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Presse nazairienne

  • La presse nazairienne, 1857-1944

    Saint-Nazaire eut une presse locale dès le 18 novembre 1857, avec le Journal de Saint-Nazaire, maritime, commercial et littéraire, paru jusqu’en 17 juin 1865. Quotidien puis trihebdomadaire, et finalement hebdomadaire, la BNF n’en conserve de onze exemplaires. On sait peu de choses à son sujet, si non qu’il fût un journal d’information locale, plutôt favorable au régime impérial.

    Ce premier journal eut pour concurrent les publications successives de l’imprimeur Pierre Fronteau.

    Né à Bocé en Maine-et-Loire le 11 juin 1827, Pierre Fronteau s’établit à Savenay comme imprimeur, et y fonda Le Savenesien, en mars 1857, et devint en février 1858, Le Pilote de Saint-Nazaire, journal maritime, commercial et littéraire. Ce journal paraissant deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, puis uniquement le dimanche.

    Pierre Fronteau déménagea en 1868 à Saint-Nazaire au 6 de la rue de l’Hôtel de Ville. Il logeait dans l’entresol au-dessus de son imprimerie avec son épouse, Anne-Marie Chaudet, et leur fille, Berthe-Honorine. Il rebaptisa son journal : L’Avenir de Saint-Nazaire, puis L'Avenir de l'arrondissement de Saint-Nazaire. À l’effondrement de l’Empire, son journal devint républicain, et Pierre Fronteau fut nommé conseiller municipal de Saint-Nazaire en 1871. Il fut aussi secrétaire général du tir et de gymnastique La Nazairienne en 1892, membre de l'Académie armoricaine, administrateur de la Bibliothèque municipale, membre de la Société géographique commerciale, (Henry Jovet lui a consacré une notice dans son Dictionnaire bibliographie que la Loire-Inférieure, en 1895).

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    L'Avenir du 6 janvier 1878, (Archives départementales 44)

     

    Au décès de sa fille Berthe-Honorine à l’âge de 25 ans, le 18 juin 1879, Pierre traversa une profonde dépression et publia en 1880 la correspondance de celle-ci sous le titre « Lettres intimes ». Il décéda le 14 février 1902 à Saint-Nazaire et fut inhumé avec sa fille au cimetière de La Briandais, la tombe existe toujours, abandonnée...

    Devenu farouchement anticlérical au décès de Pierre Fronteau, L’Avenir perdura jusqu’en 1928. En 1921 il était dirigé par Charles Jamouillet, (1864 - Paris 17 mai 1933, inhumé au cimetière de La Briandais)[1], et avait déménagé au 5 rue de l'Amiral Courbet et publiait des photographies, alors que les autres journaux locaux peinaient à s'illustrer. Le procédé fut cependant trop coûteux fut abandonné à partir de 1923. Charles Jamouillet abandonna la direction du journal en 1926. Il devient alors L’Avenir de Saint-Nazaire et de la Loire Maritime, paraissait tous les mercredis, et siégeait au 4 Henri Gautier, au 1er étage, sa directions était  devenue une collectivité. 

     

    Autre journal anticlérical La Démocratie de l'Ouest, organe des intérêts ouvriers, commerciaux, agricoles et maritimes de Saint-Nazaire et Paimbœuf, fondé en 1879 par Eugène Couronné. Ce journal républicain connut de nombreuses difficultés financières ; se publications furent irrégulières jusqu’en 1883. Quotient puis hebdomadaire, ce journal fut acquis en 1892 par Engène-Napoléon-Régulus Lucciardi, (né à Ajaccio 31 mai 1865 - 1935 Hyères), qui en fut aussi rédacteur-en-chef. Journaliste polémiste qui fut auteur de violentes. Républicain convaincu, il avait débuté très jeune comme journaliste collaborant à plusieurs journaux parisiens, dont La SolidaritéLa Presse, et L'Avenir National. Il dirigea Le Patriote, et La République, et à partir de 1892 La Démocratie de l'Ouest. En 1894 il publia La Navarre, huit jours à bord d'un grand paquebot-poste transatlantique: La Corogne, Lisbonne, Gibraltar, avec notice technique, préfacé par Maurice Charpentier, et édité par P. Letourneur, dont Eugène épousa la fille, Marie-Louise Letourneur.  Philanthrope, il finança différentes œuvres nazairiennes, et créa un asile de nuit. Il aida au sauvetage des archives de la Ville durant l'incendie du 14 février 1893, et sauva la vie de Henri Moret, ce qui lui valut par décret du 28 avril 1893 une médaille d'argent de 2ème classe. Il fit de ce journal un hebdomadaire socialiste en 1885 sous l’impulsion de Quémeneur, ancien rédacteur du Populaire, avec qui pourtant Lucciardi fut en conflit ouvert en juin 1893, ce qui entraîna une saisi du Syndicat de presse de Nantes, qui finit par en faire son directeur politique. Eugène Lucciardi entra dans la diplomatie et devient vice-consul de France au Brésil, en Australie, au Congo et au Maroc. Le journal appartenait à P. Maillard en 1892, et son siège se trouvait au 6 rue des Quatre-Vents ; 1905 il était à Maurice Tournadour. Victor Pécot le repris en 1920 et le garda jusqu’en 1930. Il devint alors la propriété d’un comité d’actionnaires et déménagea au 9 rue de Villès-Martin et disparut en 1934. La direction en avait été confiée à Charles Jamouillet déjà cité. Aristid Briand y fit ses débuts de journaliste le 17 août 1884.

     

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    (Archives départementales)

     

    D’autres journaux eurent des existences éphémères : La Basse-Loire journal indépendant des arrondissements de Paimboeuf & Saint-Nazaire, hebdomadaire républicain de centre-droit, il parut du 10 juillet au 3 novembre 1898, et était imprimé à Savenay ; Le Petit Nazairien paru du 11 mai au 22 novembre 1889, trois fois par semaine, ce journal républicain fut racheté par L’Ouest Républicain de Savenay, (journal qui perdura jusqu’en 1904) ; le titre fut repris et devint Le Petit Nazairien, hebdomadaire d'informations locales et régionales, du 27 août 1907 au 16 décembre 1910 ; mais à partir de 1909 ce journal était rattaché groupe de presse Agence républicaine des journaux de cantons, qui possédait L'Écho guérandais, Journal de Blain & des cantons voisins, Journal du Croisic, Batz et Le Pouliguen, et Le Pays de Retz, dont les pages étaient publiées majoritairement à l’identique ; mentionnons le Saint-Nazaire-plage, journal hebdomadaire de P. Guéry, le temps du mois de juillet 1904, il semble que c’est le même journal que La Vague, journal littéraire, mondain et sportif des plages de l'Ouest , qui était aussi publié dans les cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, La Roche-Bernard, et Pontchâteau entre 1905 et 1911. Il devient un supplément de L'Indépendant de l'Ouest à partir de 1909.

     

    Nombre des journaux nazairiens ne furent que des publications dans le cadre des élections ou de coups politiques. Ainsi trouve-t-on : L'Écho de Saint-Nazaire, journal républicain d'intérêts locaux, paraissant les mercredis soir et samedis soir, le temps des élections municipales des 3 et 10 mai 1896 ; Le Père Nazaire, paru le 1er mai 1896, journal d’ouvriers ; L'Ouest républicain débuté le 21 janvier 1888, (date choisie par provocation envers les royalistes), et aussitôt arrêté, puis repris durant quelques semaines en septembre 1889, il appartenait non pas à Aristide Briand, comme on le croit souvent, mais Léonce-Adrien-Saint-Ange Pelloutier, commis principal des Postes et Télégraphes de Saint-Nazaire, père de Fernand Pelloutier, et ne fut republié qu’à l'occasion des élections législatives des 22 septembre et 6 octobre 1889 pour soutenir la candidature la candidature d’Aristide Briand, et fut définitivement liquidé le 11 janvier 1890 ; Le Nazairien républicain démocratique, paraissant les lundi, mercredi et samedi, à l'occasion des élections législatives du 27 avril 1902 pour soutenir la candidature de Julien Lanoë ; L'Union ouvrière de Saint-Nazaire, hebdomadaire paru entre les 5 août et 4 nov. 1905, en pleine séparation de « l’Église et de l’État », il reparut à nouveau le temps d’un numéro le 7 avril 1906 ; La Dépêche de Saint-Nazaire et du littoral, édition du soir, ce journal d'informations, paraissant tous les jours, excepté le dimanche à partir du 16 avril 1908 à l'occasion des élections municipales des 3 et 10 mai, il disparut à la fin des scrutins ; Le Nazairien, à l'occasion des élections législatives du 22 avril 1928 pour soutenir la candidature du candidat républicain indépendant Jean Gouzer, avocat au barreau de Saint Nazaire, (dont il fut le bâtonnier de 12 novembre 1913 à 11 juin 1919 et de 9 octobre 1929 à 6 octobre 1931).

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    Le Nazairien du 29 mars 1928, (Archives départementales 44)

     

    Plus surprenant, L'Écho du Vénézuela, parut durant l'année 1887, d'abord imprimé à Nantes, puis à Saint-Nazaire, à l'histoire énigmatique ; et tiré (semble-t-il) à un seul numéro le 1er septembre 1914, le St-Nazaire mail, journal en anglais publié par James M. G. Fay, (en raison du débarquement dans le port des troupes britanniques et australiennes), dont le gérant était Pierre Legal ; et Loire-océan-touriste, organe officiel du Syndicat d'initiative de tourisme du port et de la région de Saint-Nazaire avec un seul numéro paru en mai 1919.

     

    Il y eu aussi différentes revues. Citons : L'Épingle devenue ensuite Le Ruy-Blas, revue littéraire et satirique, paraissant le dimanche, le temps de l’année 1884 , elle appartenait à Émile Derval ; Fernand Pelloutier se risqua avec La Plage, entre le 15 mai 1886 et le 24 juillet 1886 ; Le Réveil Artistique, fondée en 1918 et 1919, qui réapparût sous le nom de La Semaine nazairienne, revue hebdomadaire théâtrale, littéraire, artistique, mondaine, du 1er 7 octobre 1924 au 24 juin 1925, siégeant au 16 rue du Calvaire, cette publication au joli frontispice, fondée par Fernand Salmon, directeur des théâtres municipaux, était au trois-quarts emplie de réclames, publiait quelques critiques théâtrales et cinématographiques, ainsi que des vers de mirliton locaux, dont ceux de Pierre Armor, poète local tombé dans l’oubli, pseudonyme du secrétaire général de la Sous-Préfecture, mais qui durant l’entre-deux-guerres avait parfois la chance de se voir publier amicalement dans les journaux nazairiens.

     

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    La semaine Nazairienne (Archives départementales 44)

     

    Paul Paillotte, nazairien exilé à Paris, tenta sa chance en juin 1910 avec Le Nazairien de Paris organe mensuel des originaires de Saint-Nazaire. Il avait espéré vendre sa publication en gare Montparnasse, mais ce fut un échec.

     

    Les hebdomadaires nazairiens furent écrasés par la concurrence des éditions localisée de L'Ouest-Éclair à partir de 1914, et du Phare de la Loire à partir de 1928. Leur survivance tenait au fait d’être publiés par des imprimeurs qui pouvaient compenser les faibles chiffres de vente par leur commerce ordinaire. Si bien que le seul journal nazairien qui perdura véritablement fut Le Courrier de Saint-Nazaire, journal royaliste, devenu de droite catholique, et tombé dans la collaboration en 1940. Ce journal, le lecteur l’a vu cité plusieurs fois sur ce blogue, mais aussi dans des ouvrages ou des articles de Fernand Guériff, et par ses suiveurs. Et pour cause : ce journal publia à partir de 1930, et jusqu’à sa disparition à la Libération, des articles consacrés à l’histoire et au patrimoine local, très détaillés, finement illustrés, et quelques plaquettes regroupant ces articles.

     

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire, du royalisme à la collaboration :

     

    Fondé 1867 par Frédéric Girard, (né dans Deux-Sèvres, le 7 mai 1835), imprimeur en lettres à Saint-Nazaire, par brevet impérial  du 9 octobre 1866, (en remplacement de N. Richier), qui confia la direction de ce journal à monsieur Bourlet de la Vallée, qui en fit le soutient après Sedan à la cause d’Henri V, éphémère roi de France, (du 1er au 7 août 1830), retenu par l’Histoire sous le nom de « comte de Chambord », et devint le journal des catholiques nazairiens. C’est chez cet imprimeur que René de Kerviler publia ses Documents pour servir à l'histoire de Saint-Nazaire en 1876. Cependant, Kerviler, plus modéré, acquis à la République, préféra s’éloigner de Girard. A l’inverse, Gustave Bord[2], royaliste militant et catholique enflammé, représentant local du Comte de Chambord, s’en rapprocha et publia chez lui son Saint-Nazaire sous la Révolution, 1789-1790, en 1881, et lui fournit quelques articles qu’il ne signa pas.

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en avril 1879, (Archives départementales 44)

     

    À la mort de Frédéric Girard en 1888, son fils, lui aussi prénommé Frédéric, né à Saint-Nazaire, repris la direction du journal, mais finit par le vendre avec l’imprimerie à Léon Bouchet en 1891, un boulangiste qui depuis 1886 publiait des éditoriaux sous le pseudonyme d'Innominalo. Qualifié de « non breton » par Kerviler dans son Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, il ne fut pas moins très attaché à la Bretagne et fut l’auteur de « Profils bretons contemporains » ouvrage oublié paru à Paris en 1888

     

    En 1891, François-Marie-Edmond, (dit Francis) Clavier, repris le journal. Né à Rouans en 1864, il avait débuté comme avocat stagiaire à Saint-Nazaire en 1885, et fut inscrit au tableau en 1892 et cosigna la demande des avocats de la ville pour l’obtention du monopole des plaidoiries au tribunal local. Il avait intégré la rédaction du Courrier de Saint-Nazaire dès 1888, et signait sous le pseudonyme de Jehan d’Hust, en hommage au héros de la ville[3]. Il était particulièrement incisif, voir calomnieux, et se plaisait à créer des polémiques à tour de bras, si bien qu’il se trouvait attaqué nommément dans les autres journaux locaux, jouant sur son patronyme, mais aussi sur un défaut d’élocution dont il semble avoir été victime. Le Petit Nazairien du 21 mai 1889 publia ainsi : « Le Clavier du Courrier de Saint-Nazaire s’est enfin accordé, et en huit jours il a écrit dix phrases qu’il eut mis six mois à prononcer »…

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en mai 1906, (Archives départementales 44)

     

    En 1921 Clavier décéda le journal se retrouva en vente avec l'imprimerie. Alexandre-Marie Bernard, surnommé « Alex », (Nantes 1872 - Nantes 1948), ancien dessinateur, catholique nationaliste, qui n’était pas royaliste quoique très imprégner des idées politiques nauséabondes de Charles Maurras, et a qui Clavier avait confié la rédaction en 1909, lança une souscription en 1921 au sein des financiers catholiques du département et les membres de l’Action française. Il collaborait au journal depuis 1908. Appuyé par le souvenir de Clavier qui en parlait comme de son seul successeur possible, Alex Bernard obtient de constituer Le Courrier de Saint-Nazaire et son imprimerie en une société par actions au capital de 250.000 fr réparties en 250 actions de 100 fr partagées entre 144 actionnaires, en mai 1921 sous le nom de Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire. Il y avait pour actionnaires, outre Alex Bernard : le député Henri de La Ferronnays, (1876-1946)[4], leader local de la droite-catholique, pour 50 actions et qui possédait Le Journal d’Ancenis ; Georges Paquet, directeur des Ateliers et Chantiers de la Loire, pour 10 actions ; Raymond de Parscau du Plessis, (1859-1943), maire de Montoire, pour 10 actions ; le marquis Landemont ; Busson-Billault ; le sénateur François Saint-Maur ; Hubert de Montaigu, maire de Missillac de 1927 à 1945, propriétaire de L’indépendant de Pontchâteau et de La Presqu’île guérandaise, pour 20 actions ; l’industriel républicain catholique René Delafoy, (1860-1946), président de la Chambre de commerce de Nantes, et député de la Loire-Inférieure de 1919 à 1924, inscrit au groupe de l'Entente républicaine démocratique. La présidence du conseil d'administration de la société fut confiée à Arsène Chaumier, un financier, qui présidait aussi l'Union Immobilière de Saint-Gohard, et était directeur du collège Saint-Louis, qui fut aussi el beau-père de Georges Parquet, sous-directeur, puis directeur en 1925 des Chantiers de la Loire. Le conseil comprenait aussi E. Bouillet, ancien entrepreneur de travaux publics et F. Kéruel, qui possédait un grand magasin de vêtement à Saint-Nazaire, qui furent aussi du conseil d'administration du Collège Saint-Louis ; Rieul, directeur de la Société Générale et trésorier du Syndicat d'initiative jusqu'à sa retraite en septembre 1929 ; A. Rigoire, agent d'affaires (en fait agent immobilier) ; Adrien-Eugène Daguzan, ancien vice-consul de Russie, agent maritime et négocient associé à Henri Gustin-Stroll. Alex Bernard fut nommé rédacteur et fit du quotidien un journal nationaliste catholique ; il établit l’entreprise au 7 rue du Bois-Savary, et transforma le titre en : Le Courrier de Saint-Nazaire et des cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, Savenay, Saint-Etienne-de-Montluc, et obtient des contrats d'impression pour différentes revues, dont l'édition locale de La Voix du Poilu.

    La Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire ne devient cependant propriétaire du journal et de l'imprimerie que le 3 novembre 1922, après un long procès avec les héritiers de Clavier dont certains avaient contesté la vente et désiraient le vendre plus cher à d'autres. Le journal et l'imprimerie furent transférés le lendemain de l'achat au 24 rue du Palais, Alex Bernard ayant obtenu l’usage d’un terrain acquis par le Henri de La Ferronnays auprès du docteur Ernest Bachelot-Villeneuve, sur lequel il fit construisit une échoppe dotée de deux vitrines te bénir les lieux et les machines par l'évêque de Nantes, monseigneur Le fer de La Motte et le révèrent père don Jean-Baptiste Ollitrault de Keryvallan, abbé de l'abbaye de La Melleray.

    A partir du 4 novembre 1924 : Courrier de Saint-Nazaire - Journal de la Basse-Loire et de la Presqu'île Guérandaise.

     

     

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    Le siège du Courrier de Saint-Nazaire en 1924, l'incendie de la buanderie du primeur voisin manqua de le détruire le matin du 24 septembre 1929. Alex Bernard étant arrivé à 6 h, découvrit le sinistre et alerta les pompiers. Tous les numéros de la revue " La Voix du Poilu ", qui était imprimée la veille furent détruits. 

    (publicité dans le premier numéro de la Revue Nazairienne ; Archives départementales 44)

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire éditait uniquement du texte, mais l’évolution des moyens d’impression fit qu’à partir du 9 avril 1927 il commença à s’illustrer de quelques dessins, puis de photographies à partir du 3 septembre 1927. Les premières photographies vinrent des agences de presse, puis Alex Bernard s’adressa à la société Express-Photo de Saint-Nazaire, mais l’association ne fut pas concluante.

    À partir de 1929, Alex' Bernard fit entrer à la rédaction son fils, Alexandre-Georges-Albert, (Saint-Nazaire 8 juillet 1902 - Nantes 4 juin 1970), dit Alex'fils, et sa fille Renée-Élise-Louise-Marie, (Saint-Nazaire 22 juillet 1898 -  Nantes 1996). Ils signèrent leurs articles sous les pseudonymes de Durandal et Joyeuse, du nom des épée de Roland et Charlemagne. Mais c’est surtout sous le pseudonyme de Jacqueline Bruno que Renée s’illustra avec des articles consacrés aux activités artistiques et culturelles de la ville, et surtout à partir de 1930 Alexandre Bernard père signait déjà certains articles sous le pseudonyme de « un vieux »,  « un vieux grognon », alors que Gustave Olliveau, héritier des chantiers disparus à Méan signait « un catholique méanais »,  puis « un vieux méanais ». Père et enfants s’amusèrent à se répondre par articles interposés, et à se faire de fausses querelles. Il arriva même que René se parlât à elle-même à travers Joyeuse et Jacqueline Bruno ! Dans cette joueuse schizophrénie familiale, les deux enfants Bernard tirèrent leurs épingles. Alex fils fini par devenir le photographe du journal dès 1931, il réussit même inciter son père à insérer à partir du 12 novembre 1932 un jeu concours qui proposait aux lectrices de se reconnaître sur photographie publiée et de gagner un bon d’achat de 50 fr chez un commerçant de la rue de Nantes. Il obtint aussi de son père de faire éditer certaines de ses photographies sous forme de carte postale, hélas le procédé d’impression étant celui du journal, ces cartes étaient laides et trouvèrent difficilement preneur.

    Renée sous le pseudo de Jacqueline Bruno se fit historienne locale à partir de 1931, aidée par Paul Bellaudeau, (Nantes en 1899 - La Baule 1947), qui lui illustra ses articles à l'aide de dessins, et avec qui elle réalisa une plaquette : « Les curiosités mégalithiques de Dissignac et du Pé en Saint-Nazaire-sur-Loire ». Paul Bellaudeau travaillait au Maroc et ne pouvait illustrer chaque article, aussi René s'adressa à Charles Beilvaire[5] qui lui livra ses souvenirs, illustra ses articles, et lui permit d’utiliser la documentation qu’il avait accumulé tout au long de sa vie sur Saint-Nazaire. Cette collaboration prit brutalement fin en 1936, entrainant la raréfaction des articles à propos de l’histoire locale, car Charles Beilvaire était en réalité le véritable auteur de leur majorité. Charles Beilvaire fut contraint de s'occuper de son fils aîné qui était atteint de démences en raison d'une syphilise non soignée. Paul Bellaudeau revint définitivement à Saint-Nazaire en 1933. Très catholique, célibataire, Paul était plus proche des opinions politiques de Renée Bernard que ne pouvait l’être Charles Beilvaire, et celle-ci avait des espoirs sentimentaux envers lui, hélas non réciproques.

    C'est Renée/Jacqueline qui incita son père à faire de l'édition de plaquettes historiques, d'abord des tirages spéciaux réunissant des articles parus, puis de courts livres spécialement écrits pour l'édition, aux tirages limités. Elle espéra en faire une vraie maison d'édition après que son père édita en 1930 un livre du nazairien Gustave Bord, « Grandes et petites légendes », ouvrage consacré à des événements se déroulant en Bretagne, ne traitant pas de Saint-Nazaire ; elle arriva ainsi à faire éditer en 1931 « Les trois jardins de Pierre Loti », œuvre devenue de référence, écrite par le nouvelliste déjà reconnu, Antoine Vicard, mais l'expérience d'écriture non-nazairienne stoppa là.

     

     

    Le 18 avril 1931, le journal devint : Le Courrier de Saint-Nazaire et sa Région, (puis de la Région).

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    Déjà dur envers François Blancho et son conseil dès 1925, à l’arrivée du Front Populaire, Alex Bernard et ses enfants, qui remplissaient à eux trois la presque totalité des colonnes, commencèrent à devenir vociférant envers le maire de Saint-Nazaire et le Gouvernement. La question de la franc-maçonnerie, à laquelle Blancho appartenait, comme beaucoup de cadres du parti SFIO, et les relents des idées de Léon Daudet associée à celle de Maurras, devinrent de plus en plus flagrants dans les articles politiques. Le journal qui s’était contenté jusque-là de la vie locale du canton, commença à relayer et commenter les événements nationaux et internationaux. La Guerre d’Espagne et les débordements des Républicains espagnols envers les congrégations catholiques, firent sortir de ses gonds Renée dont les analyses manquaient de finesse.

    En 1937, Alex Bernard commença à avoir des problèmes de santé, il laissa ses enfants diriger certaines éditions en son nom.

     

    À la déclaration de Guerre, Alexandre fils dut partir au front. Démobilisé, il rentra à Saint-Nazaire en fin 1940, sa sœur avait assumé jusque-là direction du journal et celle de la rédaction. Il la remplaça toujours au nom de leur père qui de temps à autre reprenait la direction de la rédaction, et surtout s’épanchait en article à la gloire de Pétain et de Laval, et à la haine des Britanniques, de De Gaulle, tout en caressant l’occupant dans le sens du poil à l’occasion. Certes, nombre de français se raccrochèrent à Pétain, et l’invasion du pays avait rendu la population totalement idiote au point de croire que ce vieillard déjà sénile pouvait les sauver. La majorité des gens crurent que le discours de Pétain du 30 octobre 1940 enjoignant à la collaboration avec l’occupant était la voix du bon sens. Cependant, les Bernard, y virent l’arrivée d’une renaissance nationale qui ferait triompher l’Église catholique en se débarrassant au passage de tous ceux qui n’entraient pas dans leur idéal.

    Les journaux de la France occupée n’avaient pas obligation de publier les déclarations de Pétain et de son gouvernement, pas plus que celles d’Hitler. Cependant, dans des encadrés ornés de la francisque, les Bernard publièrent le moindre éternument de Pétain et Laval, de celui qu’ils nommaient avec une déférence larvaire « Le Führer ». Certains actionnaires du journal tentèrent de s’imposer à la ligne éditoriale d’Alex Bernard, mais ils furent minoritaires. Au demeurant La Ferronnays et Delafoy étaient des états de santé qui ne leur permettaient plus de réfléchir. Enfin, nombre de cardinaux et d’évêques français soutenaient Pétain et Laval, c’était le cas du cardinal Gertier, archevêque de Lyon, prima de France, et aussi de monseigneur Villepelet, évêque de Nantes, ce qui contribua à conforter les Bernard dans leur position.

    Quand les Britanniques lancèrent l’Opération Chariot le 27 mars 1942, dans l’édition du 3 avril, Renée Bernard/Jacqueline Bruno, fit un parallèle avec la Bataille de Dunkerque en écrivant dans le titre que les soldats n’avaient pu rembarquer, et ajouta dans son texte : « Churchill allait, sans plus tarder, donner des gages de civisme au chef suprême Staline en déclenchant la fameuse offensive de l’Ouest ». Aucun pot à la faveur des Nazairiens qui portèrent secours aux soldats britanniques, ni à propos de la répression qu’ils subirent de la part des Allemands qui rasèrent leurs maisons. Les articles suivants de Renée Bernard ne furent du martèlement contre le bolchevisme entre deux exaltations aux prélats, et des odes à Pétain proches de la stupidité plus que de l’aveuglement. Mais leur discours était celui décomplexé du président de la Corporation nationale de la presse française, Jean Luchaire, des membres du gouvernement de Vichy tels que Fernand de Brinon et Joseph Darnand, ou encore d’un nazairien que l’on oublie dans l’histoire locale, Alphonse de Châteaubriant, qui habitait au 16 rue des Halles, et qui avait fondé à Paris le journal collaborationniste La Gerbe, et dans les colonnes duquel se mouillèrent quelques autres Nazairiens, (certes Cocteau et Marcel Aymé y écrivaient aussi).

     

    Si les Bernard se montrèrent sobres et peu pour ainsi dire mués à propos des bombardements, il faut tenir compte qu’il avait été demandé de ne pas s’appesantir sur la situation et ne pas déprimer plus la population déjà éprouvée. On ressent cependant dans les colonnes une haine envers les Britanniques, mais modérons ici le propos en rappelant que les méthodes de bombardement des Britanniques, révoltaient les Nazairiens, qui leur reprochaient, non sans raison, d’envoyer leurs bombes à côté des objectifs véritables. Dans une lettre datée du 23 mai 1942, adressée à Gabriel Loire, et conservée dans les archives de son atelier à Chartres, le chanoine Gouy, qui ne faisait pas de politique, et à qui ne s’est jamais risqué à soutenir un parti ou l’autre, écrivit : « […] Nous avons eu plusieurs bombardements sérieux qui ont fait pal mal de victimes et beaucoup de dégâts. Les Anglais se comportent comme des bandits, ils jettent leurs bombes n’importe où et n’importe comment. Nous connaissons depuis longtemps la nuit sans sommeil, au fond d’une cave. […] »

    Mais l’enthousiasme devant la guerre menée par les Allemands contre les Soviétiques et les Britanniques explosa sitôt après, n’hésitant pas à employer les termes de « péril bolchevique » et de « Croisade contre le Bolchevisme », ou blâmant « le temps où la France était gouvernée par les Juifs ». Le numéro du 3 juillet 1942 est un condensé dès la première page des opinions des Bernard s’exaltant des victoires du Reich en Égypte et devant Sébastopol, une ode à Laval, une louange aux Travailleurs français partis en Allemagne, et la félicitation de la réouverture du bureau d’engagement des la Légion des Volontaires Français, (LVF), dans un nouveau local au 10 de La Villès-Martin, après avoir été victime d’un incendie, événement qualifié « d’attentat ».

     

    Le 29 janvier 1943, Alex Bernard père quitta ses fonctions à la faveur de son fils. En première page il adressa un message aux lecteurs, expliquant son combat contre ses adversaires « francs-maçons, marxistes, démocrates, de toutes obédiences, et à cette masse de braves gens, crédules à l’excès et aveuglément confiants dans les bobards des Juifs de la radio de Londres, de Moscou et de Boston ».

     

    À la suite des bombardements du 28 février 1943 qui détruisit le centre de Saint-Nazaire, les Bernard fuirent avec le matériel de l’imprimerie à Sainte-Marie (aujourd'hui commune de Pornic). La poursuite de la publication s’acheva en 1944 avec l’absence de livraison de papier.

     

    À la Libération les Bernard furent arrêtés, internés à Nantes, ils furent jugés par la Cour de Justice de la Loire-Inférieure pour collaboration le 25 février 1946. Ils se défendirent en argumentant que, journal catholique, ils avaient suivi ce que le clergé propageait... mauvaise défense qui ne fit qu’aggraver leur situation.  Alex père écopa de 5 mois de prison, Alex fils de 3 ans, et Rénée de 3 mois, condamnations accompagnées d’indignité nationale à vie et de la confiscation totale de l’ensemble de leurs biens, avec  dissolution du Courrier de Saint-Nazaire. Par arrêt du 6 novembre 1946 et deux décrets en date du 9 novembre 1946, Le Courrier de Saint-Nazaire et de son imprimerie furent la saisis, et par arrêt du 24 janvier 1947 ils furent transférés et dévolus au profit de l’État[6]. Le journal ne réapparu jamais, et l’entreprise fut définitivement démantelée en 1947.

     

    À sa sortie de prison en 1950, Alex fils retrouva sa sœur établie à Nantes. Renée vivait avec leur mère, Juliette-Joséphine-Marie-Renée Mahé (1875-1968), et s'occupait de sa nièce, Marie-Rose-Renée Bernard, (Saint-Nazaire 26 mars 1928 - Nantes 30 août 2017), qu'Alex avait eu de son épouse Joséphine-Marie-Rose Lucas (Roz-sur-Couesnon 25 août 1906 - 16 juin 1929 Saint-Nazaire), décédée de la tuberculose. Regroupant une poignée de négatifs de photographies qu’ils avaient réalisées avant-guerre et qui avaient échappé à la saisie, ils éditèrent sous la forme d’un livre boite contenant des tirages, commentés à l’arrière à la main, de vues de Saint-Nazaire et de la Presqu’île. Paru sous le titre « Visages et reflets de mon pays, Saint-Nazaire, 1939 », avec une présentation un peu naïve écrite par Renée. Il fut non signé du fait de leur condamnation à l’indignité nationale. Il regroupe en réalité des vues prises durant une période s’étalant entre 1935 et 1939.

    Oubliés de tous, retiré à Nantes, seul Fernand Guériff se risqua en 1962 à les contacter pour obtenir  d’eux des photographies pour illustration. Alex fils, peu avant sa mort, publia, à compte d’auteur, associé à sa fille Marie-Rose, « La Vie A Saint-Nazaire Au 19eme Siècle », un livre contenant des illustrations de Charles Beilvaire sous le pseudonyme de « Marlex Mernard ». Par la suite, sa fille, Marie-Rose, obtint du tribunal de grande-instance de Nantes, le 22 mai 1974, un jugement l’autorisant à faire ajouter à ses prénoms, celui de Mirèn, qui devient son prénom d'usage. Mirèn Bernard ne se maria jamais et vécu toute sa vie avec son père et sa tante. Très catholique, elle fut organiste de l'église Saint-Clément de Nantes jusqu'en 2006, et légat ses biens au diocèse, dont les archives de son père et de sa tante.

     

    [1] Il était fils de Charles Jamouillet, commis des ponts et chaussées à Saint-Nazaire, soldat au 20e de ligne, mort pour la France le 6 février 1871, qui repose avec lui au cimetière de la Briandais (tombe avec une grande palme de bronze) ; et le père de Charles Jamouillet, ingénieur E. S. E., directeur de la Cie Générale de Traction à Douais, marié à Saint-Nazaire le 8 février 1936 avec Madeleine Mugnier, native de Lille. A son enterrement, les cordons furent tenus entre autres par Louis Joubert, président de la Chambre de Commerce, et alex bernard du Courrier de Saint-Nazaire ; les discours furent prononcés par monsieur Soum, principal du Collège de Saint-Nazaire, par monsieur Crespin, rédacteur en chef de La Démocratie, et par monsieur Lavoix, au non de L'Avenir de Saint-Brevin.

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html

    [4] Puis président du Conseil général de la Loire-Inférieure de 1931 à 1940.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/12/08/charles-beilvaire-un-peintre-nazairien-oublie-5505901.html

    [6] Dans le dossier il est improprement nommé « Journal de Saint-Nazaire ».