Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nazairiens contre fermier général

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, quatrième partie

    Les Nazairiens avaient fait reconnaître leurs droits, mais Jan Le Noir de La Robinnière prétendit à son tour faire casser ce nouvel arrêt, et dès le 9 juillet 1645, il signifia devant la cour une production pour obtenir un retour d'arrêt en sa faveur. Selon lui, le général de la paroisse de Saint-Nazaire n'avait réussi à gagner leurs procès qu'en exhibant de prétendus privilèges, lesquels, disait-il, « n'ont jamais esté vériffiés et ne sont que des paperasses qui ne devraient produire aucun effect (1) », et que la cour observerait « que par les qualités de la requeste prétendue civille, les cabaret tiers et vendans vin en détail avoieut employé le nom du procureur du généra de ladite paroisse de Saint-Nazaire, comme joinct avecq eux ; et neantmoins, lorsqu'il a fallu régler les qualittés dudit arrest, le général n'a voulleu y estre employé... recognoissant en cella la foiblesse de leurs previleiges et comme ils y sont mal fondés... ». Son argumentation était que si le général de la paroisse pouvait bénéficier d'exemptions, qu'il mettait en doute, on ne pouvait pas favoriser les cabaretiers au détriment des autres habitants de la paroisse quelques particuliers, exposant pour ce faire que « de présumer que l'on ait seullement voulleu gratiffier des cabarettiers ou débitans vin et genlz de telle sorte, c'est ce qui ne se peut concepvoir les privilèges sont donnés aux habitants des villes, lorsque par leur travail après une eslection faicte de leurs personnes, ils ont rendu les assistances requises pour jouir des privileiges concédés aux villes où ilz font leurs demeures ; qui est une récompense honorable et qui les esleve au-dessus du commun ; mais de voulloir faire croire que l'on ait concédé aux cabaretiiers seullement des exemptions et previleiges, c'est abesser et mettre le vice au dessus de la vertu... » En fait Jean Le Noir tenta de diviser les plaignants et de monter contre-eux les autres habitants de la paroisse, mais c'était nier que nombre d'entre eux, y compris dans les plaignants, était des exploitants viticoles. Ne se contentant pas de s'adresser uniquement au Parlement de Bretagne, il s'adressa aussi au Conseil du Roi, qui part lettres royales datées de Rennes le 11 octobre 1645, ordonna à « nos amez et féaux, conseillers tenant nostre cour de parlement à Rennes... de bien et diligemment voir et considérer ladite requeste, et sur le contenu en icelle pourvoirais parlyes ainsy que verrez en justice a partenir. (2) » En conséquence, le premier des notaires secrétaires de la cour fut désigné le 21 novembre pour faire l'ouverture de la requête civile, les pièces et les plaidoiries s'amoncelèrent, jusqu'à ce qu'un arrêt du Roi en son Conseil, pris à Rennes le 13 décembre 1645 :

     

    Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à nos amès et féaux conseillers tenant nostre cour de Parlement a Rennes, Salut. 

    De la part de Maitre Charles Bernard, Guillaume Boullé, etc Jacquemine du Boisbrassu, Guillemette du Sable, Pierre Moyon et aultres, taverniers, habitans et paroissiens de Sainct-Nazaire joincts avec lesdits taverniers, nous a esté exposé qu'ils désirent se porter appellantz, ce qu'ils ont par les présantes. d'ordonnance randue par nos commissaires de nous depputez en nostre province de Bretaigne et daptée du 19e décembre 1641,et toutes aultres ordonnances ou suittes de nosdits commissaires depuis ladite ordonnance auxdits exposans préjudiciables ; 

    et autre désirent iceulx exposans estre relevez et restituez contre les deffaulx et contumasses mentionnez en laditte ordonnance, comme ayant estez obtenus par surprise avec préjudice de leurs droictz, et en tout ce que faict a esté en conséquence au profilt et poursuitte de Jan Lenoir, pour estre icelles appellations et restitutions jugées joinctement avec quelques aultres appellations pendant en nostre ditte cour, requérant humblement nos lettres à ce nécessaires.

    Nous, à ces causes, vous mandons relever et reeepvoir lesdits exposans lesquels, de grâce spéciale, par ces présentes relevons et recepvons appelants de ce que dessus à icelles appellations et restitutions contre lesdits deffauts et contumasses ; relevons et recepvons a deffandre péremptoirement tout ainsy que s es deffauts n'avoient estez obtenuz à icelles appellations, pour suivre et conduire joinctement devant vous, avecq autres en nostre ditte cour, desduire et alléguer par lesdits exposants les torts et greifs tout ainsy et de la manière que s'ils avoient interjette illico, nonobstant rigueurs de droit et autres choses à ce contraires. Et de ce faire vous donnons pouvoir et commission et à nos huissiers ou sergentz faire les exploits en ce requis.

    Car tel est nostre plaisir.

    Donné à Rennes le 13e jour de décembre, l'an de grâce 1445 et de nostre règne le 3e. 

    Par le roy à la relation du conseil, Bertrand. 

     

     

    Les Nazairiens obtinrent enfin gain de cause après presque quatre années de procédures.

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, troisème partie

    Après une foule de procédures lancées par Jan Le Noir de La Robinnière (1), la chambre des Enquêtes du parlement de Rennes rendit, le 22 décembre 1641, un arrêt confirmant le jugement du sénéchal de Guérande, mais cet arrêt n'avait pas été rendu dans toutes les formes requises, aussi les Nazairiens se pourvurent en cassation, et finalement s'adressèrent en janvier 1645 directement au Roi, afin d'épuiser toutes les juridictions (2) : 

     

    Au roy :

    Sire, 

    honorable homme Jacques Hourée et aultres vendans vin en la paroisse de Saint-Nazaire, et le gênerai les paroissiens d'icelle joinet avec eulx, vous remonstrent très humblement qu'estant subjeets à la deffense des costes cette province de Bretagne, leurs prédécesseurs aiant rendu des servits signalez à vos prédécesseurs Roys et autres princes souverains de ladite province, lesdits seigneurs auroient accordé de temps en temps aux supplians l'exemption du droit de billot des vins qui sont vendus et débitez en ladite

    paroisse,

    En laquelle exemption aiaut esté troublez du temps de Henri Quatre vostre ayeul, il aurait déclaré par ses lettres attentes maintenir les supplians en ladite exemption.

    Depuis lesquelles, lesdits supplians en aiant toujours jouy et voiant. lors des Etats tenus à Vannes en vostre province de Bretaigne en l'an 1642, que les fermiers de l'impost et billot menacoient les supplians de trouble, souz prétexte que tesdits droictz ont été baillez par engaigement au seigneur de la Melleraye, lieutenant de Vostre Majesté en cette province (3), les supplians auraient baillé leur re«iueste aux gens desdits Estats pour estre maintenus en leurs anciennes libériez et possession de ladite exemption; lesquels aiant faict entendre audit seigneur mareschal ce bon droiet des supplians, il aurait consenty quil eu fust faict article exprès dans le contrat d'entre lesdicts Estats et Vostre dite Majesté.

    Au moyen de quoy les supplians s'estimant à repos sont néanlmoins estonnez que, le 13e janvier 1643. Charles Bernard et autres taverniers et hostes débitans vin en ladite paroisse ont esté condemnez par le séneschal de Guerrande de paier ledict devoir de billot à Jan Lenoir soy disant faire pour les fermiers généraux dudit devoir ;

    De laquelle sentence les cy-dessus, nommez s'estant rendus appelans, le procès n'estant pas en estât d'être juge sans l'intervention des supplians ew gens desdicts Estats, desquels les privilèges estoiens préjudiciez par ladite sentence, auroit néanlmoirs esté renvoie en la Chambre des unquestes de notre sire dit parlement, oii sans avoir signiffié l'arrest de renvoy, n'y faict aucune instruction dudit procès en ladite Chambre, arrest aurait esté rendu le 22e décembre dernier, par lequel ladite sentence auroit esté confinée avec condamnation de despans contre lesdits vendans vin ; lequel arrest aiant este signifié avec assignation pour voir liquider lestltts devoirs de billot prêt mltis par ledit Le Noir, lesdits supplians paroissiens se sont opposé à l'erectiond'iceluy, comme préjudiciabte a leurs dicts privilèges et longue possession.

    Vous remonstrent lesdits supplians que ledit arrest du 22e décembre a esté obtenu par une très grande surprise et précipitation de la part dudit Le Noir, pour n'avoir esté baillé défense n'y contredietz au procès, et lesdits paroissiens n'aiant peu intervenir par la précipitation dudit renvoy en ladite chambre des enquestes, qui n'a esté signifié aux parties ny procureurs ; sans laquelle précipitation les supplians eussent nu-ouvré leurs tiltres desquels ils sont à présent saisis, pour vériftier ladite exemption ; mesmes ils eussent fait voir à vostre dite cour la résolut ion desdits Estats arrettée à Vannes, par le consentement dudit seigneur mareschal de la Melleraye, au préjudice de quoy vostre dite cour n'eust point rendu ledit arrest, ce qui se trouve contraire non-seulement ausdits tiltres, mais à l'intention de Vostre Majesté, et confirmation des droicts et privilèges la province qui doit subsister.

    A ces causes, les supplians.

    Sire,

    Qu'il vous plaise remettre tes parties en l'estat qu'elles estoient avant ledit arrest du 22e décembre 1644. Et les supplians seront obligezde prier Dieu pour vostre sacrée personne.

    Signés : R. De la Marqueraye, J. Lebel, Trematidant (4).

     

    Précisons qu'à Charles Bernard, Denys Ferré, Guillaume Boullée, Francoys Denyaux, Denys Ferré et femme, Charles Bernard , André Molle, et Guillaume Boullél, déjà cités, la liste des plaignants s'allonge (5) : la noble dame Jacquemine du Boisbrassu (6), veuve de Jacques Hemery, écuyer, (qui ont laissé leur nom au quartier du Clos Hémery à Saint-Marc où était leur vignoble), les honnêtes bourgeois Catherine Hambourg, Julien Legentil, Pierre Aubin, Dommique Durand, Pierre Déniait, René Raba, Jan Dénié, Guillaume Du Sable, Pierre Moyon, Guillaume Hervé, etc. 

    Les appelants étaient dispensés de payer le billot jusqu'au dénouement de l'affaire, et ils veillaient que dans leurs procédures soit toujours mentionné : « en conséquence faire d'abondante expresses inhibitions et deffenses audit intimé deffendeur (Jan Lenoir) de faire mettre ledit calcul dont est appel à exécution, et à tous huissiers sergents de faire aucunes contrainctes en vertu d'iceluy à peine de mil livres d'amendes et de tous despans, domaiges et interests. Et autres plus grandes peines qui y eschéent... (7) » ... et si quelquefois Jan Le Noir et ses sergents outrepassaient leurs droits, une procédure était lancée... La régente Anne d'Autriche décida, en juin 1645, au nom du jeune Louis XIV, de confirmer les Nazairiens leurs privilèges, et leur adresse les lettres suivantes (8) :

     

    Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous présants et advenir, salut.

    Nos bien amez les manantz et habitans de la paraisse de Saint-Nazaire en nostre province de Bretagne, nous ont faict remonstrer qu'en eonsidérition de ce que la dicte paraisse est située sur le boni de la mer à l'embouchure de la rivière de Loire, et de ce qu'ilz sont obligez à faire continuellement le guet et garde pour empescher les descentes et invasions des ennemis de cet Estât, les ducs de Bretagne et successivement après eux les roys de France nos prédécesseurs, depuis l'union dudit pais à nostre couronne, leur ont accordé plusieurs beaux privilèges, particulièrement l'exemption de contribuer aux reparaftbons et et entretènement des murailles et fortifications de nostre ville de Guerrande, du payement du debvoir de billot quy avoit esté mips sus pour fournir aux frais d'icelles, ainsi qu'il apert par lettres patentes du duc Pierre, etc. [suit la répétition du titre de toutes les lettres ducales et royales déjà obtenues], en conséquance desquelles ilz ont encore esté confirmez en l'exemption de contribuer aux estapes de notre dite ville de Guerrande par arrest contradictoire rendu en nostre conseil. le trois novembre 1637 entre les habittans d'icelle et lesditz exposants; et lesquels, pour faire cesser le trouble dont ils sont menacez et la jeuissance des ditz privilèges et exemption par personnes qui prétendent avoir obtenu quelque arrest a leur préjudice, sous prétexte qu'ilz n'ont estez par nous confirmes depui nostre advènemei t à ta couronne nous auraient très humblement requis et suplyé de leur voulloir pourvoir et octroyer nos lettres à ce nécessaires.

    A ces causes, voullans favorablement traiter les dictz exposants par les mesmes raisons qui ont meu nos prédécesseurs de considérer les pénibles services auxquels ils sont assujettis à cause de la situation de la dite paroisse, nous avons à iceux exposants, continué et confirmé et de nos grâces spécial les, plaine puissance et auctorité rayalîe, continuons et confirmons par ces présantes tous et chacuns les dictz privilèges et exemptions mentionnez es dictes lettres nattantes et arrest de notre conseil cy attachés soubz le contrescel de notre chancellerie, pour en jouir par eux et leurs successeurs en la mesme forme et manière qu'ilz ont cy-devant bien et deument jouy et uzé, jouissent et usent encore de présant 

    Cy donnons en mandement k nosamezet féaux conseillers des gens tenants nostre cour de parlement à Rennes, séneschal de Guérande, de son lieutenant et tous autres nos juges et officiers qu'il appartiendra, que ces présantes nos lettres et continuation et confirmation, ils ayent à faire enregistrer et du contenu en icelle et en précédantes lettres et arrest susdictz ils lacent, souffrent et laissent jouir et user les exposantz et leurs successeurs, plainement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empescbemens, nonobstant touttes choses à ce contraires.

    Car tel est nostre plaisir.

     

    Et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces dictes présantes.

    Donné à Paris au mois de juin de l'an de grace de 1645 de nostre règne le deuxiesme.

    Signé par le roy, Du Motey. visa contentor, de Diotz [Scellées du grand sceau de cire verte à lacs de soie verte et rouge.]

     

    Les Nazairiens firent enregistrer la nouvelle collation de lettres royales au Parlement de Bretagne par requête datée du 1er juillet, le même jour Gilles Huchet, garde scel du Parlement, prit des conclusions en leur faveur, et le 3 juillet la cour ordonna :

     

    Que les dictes lettres pattantes seront enregistrées au greffe d'iccele pour en jouir les impétrants bien et deubment suivant la volonté du roy, comme ils ont faict au passé.

    Faict au parlement, à Rennes, le traisiesme jour de juillet 1645. 

    Signé : 

    Monneraye.

     

    Un arrêt du 8 juillet 1645 annulait purement et simplement l'arrêt du 22 décembre 1644, et leur donnait raison contre Jan Lenoir de la Robinière. Nous n'en citerons pas le très long préambule ni les considérants, mais il est utile d'en donner ici les conclusions (9) : 

     

    En conséquence, tout meu rement considéré, la cour, sans s'arrester à la fin de non recevoir, ayant esgard auxdittes lettres en forme de requeste civille (10) et icelles entérinant, a remis et remet les parties en tel et pareil estât qu'elles estoiett arant l'arrest et exécutoire contre lesquelz [les lettres] ont esté obtenues ; faisant droit aux appellations et requeste affln de rejection d'exécution, a mis et met icelles appellations et ce dont a esté appelle au néant, corrigeant et refformant les jugemens, et debout lé ledit Lenoir de ses demandes, fins et l'inclusions, et a déclaré les exécutions faites aux biens dés ditz habitans et paroissiens, injurieuses, tortionnaires et mat faites ; condamne ledit Lenoir de rendre les deniers par luy louches et les biens execullez en essence non détériores, synon en payer la juste valleur à esgard des gens à ce congnoissans (11) dont les partyes conviendront ou qui sur refus Lenoir seront donnez d'office, et au.c despans des causes principalles et d'appât, instance de requeste civille et de rejections d'exécutions et de tout ce que s'en est ensuivy, dommages et intérests desdites exécutions, lesditz dommages et intérests modérez à trente livres.

    Fait en parlement à Rennes, le 8e juillet 1643, prononcé à la barre de la cour, dictz jour et an.

    Collationné.

    Signé : 

    Monneraye.

     

    Cela n'arrêta cependant pas le fermier général qui s'acharna contre les Nazairiens...

     

     

     (1) Nous rapportons ici le propos de René de Kerviler, qui étudia les actes aujourd'hui disparus, mais dont il ne fit pas retranscription, et qui sont à jamais perdu en raison des bombardements Alliés.

    (2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (3) Voici exactement l'extrait du contract fait en la ville de Vannes le 20e jour de février 1643, entre nos seigneurs les commissaires du Roy et messieurs des Estats de Bretagne. » «... Accordant semblablement nos dictz seigneurs les commissaires que les engageâtes debvoirs d'impostz et billotz de celte province puisant jouir que en la mesme forme que l'on en jouirait avant l'engagement, soit par droit d'exemption ou entienne possession, et en cas de contravention permettent aux complaisants se pourvoir devant les juges des lieux et par appel au parlement de la province. - Délivré par extrait par moy, conseiller secrétaire du Roy, rapporteur dudict contrat : - Monneraye ; (René de Kerviler, op. cit.).

    (4) Ils étaient tous avocats en la cour.

    (5) Liste de noms recensés par René de Kervilers dans son étude approfondie des pièces du procès, op. cit.

    (6) Issue de Jean de Boisbrassu, écuyer, trésorier du prince Gille de Bretagne, fils benjamin du duc Jean V.

    (7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (8) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (9)  Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (10) Celle de l'arrêt du Conseil du Roi du 13 janvier 1643.

    (11) C'est-à-dire des experts.

     

     

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, deuxième partie

    Comme nous l'avons exposé dans l'article précédent, le fermier-général Le Noir de La Robinnière, chercha par tous les moyens de contester les privilèges des Nazairiens face à l'impôt sur le vin. Multipliant les procédures, le Noir de La Robinnière contraignit les Nazairiens à s'exécuter face à l'impôt dans les premiers temps, ceux-ci ne s'avouèrent cependant pas vaincus, et contre-attaquèrent devant le 19 septembre 1642, représentés par le procureur et marguillier de leur paroisse, Philippe Bernard, sieur de La Carioterie, ils se pourvurent d'un vidimus en règle de ses privilèges devant le sénéchal de Guérande (1) :

     

    A nostre logis et par devant nous. Georges Martin, sieur de la Sautdraye, conseiller du roy et séneschal de Guérande, ayant pour adjoint maistre Jean Gicquel, commis au greffe, après les du heures du matin de ce jour vandredi 19e de septembre 1642, a romparu en personne maistre Philippe Bernard, sieur de la Carioterie. procureur et marguiller de la paroisse de Sainct-Nazaire, assisté de maistre Pierre Coquard, son procureur. Luy nous a remonstré en présence du sieur procureur du roy de cette cour, que le sabmedy 13e du présent mois perdant, en l'audiance de ceste dicte cour, entre noble homme Jan Lenoir, sieur de La Robinnière. faisant pour le fermier général des devoirs d'imposts et billots en l'évesché de Nantes demandeur d'une part, et maistre Charles Bernard, Denys Ferré, Guillaume Boullée, Francoys Denyaux, etc. . et autres vandantz vins par menu et détail en la ville de Sainct-Nazaire et le général des parraissiens dudict Sainct-Nazaire deffan leurs d'autre, il avoit esté ordonné que ledit sieur de la Carioterie en ladicte qualité représenterait les privilèges et exemptions dudebvoir de billot et autres immunitez de ladicte parroisse de Sainct-Nazaire. pour en restre fait transumpt et vidimus (2), alfin de servir au jugement du procès d'entre les

    dyetes parties, et foi y estre adjoustée comme aux originaux.

    Aquoy obéissant, ledit sieur de la Carioterie représente eu cest endroit le nombre de six actes escriptz sur parchemin, le premier desquels commence par ces mots : Pierre, par la grâce de Dieu, duc de Bretaigne, etc. [suit la description complète de tous les parchemins déjà cités, et l'identification du parchemin de Maximilien et Anne comme de l'an 1489 et signé Guihard, au lieu de G. Richard], lesquels actes lediet sieur de la Carloterie a dici avoir pris des archives de la dicte paroisse de Sainct-Nazaire, et demande qu'il soit présentement procédé au transumpt d'iceux, en présence dudit sieur procureur du roy pour, passé de ce, les dicts actz estre remis auxdites archives et les dictz trausumptz luy deltivrez pour servir ainsy qu'il appartiendra, requérant, à la dicte fin, évocquation et appel dudit sieur de La Robinière ;

    Ce que ayaut esté fait, a comparu en personne maistre Jacques Dasniéres faisant pour ledit sieur de la Robinière, assisté de maistre Pierre Lefebvre, son procureur. Luy a dict ne pouvoir empescher que ledict sieur de la Carioterie en ladicte qualité face procéder à telz transumptz qu'il voira avoir affaire ; mais d'autant que icelluy sieur de !a Robinière n'a eu communicquation des actes dont ou prétend faire transumpt, il requiert coppie luy en estre adiugée pour les contredire ey après, ainsy qu'il voira : et au pars us proteste de nullité et de se pourvoir contre ce qui sera faict a son préjudice. 

    Ainsi igné : P. Lefebvre, procureur.

    Desquels dires et représentations nous avons décerné acte ; mesme de la representation qu'a faicte le dict sieur de la Carioterye des coppies de six actes concernant les previleges et immunitez de la dicte ville et paroisse de Sainct-Nazaire, selon qu'ilz sont cy devant mentionnez et dattez, lesquelles coppies ayant esté collationnées par nous et trouvées conforma auxdits originaux.ont esté délivrées avecques les dicts originaux au dit sieur de la Caloterye, pour foy y estre adjonstée comme aux lits originaux, et luy va Hoir el servir ainsy que de raison, etc..

    Et ont esté les vacations du présent acte et procès-verbal et des dictz transumptz, taxez à la somme de 45 livres, savoir pour nous 9 livres (3), audict sieur procureur du roy pareille somme, le greffier qui dellivrera les dictz transumptz et procès verbal aultres 9 livres ; auxdits Coquard et Lefebvre procureurs, à chacun 6 livres, et aulict sieur de la Carioterie pour deux journées et despence pareille somme de 6 livres.

    Faict les licts jour et an que devant. 

    Ainsy signé : G. Martin et Bernard.

     

    Jan Le Noir de la Robinière, appuyé sur les termes du contrat des Etats de Bretagne et sur l'arrêt de défaut en forclusion pris par les juges commissaires de Rennes, obtint, le 13 janvier 1643, un arrêt conforme à ses désirs devant les juges du siège royal de Guérande. La production par induction d'actes de maitre Philippe Bernard de La Carioterie avait fait au mois de novembre 1642 ne fut d'aucun secours à la cause de la paroisse ; il interjeta appel de la sentence au Parlement de Rennes en même temps qu'il adossa aux Etats de Bretagne, réunis à Vannes en nouvelle session, une requête de maintenue en privilège qui fut favorablement accueillie. 

    L'avocat guérandais Olivier Boutier produisit un mémoire dans cette nouvelle phase de l'action (4) :

     

    Boutier, pour honorables gents Denys Ferré et femme, Charles Bernard , André Molle, Guillaume Boullé et autres marchands, débitans vin en la ville et paroisse de Sainct-Nazaire appellans de sentence rendue par le séneschal de Guerrande , le treiziesme janvier 1643, contre honorable homme Jan Lenoir, commis du fermier général des debvoirs d'impôts et billots qui se lèvent en détail sur les brevages qui se débitent en l'évesché de Nantes, intimé. 

    Dict en la cour que par la sentence dont est appel , lesdicts Ferré et autres domiciliers dudil Sainct-Nazaire débitans vin, sans s'arrester aux privillèges par eux produicts , sont condemnez paier les debvoirs du billot du débit qu'ils pouroient avoir faict depuis le premier janvier 1642, de jour à aultre, suivant la liquidation qui en sera faicte sur les extraicts des clercs marqueurs avecq despans.

    Geste sentence a esté rendue en la forme, plus par considération et crainte de proceix et prinses à partye par le juge dont est appel, que par équité et juste motif; la preuve en est constante par Testât du proceix. 

    Duquel s'aprent que le dernier may 1642 le dit Lenoir soydisant commis du fermier desdicts impots et billot en l'estendue de l'évesché de Nantes, quoy que instruict que les habitans de la ville et paroisse de Sainct-Nazaire estoient de tout temps exemps de paier ledit debvoir de billot, néanmoins il forme deux actions le mesme jour, l'une pour voir jurer clercs marqueurs, souffrir la marque à l'advenir pour ledit debvoir, et l'autre pour estre condemnez iceluy payer depuis le quartier de janvier dudit an suivant calcul qui en seroit faict. 

    Au assignation les dicts appellans se deffendent de leur exemption fondée sur patentes des ducs de Bretagne obtenues et géminées le 28e novembre 1454 et de temps en temps confirmées par leurs successeurs roys de France, jusques à Louys dernier de bonne mémoire lors régnant (5), lesquels ont tousjours confirmé lesdictz appellans et autres habitans de ladite ville et paroisse de Sainct-Nazaire, avecq mandemant exprès qu'ils fussent perpétuellement deschargez dudit debvoir de billot , et non de grâce parlicullière, mais en considération de la garde qu'ils estoient et sont actuellement obligez faire à la coste , pour empescher les intentions des Anglois et autres corsaires et ennemys de l'Estat, et d'entretenir en appareil seix archers et hommes de guerre, quy est en grand coustage. 

    Ceste exemption n'est donc pas sans charge ; lesdicts actes portant lesdicts privillèges et immunitez ayant esté représantés par le procureur de la dite ville et parroisse, il déclare se joindre avecq lesdicts appellans, et en est faict transumpt en présance du juge et des partyes. Et néantmoins ne se pouvant remarquer difficulté en leurs exécutions, ledit Lenoir ayant subjoinct une pré- 

    tendue sentMce rendue sur deffaux, le 19e décembre 1641, par Messieurs les conseillers députez par Sa Majesté pour la rante des dicts impots et billot de cette province de Bretagne , avecq deux arrests obtenus au conseil par noble homme Remy Ghassebras adjudicataire dudit debvoir contre les habitans du Groysic et le 

    séneschal de Sainct-Brieuc pour entreprinses, portant commenderaent à tous juges de luy tenir main forte en l'exécution et possession de son bail , le juge dont est appel intimidé sans doubte d'une prinse à partye audit conseil, auroit randu ladite sentence dont est appel en la forme. 

    Duquel appel lesdicts marchans débitans vin en ladite ville et paroisse de Sainct-Nazaire sont bien fondez ; premièrement les actes quy leurs attribuent les dictes immunitez ayant estez représentez, communiquées et Iransumptz d'iceux faictz sans contestations demeurent vallables; et les appellans sans difficulté possesseurs irrévocables de ceste liberté de ne paier ledict debvoir de billot en fabveur de ladite garde-coste et entretien de six archers et hommes d'armes en perpétuel estât et en appareil, pour deffendre et opposer l'entrée de l'ennemy à tous moments. 

    Ceste exception n'est donc pas gratuite , puisqu'elle est avecq charge et condiction ; et se peut d'aultant moins disputer qu'elle auroit esté aultre foys ordonnée pour l'entretien et répurgalion des fossés de la ville de Guerrande ; les dicts tiltres en font preuve entière. 

    Les dicts privillèges demeurans establys , la sentence de Messieurs les conseillers députez, avec les arrests obtenuz au conseil par rintimé subjoinctz , ne se peuvent appliquer, encore moins opposer à leur enthérinement, d'autant que ladite sentence n'a esté randue que contre ceux qui n'avaient exemption que pour 

    un temps comme les habitans du Croizic, dispensez audit debvoir pour six ans seulement. 

    Lesquels expirés, et faute de rafraîchissement de leurs lettres comme on dict communément en prolongation, et d'avoir prouvé ce faict, ilz étoient vallablement condemnables souffrir la marque ù l'advenir; ainsy qu'ilz ont esté par l'arrest du conseil du l0e décembre 1642. 

    Mais où il a esté question de privillèges de droit perpétuel, comme ceux desdicts appellans qui ne sont au fonds disputez, et qui ne le peuvent estre, messieurs les commissaires n'ont entendu les comprendre en leur sentence , les termes d'icelles y estans exprès , quand ils ordonnent que tous autres que les privillégiez de droit et déclarez exempts par jugement sont condemnez paier ledit debvoir. Il s'ensuilt donc que les dicts appelans estans privillégiez de droit, confirmez en ladite possession à perpétuité, avecq pleine volonté des Roys rapportée de temps en temps, ils ne sont compris soubs ce jugement , qui ne s'estent qu'à ceux qui sont temporaires, ou sans droit. Très mal soubz correction ledit intimé a produict la dite sentance, et icelle induicte contre Icsdicts appellans ; encore plus mal le juge y a-t-il pris appuy, puisqu'elle est sans eiîect pour leurs intérelz , nullement connexes ny de pareille nature que ceux du Croizic. 

    Ce qui le rend pareillement mal fondé aux inductions desdicts deux arrests rendus au conseil contre le séneschal de Sainct-Brieuc et lesdicts habitans du Croisic^ isle et- paroisse de Batz, qui n'avoient, ainsy qui est cy dessus représenté, exemption que pour six ans, lesquels expirez ils esloient contribuables à l'advenir; ce faict ne se peult aplicquer à celte cause en laquelle s'agist de privillèges establys à perpétuité, soubs cause nécessaire exécuttée par les domiciliaires de la dite ville et paroisse de Sainct-Nazaire , qui ne se peult aulcunement revocquer. 

     

    Au fonds, les dicts arrests quoy qu'inutiles au subject de la question qui s'offre, portent celte réservation expresse, que les dicls Cliassebras et commis jouiront desdicts debvoirs conformément ù ladite judication à eux faicte par Messieurs les conseillers, et ont toujours porté caste restriction. 

    Or les clauses du bail sont expresses, que les adjudicataires ne pourroient jouir et posséder que ce que les propriétaires avoient droit, et que tous exempts seroient confirmez. Partant, si ledit Ghassebras a esté adjudicataire, cete adjudication ne s'extent pas à l'infiny et à troubler ceux quy sont previllégiez et exempts. Il n'a pas plus de droit que ceux quy ont transporté, nemo plus juris in alium tmns ferre poiest quàm ipse habet. De tous temps les dicts appellans sont en possession sans trouble, confirmée de temps en temps par les Roys ; il ne seroit donc raisonnable que à la fabveur d'un engagement ils seroient privés de leurs droits acquitz, sans juste cause. 

    C'est pourquoi, le juge dont est appel, instruict entièrement d'iceux a deub soubs correction faire la balance droicte, ne considérer la qualité de l'un pour oprimer l'aultre. Illkiias exditiones item ne guis iniquum lucrum sentiat prœses provideat (La loy h. H. de Officio prœsidis). Enfin les sentences de Messieurs les conseillers et les dictz arrestz n'ont peu et deub pour les moyens cy dessus alléguez, donner motif ny prétexte à ladite condemnation dont est appel , et ne peuvent profiter à l'intimé contre lesdictz appellans, lequel intimé seroit indispensablement condemnable à restituer s'il avoit touché ou plusîôt exigé quelque chose d'eux touchant ledit debvoir de billot duquel ils sont perpétuellement exempts. Non videtur quisquam id capere qiiod ei necesse est alleri restituere. 

    Cy concluent les dits appellans , à ce qu'il soit dit s'il plaise à la cour qu'il a esté en tout et partout mal jugé , corrigeant et refformant le jugement ; ledit intimé sera en conséquence des actes justificatifs de leurs privillèges et immunitez dudit debvoir de billot, déboutté avec despans des causes principalles et d'appel, avecq deffanses de les troubler en ladite possession à l'advenir, et tous dommages et intérestz soufferts et à souffrir. 

    Signe : 

    Olivier Boutier.

    Et plus bas : Le 3e décembre 1643, signiffyé coppie à maitre Jan Gucsdon procureur adverse, etc.. Palatin.

     

    Jan Le Noir de La Robinnière n'en resta pas là et continua de harceler les Nazairiens...

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Transumpt et vidimus sont deux vieux mots de procédure qui signifient qu'on produisait devant uns cour compétente des actes originaux et authentiques pour en obtenir des copies légalisées.

    (3) Ce document a aussi pour intérêt de nous indique quelle était alors la valeur des frais de justice : il faut, du reste, se rappeler que l'impôt du timbre n'existait pas encore ; il ne fut inventé que trente ans plus tard pour la Bretagne, provocant une terrible révolte dans tout le Duché. 

    (4) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (5) Louis XIII venait de mourir le 14 mai 1643.

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, première partie

    1643-1646, les Nazairiens en procès contre le fermier-général Le Noir de La Robinnière

     

    Le 7 janvier 1641, le maréchal de La Monneraye, lieutenant-général de Bretagne, et qui venait de battre les Espagnols à la bataille d'Hesdin, fit annonce de la levée exceptionnelle d'un impôt sur les alcools, (vin, cidre et eau-de-vie), fameux droit de billot dont nous avons déjà parlé, et dont les Nazairiens étaient exemptés. Voici la lettre du maréchal (1) : 

     

    Devant nous, Jan Monneraye et Jan Gaudé, conseillers nottaires segrétaires du roy, maison et couronne de France, ont personnellement comparu hault et puissant seigneur messire Charles de La Porte, seigneur de La Melleraie, chevalier des ordres du roy, conseiller en ses conseils, grand maistre de l'artillerye, maresehal de France, lieutenant général pour Sa Majeste en Bretaigne et en ses armées, commissaire général envoyé pour la tenue des Estaz dece pais et duché de Bretaigne convoqués eu assemblées par authoritté du roy en ceste ville de Rennes par lettres patantes du 14e de novembre dernier, Nosseigneurs les autres commissaires de Sa dite Majesté, d'une part. 

    Et Messieurs tes deputtés desdits Estats soubsinez. d'autre part ;

    Autre lesquels ont esté a vordez les articles cy après, savoir c'est, que les dietz sieurs des Estats ayant délibéré sur les dictes lettres patantes, propositions et demandes par eux faictes par nosdicts seigneurs les commissaires, ont accordé et donné au roy pour subvenir aux urgentes nécessités de ses affaires présantes, et secours extraordinaire pour la despance et faictz de la guerre, la somme de deux millions quatre cent mil livres (2400000 L.) paiables en six quartiers égaux, scavoir les quatre de l'année présante 1641 et les deux premiers quartiers de l'année prochaine 1642 ; pour le paiement de laquelle somme de 2400000 Livres ont consent y qu'il soit imposé et levé sur le vin et cidre et aultres breuvages qui seront vandus en destail en cette province en ces années 1642 et 1643 à commancer au premier jour de janvier 1642, quatre soulz pour six deniers pour pot de vin de cru du pais qui sera transporté hors la province qui sera vandu par le menu et destail esdites deux années : deux soûls huict deniers pour pot de vin du cru du pais qui sera transporté d'évesché en aultre pour y estre consommé ; ung soult quatre deniers pour pot de vin du cru du pais qui sera cousommé et , évesché où il croist ; et huict deniers pour pot de cidre et de Lierre ; le tout vandu et desbitté en destail en ceste province,chacunne pippe atantée (2) A deux cent pots ; et aultres six soulz par chacun pot d'eau-de-vye qui sera pendant les dites deux années pareillement vandu en destail en icelle ;

    Desquels debvoirs ont esté faict bail en leur assemblée au plus offrant et dernier enchérisseurs (3) le 4e jour des présans mois et ans, aux conditions y rapportées, à la somme de 2600000 livres pour estre paiée par les adjudicataires entre les mains de leur trésorier en la ville de Nantes ; scavoir... etc.. pour estre par ledit trésorier employé sans divertissement à l'acquit des dettes, nécessités et autres desdits sieurs des Estats suivant l'ordre qui luy sera prescript par les estais qui lui seront délivrés à cette An, etc., etc.

    Duquel devoir nul ne se pourra prétandre exempt pour quelques previlleiges qu'il puisse avoir à raison d'office ou contentement ; et au casque quelqu'un fist difficulté de paier lesdits devoirs soubz prétexte de previlleige, pourront les fermiers se pourvoir contre les préteindans tadicte exemption au Conseil du roy, en ce cas seullement, oit nosdits seigneurs les commissaires promettent s'emploier pour leur faire randre justice.

    Ne se fera auchune modification à la vérification du présent contrat, et s'il en estoit faict, nosdits seigneurs les commissaires promettent faire obtenir auxdits sieurs des Estats touttes lettres de jussions à ce nécessaires... etc., etc. 

    Faict et gréé en l'hostel de mondict seigneur de la Melleraye en ceste ville de Rennes le 7e jour de janvier 1641. 

    Signé : Monneraye et Gaudé... 

     

    Les Etats de Bretagne, qui réunissent tous les deux ans dans une ville différente les élus des trois ordres (clergé, noblesse, tiers état), étaient, en vertu du Traité d'Union, la seule autorité habilitée à voter les impôts. Rappelons qu'en vertu du Traité d'Union signé en 1532, le Duché jouissait d'immunité particulière, et bénéficiait d'une sorte de régime constitutionnel, faisant que le roi de France n'avait jamais le droit d'y lever des impôts. Lorsque le ministère avait besoin d'argent, il s'adressait aux Etats, eux seuls pouvaient, après discussion des propositions royales, accepter les nouvelles impositions jusqu'à concurrence d'un chiffre déterminé, et rendre les rôles exécutoires. Les négociations faisaient l'objet d'un procès-verbal contradictoire qui portait le nom de « Contrat des Etats avec le Roi ». Or le contrat de 1640 contenait une clause qui impliquait dans ses termes l'abolition de tous les privilèges, et grand fut l'émoi dans toutes les paroisses qui jouissaient d'immunités spéciales. cependant on avait voulu seulement armer les fermiers de l'impôt contre les privilèges peu réguliers, et la porte était laissée ouverte aux recours en confirmation pour ceux qui pouvaient justifier de droits anciens et bien authentiques : c'est pourquoi l'on institua des commissions de révision de tous les titres d'exemption d'impôts. Les recours étaient assujettis à une multitude de frais administratifs, mais ceux-ci étaient moins onéreux que la perception directe du droit sur les alcools.

     

    Les Nazairiens durent alors à défendre leurs privilèges. Au mois de mai 1642, une assignation fut lancée contre plusieurs débitants de la ville et propriétaires de vignobles de la paroisse, pour avoir à payer immédiatement le devoir de billot, à la requête de Le Noir, sieur de La Robinnière, faisant pour le fermier général de l'évêché de Nantes. Une autre sommation, due à Georges Martin de la Sautdraye, sénéchal de Guérande, les assigna eu même temps « pour veoir jurer et prester le serment à ung commissaire que ledit Lenoir entend faire jurer, pour assister avecq les commis à la marque du terrouer de Guérande, à la visite et marque que font journellement lesdits commis aux caves et scelliers desdits taverniers ; et pour éviter aux abus et aux malversations que pourraient commettre lesdits commis avecq lesdits taverniers, etc. (4) » 

    Les privilèges des Nazairiens étaient connus de tous, et l'on s'attendait à ce que les intéressés refusent de payer, le sergent royal avait rédigé d'avance la minute entière des deux assignations, ne réservant que les deux dernières lignes pour la constatation de la remise et pour la signature. 

    Devant ces procédures il fallut bien s'exécuter, et le 19 septembre 1642, les Nazairiens, représentés par le procureur et marguillier de leur paroisse, Philippe Bernard, sieur de La Carioterie (5), se pourvurent d'un vidimus en règle de ses privilèges devant le sénéchal de Guérande, comme nous l'expliquerons dans le prochain article.

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Attenté : fixé à quantité.

    (3) On adjugeait alors la perception des impôts en les affermant, d'où le nom de fermiers pour les percepteurs.

    (4) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (5) La Carioterie est fief situé à Saint-André-des-Eaux.