour. »

    Le 13 juillet 1897, dans une autre lettre adressée au Grand-Orient : «  La Respectable Loge Le Trait d’Union, après avoir délibéré, reconnaissant que la présence des Abbés André, vicaire de Saint-Gohard de Saint-Nazaire et Texier, desservant de la paroisse Saint-Gohard est funeste à la République en raison de la grande influence qu’exercent ces deux prêtres sur les directeurs des Forges de Trignac, Chantiers de la Loire et la Compagnie Transatlantique, influence dont ils usent et abusent pour éliminer des Chantiers tous les ouvriers désignés ou simplement soupçonnés d’être libres-penseurs ou seulement républicains. […] demandons instamment au frère Brisson, président du Conseil et ministre des Cultes, d’exiger de Monseigneur l’évêque de Nantes, le déplacement du desservent Texier et du vicaire André. »

     

    Le 30 août 1899, le Conseil Général de la Loire-Inférieur tenta de faire interdire la franc-maçonnerie en adressant un " vœux " au Gouvernement. Ce " vœux " était noyé dans une longue liste d'autres, qui allaient de la demande de prolongement de la ligne de train de Saint-Nazaire jusqu'au Croisic et à Chateaubriand, à un concours de poulain et de pouliche et du repos dominical... Les signataires étaient tous des élus catholiques, membres de la noblesse et riches propriétaires terriens.

     

    Le 10 février 1919, les francs-maçons étasuniens cantonnés à Saint-Nazaire organisèrent une cérémonie avant leur départ dans le nouveau temple du trait d'Union installé rue de Villès-Martin. Les Maçons nazairiens offrirent alors un drapeau tricolore chargé d'inscriptions commémoratives à leurs frères étasuniens. Ce drapeau fut après la Seconde-Guerre-mondiale remis à la Loge de Saint-Nazaire.

     

    Les vénérables se succédèrent :

    Boulin de 1887 à 1889 ; Arthur Hongmiard, de 1890  à 1896, (avec un intermède en 1891 assuré par Louis-Napoléon Pierre dit Dumas)  ; Emile Lenevé, dessinateur, de 1897 à 1898, élu au bout de trois tours, avec 4 voix, car seulement 9 votants, il fut en conflit permanent avec son prédécesseur, entraînant la mise à l’écart des frères de troisième grade, ce qui incita une partie des membre à demander la mise en sommeil de la Loge en 1898 ; Louis-Napoléon Pierre dit Dumas en janvier 1899, provisoirement suite au refus du Grand-Orient de le reconnaître élu vénérable, (l'Atelier comportait alors 23 membres) ; Louis Dumas, entrepreneur, 1899 à 1900 ; Constant Perron, agent général d'assurance, (maître en octobre 1897), en 1901 ; Louis Pinard, maître d’hôtel navigateur de 1902 à 1904 ; François Gamichon de 1905 à 1910 ; Merlhe de 1911 à 1919 ; Céléstin Godard, professeur, de 1919 à 1925 ; Armand-Henri-Joseph Brachet, directeur de l'école de Trignac, de 1925 à 1926…

     

    En mai 1925, Henri Gautier, initier à la loge de Saint-Nazaire le 21 juillet 1905, entra au Conseil municipal. le nouveau maire, François Blancho, fut initié en juillet 1925, (il aurait démissionné de la Franc-Maçonnerie en 1928, mais dans l'état actuel de nos recherche nous n'avons trouvé aucun document qui l'atteste, et ses amitiés proches, surtout après la Libération, étaient avec des initiés, d'autant que son beau-frère Robert Leroux, secrétaire de la mairie, était à la Loge, tout comme son mentor, Bernard Escurat, son adjoint, et maire provisoire entre les 18 juillet et 16 septembre 1941).

    En 1935, la Loge organisa la colonie de vacances La Clarté pour les enfants de maçons qui séjournait dans les locaux du collège Aristide Briand.

     

    Avec l’invasion allemande et les lois du régime de Pétain, les francs-maçons se cachèrent, mais nombre furent dénoncés entre août 1941 et septembre 1942. Parmi ceux du Trait d'Union, ce fut le cas de : Bernard Escurat, Instituteur retraité, (il fut celui de François Blancho), initié à Nantes à la loge Paix et Union, conseiller municipale à Saint-Nazaire, maire provisoire entre les 18 juillet et 16 septembre 1941, qui fut déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions le 16 octobre 1941 par Pierre Pucheu le ministre de l'Intérieur du Gouvernement de Vichy ; Célestin-Marie Godard, professeur d’anglais à l’école Deshoullères, ancien vénérable de la Loge ; William-René Clavier, agent d’affaire ; Maxime-Louis Gamichon, capitaine des pompiers et rentier ; Antoine-Hippolyte Le Gat, officier mécanicien navigateur ;  Henri-Albert Liegeois, receveur de 3e classe ; Georges Lamarre, commissaire de bord du paquebot Pérou de la Compagnie Général Transatlantique ; Francis Montfort, pharmacien ; Lucien-René Jaffre, professeur à l’École pratique ; Félix-Edmond-Léonce Cazalets, professeur de mécanique et électricité à l’École pratique ; Alexandre Patrice, comptable ; Georges-Joseph Houssay, archiviste économe de la mairie ; Adrien Sébron, professeur à l’Ecole Pratique de Saint-Nazaire ; Léon-Eugène-Jacques Charrier, commis des postes et télégraphes ; Berynot professeur au collège ; Albert-Philippe Garnier, commissaire de police à Saint-Marc ; André-Henri Allaire, commissaire des douanes du Cadre de l’A.O.F .A. fut déclaré ayant souscrit une fausse déclaration 3 juillet 1942 ; William-René Clairer, fondé de pouvoir en cabinet d’affaires ; Charles Michel, garagiste rue de la Gare ; Edgar-Ludovic Pigeaud, ingénieur direction des Travaux maritime, (initié à Nantes) ; Gaston-Paul Le Berre, déclaré comme ayant fait fausse déclaration 27 février 1943, directeur d’école à Saint-Brévin. A cette liste il faut ajouter : Auguste-Émile-Marie Guyonnet, directeur de l’école Victor-Hugo, membre de la loge Réveil vendéen, (Grand-Orient) ; et André Sachot, professeur d’anglais au collège Aristide Briand, de la loge La Solidarité Nantaise (Grande Loge de France), qui devra se faire gardien de nuit jusqu'à la Libération et aidera l'épouse du résistant Jean Brossaud quand celui sera arrêté par les Allemands et mis en détention à Angers. Ainsi que des initiés du Trait d'Union partis dans d'autres villes : Edouard-Charles-Jacques Régnier, commissaire de Police à Lorient, auparavant commissaire à Saint-Nazaire, passé à la loge Nature et Philanthropie de Lorient ; et Francis Le Bris, inspecteur primaire à Calais initié passé à la Loge Indépendance et progrès de Calais.

    Le temple fut fermé, puis bientôt pillé et endommagé par les bombes. Avec l’élargissement de la rue de Villès-Martin, les restes du temps furent rasés, et l’on se décida à en construire un nouveau, plus petit, sous la forme d’une maison individuelle avec jardin, dans l’îlot urbain à l’arrière de l’emplacement du temps initial au 20 de la rue François Rude. Sa construction nécessita la sollicitation des frères dispersés par les bombardements et les persécutions. Ce fut son vénérable, Henri Allanet, économe de l’hôpital de Saint-Nazaire, à qui l’on doit le maintien durant la guerre des structures médicales de Saint-Nazaire, le rétablissement d’un hôpital à Saint-Nazaire à la Libération, et la reconstruction de l’hôpital de Saint-Nazaire, qui lança une souscription pour la reconstruction du temple. Les Frères, après avoir logé leurs réunions à la Libération à l'Hotel Familly de La Baule, (locaux occupés alors par la marie de Saint-Nazaire après avoir, au début de l'évacuation de la ville, abrité le Lycée Aristide Briand), puis dans la maison d'un frère réfugié à Pornichet en juillet 1946, la maison d'un autre à la Baule, puis l'arrière-salle d'un cafetier nazairien, se réunissaient alors provisoirement au 68 de la rue de Pornichet, (maison toujours existante), avant de ce décider à accepter le prêt de locaux à Nantes jusqu'en 1954. (notons ici qu'en 1949, Henti Allanet publia sous le pseudonyme de Henri Librec, une historiographie de la franc-maçonnerie en Loire-Inférieure, allant de 1744 à 1948, avec autorisation, et préface par Dumesnil de Gramont, grand-maitre d'honneur du Grand-Orient, fascicule initialement destiné aux seuls maçons). 

     

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    Lettre de Henri Allanet, remerciements à un vénérable et les frères d'une autre loge comme donateurs de 1000 fr à la souscription lancée pour la reconstruction du Temple en juillet 1953.

    Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    La première pierre du nouveau Temple fut posée le 26 avril 1953, et il fut inauguré le 27 juin 1954, sous la présidence de Francis Viaud, (né à Montoir le 24 juillet 1899), Grand Maître du Grand Orient de France. S'il est modeste, petit même, comme le bâtiment qui l’abrite, et réalisé avec des matériaux simples ; que la qualité de réalisation et l’aspect du mobilier surprend par comparaison à d’autres Loges, soulignons que Henri Allianet sollicita pour le décor du parvis du temple et sa voûte, le peintre nazairien Emile Guillaume[12], ancien membre du Groupe Artistique de Saint-Nazaire puis du Groupe des Indépendants et associé à l’Unvaniezh ar Seiz Breur, qui fut aussi professeur aux Beaux-Arts de Saint-Nazaire après-guerre. Ces peintures furent visibles du public durant les journées du Patrimoine de 2017.

     

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    Fresques du parvis

     

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    Le Temple

     

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    Un tablier maçonnique de la collection de la Loge de Saint-Nazaire.

     

    Ajoutons qu'en 1930 il y eut la tentative de créer à Saint-Nazaire un loge d’obédience mixte  du Droit Humain. Cela ne se concrétisa pas. Il fallut attendre que la nazairienne Madeleine Bernier, (initiée en 1935 au Trait d'Union, pourtant strictement masculin, à la demande du vénérable de la Loge nantaise du Droit Humain), fit aboutir ce projet en 1966. Nommée Loge des Deux Mondes, l'allumage officiel de ses feux eut lieu le 15 octobre 1967.

     

    Le 12 novembre 1993, la Loge Sel et Tourbe, dépendant de la Grande Loge Nationale Française, alluma ses feux avec une vingtaine de frères.

     

    Le 5 février 1992, ce fut la loge La Navicula, rattachée à la Grande Loge Féminine de France qui alluma ses feux à Saint-Nazaire, avec une vingtaine de sœurs.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/08/01/notes-du-la-famille-duval.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/famille-goy/

    [3] Né à Nantes le 13 août 1847, il habitait au 4 rue Villes-Martin à Saint-Nazaire. Il s’y maria le 23 avril 1881 avec Marie Louise Querreaux, fille d’un pilote lamaneur.

    [4] Né le 9 septembre 1834 à Saint Denis de la Réunion, décédé le 7 octobre 1899 à Saint-Renan ; il épousa à Saint-Nazaire le 10 décembre 1870 Maria Augustine Brochard, native du Morbihan, qui lui avait déjà donné deux fils hors mariage à Saint-Nazaire dès 1867, mais qu’il reconnut à chaque fois pour siens. Après la naissance d’un troisième fils à Saint-Nazaire, le couple parti en Nouvelle-Calédonie en 1874, où naquit un quatrième fils. Établis finalement à Saint-Renan en 1885, ils y eurent une fille.

    [5] Il habitait rue du Bois-Savary.

    [6] Né le 30 août 1831 à Paimboeuf, décédé le 18 juillet 1909 à Saint-Nazaire ; marié le 1er septembre 1864 à Nantes avec Marie Amélie Pusterle de Cidrac, (1841-1893).

    [7] Né le 1er septembre 1812 à Paimboeuf, décédé le 25 mars 1887 à Saint-Nazaire, époux de Thérèse-Rosalie Juguin.

    [8] Né le 14 mai 1827 à Saint-Calais, marié le 22 novembre 1879 à Saint-Nazaire avec Marie Prudence Lefeuvre, sage-femme.

    [9] Membre d’une famille d’architectes nantais, il était domicilié alors à l’hôtel de La Croix-Verte à Saint-Nazaire, situé derrière la batterie du Port.

    [10] Né à Guérande en 1828, où il avait débuté son activité, son fils Émile-Louis-Marie reprit son entreprise après sa mort.

    [11] Rappelons ici que l’historien nazairien Gustave Bord, anti-maçon acharné, ancien représentant du comte de Chambord en Bretagne, sera persuadé que le comte de Chambord était mort d’avoir ingurgité de la poudre de diamant incorporée dans sa nourriture par une main guidée par un complot maçonnique ! (voir : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html )

    [12] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/30/le-groupe-artistique-de-saint-nazaire-et-le-groupe-de-indepe-6069504.html

  • L'Eglise paroissiale Saint-Nazaire

    Nous avons dans notre article précédent consacré à la «  vieille église », (http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/05/la-vieille-eglise-6126779.html), comment on ce décida à déplacer l’église principale de la Ville en 1882.

     

    eglise saint nazaire

    En 1882, le Conseil de fabrique, dont étaient membres l’abbé Henri-Olivier-Dieudonné Soulas, (Bourgenais 21 ocotbre 1833 - Saint-Nazaire 24 mai 1909), curé de Saint-Nazaire depuis le 1er janvier 1874, , René de Kerviler, maître Galibourg[1], et différents autres notables de la ville, (messieurs Aubré, Chenantais, Marcel Lucas, Péneau, Aoustin, Gustin-Stoll, David, et Bernard), avaient pour projet une église monumentale, triomphe de la Foi catholique, digne d’une cité qu’ils espéraient devenir l’un des ports les plus importants de France pour les siècles avenir, ou au moins le plus important de Bretagne. Soulignons ici que ces homme  firent le Ralliement à la République à la suite de l'encyclique " Au milieu des sollicitudes " du pape Léon XIII. La Paroisse Saint-Nazaire devint celle des Républicains, et Saint-Gohard celle des Royalistes.

     

    Le projet fut confié à l’architecte diocésain Mainguy, qui avait succédé en 1884 à Eugène-Pierre Boismen.  Il laissa ses fonctions en 1889 à Pierre Coquillard qui assura le début de la construction, et laissa à son tour sa place et l’édifice inachevé en 1895 à monsieur Yvernogeau.

    Mainguy vendit les plans d’un édifice monumental, ayant l’aspect d’une église angevine de style gothique tardif, en granite de Batz, de Clis, de Nantes, et tuffeau de Saint-Savinien et de Chauvigny, avec une nef d’une longueur de 56 m, sur 19 de large, au transept de 31 m sur 9 m de large, le tous sous des voûtes culminants à 31 m de haut. Si la longueur correspond à la moitié moyenne d’une cathédrale, sa hauteur sous voute lui vaudra d’être qualifié cinquante ans plus tard par le Chanoine Gouy d’avoir des « proportions de cathédrale », en effet, Notre-Dame de Paris à 33 m de hauteur sous voute, et Saint-Pierre-et-Saint-Pau de Nantes 37,5 m. Encore aujourd’hui, avec sa toiture vertigineuse, l’église Saint-Nazaire reste l’édifice le plus haut du centre-ville, et l’on ne peut que rester songeur quand on sait que le clocher prévu devait avoir une flèche culminant à 70 m de haut, soit 1 m de plus que les tours de Notre-Dame de Paris !

    Contrairement à une légende locale persistante, le projet a bien été dessiné pour être édifié à l’emplacement actuel de l’église. Cette légende d’une église prévue ailleurs a deux origines :

    1° Le projet d’urbanisation jamais réalisé du domaine du Sable en 1865 par le spéculateur Alphonse-Léopold-Nicolas-Louis Cézard à travers sa société londonienne[2] ;

    2° l’opposition provisoire de la municipalité à voir un monument aussi grand si prêt de l’Hôtel de Ville qui se trouvait alors à deux rues de là du côté du port, et qui n’était finalement qu’un petit hôtel particulier exigu, et qui entraina la quête d’autre terrains avant de revenir au choix premier.

     

    Le terrain sur lequel est construit l’église appartenait à François-Maurice de Brégeot[3], fondateur de la briqueterie à la Ville-au-Fève. Le terrain avait été acquis pour spéculation mais n’avait jamais trouvé acheteur. Il était devenu une verrue urbain bordée de palissade, dépotoir, lieu de défection, et occupé par quelques baraquements par des ouvriers qui n’arrivaient pas se loger.

    Face au refus du Conseil municipale, le Conseil de fabrique envisagea alors d’investir la Place Marceau, ce qui fit protester la Paroisse Saint-Gohard[4] qui occupait l’espace depuis 1874 avec une église provisoire, qui subsista jusqu’au bombardements.

    On songea alors à un terrain près du bassin, propriété de la Compagnie des chemins de fer d’Orléans, qui refusa de vendre. Un terrain à proximité de la Sous-préfecture, fut proposé. Il appartenait à François-Maurice de Brégeot qui en avait hérité de son grand-père  Julien-Maurice Tahier de Kervaret, maire de Saint-Nazaire durant la restauration, mais le prix demandé était prohibitif. Cependant ce fut ce terrain qui fut choisi, en raison du potentiel de son emplacement et la possibilité de le diviser en y traçant une voie nouvelle. 

    Le Conseil municipal finit par accepter le choix de ce terrain, l’abbé Soulas s’empressa de l’acheter en son nom et avec ses fonds personnels, pour la somme de 60.000 francs, et après une enquête d’utilité publique, un décret autorisant l’édification fut signé par le président Jules Grévy le 28 juin 1887. L’adjudication des travaux fut donnée le 25 août 1887 à l’entrepreneur Nantais Martin, qui laissa sa place en 1890 à Nolais. Les premiers sondages s’effectuèrent le 14 février 1888, les travaux de fondation débutèrent le 13 mars, et la première pierre, que l’on peut voir, marquée de trois croix, à la base du premier pilier gauche du chœur, fut bénite par le 15 mai par monseigneur Le Coq. Celui-ci inaugural le 28 juillet 1891, jour de la Saint-Nazaire, l’édifice quoiqu’inachevé, durant une cérémonie fastueuse. Notons ici que pour que le parvis puisse faire face à l’avenue, on orienta l’église sur un axe Nord-Sud, et non Ouest-Est.

    La première tranche de travaux couta 221.916,30 francs. La construction de l’église était estimée à un coût de 600.000 francs pour sa nef, 200.000 francs pour son clocher jamais réalisé. L’État avait offert 300.000 francs.

    On construisit à titre de clocher provisoire une sorte de tourelle en bois, disparue durant la seconde-guerre.

    La non réalisation du clocher entraîna celle de la tribune d’orgue, mais aussi la réalisation des sculptures des pierres de parement du porche.

    La décoration était tout aussi monumentales, déjà des verrières immenses, réalisées par les vitraillistes Clamens, Meignen et Bordereau, d’Angers, qui représentait les saints de la paroisse et dans certains cas leur anciens lieu de cultes déjà détruit à l’époque, et dont on a malheureusement aucun dessin, mais aussi toute une série d’armoiries à la mémoire des anciens seigneurs nazairiens, des familles donatrices. L’église était en effet une profusion de décors héraldique dont subsiste uniquement les éléments sculptés : les écus des seigneurs qui tenaient les seigneuries de la paroisse à la Révolution, sculptées sur les clefs de voûtes des bas-côtés, alternés avec des écus au nom des frairies. La clef de voûte du cœur reproduite les armes du duché de Bretagne, avec couronne et collier des ordres du l’Hermine et de l’Épis de Blé, elles sont accompagnées de celles de Saint-Nazaire, et du pape Léon XIII. Dans la nef et transepts on trouve les écus d’évêques nantais : Le Coq, de Hercé, (qui avait complété la relique de la Vraie Croix de Saint-Nazaire en 1844[5]) Jacquemont, et Fournier, (qui avait l’habitude de passer ses vacances à Gavy[6]).0

     

    eglise saint nazaire

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    Les membres du conseil de fabrique, (Galibourg, Kervilers et Aubré sont les plus identifiables), avec l’abbé Soulas et monseigneur Laborde, évêque de Blois né à Saint-Nazaire[7], et monseigneur Le Coq eurent l’honneur d’avoir leur visage sculpté sur les chapiteaux de certains piliers. Toutes ces sculptures furent réalisées par messieurs Perraud et Barré.

    Le monumentale chemin de croix en plâtre, est l’œuvre de monsieur Bouriché, d’Anger. On avait aussi sollicité le sculpteur nazairien Alfred Caravanniez[8] pour trois statues, Saint Nazaire, Saint Yves, et Françoise d’Amboise[9], qui avait possédé le château de La Motte-Allemand à Saint-Nazaire[10].

     

    L’église a deux sacristies, l’une d’entre elles devait servir de musée et contenir les objets anciens provenant des anciens lieux de cultes détruits ou désaffectés. Ce ne fut qu’un espace de stockage jamais ouvert au public, où on relégua entre autres le maître autel en bois polychrome de l’ancienne église.

    Luxe suprême, on éclaira les lieux à l’électricité ! Mais l’argent manqua, on n’acheva pas tous les vitraux, alors on se contenta de pavés de bois pour couvrir le sol, d’orgues, certes Cavaillé-Coll, mais au clavier incomplet posé dans une chapelle latérale, et en dehors d’un maître autel en cathédrale de style néogothique commun à toutes les églises de l’époque, le chœur ne reçut aucun meuble.

     

    Le 30 novembre 1906 eut lieu, dans le cadre de la Loi de 1905 séparant l’Église de l’État, on procéda à l’inventaire de l’église. La porte est fur forcée à coup de hache par un pompier. L’abbé Soulas, très malade, se fit transporter sur les lieux, et fit valoir que l’église était bâtie sur son terrain, et qu’il en était de fait le propriétaire. On détermina cependant que l’église contenait des objets de culte appartenant à la municipalité, issu de l’ancienne église et chapelles nazairiennes.

     

    À la mort de l’abbé Soulas le 24 mai 1909, l’église fut léguée au Diocèse. C’est donc l’une des rares église construite avant la Loi de 1905 à appartenir à un diocèse.

    L’abbé Soulas eu le privilège d’être enterré dans le transept ouest.

    Il fut remplacé par Donatien Joalland, qui resté en fonction jusqu’à sa mort en 1936 qui ne pratiqua à aucuns travaux, et entassa l’argent des fidèles qui ne comprenaient pas pourquoi il se refusait à meubler le chœur ou à faire restaurer l’orgue, toujours incomplet, qui meuglait quand l’organiste tapait de toutes ses forces sur le pédalier cassé, pour en sortir un son. Au demeurant, il réussit aussi à dépeupler son église au profit de la paroisse Saint-Gohard, et s'illustra en en 1920 refusant d'une façon grossière de procéder à une cérémonie funèbre pour un scaphandrier grec mort asphyxié durant son travail, sous prétexte qu'il était orthodoxe. Faute de trouver un pope, on demanda au pasteur Jospin qui accomplit le culte, ce qui provoqua un grand émoi dans la population et renforça la détestation des Catholiques nazairiens envers Joalland.

     

    Son remplaçant, le chanoine Henri Gouy, fut autrement. Son premier prêche le 19 juillet 1936, fut l’annonce d’un véritable programme de reforme et de projet de travaux. Pour connaitre la vie de ce personnage truculent, on se rapportera à la biographie qui lui fut consacrée en 1946 par Maurice Chaignon. Né en 1888 à Saint-Lumine-de-Coutais, il était issu d’une famille de chouans, et ses parents faisaient figure de nobles locaux malgré leur roture, dans leur village, aux yeux des habitants. Il avait hérité d’eux un gout du luxe et de l’apparat dont bénéficia l’église Saint-Nazaire. Il avait aussi la particularité d’être ami depuis le séminaire avec le chanoine Crespel, curé de Saint-Gohard.

     

    eglise saint nazaire, gouy

    le chanoine Gouy

    Découvrant que son prédécesseur avait laissé une somme coquette en caisse, le chanoine Gouy entreprise de déplacer l’orgue derrière le maître autel et le fait complètement restaurer et compléter. Il commanda aussi des stalles, des sièges et tabourets, en chêne de la Sarthe aux ébénistes de La Mellinet, paroisse dont il avait été vicaire. Ces meubles, qui se trouvent encore dans le chœur, furent livrés en avril 1938.

    Le chanoine Gouy réussi à faire revenir à lui les paroissiens de sa paroisse,et bénéficia du fait que la rue de Villès-Martin était devenue à partir de 1900, la rue où résidaient les personnes les plus riches de la ville, et celles des grands hôtels. Il trouva de nombreux et généreux mécènes pour financer ces autres travaux de décoration. Il fit ainsi restaurer le maître autel de l'ancienne église et les statues qui en provenaient, et qui dormaient jusque là dans la seconde sacristie.

    Il commanda aussi une série de confessionnaux aux mêmes ébénistes qui avaient réalisé les stalles, dont les grilles furent dessinées par Gabriel Loire, (1904-1996). Cet artiste beauceron, surtout connu pour ses vitraux, dont on trouve nombre d’exemplaires en Presqu’île, et notamment en l’église de l’Immaculée à Saint-Nazaire, fut aussi chargé de réaliser les dessins des grilles du chœur, ornement majestueux qui marqua l’esprit des Nazairiens avant la seconde-guerre, tant elles étaient esthétiques. Elles avaient été forgées par une entreprise angevine.

    Si l’on en trouve parfois une carte postale réalisée à Saint-Nazaire durant la guerre à la demande du chanoine Gouy, nous vous livrons ici deux photographies issues des archives de Gabriel Loire, et dont son fils a eu la gentillesse de nous faire copie.

     

     

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    Outre ces grilles, le Chanoine commanda aussi deux candélabres électrifiés, (en fait des lampadaires), dotés de trois globes chacun, qui ornèrent de chaque côté le chœur depuis les trois marches. Le Chanoine se plaignait en effet qu’en hiver il n’y voyait pas suffisamment clair.

    En janvier 1940 une rupture d’anévrisme le rendit hémiplégique. Il perdit l’usage de la moitié de son visage, et le prive de la parole. A force d’exercices et de volonté, il arriva dès février à reparler.

    Alors que la guerre faisait rage, le Chanoine Gouy, entre prêches et visites en ville pour le réconfort de la population, songeait activement à la décoration de son église et la réalisation de fonds baptismaux pour la chapelle de l’Hôpital. Il en résulte une amusante correspondance avec Gabriel Loire qui s’échelonnent entre 1941 et début 1943.

    En premier lieu, cette correspondance nous apprend le projet d’une peinture qui aurait dû être réalisée sur une toile par Gabriel Loire, consacrée à un miracle de Saint-Nazaire, qui aurait dû être maroufler sur la voûte du chœur, (en forme d’ogive, et haute de 2m81), dont le financement était assuré par « un jeune donateur » (la maquette de cette peinture est hélas perdue). Il est aussi question dans une lettre du 26 janvier d’un accident arrivé à l’un des précieux candélabres : un chien étaient entré dans l’église, en avait renversé, brisant l’un globe de verre. Le chanoine en était catastrophé et consacra plusieurs lettres à demandé à ce qu’on lui fasse parvenir des globes de remplacement, insistant sur l’emballage, et les détails de livraison, avec une maniaquerie qui fait sourire. Avec beaucoup de calme et de patience, Gabriel Loire lui répondait et le rassurait.

     

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    une lettre du chanoine Gouy

     

    Une lettre du 23 mai 1942 relate l’état d’esprit des Nazairiens après les bombardement Britanniques d’avril et du 9 mai :

    « Nous avons eu plusieurs bombardements sérieux qui ont fait pal mal de victimes et beaucoup de dégâts. Les Anglais se comportent comme des bandits, ils jettent leurs bombes n’importe où et n’importe comment. Nous connaissons depuis longtemps la nuit sans sommeil, au fond d’une cave. »

    En effet, les chanoines Crespel et Gouy dormaient dans la cave du presbytère Saint-Nazaire. Les vitraux de l’église avaient presque tous été soufflés, mais le chanoine reconnaissait avoir eu de la chance car aucune bombe ne l’avait atteinte.

    Si l’on se fit à ces seuls courriers, on pourrait croire le chanoine bien futile. En réalité il accourait après chaque bombardement au secours des blessés, distribuait les sacrements aux mourants au milieu des flammes, des explosions, et des cadavres qu’on hissait sur des camions, sans distinction avec ceux encore vivants, mais dont on savait qu’ils ne survivraient pas à leurs blessures, et qui étaient terrorisés à l’idée d’être peut-être mis encore contient dans une fosse.

     

     Le 16 février 1943 une bombe détruisit la sacristie. Il fallut évacuer la cure le 25, et l’ensemble du clergé nazairien se retrouva logé à la maison de la Providence à Saint-Marc[11]. Le mobilier du chœur, le maître autel en bois doré de l'ancienne église, les statues, les albâtres, furent évacués à Nantes, chez les Oblates, avec le reliquaire de Vraie Croix.

    Le 28 février le centre-ville était « un fleuve de feu ». Le 1er mai le transept est fut touché par une bombe. Un morceau s’en décrocha en un seul bloque et tomba net à côté de l’église.

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    Paul Bellaudeau, mai 1943

     

     

    À partir de là les bombes ne l’épargnent plus, même si elle est évitée par les avions qui les lâchent car elle reste le seul signe de repaire au milieu des décombres de la cité.

    À fin de se chauffer dans la base-sous-marine, les Allemands arrachèrent les pavés de bois.

     

    À la Libération, l’église Saint-Nazaire était avec la Base les deux seuls bâtiment dominants la ville réduite à des tas de pierres.

     

    Le Chanoine Gouy était décédé à Saint-Marc le 5 juillet 1943. La restauration de l’église, évaluée à 46 millions de francs, débuta en 1951, sous la direction de l’architecte Similien Ganachaud, (qui réalisa le nouveau monument aux Morts). Durant le déblaiement, on vola les grilles du chœur dessinées par Gabriel Loire. Le transept est fut reconstruit de juin 1953 à août 1955.

     

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    Propriété du Diocèse, elle échappa à la destruction et fut rétablie à l’identique. On modifia uniquement la façade en improvisant son étrange clocher de bois couvert d’ardoises, au-dessus du portail. Et l’on fit le choix de doter l’édifice de vitaux abstraits, dessinés par le nazairien René-Yves Creston, et réalisés par l’atelier Razin de Nantes. Le mobilier fut rapatrié, mais les deux candélabres commandés par le chanoine Gouy, et surtout la relique de la Vraie-Croix n’ont jamais été restitués. Un seule vitrail est signé, situé dans la " chapelle de semaine ", ancienne salle qui aurait du servir de musée paroissiale. Le choix des couleurs des vitraux dans l'église a été fait pour suivre la trajectoire de la lumière solaire, et conserver une luminosité égale quelque soit la saison. Pour rappeler l'orientation classique d'une église, qui n'est pas respecté par le bâtiment, dépendant du tracé des rues, René-Yves Creston a doté le transept Est de vitraux en déclinaison de rouges et de mauves.

     

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    Signature de René-Yves Creston.

     

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    Vue depuis le triforium.

     

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    Graffiti daté de 1953 sur un pilier du est triforium.

     

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    Graffiti dans l'escalier Est au initiales de la Confédération Nationale du Travail, (vers 1953).

     

     

    [1]  L'Abbé Soula avait été ordonné prêtre le 19 décembre 1857, professeur au petit-séminaire de Nantes, de 1856 à 1860, vicaire de Nozay de 1860 à 1862, à Ancenis de 1862 à 1871, à Saint-Nicolas de Nantes de 1871 à 1873, chanoine honoraire de Nantes etd e Blois en 1891. A propos de Kerviler : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/24/rene-de-kerviler.html de Galibourg : http://saint-nazaire.hautetfort.com/maitre-galibourg/

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/26/la-maison-noble-du-sable-seconde-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/26/notes-sur-la-famille-de-bregeot.html

    [4] Paroisse fondée par décret du 23 décembre 1873.

    [5] Voir à son propos : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/05/la-vieille-eglise-6126779.html

    [6] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2016/11/25/domaine-de-port-gavy-5879135.html

    [7] http://saint-nazaire.hautetfort.com/famille-laborde/

    [8] http://saint-nazaire.hautetfort.com/alfred-caravanniez/

    [9] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/30/1468-francoise-d-amboise-devient-dame-de-la-motte-allemand.html

    [10] http://saint-nazaire.hautetfort.com/apps/search?s=la+motte-allemand&search-submit-box-search-70400=OK

    [11] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2013/04/08/la-providence-a-saint-marc.html

  • Le Vieux-Môle

    Saint-Nazaire était doté depuis les temps anciens d’un havre d’échouage, le portereau, ou plage du petit Traict, situé le long des murailles Nord, dans l’anse vaseuse que formait la Loire au pied du logis seigneurial, remplacé à partir de 1580 par une église (connue à la fin du 19e sous le nom de vieille église). Ce havre s’étendait jusqu’au rocher de Penhoët, (y avait des blocs de pierre posés sur la rive avec des anneaux plus en amont), et était nommé « Anse de la Ville Halluard ». Les navires calant plus de 4 m venaient s’y échouer quand la Loire charriait des glaçons. Ce portereau avait de l’importance, le duc Jean V considérait Saint-Nazaire comme la principale « yssue » de Bretagne, de même qu’Henri IV et Louis XIII, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales avait songé un temps y établir un comptoir, proposant le financement de la construction d'une digue submersible qui aurait rendue navigable la Loire jusqu'à Nantes même à mare-basse, à la condition qu'on lui attribuât le port de Saint-Nazaire en franchise. L’Intendant de Bretagne dans son Arrêt du 3 avril 1714, jugeait que « Saint-Nazaire est un port de mer recommandable pour [le] commerce [du vin par mer et Loire] », cela s’explique par le fait que Saint-Nazaire, outre sa situation et son vignoble[1], était dispensée du droit de billot[2], mais aussi par le fait que la route menant à Nantes depuis l’estuaire et la presqu’île était une ancienne voie romaine en mauvais état et longue à suivre, et qu’il était plus pratique pour les habitants de Guérandes, du Croisic, et de Paimboeuf, de se rendre à Saint-Nazaire pour y embarquer à bord de navires remontants la Loire. On accédait au portereau par des marches depuis la Place de l’église. Il y avait déjà un môle, fait de grosses pierres posées sur les rochers, on en pouvait accéder en barque qu’aux flots ou à la fin de l’èbe entre cette digue et les navires dans l’estuaire. Il y avait à proximité un petit chantier de radoubage.

     

     

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    La Vieille-église en 1830, dessin de Charles Beilvaire d’après un tableau disparu, publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 7 octobre 1933.

     

    Jean-Baptiste Ogée, dans son Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, en 1778, estima qu’il fallait construire « un môle de 150 toises » pour l’embarquement des voyageurs de Paimboeuf et Guérande.

    Le 20 mars 1795, un « rapport des pilotes à l’administration maritime » avait émis le vœu que « pour la sûreté et la facilité de la navigation, il soit fait une soit fait une jetée qui commencera depuis la cale jusqu’aux derniers rochers, avec une arche dans l’un de ses points pour faciliter le passage des chaloupes ».

    On ne fit jamais suite à leur demande.

    En 1802 il fut projeté un arsenal maritime par les ingénieurs Goury et Groleau, qui resta en carton.

    Les 9, 10 et 11 août 1808, Napoléon Ier descendit la Loire depuis Nantes jusqu’à Saint-Nazaire, dans le but d’établir un port profond ne dépendant pas des marées, et des chantiers navals. L’architecte nantais Mathurin Curcy lui proposa les plans d’un projet à construire à Saint-Nazaire qu’il avait mis au point avec son frère, et qui comprenait l’élévation d’un grand môle et le creusement d'un canal au niveau de l'isthme, ce qui préfigurait la Nouvelle-entrée du port actuel. Si Napoléon s’enthousiasma pour celui-ci, le Ministère ne saisit les Pont-et-Chaussées pour une étude que le 26 mars 1812 ! Ce furent les ingénieurs Sganzin et Prony qui furent chargés d’entreprendre une étude minutieuse du fleuve, dans laquelle il ressortit : « le seul point où un grand établissement pût être construit était Saint-Nazaire ».

    Le 23 juin 1822, un pyroscaphe, bateau à vapeur et roue à aubes, assura le transport journalier des voyageurs entre Saint-Nazaire et Nantes. Ce bateau avait été lancé par le chantier Guibert de Nantes, et baptisé « Loire » , il appartenait aux consuls étasuniens Fenwick et Strobel. Il fut l’année suivante concurrencé par « Le Courrier », autre pyroscaphe appartenant aux armateurs nantais Tranchevent, Gaillard et Vince. Le Courrier partait de Nantes à 7 h et arrivait à Saint-Nazaire entre 11 h et midi en fonction du temps, et repartit à 14h pour arriver à Nantes à 18 ou 19 h. Cette mécanisation du transport fluvial obligea la municipalité nazairienne à réagir. La construction fut mise à l’ordre du jour du Conseil par le maire Charles Blanchard les 12 octobre 1822 et 28 septembre 1823. En s’appuyant sur les difficultés d’accès au port et à l’avantage qui en résulteraient de l’édification d’un môle :

    « Considérant :

    1e que Saint-Nazaire, placé sur un rocher fort élevé, est environné d’autres rochers beaucoup moins hauts, mais qui le rendent pour ainsi dire inabordable ; que la rade qui se trouve au Nord-Est de ce lieu contient presque toujours un grand nombre de forts bâtiments qui y restent ancrée sur le mouillage excellent, sans craindre de toucher, même à la basse mer des plus forte marées ; que ces bâtiments, soit qu’ils entrent en rivière ou qu’ils soient sur leur départ, ont besoin de se ravitailler, ce qu’ils font avec leurs embarcations, mais avec grandes difficultés ;

    2e Que Saint-Nazaire est le lieu d’embarquement des habitants des villes et bourgs du Croisic, de Guérande, du Pouliguen, de Piriac, de Mesquer, et autres qui se rendent à Nantes ;

    Le Conseil Municipal est d’avis unanime :

    1e Qu’il est de la plus grande nécessité qu’un môle, long d’environ 400 mètres et d’une hauteur convenable au-dessus des plus grandes marées, soit construit depuis l’extrémité des rochers qui s’avancent de l’Est, Sud-Est de Saint-Nazaire jusqu’à la rue qui descend au rivage ; qu’il résulterait de l’édification de ce môle ou chaussée de très grands avantages ; qu’en outre les pilotes pourraient toujours à ce moyen, tenir leurs chaloupes à flot et se trouver par conséquent à même de porter, quelque heure de marée que ce soit, les secours ou assistances dont les navires qui entrent en rivière on toujours besoin ;

    2e Que dans l’endroit appelé le Courceau, on face une arche, dont la largeur doit être proportionnée à la quantité d’eau qui est susceptible de passer à cet endroit – cette eau dont le cours sera très rapide, entraînera avec elle toutes les vases qui, sans cette arche, s’accumuleraient dans le port et qui dans peu d’années finiraient par le combler entièrement ;

    3e Que pour la sûreté des bâtiments, il sera nécessaire de construire à l’extrémité du susdit môle une petite tour élevée de quelques mètres, au sommet de laquelle on pourrait mettre, au moins pendant les six mois d’hier, un fanal. »

     

    Le 11 mars 1827, un avis favorable du conseil municipal fut donné pour le plan de l’ingénieur Plantier des ponts et chaussées.

    Le projet comprenait un môle avec un fanal tour dressée sur le musoir de la jetée, reçu l’approbation du directeur général des Ponts et Chaussées le 25 octobre 1827. Une grande jetée de 185 m 45 de longueur à son extrémité, percée à 73 m de sa racine par une voûte de 8 m de long d’ouverture e 8 m 5 de rayon.

    L’adjudication des travaux fut accordée au profit de l’entreprise Perredeau le 19 décembre 1827 au prix de 2444.410 francs et 19 centimes.

     

    En 1828, la Compagnie « Les Riverains de La Loire », replaça les deux compagnies de transport en pyroscaphe. Son navire fut nommé « Le Rapide » et filait à 10 nœuds, ce qui faisait chavirer à son passage les petites barques. Balzac dans son roman « Béatrix », paru en 1829, se plaignit de l’absence de débarcadère entre le vapeur et le rivage.

    (Notons ici que le bac à vapeur depuis Mindin et Saint-Nazaire ne fut établi qu’en 1863 par monsieur Bergmann.)

     

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    La construction fut longue, il fallut apporter les pierres à l'aide de chars à bœufs qui défoncèrent la chaussée menant à Saint-Nazaire, et la rue principale du bourg, ce qui provoqua des protestations et des frais supplémentaires.

    L’ingénieur Lemierre succéda à Plantier, et présenta le 22 mai 1831 une modification en proposant la construction d’une cale latérale en amont du mole d’abri, à partir de la culée droite de la voûte de chasse, et celle d'une pente d'accès au portereau pouvant permettre l'embarquement des animaux, dont l’ajout fit s’élever les frais à 320.000 francs. 

     

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    Plans du Môle par les Ponts-et-chaussées en 1835

     

    Longue de 111 m et large de 6 m, élargi à 8 à son extrémité, avec une plateforme située à 8 m 45 au-dessus de la laisse de la basse-mer pour porter le phare, et accessible aux voitures, le Vieux-Môle fut achevés à la fin de l’année 1835. Le 1er janvier 1836 un feu blanc à occultation régulière, d’ne puissance lumineuse de 25 becs Carcels et d’une portée de 10 milles, brilla à 15 m 40 au sommet du fanal du môle pour la première fois.

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    Charles Beilvaire, dessin publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 22 janvier 1939

     

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     On pratiquait le carénage sur le traict à son abri, le patron gréeur était monsieur Moreau, dont le fils a produit plusieurs dessins, aquarelles et peintures du vieux Saint-Nazaire.

     

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    Embarquement des vaches

     

     

    Le jour de Noël 1856, on inaugura par une grande fête le bassin à flot du port voulu par Napoléon III. Le Môle perdit son rôle principal, ne devenant que la jetée d’un feu de position. Le portereau disparut sous l’élévation des fortifications faites de monticule de terre (Saint Nazaire aurait dû être fortifiée), puis par les nouvelles parois du bassin. Le Vieux-Môle avec la création des quais du port, et plus encore par la construction du Quai des Marées (Jetée Ouest de la Nouvelle-Entrée), perdit environs 25 m de longueur depuis la terre, rendant inutile l’arche à désenvaser du portereau.

    Utilisé comme place publique, on s’y réunissait pour discuter et observer les entrées et sorties du port par la Vielle-Entrée. Avec une longue vue on pouvait observer jusqu’au-delà de la Barre des Charpentiers les voilures.  Les pécheurs à la ligne y passaient leurs journées, les jeunes gens leurs soirées d’été en rêvant de devenir marins. Le Vieux-Môle prit le surnom de « Pointe des blagueurs », car les marins s’y réunissaient et racontaient leurs voyages de façon un peu fantastique. Il en reste le souvenir de deux vieux marins qui avaient voyagé sur le même navire, qui racontaient de la même manière les mêmes histoires de voyage, les mêmes détails sur l’équipage et la même tempête qu’ils avaient essuyés en plein océan, mais qui se traitaient mutuellement de menteur en disant ne s’être jamais vu à bord… Cela dura des années, amusant la ville qui s’attendait à une bagarre, et cela devint un énorme gag quand un vieil officier de marine fit escale à Saint-Nazaire, et reconnaissant les deux marins démêla l’affaire : ils avaient navigué sur le même navire, avec le même équipage, dans les mêmes mers et rivages, mais… à un an d’intervalle ! Ils ne s’étaient pas aperçus de ce détail en raison du fait que durant ces deux voyages dans la même mer, les navires avaient essuyé un typhon…

     

    Le phare fut remplacé le 31 décembre 1904, la tourelle préexistante qui culminait sur une plateforme qui fut arasée.

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    Avec le nouveau phare en 1905

     

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    Le parapet nord du Môle fut détruit par le raz-de-marée du 9 janvier 1924

     

    Dans les années 1930, la fréquentation du Môle était réduite, on avait vidé de presque tous les commerces le quartier, et il ne restait que des habitations modestes et des hangars. Cela devint même un endroit dangereux le soir, des agressions eurent lieu, on osait plus sortir à la nuit tomber vider son pot de chambre sur les rochers, (il n’y avait pas d’égout, ni de fosse, ni même d’eau courante dans le Vieux-Nazaire avant sa destruction). On ne s'y rendait plus que certains dimanches ensoleillés. La destruction de la Vieille-ville l'isola totalement.

     

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    la lentille du phare en 1936

     

    [1] Carte du vignoble nazairien : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/11/25/carte-du-vignoble-nazairien-5722067.html 

    [2] À propos de la dispense du droit de billot : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/09/saint-nazaire-pays-de-vignobles-dispense-du-droit-de-billot.html 

  • La " Vieille-église "

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    La « Vieille-église », dessin de Paul Bellaudeau publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 2 mai 1931.

     

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    La Vieille-église en 1830, dessin de Charles Beilvaire d’après un tableau disparu, publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 7 octobre 1933.

     

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    Aquarelle de Charles Beilvaire, Coll. O. M. de S. L.

     

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    Nous l’avons expliqué dans notre article précédent, les Nazairiens obtinrent du vicomte, Charles d’Avaugour, de transformer les restes manoir fortifié féodale ruiné durant la Guerre de Cent ans en église. Cela fut entrepris entre 1580 et 1584, date à laquelle le culte est officiellement pratiqué dans ce nouveau lieu consacré.

     

    L’emplacement de cette église, et donc de l’ancien manoir féodal des Vicomtes de Saint-Nazaire, se situait à proximité du portereau et de l’estuaire, proche de là où est aujourd’hui le Vieux Môle.

     

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    Emplacement de la vieille-église et donc du logis féodal des vicomte de Saint-Nazaire

     

    Cette église reprenait des éléments de murailles déjà élevé, on relatait encore au milieu du 18ème siècle l’existence d’anciennes marches saillantes dans une encoignure extérieure du mur Nord, à côté de la porte de la chapelle du Rosaire, et dont on devinait encore l’emplacement au moment de la destruction en 1896. Cette chapelle du Rosaire, latéral à la nef, et contiguë au chœur était la partie où le vicomte et les autres seigneurs de la paroisse avaient leurs bancs, et où ils étaient inhumés, ce qui explique l’existence d’une entrée particulière. Les autres restes du manoir féodal avaient disparu des aveux depuis 1673, ce qui laisse supposer qu’on les avait finalement arasés. En effet, un nouveau cimetière s’était constitué autour de l’église, et fut bientôt délimité par des murs. Ce cimetière servit jusqu'en mai 1783, quand le conseil de fabrique décida la bénédiction d'un nouveau cimetière à l'extérieur de la ville, le cimetière de La Porterie (à l'emplacement du boulevard de la Légion d'Honneur et du terrain des anciens frigos, désaffecté en 1848), mais dans la réalité il fut utilisé par les familles qui y avaient sépultures jusqu'à la destruction de l'église.

    Outre l’autel du Rosaire, il existait quatre autres autels dans le style de la Contre-réforme, dédié à la Vierge et à saint Nazaire, encadrant un autel principal, et un cinquième situé dans une seconde chapelle latérale, consacré à la Vraie Croix. La paroisse possédait en effet une relique constituée de deux lamelles du bois de la croix que les Empereurs latins de Constantinople disaient avoir été celle du Christ, et qu’ils avaient gagé auprès de la république de Venise, et rachetée par Saint Louis, qu’il émietta en présent à ses vaisseaux, alliés, et amis. Les deux lamelles étaient collées en tau sur un morceau de parchemin rangé dans un reliquaire. La présence de Saint-relique faisait que nombre de pèlerins venaient à Saint-Nazaire pour l'Exaltation de la Croix chaque 14 septembre, elle était suivit le lendemain par une grande foire. Le droit de la manipuler, et de récolter l'argent des dons dans le tronc quil lui était associé entraîna des querelles. En 1709 on du saisir le Présidial de Nantes à ce propos. Il fut alors interdit au recteur de Saint-Nazaire « de se mêler directement ou indirectement des deniers et de la boyste de la précieuse Vraye Croix  », mais n'ayant que faire de la décision du Présidial, le recteur avait fait réalisé une copie de la clef du tronc, ce dont se lamenta le conseil de la Paroisse dans le compte rendu de son assemblée générale du 3 novembre 1709. Cette relique était enchâssée dans un reliquaire d'argent sculpté.

    Le style des autels cités était celui de la contre-réforme, en bois sculpté, peint et doré. On en conserve qu’un seul élément, le retable avec tabernacle qui se trouve sur l’autel du cœur de l’église Saint-Nazaire actuelle. 

    En 1790, l'inventaire, dressé par le curé titulaire , Sébastien Bureau, (qui fut le première maire), et le vicaire Pierre Malécot, précise que la sacristie contient six calices, deux ciboires, un ostensoir, une custode (boite à hosties), douze chapes, deux dais, et trois bannières, et que le presbytère était en la rue des sable, hors des fortifications de la ville.

    La nef centrale de l’église, avaient la particularité d’avoir en sa première partie, et sous le clocher, des colonnes de bois qui étaient en réalité six anciens mats offerts par des marins. Ils supportaient un plafond plat en lambris, que J. Desmars disait être« ignoble ». Un jubé de bois réalisé en 1682 par Pierre Hayard, artisan nazairien, séparai la nef du chœur. Les arcades, mettant en communication les chapelles et le chœur, étaient en plein-cintre et fort larges, de sorte qu’on apercevait sur une seule ligne les cinq autels de face. la nef dans sa partie haute et les chapelles latérales avaient des plafonds à voûte de bois. Plusieurs peintures sur toile décoraient le sanctuaire, celle de l’autel du rosaire avait été réalisée en 1657 par un peintre nantais, Jean Le Coutz, un baptême du Christ avait été peint en 1780 pour orner les fonds baptismaux, par l’atelier des peintre Collet, père et fils, et avait couté la somme astronomique de 300 francs au conseil de fabrique. On leur trouva tous les défauts au 19ème siècle, et elles furent mises au rebut quand on détruisit l’église.

     

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    Plan de l’église dressé par Henri Moret, et ici repris par Fernand Gueriff dans "le Vieux Saint-Nazaire ", éditions Jean-Marie Pierre.

     

    Du décor on a aussi conservé en statue de bois polychrome, un ange gardien doré qui devait être un ornement de l’autel principal, une stature dite de Notre-Dame du Bon Port, la Vierge de douleur et Saint-Jean priant, œuvres du 15ème siècle, anciens ornements d’une poutre de gloire, qui provenaient de la première église, dite « chapelle Notre-Dame d’Espérance » au 19ème siècle, ainsi que deux reliefs en albâtre anglais, La Jérusalem céleste et Le Couronnement de la Vierge,  acquisitions courantes par les marins bretons durant les ventes qui eurent lieu en Angleterre à la suite de la Réforme. L’ensemble des boiseries étaient donc colorés, dorés, c’était un décor riche même si les éléments étaient de qualité variable.

    Le clocher était surmonté d’une croix de fer qui surmontait une girouette de cuivre doré en forme de main, nommée par les Nazairiens « main du bon accueil ». Conservée dans les collections municipales, elle mesure 43 cm de long sur 38 cm de large, pour une épaisseur de 3 mm. La tradition était que quand les couvreurs œuvraient sur le toit de l’église, ceux-ci décrochaient la main, et la baladaient ensuite dans la ville, en la présentant à chaque maison. Les gens donnaient alors quelques pièces qui servaient à payer le redorage.

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    La croix du clocher fut détruite par la foudre le dimanche 16 janvier 1739 durant la messe, au moment de l’élévation. L’orage arracha la majeure partie de ardoises de l’église, et y eu plusieurs blessés qui décédèrent des brûlures. On remplaça la croix par une nouvelle commandée au serrurier du Pouliguen, Jean Lamarre, qui fut payer 45 livres, et l'on refit le toit, mais l’ouragan de 1751 causa de nouveaux dommages.

    Le clocher comportait plusieurs cloches, trois d'entre-elles nous sont connues : la première d'un poids de 900 livres, fut baptisée le 13 décembre 1734 « Françoise », elle eut pour marraine Perrine de Carné, vicomtesse de Saint-Nazaire et baronne puis baronne de Marcein, épouse de Joseph du Boisbaudry, comte de Langan, et pour parrain Jacques Le Pennec, seigneur du Bois-Joalland ; la seconde, dite la Grosse Cloche, avait un poids de 1065 livres, fut baptisée en 1767 et eut pour parrain René-Jean Bonin, comte de La Villebouquais, co-vicomte de Saint-Nazaire, et pour marraine la co-vicomtesse Louise-Françoise Raoul de La Guibourgère, épousede  Jean-Baptiste-Elis Camus de Pontcarré, seigneur de Viarmes ; la troisième, d'un poids de 200 livres, fut baptisée le 5 juin 1778 « Jeanne-Marie », en hommage à l'une des filles d'Alain-Jacques-René Bonin de La Villebouquais, elle remplaçait une précédente tombée du clocher dans la nef en ayant transpercé le plafond lambrissé en juillet 1772.

     

     

    En 1792 le curé Constitutionnel de Saint-Nazaire, nouvellement nommé, Yves Guinoys, voulu prendre pour son usage l'argent déposé dans le tronc de la Vraie-Croix, faisant valoir la sentence du Présidial de Nantes de 1709 qui en attribuait le contenu à la seule paroisse, il fut arrêté par les Gendarmes et mis en prison à Guérande. Le tribunal du district l’acquitta, jugeant qu'il ne pouvait pas savoir.

     

     

    En 1794 le culte catholique fut interdit, l'église fermée, et la direction du District de Guérande exigea qu’on lui fasse parvenir tous les objets d’art et précieux ayant servi au culte. Le maire, Jean-François Allançon, pris la décision d’envoyer le reliquaire d’argent, mais conserva chez lui la relique. Il la concevra plusieurs années, et alors que le culte catholique n’était plus autorisé en France, il dressait chez lui chaque 14 septembre un autel dans sa maison, et réunissait secrètement les notables de la ville pour une messe. Craignant des problèmes avec les gendarmes, il finit par la remettre au chapelain de Marsain, l’abbé Rouaud, qui avait refusé de s’assermenter, et s’était caché durant toute la période révolutionnaire. Quand l’église fut rendue au culte en avril 1802, il fallu attendre la fin des tractation entre Napoléon et le Pape pour que puisse être nommé au débit de l'année 1803 Jean Crossay, ancien curé du Croisic, comme curé de Saint-Nazaire. La relique de la Vraie-Croix  fut alors restituée et retrouva son autel.

     

    Le 19 janvier 1820, le maire, Julien Maurice Tahier de Kervaret, demanda au préfet d’envoyer un ingénieur vérifier le cloché qui était en mauvais état et dont il craignait qu’il ne tombe un jour de grand vent.

     

    En 1844, l’évêque, monseigneur de Hercé, fit dont d'une troisième lamelle issue de la Vraie Croix. On l'ajouta à la relique nazairienne en transformant le tau en croix latine. La relique mesurait environ 2 cm de hauteur et de largeur.

     

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    En 1867 un poids de l’horloge placée dans le clocher tomba, perça le plancher, et atterrie dans la nef alors qu’on célébrait la messe.

    Vers 1880 le suisse, dit le Grand Blancho, fit tomber en pleine messe une pille de chaises, provoquant la frayeurs des paroissiens à qui l'on répétait depuis presque quinze-ans que le clocher leur tomberait sur la tête !

    Ce fut prétexte pour dire qu’il fallait une nouvelle église. On se mis à dire qu’elle était aussi laide et sans intérêt patrimonial. En réalité l’église était condamnée par les agrandissements du port, et en 1882 on lança activement le projet d'un autre lieu de culte.

    On entreprit ainsi la construction de l’église Saint-Nazaire actuelle, où la messe fut célébrée à partir de juillet 1891, mais ce ne fut qu’en 1895 que la désacralisation de la « Vieille-église » fut prononcée. La destruction eu lieu en 1896. Il fallut employer la dynamite, preuve qu’elle était bien plus solide que ce qu’on avait raconté pour justifier sa destruction. L'église contenait de nombreuses tombes de notables (plusieurs capitaines et sénéchaux seigneuriaux), et d'anciens seigneurs de la paroisse. Dans la crypte de la chapelle du Rosaire, la chapelle seigneuriale réservée à la noblesse, il fut trouvé une urne de plomb contenant le cœur de Perrine de Carnée, vicomtesse de Saint-Mazaire et baronne de Marcein, décédée le 16 février 1754, épouse de Joseph du Boisbaudry, comte de Langan. Elle fut remise à la famille de Carné qui le fit placé dans son enfeu de Saint-Aubain de Guérande. Les ossements des anciens seigneurs connurent la fosse commune au Cimetière de Toutes-Aides, tout comme les ossements issu du curage du cimetière qui fut effectué jusqu'à atteindre la roche. Huit convois par chariot transportèrent les restes à Toutes-Aides. Dans les gravats on trouva des monnaies dont nous avons déjà parlé ici : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/10/18/des-pieces-chinoises-dans-le-cimetiere-5702134.html

    Tous les objets de fer tirés de cette église furent achetés par monsieur Verdier, commerçant en ferraille, rue du Prieuré. La croix du clocher se trouva comprise dans le lot. Il conduisit le tout dans son magasin. Une vingtaine d’année plus tard, il vendit ces ferrailles et y trouva la croix. Ne voulant pas la livrée à son acheteur, mais il vint trouver le curé de la nouvelle église, le chanoine Donatien Joalland, pour me demander s’il lui serait agréable de la reprendre. Verdier avait fait sa première communion en l'ancienne église à l’ombre de cette croix, et il lui répugnait de la vendre comme un objet profane. Le Chanoine accepta son offre et verdier s’empressa de me la faire apporter. Mais le pied de la croix était tordu et déformé, les bras n’étaient plus droits, deux volutes qui en ornaient les angles étaient détachées. Le Chanoine fit réparer le tout par monsieur Fonteneau père, serrurier près de la nouvelle-église. Il accepta ce travail avec grande joie, il ne voulut pas être rétribué.  Le Chanoine manquant de place au presbytère, Fonteneau consentit à la garder au moins trois ou quatre ans dans son atelier. Mais après sa mort, ses enfants envoyèrent la croix au Chanoine, qui la fit monter dans le grenier de la salle de catéchisme. Sur ces entrefaites, la croix de fonte qui se trouvait à la croisée de l'entrée de la Villès-Martin fut brisée un soir par des ivrognes. Plusieurs habitants sollicitèrent l'aide du chanoine Joalland pour la rétablir. Se souvenant de la croix de l'ancienne église, qu'il n'avait jamais fait installée comme il le projetait devant le presbytère,  il la donna pour qu'elle soit érigée en place de celle brisée au croisement des rues des Pinçons et Marcel Sembat, où elle se trouve toujours.

     

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    La Croix du clocher à la Villes-Martin.

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    Démolition de la vieille église par Paul Bellaudeau