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Chroniques de Saint-Nazaire - Page 2

  • Théâtres, music-halls et cinémas nazairiens des origines aux bombardements.

    Des origines au XIXème siècle :

    La vie théâtrale à Saint-Nazaire débute avec l’obtention du statut de Ville accordé au XIVème siècle, et l’instauration d‘une foire ayant lieu chaque 20 juillet à l’occasion de la Sainte-Marguerite. Des troupes itinérantes venaient alors dresser une scène et se produire dans des Mystères et de courtes farces que les spectateurs suivaient debout. A la demande de Gabriel de Goulaine, vicomte de Saint-Nazaire, le roi Louis XIII remplace en 1614 cette foire par deux autres, le 24 juin, à la Saint-Jean-Baptiste,  et le 14 septembre, à l’Exaltation-de-la-Sainte-Croix[1]. A la même période le genre théâtral évolua : les comédiens jouaient des spectacles  avec une introduction de genre comique suivie de tragédie à l’antique. Les troupes furent aussi plus nombreuses et au cours du XVIIème elles vinrent régulièrement se produire dans les auberges de la ville, L’Empereur, Le Lion d’or, Le Roi de Suède, devant un public assis et qui consommait durant le spectacle. Certaines de ses troupes furent invitées à se produire au château de la Motte-Allemand devant la famille de La Haye du Sable, seule parmi les familles seigneuriales vivant à l’année dans la paroisse avec des moyens financiers importants. Au cours du XVIIIème siècle, ces représentation seigneuriales disparurent peu à peu ; la société aristocratique et bourgeoise préférant se distraire en jouant elles-mêmes devant leurs amis.

    La Révolution et l’Empire ayant instauré une forte censure, la vie théâtrale devient alors presque inexistante, et la commune n’a plus droit qu’à une seule foire, tenue le 30 avril[2]. Il faut attendre la Restauration pour que des théâtres ambulants se produisent à nouveau régulièrement.

     

    1857 à 1886, le premier théâtre nazairien

    Le premier théâtre, dit Théâtre de Saint-Nazaire, situé au 7 rue de Saillé, était un théâtre privé avec troupe à demeure. Il fut fondé en octobre/novembre 1859 par Martial Boguier, (°1829). Fils d’un gendarme, horloger de formation, il ouvrit une boutique à Pontchâteau mais joua la comédie à Nantes au théâtre Graslin dès 1855, sous le nom de Boguier le jeune. Le 15 décembre 1859, alors qu’il s’était établi à Saint-Nazaire, Martial Boguier fut déclaré en faillite personnelle par le tribunal de Pontchâteau par suite de la plainte de son fournisseur en horlogerie. Le tribunal prononça la saisie de ses biens immeubles et meubles, et son emprisonnement pour dettes. La Troupe demanda par pétition, le 7 janvier 1860, à pouvoir continuer à travailler. Martial Boguier fut rapidement libéré, mais à partir de cette aventure, il se fit connaitre sous le nom de Monsieur Martial. La première pièce jouée fut un drame en cinq actes, Le médecin des enfants, d’Auguste Anicet-Bourgeois et Adolphe d'Ennery[3]. Préférant être acteur, Monsieur Martial donna en 1867 la direction de la troupe à monsieur de Saint-Martin, qui resta jusqu’en 1875. La programmation comportait du théâtre classique, tel Tartuffe de Molière en octobre 1866, des drames en cinq actes et six tableaux, généralement suivis d’un vaudeville en un acte, (en septembre 1866 fut ainsi joué Les Chauffeurs ou Pierre Lenoir d’Eugène Sue, drame en cinq actes, qui fut suivi de Jean Torgnol ou le retour du marin d’Eugène Grangé et Lambert Thiboust, vaudeville en un acte), des vaudevilles, comédies-bouffes et des opérettes en trois actes. A partir de 1880, la Troupe du Théâtre de Nantes vient se produire régulièrement dans la salle, ainsi que des troupes parisiennes en tournée, (notamment celle de l’Opéra Comique ou de François Achard avec Nancy Vernet). L’orchestre de l’Orphéon de Saint-Nazaire, l’une des sociétés musicales locales, s’ajouta à la programmation avec des opérettes et des opéras-bouffes, interprétés en alternance avec les représentations théâtrales. Quelques chansonniers vinrent de Paris se produire, tel Octave Dupré de La Roussière, (1851-1933), durant la saison de l’hiver 1885-1886.

     

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    Photographies de Monsieur Martial en comédien entre 1870 et 1875, Fonds & Collections Odoevsky Maslov.

     

    La salle de théâtre est décrite comme délabrée en 1886 ; elle fut fermée sans explication en février 1887 en pleine programmation. En 1888 le bâtiment changea de propriétaire pour devenir le Grand-Bazar Delzieux[4], puis fut rasé en 1904 pour faire place à L’Epicerie Moderne.

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    La rue de Sailé en 1899, sur un plan de réalignement conservé aux Archives Départementales de Loire-Atlantique ; on distingue au 7 l'ancien théâtre devenu épicerie Delzieux.

     

    1875-1889, deux projets avortés :

    Contrairement à ce qui a été souvent écrit, ou du moins trop repris sans vérification, le projet de ville/quartier annoncé par Alphonse Césard dans Le Monde Illustré du 15 avril 1865, qui devait, entre autres, comprendre un théâtre, ne fut jamais un projet réel, mais uniquement une escroquerie. Il avait été dit aux petits épargnants qu'ils pouvaient spéculer en prenant des actions auprès d'une société écran, relevant d'un montage d'autres sociétés actionnaires basées à l'étranger. Ce qui avait été promis d'être construit sur le domaine féodale du Manoir du Sable n'a jamais fait l'objet de plans. Seules les vues illustrant l'article de 1865 furent dessinées, (voyez à ce propos l'un de nos articles précédents : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/20/la-speculation-nazairienne-durant-le-second-empire-6137439.html).

    Il n’existe en réalité au 19e siècle que deux véritables projets, l’un privé, l’autre municipal :

    En janvier 1875, Alphonse Pinguet, (Saint-Benoit-du-Sault 16 décembre 1832 – 7 janvier 1888 Saint-Nazaire), architecte voyer de la Ville[5], qui réalisa les villas de Porcé, le château des Charmilles, et les Halles, aujourd’hui situées à Penhoët, présenta les plans de reconversion de l’ancienne minoterie, située au 49 de la rue du Croisic, en un théâtre de 700 places, avec buvette au rez-de-chaussée, foyer au première étage, et logement du second. Les plans furent exposés à la librairie Blanchet. Le projet devait être financé par la constitution d’une société de 400 actions devant rassembler 40.000 fr. Malgré la sollicitation de la Municipalité, la société ne vit jamais le jour.

    En mars 1890, la Municipalité organisa un concours pour la réalisation d’un théâtre municipal à construire sur un terrain municipal situé Place Marceau. La clôture du concours fut fixée au 31 décembre 1890, et le cahier des charges fixait la dépense à 230.000 fr, honoraires d’architecte compris, fixées à 5%[6]. Dix-sept projets furent soumis au jury, qui choisit en janvier 1891, celui émis par Jean-Pierre Pécaud, (Nozay 6 janvier 1839 – 10 octobre 1896), architecte de la Ville qui avait réalisé en 1877-1878 le Palais de Justice, et en 1889 la Sous-Préfecture[7]. Le projet de théâtre ne fut soumis au vote du Conseil qu’en 1895, et fut rejeté.

     

    1886-1939, les théâtres ambulants :

    La fermeture du théâtre de la rue de Saillé entraina la nécessité de solliciter des théâtres ambulants. A partir de 1886, le Théâtre Gaillet, de petite structure, s’établissait Place du Bassin. Il était dirigé par Joseph et Edouard Gaillet, et présentait, les dimanches et lundi, des drames en cinq actes et des comédies bouffes, avec des airs chantés. Ce théâtre se produit à Saint-Nazaire durant une dizaines d’années. Ces théâtres forains se succédaient tout au long de l’année et revenaient régulièrement. Par exemple, en 1893, vint en janvier le Théâtre Ganelli, sur la place du Bassin, qui présenta Le canard à trois becs, un opéra-bouffe en trois actes, de Jules Moinaux et Emile Jonas, et une revue en sept tableaux, Saint-Nazaire fin de siècle, « commise par un autochtone qui tenait à conserver l’anonymat [8]». Le même mois, le théâtre Futelais, s’établit place Marceau, y joua la comédie Les Français au Dahomey, avec une troupe de vingt-cinq acteurs en partie maquillés en indigènes dans le plus parfait mauvais goût du racisme primaire. D’avril à juin on vit le Théâtre Rey-Bono, interprétant un opéra-comique en trois actes, La Mascotte d'Edmond Audran. Ce théâtre manqua de brûler, car le préposé à l’allumage des becs de gaz fit une fausse manipulation et enflamma la bouteille d’esprit de vin qui lui servait à l’allumage, provoquant la panique parmi les spectateurs. En septembre, au moment de la Foire annuelle de Saint-Nazaire, vint le Théâtre des Fêtes de Paris, dirigé par Guélin, qui proposa César Borgia ou la nuit des fantômes, drame en cinq actes de Henri Crisafulli et Édouard Devicque, où coups de poignards et poisons ponctuent les scènes jusqu'à l’écœurement, heureusement contrebalancé le même soir par La Consigne est de ronfler, vaudeville en un acte d’Eugène Grangé et Lambert Thiboust.

    Il vint plusieurs fois le Théâtre Chabot, dirigé par Pierre-Victor Chabot, (1820-1897), qui usurpait le nom de la famille noble éteinte des Chabot de Gironville, et à qui, Eugène, son fils, succéda. En décembre 1894, il interpréta Le Bossu ou le Petit Parisien de Paul Féval, drame de cape et d'épée depuis plusieurs fois remonté au cinéma, dans lequel Lagardère venge le Duc de Nevers en cinq actes et douze tableaux, et La Porteuse de Pain, adaptation d’un roman-feuilleton de Xavier de Montépin, parut initialement dans Le Petit Journal dix ans auparavant. Le Théâtre Chabot fut hérité par la fille d’Eugène, Gabrielle-Andrée, qui l’apporta en dot à Auguste Borgniet. Il devint le Théâtre Bodignet, puis en 1929 le Théâtre Borgniet-Delemarre, dont nous reparlerons.

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    Le Théâtre Chabot

     

    Plus curieux, le Théâtre Mondain, qui proposa des « visions d’art », c’est-à-dire des tableaux vivants inspirés d’œuvres aux femmes peu habillées, ou patriotiques dans le gout pompier d’alors ; Miss Chromo, (de son vrai nom Germaine Chabot, décédée en 1964), qui, corset et chevilles visibles, dansait de façon provocante à la manière du personnage de Lola de Jacques Demy, les tours de prestidigitation et d‘ombromanie de Bénévol, « le coupeur de tête ». Le Grand Théâtre des Nations, théâtre lyrique d’une capacité de deux-cents places, dirigé par A. Casti, qui faisait le tour de la Bretagne, présenta successivement en décembre 1897 Les Cloches de Corneville, opéra-comique en trois actes de Robert Planquette, Le Petit Duc, opéra-comique en trois actes de Charles Lecocq, Les Mousquetaires au couvent, opérette en trois actes de Louis Varney, (ce théâtre devint par la suite le Théâtre Pérès-Chabot).

    On vit aussi sur la place Marceau la Tournée Moncharmont et Luguet, qui le 31 octobre 1899 présenta Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, avec Jean Daragon dans le rôle principal. La troupe se composait de trente interprètes, et disposait en plus des décors changeant plusieurs fois au cours des cinq actes, de deux-cents costumes.

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    Jean Daragon, fonds et collections Odoevsky Maslov

     

    Cependant, c’est surtout le Théâtre Delemarre Frères, dirigé par Jules Delemarre, (1854-1930), et Henri Delemarre, (1858-1938), qui marqua l’histoire nazairienne.

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    Jules et Henri Delemarre

     

    Ce théâtre itinérant fut fondé en 1830 par Pierre-Louis-Joseph dit Prosper Delemarre, (Valenciennes 22 février 1810–1880). Il s'agissait à l’origine d'un théâtre de marionnettes ; Prosper transmit à ses fils en 1878, qui, en 1880 commencèrent à y introduire des comédiens de scène, et qui en firent un théâtre de troupe en 1895. Il fut alors le plus grand théâtre démontable de France, avec un barnum de 40 m de long, abritant un théâtre à l’italienne aux galeries de loges dorées, d’une capacité de 1.200 places, avec trente artistes qui participaient aux montages et démontages de la structure et de ses trois-cents décors, voyageant dans treize voitures hippomobiles ou deux trains.

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    Le théâtre Delemarre vint la première fois à Saint-Nazaire monté sa scène, sur la Place Marceau, de la mi-mars à mi-juin 1896, avec quatre pièces différentes jouées alternativement les samedi, dimanche, mardi et jeudi, et un programme renouvelé chaque mois. Leurs premières représentations en mars furent La Voleuse d’enfants, drame en cinq actes et huit tableaux, d’Eugène Grangé et Lambert Thiboust ; Le fils de la nuit, drame en cinq actes et huit tableaux, d’Alexandre Dumas père, (assisté par Gérard de Nerval) ; Trois femmes pour un mari, d'Ernest Grenet-Dancourt, comédie-bouffe en trois actes ; Nos bons villageois, de Victorien Sardou, comédie en cinq actes ; en avril, Le maitre de forges, drame en cinq actes, de Georges Ohnet ; Le Courrier de Lyon, drame en cinq actes et sept tableaux, d’Edouard Moreau et Alfred Delacour ; Gigolette, drame en cinq actes et neuf tableaux, d’Edmond Tarbé des Sablons ; Divorçons, comédie en trois actes, de Victorien Sardou ; en mai ce furent tous les soirs d’une semaine un version de La Passion de Jésus Christ, remplacée ensuite par La Dame aux camélias, drame en cinq actes, d’Alexandre Dumas ; avec, en sus, le 9 avril 1896, une représentation au profit du Bureau de bienfaisance de la Ville, de Frou-Frou, comédie en cinq actes de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, précédé d’extraits de l’opérette Le Grand Mogol d’Edmond Audran interprétés par l’Harmonie de Saint-Nazaire[9]. Aux entractes, il y avait des spectacles de prestidigitations. Les Delemarre firent l’acquisition d’une maison et de terrains pour le dépôt de leur matériel à proximité de la Place Marceau en 1897, (au niveau de l’actuelle rue d’Ypres), mais leur théâtre ne revint se produire en Loire-Inférieure qu’en 1898, à Nantes, place de Bretagne, durant tout l’été, puis à nouveau à Saint-Nazaire du 1er octobre 1898 à au 1er mars 1899.

     

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    La Place Marceau en octobre 1898, Fonds et Collections Odoevsky Maslov ; sur la droite, le long chapiteau du théâtre Delemarre et ses roulottes faisant office de loges pour les artistes.

     

    Il fut interprété Closerie des genêts, de Fréderic Soulié, drame en 5 actes et 8 tableaux, qui met en scène des Chouans et une fastueuse noce bretonne pour laquelle des joueurs de biniou et de bombarde avaient été engagés, mais parce que trop royaliste, elle fut pour des raisons politique contrebalancée par la présentation de Marceau ou les enfants de la République, d’Emile Moreau, dont une scène se déroule dans un imaginaire « château de Montoir »  en 1793, avec quelques écœurants chants pseudos patriotiques. Mais cette saison fut aussi l’occasion de présenter des spectacles à sensations, tels qu'en janvier 1899[10], les démonstrations du Professeur Papus sur l’hypnose. Papus, de son véritable nom Gérard-Anaclet-Vincent Encausse, (La Corogne 13 juillet 1865 - 25 octobre 1916 Paris), était un médecin passionné d’occultisme, qui fut cofondateur avec Augustin Chaboseau.de l'Ordre Martiniste.

    Les frère Delemarre se plaisant à Saint-Nazaire, ils firent l’acquisition le 5 juillet 1899 du domaine de Ker Aimée[11], chemin de Porcé à Bonne-Anse, comprenant plusieurs maisons, parc, vignes et verger. Cette propriété, aujourd’hui divisée, est restée celle de leurs descendants. Leurs enfants firent leurs classes à Saint-Nazaire. Cette installation familiale à Saint-Nazaire ne fixa pas la troupe sur place, même si, en témoignage d’affection pour leur cité d’adoption, les frères Delemarre firent peindre sur le rideau d’avant-scène les armoiries de la Ville. Ce n’est qu’en novembre 1913 que le Théâtre Delemarre remonta son chapiteau sur la place Marceau, avec un spectacle qui a marqué la mémoire nazairienne : Le Tour du Monde en 80 jours, de Jules Verne et Adolphe d'Ennery, joué les 14, 15 et 16 novembre 1902, avec trente-deux comédiens et des décors mouvants. En novembre 1905, ce fut l’épopée napoléonienne qui fut mise en scène, avec Madame la maréchale d’Alphonse Lemmonier et Louis Péricaud, pièce en trois actes. Si entre janvier 1906 et décembre 1910 le théâtre Delemarre se produisit ailleurs, en novembre 1908 Jules Delemare devient conseiller municipale, responsable de la section de Saint-Marc. Le retour sur la place Marceau se fit le 31 décembre 1910 avec des drames et des comédies n’entrainant pas une mise en scène élaborée. Dans l’incapacité de se produire durant la Grande-guerre, le Théâtre Delemarre Frères ne revint qu’à l’occasion de la saison hivernal 1922-1923. Ce retour se fit dans un contexte particulièrement orageux. En 1922, la Ville connu des difficultés financières en raison de la Dépression de 1920-1921, et ne subventionna pas son théâtre municipal, L’Athénée, fondé en 1910, dont nous parlerons plus largement dans le chapitre « 1909-1943, les théâtres municipaux ». L’Athénée était par concession sous la direction de Fernand Salmon. Celui-ci, ayant appris que les Frères Delemarre sollicitaient l'autorisation de faire revenir sur la place Marceau leur chapiteau pour trois mois durant la saison d’hiver, demanda un délai au prétexte qu’il allait organiser une nouvelle saison lyrique et qu’il ne fallait pas lui faire concurrence. Mais n’ayant pas eu la capacité de présenter son projet, le Conseil municipal décida de donner son autorisation aux Delemarre. Salmon surjoua l'indignation pour faire oublier qu'il était fautif, et traita dans Le Phare de la Loire[12], les Delemarre « d’étrangers à la commune » produisant des spectacles inférieurs en qualité aux siens. La réaction de Frères Delemarre fut particulièrement cinglante. Ils firent publier le 14 mars 1922 leur réponse dans plusieurs journaux, dans laquelle ils firent mémoire de toutes les villes où leur théâtre avait ses habitudes, de l’importance de sa troupe tant par le choix qualitatif des acteurs, que par leur nombre, de la puissance scénique de l'entreprise. Ils soulignèrent ensuite que se faire traiter d’étranger par un homme non natif du lieu, et seulement arrivé à la veille de la Guerre, qui l’avait tenue loin, était malvenu, alors qu’ils avaient pour leur part élu domicile à Saint-Nazaire depuis 1897, et que leur théâtre, certes forain, avait les armes de  Saint-Nazaire sur le rideau, ville dont Jules avait été durant une dizaine d’années conseiller municipal. Le chapiteau fut dressé pour trois mois sur la place Marceau, face au théâtre municipal, et « l’air y sentit la poudre ». Le théâtre Delemarre débuta sa saison le 6 octobre 1922 avec Les Oberléou terre d’Alsace, pièce en cinq actes, de René Bazin et Edmond Haraucourt, suivi les jours suivant de comédie-bouffes et vaudeville, mais c’est Le tour du monde d’un gamin de Paris, pièce d’aventure en onze tableaux d’Ernest Morel, jouée trois soirs de suites, les 13, 14 et 15 octobre, qui subjugua les Nazairiens. Il faut pour comprendre cette forte impression, imaginer les décors se succédant, avec une machinerie qui les mettait en mouvement, et savoir que le décorateur était monsieur Essers, ancien décorateur de l’Opéra-Comique. On vit ainsi le Port de Rio de Janeiro avec l’arrivée d’un vapeur ; exploser le pont d’un paquebot ; un radeau naviguer en pleine mer dans un brouillard duquel émergeait au loin Sydney ; avec aux entractes des acrobates, et cela dans un espace chauffé, (le théâtre municipal ne l’était pas), depuis des places confortables qui coutaient de 1 à 5 fr. Avec le renouvellement des pièces de semaine, il était impossible pour la concurrence de tenir.

    Les Frères Delemarre partirent en tournée dans le sud de la France durant la saison 1923-1924. Fernand, le fils ainé de Jules, qui avait débuté comme prestigiateur, fonda le sien, présenté comme un théâtre-cirque nommé Le Théâtre des Grands Spectacles. C’est à Saint-Nazaire qu’il fit se produire pour la première fois sa troupe, en mai 1924 sur la Place Marceau, avec la représentation d’un spectacle lui aussi resté mythique pour les Nazairiens, Les énigmes du Sphinx, en vingt tableaux, soutenu par un orchestre symphonique, des comédiens venus des Folies-Bergère, de l’Odéon, du Théâtre Antoine, du Kursaal (Genève), et une troupe de danseuses, les Gaity Girls, de l’Alhambra de Londres.

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    Programme des Enigmes du Sphinx, collection particulière.

     

    On vit y la Baie de Naples, Venise et ses gondoles, les pyramides de Gizet, « un sphinx gigantesque », une palmeraie, un ballet d’égyptiennes. Le scénario racontait les aventures d'un détective amateur qui venant aux secours d’un banquier menacé par un tueur nommé Sphinx. Les meurtres se succédaient, et il résolvait plusieurs énigme aidé par la fille de la victime. Le 10 mars 1928, Jules fit don à son fils Fernand de ses parts du théâtre Delemarre Frères, par acte passé devant maitre Lunaud, notaire à Saint-Nazaire. Unissant ensuite en un seul le Théâtre Delemarre Frères au Théâtre des Grands Spectacles, Fernand finit par quitter Saint-Nazaire pour s’établir à Bordeaux où il épousa l’une de se comédiennes en mai 1932, Françoise Valleix. L’année suivante, à Castelsarrasin, un incendie anéantit treize des seize roulottes et mit un terme à l’aventure.

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    Fernand Delemarre en 1932

     

    De son côté Jacques, (1898-1993), son jeune frère, avec son épouse, née Philiberte Lalande, s’associèrent à Auguste Borgniet et son épouse, et avaient acquis le 10 décembre 1929 la moitié du Théâtre Borgniet, ex-Chabot, et qui devient le Théâtre Borgniet-Delemarre, dont nous avons parlé plus-haut. Ils ne se produisirent pas à Saint-Nazaire. Le 20 mars 1933, face à la concurrence du cinéma parlant, les associés vendirent ce théâtre à monsieur et madame Patau, qui eux-mêmes mirent fin à l’activité en 1974. Jacques Delemarre devient exploitant marchand de primeurs, puis se reconvertit dans les assurances.

    Le dernier théâtre forain à s’être produit à Saint-Nazaire fut celui de Léo Holé, qui vint avec sa troupe interpréter La Veuve joyeuse, opérette en trois actes de Franz Lehár, et Lakmé, opéra en trois actes de Léo Delibes, dans une mise en scène « digne du Graslin ». Hélas, la Société́ des auteurs et compositeurs fit saisir une partie des recettes parce que monsieur Holé ne voulait pas acquitter ces droits ! La saisie fut de 4.000 fr , avec une demande de 5.000 fr de dommages et intérêts et une amende de 100 fr. Monsieur Holé se défendit en affirmant ne pas être le seul directeur de théâtre démontable qui refusait de passer sous les fourches caudines des éditeurs : « J’ai toujours voulu payer les auteurs mais pas les tiers ». Il avait déjà̀ eu les mêmes démêles à Niort, Poitiers, Saint-Malo, La Roche-sur-Yon et à Nantes.

     

    Buffalo Bill

     

    Le 8 septembre 1905, Buffalo Bill, dans le cadre de sa tournée française dans cent villes, vient avec son cirque. Il arriva avec de La Roche-sur-Yon avec trois trains de 17 et 18 wagons en gare de Saint-Nazaire le matin à 6h03, 7h05 et 8h45. Le matériel avait été placé le long du boulevard Leferme, suscitant un attroupement derrière des barrières de sécurité, jusqu'au-delà de la caserne des douanes. On arrivait à peine à se frayer un chemin sur la place entre la gare et l'agence Transatlantique et la police fut mobilisée et il n'y eu aucun incident. Il fallut bloquer la circulation des rues Amirale Courbet, Thiers et Villès-Martin pour permettre au convoi de gagner le terrain de  l'hippodrome au Grand Marais, offrant aux Nazairiens un défilé de cavaliers Russes, Japonais, Amérindiens, Mexicains, et de femmes montées en amazones, le Phare de la Loire du 10 septembre 1905 souligna que ce furent surtout les Cosaques qui suscitèrent le plus de curiosité, il est vrai que voir ces cavaliers défiler à toute allure en tête debout sur leur selle fut un spectacle unique. Détail cependant qui nuit à la légende : ils n'étaient pas Cosaques, mais Géorgiens ; pour des raisons publicitaires, le cirque mentait sur leur ethnie véritable. Le campement fut monté derrière la Caserne de La Briandais. Le chapiteau fut rapidement monté sur l'hippodrome ; à 14h il eut une première représentation, et une seconde à 20h. L'événement était si considérable, que plusieurs administrations et commerçants fermèrent tout l'après-midi. Outre les centaines de chevaux, Buffalo Bill arriva avec une troupe « de peaux rouges » qui jouèrent une attaque de diligence, un homme « à la peau bleue », des « Chinoises à petits pieds », « un géant nègre », « un enfant colosse », un couple de tatoués, une charmeuse de serpents, des lapins musiciens, des singes boxeurs, et des kakatoès. Toute la journée, des gens affluèrent à Saint-Nazaire et les représentations cumulèrent 8.000 et 10.000 spectateurs !

     

    1896-1911, le théâtre du Casino

    Nous avons déjà longuement expliqué l’histoire du Casino des Mille Colonnes, (http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/01/14/du-casino-de-saint-nazaire-au-college-saint-louis-1ere-parti-6120615.html ), mais il faut résumer ici la vie de son théâtre :

    A son inauguration, la direction et l'animation furent confiées à Henri Villefranck, de son vrai nom Henry-Donat Francqueville, (Arras 1er octobre 1849 - Strasbourg septembre 1928), un artiste lyrique qui fut auparavant directeur du Théâtre Municipal de Dijon de 1889 à 1891, puis du Théâtre Municipal de Reims de 1891 à 1898. La critique et le public lui reprochèrent de ne produire pour le théâtre que « des banalités ». Il resta en poste à Saint-Nazaire jusqu’en 1899, préfèrant la direction du Grand-Théâtre de Nantes, et fut remplacé par messieurs Bach et Bourdillat qui proposèrent des comédies et des vaudevilles en trois actes, de Feydeau, Théodore Barriere, Valabergue Bisson, Antony Mars, etc., ainsi que des opéras et des opérettes, essentiellement de Bizet, Offenbach. La saison théâtrale s’y tenait de juillet à septembre, les samedis, mardis, et les jeudis en alternance avec les spectacles lyriques qui se produisaient aussi tous les dimanches. Les artistes venaient pour une saison, seul l’orchestre et les chœurs étaient permanent.

     

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    Disposition des bâtiments en 1899, sur un plan de projet de réalignement conservé aux Archives départementales de Loire-Atlantique

     

    La salle se trouvait à l’arrière du Casino, avec lequel elle était reliée par un couloir hors d’œuvre afin de l’isoler en cas d’incendie. La faillite du Casino en 1911 entraina sa fermeture. Le site, transformé durant la Première-guerre-mondiale en hôpital, puis en 1917 en centre de transit des chevaux et des mules débarquées par les Troupes étasuniennes, fit qu’on y joua à nouveau pour les soldats. En parti saccagé apr les troupes étasuniennes, laissé à l’abandon et squatté par des sans-abris, l’ensemble fut acquis en 1924 par l’Evêque de Nantes qui y établit le Collège Saint-Louis. La salle de Théâtre fut alors reconvertie en chapelle, avec l’autel sur la scène. Les spectacles scolaires, des conférences, et les remises de prix s’y déroulèrent jusqu’à sa destruction en 1951.

     

    1909-1943, les théâtres municipaux :

    Le 12 décembre 1909 la Municipalité vota le principe de concession allant du 1er janvier 1910 au 31 décembre 1924 pour la réalisation d’un théâtre-music-hall confié à messieurs Salmon et Wolff. Le Préfet valida cette décision le 16 décembre. Il fut convenu que le terrain serait celui appartenant à la Ville place Marceau, situé à l’angle de la Rue Alcide Benoit, et limité à l’arrière par la rue de la Gare, (rebaptisée ensuite rue de Saintonge). Les concessionnaires s’engagèrent par contrat du 4 janvier 1910 à y édifier en trois mois un théâtre doté d’une façade de pierre, et d’une salle à structure de poteaux de bois et de parpaings de briques, dotée de sept portes devant permettre évacuation, avec galeries et loges, dont une de 4 places à l’usage stricte de la municipalité, le tout pour un capacité de 677 places. De plus, les concessionnaires s’engagèrent à verser une caution de 15.000 fr, puis à payer 10.000 fr par an, les 10 premières années, et 15.000 fr durant les cinq dernières, à donner trente représentations par an, et permettre aux pauvres d’assister aux spectacles pour un montant égal à 1.000 fr, de laisser à la ville l’utilisation de la salle dix fois l’an, de donner trois représentation l’an au bénéfice d’œuvres désignées par la Ville, et enfin à ne produire aucune pièce immorale ou atteignant aux bonnes mœurs, et aucun spectacle politique ou religieux.

    • Edouard-Louis dit Edouardo Wolff, (Guichen 1er septembre 1844 - 1er février 1933 Saint-Nazaire), chevalier de l'ordre National du Condor de Los Andes, combattant médaillé de 1870-1871, consul de Bolivie à Saint-Nazaire en mai 1907[13], président du Comité des fêtes de la place Marceau, ce fils de gendarme était propriétaire du Grand Café Américain[14] qui faisait face au terrain du futur théâtre, établissement le plus chic de la cité, où les violonistes de l’Athénée jouaient quand ils étaient en relâche. Edouardo eut deux épouses : Jeanne Guiton, (1844-1919), et par union contractée le 19 novembre 1919 à Saint-Nazaire, Jeanne-Marie Guyonvarh, (1885-1964) ; tous reposent au cimetière de La Briandais.
    • Fernand-Michel Salomon, dit Salmon, (Le Havre 30 octobre 1885 – 15 juillet 1948 Avallon), réputé d’origine autrichienne, était d’une lignée de tailleurs. Arrivé à Saint-Nazaire en 1907, il y fut d'abord courtier en bestiaux, mais était domicilié à Paris et se déclara ensuite artiste lyrique en 1911, puis impresario. Epoux en premières noces à Paris 9e, le 11 mars 1911, de Henriette-Albertine Catry, (Paris 16e 14 novembre 1877[15] – ?? Alger), artiste lyrique, dont il divorça en juin 1918 à sa requête et à son profit, il provoqua un scandale en mars 1918 en réglant ses différents avec celle-ci par publications de presse interposées[16][17] ; il épousa ensuite à Saint-Nazaire, le 19 août 1919, Eva-Julia Genevray, dite mademoiselle Marcilly, chanteuse d’opéra qui avait vaguement fait les chœurs dans des établissement parisiens et à l'Opéra de Marseille, dont le manque de justesse faisait l’ire de la critique et du public, et qu'il avait engagé en septembre 1918 ; devenu veuf, Fernand épousa à Paris 15e, le 4 juillet 1939 Raymonde-Augustine-Clémence Dupray, (Paris 12e 21 janvier 1906 – 2 mars 1994 Arles)[18].

     

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    Fernand Salmon en 1923 sur un programme de l’Athénée, Collections Ecomusée de Saint-Nazaire, photographie Michel Pelé.

     

    Ce premier théâtre municipal fut baptisé Théâtre Municipal de L'Athénée. De d'une capacité de 900 places, alors que la population de Saint-Nazaire était de 38.267 âmes et que la Municipalité avait espéré 677 places, cette plus grande capacité, motivée par la rentabilité, s'explique par l'ajout de galeries, balcon, sièges étroits, la multiplication des strapontins et surtout la diminution de la scène, réduite à 30m², et à la non-construction du foyer initialement prévu, au profit du Café Américain qui recevait alors de l'autre côté de la rue les spectateurs aux moments des entractes. Ce théâtre était doté d’une troupe d’acteurs, d’une autre de chanteurs, et d’un orchestre, cette salle dépourvue de chauffage central et qu’on devait réchauffer en hiver à l’aide de calorifères, fut aussi dès ses début un cinéma. En 1911, Monsieur Salmon possédait une caméra et filmait régulièrement la ville pour des projections durant lesquelles la population était invitée à venir s’y identifier. Sous contrat avec Pathé- Frères, L’Athénée diffusait les mardi, mercredi, et dimanche, en matinée et soirée, des films soutenus par le chœur et l’orchestre.

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    Vue du théâtre l'Athénée avec le square Marceau.theatre,cinema,music-hall,aristide-briand,trianon,athenée,salomn,wolff,delemarre,bacino,; saint-nazaire

    Le théâtre de L'Athénée à droite ; à gauche l'immeuble du Grand Café Américain, avec sur le balcon le panonceau du Consulat de Bolivi.

     

    En décembre 1913, Monsieur Salmon ouvrit au 17 de la rue du Calvaire une seconde salle, le Palace Théâtre, établissement privé lui appartenant en propre Décrit comme triste et froid, il fut aussi utilisé comme cinéma et servit de seconde salle de spectacle en alternance avec L’Athénée. Les projections Pathé-Frères y furent déplacées, et l’Athénée assura celles de la firme Gaumont qui proposait des cinéromans, dont les feuilletons se renouvelaient chaque semaine. Des séances à destination des enfants y furent organisée les jeudis après-midi, avec la projection de films de Max Linder, (1883-1924), acteur français dont le personnage inspira Chaplin, faisait tant rire le jeune public, que les bancs, étaient ajoutés à ces occasions au plus prête de la scène, finissaient irrémédiablement renversés[19].

    Les programmations théâtrales étaient variées, du drame au vaudeville, en 5 actes et 8 à 10 tableaux. La première représentation fut Le maître de forge de Georges Ohnet, joué durant deux mois. Les programmations lyriques était constituée d’opéras en 3 ou 4 actes, dont certains marquèrent la mémoire nazairienne, telle L’Arlésienne de Georges Bizet en 1912, dont l’ouverture fut rejouée trois fois à la demande du public. Ces spectacles étaient toujours accompagnés d’une projection des actualités Pathé ou Gaumont.

    La guerre arriva, et Fernand Salmon fut envoyé au front. On ignore où, sa fiche ayant disparue. Durant les quatre années de combats, Edouardo Wolff maintint l’activité des deux théâtres comme il le pouvait. Son café, le Grand Café Américain, fut le lieu de réunions des officiers Canadiens et Australiens qui débarquaient sur le port. Il aménagea une chapelle anglicane à l’étage de son établissement, puis quand débarquèrent les troupes étasuniennes, il aménagea une salle en temple maçonnique. Les troupes militaires prirent possession des scènes, et une entente avec l’Y.M.C.A. permit à partir de juillet 1917 l’organisation de soirées cinématographiques avec des projections hollywoodiennes et concerts de Jazz à partir de décembre. En, effet, le premier Jazz band venu en France, celui de James Reese Europe, (Mobile 22 février 1880 - 9 mai 1919 Boston), lieutenant dans le 369e régiment d'infanterie[20], débarqua le 27 décembre 1917 à Brest à bord du Pocahontas, séjourna à Saint-Nazaire les deux mois suivants. C’est à cet homme que nous devons le premier concert de Jazz en France. Les troupes noires étasuniennes étant cantonnées à Montoir, un groupe musical s’y forma, et venait animer les soirées nazairiennes.

    A l’Armistice, Fernand Salmon se précipita à Saint-Nazaire, et repris la direction des théâtres, et fonda la revue Le Réveil Artistique, qui faisait son autopromotion entre deux tirs d'artilleries sur la vie artistique et mondaine locale, et périclita en 1919. En septembre 1918 il engagea une nouvelle troupe, dont mademoiselle Marcilly qui devint son épouse, et une équipe technique, dont Paul Blaque, comme peintre décorateur, qui resta jusqu'à sa mort en fonction. Alexandre-Paul Blaque,  (Paris 24 mars 1868 - 8 avril 1932 Saint-Nazaire), bien que fils d'un peintre décorateur, il était à l'origine métreur. Il fit toute sa carrière de décorateur de théâtre à Saint-Nazaire. Il était veuf d'Albertine-Gabrielle Bruel, (Paris 17 février 1880 - 11 janvier 1914 Gennevilliers, dont il eut deux filles, qui firent carrière dans des maisons de couture parisiennes. Il se remaria à Saint-Nazaire le 11 juin 1923 avec Madeleine-Marie-Aimée Maillard, (Reims 20 août 1891 - 14 août 1927 Saint-Nazaire).

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    Paul Blaque sur la première page du Réveil artistique du 15 mars 1919, Archives de Saint-Nazaire.

    Le 3 août 1919, la Municipalité lui accorda à une subvention de 15.000 fr, mais, Jules Delemarre, qui était  conseiller municipal élu à la section de Saint-Marc, et co-chargé au nom de la Ville des négociations,  imposa à Fernand Salmon cinq représentations supplémentaires au profit des œuvres de la Ville, ainsi que deux représentations supplémentaires en matinée gratuites pour les enfants des écoles. Fin septembre, la saison débuta mal : La Mascotte, opéra-comique en trois actes d'Edmond Audran, déçut les spectateurs tant pas la médiocrité de l'interprétation que par la mise en scène. La critique éreinta les interprètes, plaignit les figurants, reprocha à la direction d’avoir des « chœurs à l’état embryonnaire donnent à pleins poumons mais la quantité ne supplée pas à la  qualité ».

    En juin 1920, le feu prit dans l'appareil de projection du Palace-Théâtre. Ce type d'incendie était fréquent, les pellicules des films étant jusqu’en 1951 à base de nitrate, elles étaient très inflammables.

    En mars 1921, la Ville envisagea de faire construire un nouveau théâtre et de donner pour celui-ci une nouvelle concession municipale indépendante de la première. La population nazairienne était de 41.631 âmes. En mars la société de l’Apollo théâtre et des cinémas nantais envisagea de construire un casino-théâtre de variétés de 1.600 places, au 26 rue de l’Amiral Courbet, suivant les plans de l’Apollo de Nantes. Quoiqu’annoncé en mai comme imminent, ce projet ne vit jamais le jour.

    En mars 1922, en raison de la Dépression de 1920-1921, la Ville se trouva dans l'incapacité de verser des subventions pour la saison lyrique. Ferdinand Salmon liquida sa troupe théâtrale, fit rafraichir les peintures de L’Athénée, et pris contrat avec des troupes parisiennes, dont celles de Germaine Brasseur (1887-1971), de Gabrielle Robinne, (Montluçon 1er juillet 1886 - 18 décembre 1980 Saint-Cloud), et surtout celle de Charles Baret, (Nantes 12 septembre 1861 à - 21 novembre 1934 à Paris 17), qui proposa pour juin, dix représentations d’œuvres de Robert de Flers, Alexandre Dumas fils, Henri Bataille, Miguel Zamacoïs. Les tarifs des abonnements pour ces dix représentations furent fixés de 75 à 30 fr. Pour compenser financièrement, monsieur Salmon regroupa les séances de cinématographe au Palace Théâtre, tous les soirs avec changement de programme deux fois la semaine. Les projections furent soutenues par le chœur et l’orchestre de L’Athénée. La Municipalité, nous l’avons raconté plus haut, se tourna vers les Frères Delemarre pour assurer une saison théâtrale en hiver. Fernand Salmon tenta d’empêcher l’accord, mais ne sut pas présenter un programme pouvant justifier sa demande de rejet de venue du Théâtre Delemarre. Fâché, il tint des propos odieux et calomnieux dans la presse et se fit remettre en place par les Frères Delemarre. Sa saison lyrique fut reportée en octobre 1922, mais au bout d’une semaine Ferdinand Salmon annonça ne pas arriver à financer son programme, il demanda une subvention à la Ville qui en raison de la crise financière ne put lui proposer que 10.000 fr. Dans un premier temps Ferdinand Salmon refusa, estimant qu’elle était insuffisante, puis sur l’insistance de la Municipalité, et parce qui craignait de voir la troupe qu’il venait d’engager l’abandonner, il accepta. Cette troupe se composait alors de Eva Marcilly première chanteuse, (son épouse qui ne savait pas tenir toutes les notes) ; Castelly premier ténor, (qui avait travaillé à Tunis, Brest et Bordeaux) ; Ramoin premier baryton, (Marseille, Nice, Grand Casino de Royat) ; Darman, grand premier et comique, qui devint aussi le premier régisseur durant les années qui suivirent, (Namur) ; Buck premier trial, (Tunis) ; Seurel seconde basse et fut second régisseur, (Clermont-Ferrand) ; Demas troisième ténor, (Tours) ; Richard troisième basse, (Caen) ; Gaby Darvel première chanteuse, (Théâtre Royal de Lièges) ; Vidalet seconde chanteuse, (Cherbourg) ; Cambier, seconde, (Namur) ; Dubois-Dargent, (Cherbourg) ; Lely, Moudre, Simon, Hoeben, Nelson, Piedfer, Janson, Mercelier, Briulet et Bertrand, artistes de chœur. Un opéra-bouffe, Le jour et la nuit de Léon Laroque, et deux opérettes, Gillette de Narbonne d’Edmond Audran, et Les Vingt-huit Jours de Clairette de Victor Roger furent joués. En décembre 1922 la Société Apollo fut mise à nouveau en concurrence avec monsieur Salmon pour la reprise de la concession. C’est finalement Fernand Salmon qui, après avoir d’abord proposer de moderniser L’Athénée, conserva la concession en s’engageant à détruire le Palace Théâtre pour le remplacer par un second théâtre municipal, et à avoir pour chaque saison subventionnée une troupe lyrique et un orchestre ou une troupe dramatique sédentaire. Il exigea une subvention de 30.000 fr, ainsi que l'affectation de l’Athénée uniquement aux séances cinématographiques et aux tournées de passage, enfin qu’aucun théâtre itinérant ne puisse se produire en hiver à Saint-Nazaire. Cette demande visait particulièrement le Théâtre Delemarre. Il s'engagea en retour à s’acquitter des 10% réglementaires de droit des pauvres. En janvier, il fit jouer à L’Athénée  L'Hirondelle, pièce en deux actes d’Ath Moreux et J. Pérard, Miss Helyett, opérette en trois actes de Maxime Boucheron et Edmond Audran, et Le cœur et la main, opérette en trois actes de Charles Lecocq, Charles Nuitter et Alexandre Beaume. Il n'arriva pas à remplir plus de la moitié de la salle. Salmon cria à la concurrence insurmontable du Théâtre Delemarre. Mais une fois le Théâtre Delemarre parti, L’Athénée ne fut pas rempli pour autant durant le mois suivant. Les Nazairiens boudaient L’Athénée car, outre la médiocrité des prestations, il y faisait froid, et faute de foyer, durant les entractes on devait rester sur son siège, demeurer sous la pluie sur la Place, ou s’engouffrer dans un café au risque de ne plus avoir envie de retourner se geler au spectacle. La Démocratie de l’Ouest du 3 février 1923 commenta qu’à L’Athénée « presque toutes les représentations [avaient] un air de veillée funéraire ».

    En mars 1923, le Palace Théâtre fut rasé et remplacé par Le Trianon, d’une capacité de 1.400 places, inauguré en octobre 1923 avec un discours prononcé par Pierre Norange.

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    Panneau de bois figurant Pierre Norange à l'inauguration du Trianon en octobre 1923, Fonds et Collections Odoevsky Maslov

    Ce nouveau théâtre municipal étonna par son luxe : fauteuils de velours bleu, tapis, glaces, balcon avec cinq rangées de fauteuils en gradin, huit loges, dont une de réservée à la Ville et à la Préfecture en plus de six places réservées à la Commission des théâtres, ouvrantes sur un foyer meublé tel un salon avec un bar, de chaque côté des galeries populaires dont les assises n’étaient que des bancs. La salle comportait un parterre, stalles et fauteuil d’orchestre, premières et secondes classes dominées par les baignoires surélevées. La scène était électrifiée avec variateur de lumières, et comportait des trappes. Le prix des places pour un opéra ou une opérette était de 8,45 fr en première, à 3,25 fr dans les galeries.

    L’orchestre comportait vingt musiciens. La première représentation fut celle Les Hirondelles, opérette en 3 actes de Maurice Ordonneau et Henri Hirchmann… devant une salle vide ! Il est vrai, que cette opérette de 1907 était poussiéreuse. Fernand Salmon repensa immédiatement la programmation, faisant jouer successivement Werther de Jules Massenet et La Tosca de Giacomo Puccini en novembre, avec pour premier rôle féminin Geneviève Vix, (Nantes le 31 décembre 1879 - 25 août 1939 Paris), de l’Opéra de Paris, chanteuse à la carrière internationale. Ces deux représentations connurent un immense succès, tout comme celle de Les Cloches de Corneville, déjà citée, jouée le 2 octobre à guichet fermé en présence du Sous-Préfet. Si la saison lyrique fut un succès, l’argent manqua, aussi Fernand Salmon fit le choix de monter  Le Bossu de Paul Féval, drame de cape et d’épée dont nous avons déjà parlé, moins coûteux à monter qu’une opérette, et garanti de recevoir la faveur du public. Puis Fernand Salmon privilégia des pièces comiques en trois actes et quatre tableaux, faisant venir des troupes parisiennes, ainsi que des one-man-shows. En septembre 1924, il fonda La Semaine nazairienne, revue hebdomadaire théâtrale, littéraire, artistique, mondaine, dont le premier numéro parut le 7 octobre. Cette revue, aux trois-quarts emplis de réclames, publiait quelques critiques théâtrales et cinématographiques, ainsi que des vers de mirliton locaux, en plus des programmes. Elle disparut avec un dernier numéro le 24 juin 1925. Les projections de film primèrent durant toute l’année 1925, au prétexte du cout du lyrique, et cela malgré une représentation en mai de l'opéra de Puccini Madame Butterfly, qui remporta un grand succès. Le 12 décembre, il y eut un début d’incendie dans la cabine de l’opérateur au Trianon, qui, quoique maitrisé rapidement, entraina l’évacuation du bâtiment.

    En mai 1926 une nouveau groupe théâtral fut constituée avec une section lyrique et une dramatique, en collaboration avec l’Université populaire ; les répétitions eurent lieu deux fois par semaine au Trianon. Le 9 janvier 1927 cette troupe interpréta « Le dindon » de Feydeau. Fernand Salmon, dans une interview publiée le 4 octobre 1927 dans L’Ouest-Eclair commenta : « Nous voulons faire en petit ce qui se fait en grand à Nantes. Assez longtemps, les Nazairiens n’ont eu, de loin en loin, en matière de distractions théâtrales, que les séances des troupes de passage et des tournées Baret. Bien entendu avec nos faibles moyens on ne saurait s’attaquer aux chefs d’œuvre du répertoire de l’opéra ou même de l’opéra-comique. Cela viendra peut-être ! », et ajouta qu’il a réuni une « troupe de jeunes artistes, [de neuf comédiens, sept comédiennes], qui, tous, ont fait leur preuve. Ils débarquent à SN avec l’idée bien arrêtée de se mettre en valeur sur notre scène. Des pièces nouvelles, pas encore jouées seront données chaque semaine. C’est un formidable labeur imposé aux artistes qui devront apprendre du lundi au samedi deux rôles et s’astreindre à de fatigantes répétitions. Mise en scène, décor, accessoires électriques iront de pair. Malgré les lourdes dépenses à engager, le prix des places ne sera pas augmenté. Il faut que toute la population nazairienne puisse venir encourager de ses applaudissements nos efforts ».

    La nouvelle troupe débuta quelques jours après cette interview avec Le Fauteuil 47 de Louis Verneuil, au profit du Bureau de bienfaisance.

    La Municipalité songea en avril 1928 à faire construire une nouvelle salle, à l’emplacement de l’immeuble Dean, immense bâtisse qui servait aux chantiers de la Loire, en bordure des rues de La Paix, du Gaz et de la rue de Normandie, sur un terrain de 6 000 m2. Le projet fut estimé à 170.000 fr d’acquisition, plus 40.000 fr pour la remise en état. La Ville fit l’acquisition du bâtiment, mais la transformation fut finalement estimée à 217.000 fr, ce qui fit avorter le projet. Monsieur Salmon veillait toujours à ses intérêts, et pour éviter la concurrence dans une course à une nouvelle concession, il accepta au Trianon de donner deux fois par mois des séances de cinéma aux enfants des écoles, de mettre à disposition la salle à la Municipalité quinze fois par an, de prendre à sa charge tous les frais de trois représentations cinématographiques au profit du Bureau de bienfaisance, et enfin de donner une représentation lyrique chaque mois. Le contexte de la crise économique n’arrangea pas les choses. Aller au théâtre avait un coût parfois prohibitif pour le spectateur. En octobre 1930 il avait été évalué par les autorités qu’à Saint-Nazaire les dépenses mensuelles d’un ouvrier s’élèvent à 785,20 fr, c’est-à-dire presque la totalité de ce qu’il gagnait, ce qui ôtait toutes distractions, et la situation était pire pour les femmes qui, payées moins que les hommes, ne pouvaient que dépendre que de leur époux ou de leur bon-ami pour ne pas sombrer dans la misère.

    En février 1931, messieurs Salmon et Wolff vendirent théâtres et concessions pour 650.000 fr à Marius-Jean-Laurent Bacino, dit Jean-Laurent Bacino, et son épouse, propriétaires du cinéma Rex au Pouliguen. Cette vente fut l’objet d’un nouveau scandale dans la presse : pour l’aider à vendre, Monsieur Salmon avait sollicité Henri Mahé, opticien nazairien, avec la promesse de lui donner 5% de commission sur le prix de vente. Mais la vente eut lieu sans l’intervention de monsieur Mahé. Pour autant, monsieur Mahé se considérant officiellement mandataire, celui-ci envoya à monsieur Salmon un huissier pour lui réclamer son pourcentage. L’affaire passa devant le Tribunal qui débouta monsieur Mahé, attendu qu’il ne pouvait présenter une preuve écrite ou un témoin.

    Les Bacino n’avaient qu’un but, celui de l’exploitation cinématographique, plus lucrative que le théâtrale. Pour cela ils firent d’important travaux au Trianon et à L'Athénée pour y installer le matériel nécessaire au cinéma parlant à la fin du mois de mars 1931, ayant été doublés dans cette course à l’innovation par Alfred Gaudin, qui venait d’ouvrir quelques semaines avant le cinéma Cameo rue du Traict, dont nous parlerons plus loin. L'Athénée avait alors sa billetterie à l'extérieure, montée à l'occasion de chaque projection, et entourée d'un trottoir en terre battue. Les représentations de pièces et d'opérettes se rarifièrent alors au Trianon. Cependant dans Ouest Eclair du 7 mars 1931, un journaliste interrogeait : « […] combien de Nazairiens se déplaceraient pour voir jouer Le Cid, Polyeucte, Athalie ? Le Trianon aurait sans doute beaucoup de places libres. Les tournées, si elles veulent faire des recettes doivent choisir un programme, attrayant, et plus folichon. La mode est aux féeries américaines à romances sentimentales avec pour dissiper la mélancolie de ces chants indiens ou autres, de la musique endiablée, de grands divertissements comme celui du Totem Tom Tom, des girls et des boys et une danseuse étoile […] ». Seules les Tournées Baret avaient la faveur des Bacino, même si la première année de leur acquisition ils furent obligés de respecter les contrats déjà signés par Fernand Salmon avec les tournées Brémond Philbée, Raymond Boulay et Arnaudy, et Volric[21], ainsi que la représentation de l’opéra Rigoletto de Verdi, au bénéfice du Bureau de Bienfaisance municipales[22], interprété par les artistes et dix-huit musiciens du Théâtre Graslin. Le prix des abonnements pour huit représentations, étaient, en loges de balcon 96 fr, fauteuil de balcon 83 fr, fauteuils d’orchestre 69 fr ; pour les premières 62 fr. Les prix hors abonnement étaient, par représentation, en loges de balcon 14 fr, fauteuil de balcon 12 fr, fauteuils d’orchestre 10 fr, pour les premières 9 fr, et les secondes 6 fr.

    Après une représentation ratée de La damnation de Faust, d’Hector Berlioz, le 10 février 1932, interprétée par les artistes du Graslin, qui souleva l’indignation des ingénieurs et du corps médical réunis, par la longueur des entractes et l’effet désastreux pour l’acoustique des travaux des Bacino, il ne fut plus question de présenter des opérettes autrement que sous forme de film, ce qui fit hurler les spectateurs qui blâmèrent « la musique de conserve » diffusée par des haut-parleurs inadaptés. Même la projection des actualités y étaient inaudibles, avec « parfois des sonorités ou des assonances terriblement désagréables », à l’exemple du film des funérailles du Président Doumer en mai 1932, projection durant laquelle le public se plaignit. 

    Le 29 mai 1933, la municipalité projeta de faire démolir l'Athénée et de le remplacer par un nouvelle Hôtel de Ville. Le projet fut affiché le 30 mai, et validé le 2 juin suivant par le préfet, mais ne fut jamais mis en œuvre.

     

    Le 25 juin 1933, Léon Blum fit une conférence au Trianon. Il arriva en automobile à 9h45, soit avec 15 minutes de retarde, et après avoir été salué par monsieur Escurat, alors premier adjoint, il pénétra aussitôt dans le théâtre, où il fut ovationné par l'assistance. Monsieur Blancho prononça un discours, et monsieur Dumont présenta les saluts de la Jeunesse socialiste. Léon Blum y fit la lecture d'un texte manuscrit de plusieurs centaines de pages, aujourd'hui conservées en des mains privées, qui comprend des corrections par Pierre Norange au crayon bleu, et d'une autre personne non identifiée, et comprenant un long hommage politique à François Blancho. Les places avaient été vendues 2 fr, ce qui est élevé pour l'époque. La presse commenta qu’ « à midi tout fut fini », or, si le public avait été invité à participer à un vin d'honneur çà l'hôtel Terminus, place de la Gare, c'est au très bourgeois l'Hôtel de La Plage, à Saint-Marc, que Léon Blum, les délégués du Parti, et les Elus nazairiens, allèrent prendre repas.

    En mars 1934, un début d’incendie à L’Athénée entraina l’évacuation de trois-cents personnes. Les Bacino procédèrent à de nouveaux travaux en juillet 1934 au Trianon et le rebaptisèrent Le Trianon, le théâtre du film parlant. La sécurité́ y fut accrue par la construction d’un escalier de dégagement donnant accès aux cours d’immeubles, et les appareils de projection furent isolés dans une cabine en ciment en dehors de la salle pour éviter les propagations d’incendie de pellicules. Il y eut remplacement des bancs des galeries populaires par les fauteuils de velours bleu retirés des places de l’orchestre, où ils furent eux-mêmes remplacés par des fauteuils en moleskine. Ces déplacement de meubles firent que les places « populaires » devinrent plus nombreuses et confortables, mais à l'orchestre, certains soirs on restait collé par la transpiration à son fauteuil. La machinerie de projection était la même que celle du Gaumont Palace à Paris, et l’appareillage pour le son totalement modernisé[23]. Le hall d’entrée fut refait, avec des vitrines à la disposition des commerçants pour l’exposition de leurs réclames.

    Durant ces travaux, la Ville fit donner au Parc des Sports du Plessis, le samedi 21 juillet 1934, l’Opéra Carmen, de Georges Bizet, au profit du Bureau de Bienfaisance[24], interprété par les artistes de l’Opéra, de l’Opéra-Comique, du théâtre Graslin. Entre les second et troisième actes, fut joué l’ouverture de Guillaume Tell, Gioachino Rossini. Le prix des places variait de 12 fr à 3 fr.

    En 1938 on considérait qu’il manquait à nouveau une salle de théâtre et d’opéra à Saint-Nazaire. Le public reprochait qu’au Trianon, depuis ses transformations, la fosse d’orchestre ne pouvait accueillir en serrant 10 à 12 musiciens et qu’elle était séparée de la scène par la cage du souffleur, ce qui était détestable pour la fusion des harmonies et pour l’acoustique. Monsieur Bacino ne voulut rien entendre de ces reproches. Il fit cependant agrandir de 7 m la salle de L’Athénée, afin de pouvoir y ajouter une billetterie à l'intérieur, et modifier la façade dans le style paquebot par l’architecte André-Laurent Batilla, (Saint-Nazaire 5 octobre 1901 – 10 juin 1965 Saint-Nazaire), membre des Seiz Breur, qui avait réalisé plusieurs bâtiments pour la Ville, dont ceux de l'hospice de Port-Gavy au Petit-Gavy. L'Athénée réouvrit le 21 octobre 1938... sans fauteuils ! En effet, un problème de livraison fit que durant un mois il fallait assister aux séances sur des bancs ou venir avec sa propre chaise ! On pensa cependant à doter de ciment le trottoir qui jusque-là n'était qu'en terre battue et une fange à la moindre pluie.

     

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    Le populaire de Nantes du 22 octobre 1938.

     

    André -Laurent Batillat était aussi auteur des décors de la troupe de l’Université Populaire, institution que la troupe investit à plusieurs reprises avec sa troupe théâtrale Le Trianon avec des comédies en quatre actes. Durant l’occupation, elle organisa quatre représentations.

    L’Athénée fut réquisitionné par l'occupant allemand pour l'usage de ses troupes, (les soldats allemands n'avaient pas le droit de se rendre aux spectacles français, mais on y fit venir des artiste français tel Charles Trenet), il disparut avec Le Trianon dans les flammes du bombardement du 22 mars 1943.

     

    1857-1943, cafés-concerts, cafés-chantants, music-halls :

    On ne peut parler de la vie théâtrale nazairienne sans mentionner celles des spectacles organisés dans ses cafés[25]. Saint-Nazaire avant 1875 était une ville essentiellement construite en bois avec nombre de débits de boissons dans sa rue principale, la rue de Nantes, (aujourd’hui rue Henri Gautier), et la place de Nantes, (plus tard place Carnot, aujourd’hui Place de Quatre horloges). Entre 1857 et 1920, la ville regorgeait de cafés-chantants, ces « maisons mi-closes où nous nous efforcions de nous mal conduire[26] », que Pierre Loti, stationnant à Saint-Nazaire, décrit comme étant « des bouges sans nom »[27] dans son journal à la date du 24 novembre 1878. Le principal d’entre eux fut longtemps Le Rocher de Saint-Malo, situé sur la place de Nantes, à l’emplacement de l’actuel Laboratoire de Biologie Médicale. Fondé en 1864, l’établissement appartenait à un natif du Gard, Joseph Massal, grossiste en vins qui possédait l’Epicerie et Comptoir Marseillais. Le nom du cabaret venait d’un bateau qui faisant la liaison entre Marseille et les Antilles en passant par Saint-Louis-du-Sénégal. L'établissement fut détruit en 1879 et remplacé par un immeuble[28]. L’animation musicale du Rocher de Saint-Malo était assurée de 1870 à 1876 par le pianiste et compositeur Joseph-Théodore-Ludovic Dubacq, dit Ludovic Dubacq, (Paris 10 janvier 1835 - 21 février 1891 Nantes), collaborateur des paroliers Clovis Landard et Edmond Potier, auparavant employé à Marseille, dont deux des trois enfants qu’il eut de sa compagne Elisa-Marie Bauzin naquirent à Saint-Nazaire[29]. Un arrêté municipal du 27 janvier 1882 précise que les orchestre des cafés-concerts nazairiens ne pouvait comporter uniquement des instruments à cordes frappées, frottées ou pincées, qu’un policier devait assister aux représentations pour veiller aux bonnes meurs, que le programme devait être soumis à la censure municipale, et qu’il était interdit aux spectateurs de chanter dans la salle ! Cette arbitraire interdiction de chanter avait pour raison que les Nazairiens aimaient à plaisanter sur l’actualité locale en chanson. Ainsi, quand le 22 juillet 1879, le restaurateur Verbois, dont l’établissement se trouvait sur la place Marceau, se plaignit au Maire que des prostituées faisaient toute la journée le tour du quartier, et que cette lettre se trouva publiée dans la presse quelques jours après[30], un chansonnier anonyme lui fit réponse avec « Ma Nazairienne », qui décrit le circuit d’une fille de joie[31].

    La majorité de ces beuglants nazairiens eurent une existence éphémère, excepté Le Sport, situé au 6 rue de Saillé, face au théâtre de Martial Boguier. Ce café-chantant, propriété de Guillaume Briand, père d’Aristide, fondé en 1878, était construit en retrait de rue, précédé par une terrasse délimitée par un muret. Il se composait d’une vaste salle tout en longueur sur la terrasse, muni d’une scène qui occupait le milieu du mur face à l’entrée, avec un orchestre sur le côté, et deux « pensionnaires » chargées de l'animation, de l’accompagnement de clients, et de la visite de l’étage. C’est sur leurs genoux, que, quand madame Briand, coiffe bretonne vissée éternellement sur la tête, brossait au savon le sol, se balançait le petit Aristide, dont la tête finissait irrémédiablement callée entre deux cousins de chair parfumés, bordée de dentelles, appelant à une enivrante volupté , ce qui forgea son tempérament d’homme. Le Sport fut vendu en 1896 à monsieur Poulnais, qui acquit le l’épicerie mitoyenne avec vitrine en bord de rue, et qui avait été avant le Café de France, qu’il unit à son établissement.

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    La rue de Sailé en 1899, sur un plan de réalignement conservé aux Archives Départementales de Loire-Atlantique ; on distingue au 6 et 4 les café du Sport appartenant à Poulnais.

     

    Poulnais revendit l’ensemble en 1904 à la veuve Libotton. Le Café du Sport appartint successivement à Henri Benoit en 1907, monsieur et madame Dupont en 1913, Marie Dupont, veuve 1922 ; en 1924 à monsieur Bornet qui le rebaptise en 1925 Le Fantasio et en fit un dancing music-hall, au grand dam des voisins qui se plaignirent du charivari régnant en maitre absolu dans cette petite et étroite rue, obligeant à la surveillance constante des agents du service de nuit sur une clientèle composée essentiellement d’ouvriers de moins de 30 ans. La salle était réputée être tellement enfumée par les cigares et les cigarettes que l’on n’y voyait « pas grand-chose ». En 1930, monsieur et madame Douteau l’acquirent et lui ajoutèrent l’activité de dancing. Enfin, monsieur et madame Henri Chevalier l'achetèrent en 1933, et le renommèrent Le Rex Dancing. Henri Chevalier, qui y jouait y déjà en 1925 des sketchs dans lesquels il se moque des travers des Nazairiens, assurait le spectacle avec un orchestre ; son épouse confectionnait les costumes et faisait le service en salle, et leur fille dessinait les tenues tout en assurant le service au comptoir. Ouvert jour et nuit, Le Fantasio fut décrit en 1926 comme possédant une façade « multicolore » qui de nuit était « un ruissellement de lumières ». Ses murs étaient couverts de miroirs et de photographies de vedettes. Sous un plafond décoré de fanions et de lampions, se trouvait au centre la piste de danse, autour de laquelle étaient des banquettes et des tables séparées par des jardinières/ L’ambiance y est dite montmartroise, et les célébrités de passage s’y rendent pour se distraire, (Maurice Chevalier, Harry Baur, etc.), mais l’établissement n’était cependant luxueux, on y consommait surtout de la bière. Les vacations d‘artistes y oscillaient entre 30 et 50 fr par jour ; un musicien de jazz touchait 50 à 60 fr par nuit. Henri Chevalier sollicita la Revue Francheteau, fondée et dirigée par Gaston Francheteau, pointeur aux Fonderie de Saint-Nazaire. Cette revue mettait en scène la vie locale en imitant ses personnes pittoresques et en faisant récit d’anecdotes savoureuses. La Revue avait débuté avec Saint-Nazaire sur scène ! en 1921, (produite aussi en mars 1923 au Théâtre Palace[32]) ; Août-c’est Saint-Nazaire ![33] en 1923 ; Enfin Saillé ! en 1924 ; Saillé encore, en novembre 1926 ; Saint-Nazaire en mission spéciale ! en février 1928, trois heures de spectacle en trente tableaux, avec des artistes parisiens ; Foirons ! Foirons ! février en 1930 ; A la chaudière ! en novembre 1930, qui se moquait du déraillement d’un train en gare de Saint-Nazaire la samedi 8 octobre 1927, avec reproduction sur scène de la locomotive qui avait transpercé la façade de la gare ; Saint-Nazaire à l’œil nu ! en février 1931, qui montait en épingla « les moindres faits et gestes de François », c’est-à-dire le maire François Blancho, avec sept comédiens et huit danseuses : Les Beaufort girls; L’U.M.P. chante et rit ! en 1932 ; Saint-Nazaire en humour en février 1934. Associé avec Max Hall, (de son vrai nom René Haëgelin), Henri Chevalier monta au Rex : SN est en forme... entrez…, en février 1934[34] ; Saint-Naz...erre en rade, en novembre 1934, Saint naz...sur let as, en février 1936 ; Le Grand Gala des Millions en juin 1936, dont la chanson principale, La Journée des Millions, sur l’air de La Madelon, composée par le chansonnier Sarret[35], moquait les tentatives des commerçants nazairiens à lutter contre l’inflation[36]. Max Hall présidait l’Amicale du Clochard Club, fondée en 1926, dont la devise était « La Cloche ne cloche pas », réunissant dix, puis quarante personnes, se produisant dans les restaurants et les cafés, en organisant parades, spectacles comiques et bals parés, durant des réunions nommées « Flamandes », ce qui désigne dans l’argot des voleurs une réunion d’amis. Cette amicale comprenait, outre Sarret, la chanteuse Mathys[37], des artisans menuisiers, peintres, décorateurs architectes. Ils se produisaient surtout à l’hôtel-restaurant Lelièvre, face à la gare, et au Café des Sports, rue de l’Amiral Courbet, au Café du Passage avenue d’Herbins, à la façade desquels, les soirs de fêtes était accroché la bannière des Clochards, portant l’inscription « Rire, santé, gaité́ ». Ce groupe organisait aussi des kermesses.

     

    Les Troupes amateurs :

    En plus de l’Amical du Clochard club, il y eut à Saint-Nazaire plusieurs troupes amateurs. En octobre 1924, monsieur Liard, un montmartrois récemment établi à Saint-Nazaire forma un groupe théâtral nommé Le Tréteau, dont on sait peu de choses, et qui semble avoir disparu rapidement[38]. Doté d’une plus longue existence, la troupe de L’Union Méan-Penhoët, qui, en ses locaux, à partir d’octobre 1925, les samedis soir et dimanches en matinée, donnait des comédies et des vaudevilles en trois actes. Le prix des places était très modique pour s’assurer de faire salle comble : 2,5 f les premières et 2 f les secondes. Ces représentations, quoiqu’amateures, étaient bien interprétées. Le 10 mars 1926 le Maire, François Blancho, y assista accompagné du Sous-préfet. Il y avait aussi celle de l’Université Populaire, dirigée par « un pensionnaire de l’Odéon », et dont les représentations permettaient de financer les activités des associations. On voyait ainsi à l’entracte de chaque pièce Pierre Norange, président de l’U.P. faire « un vibrant appel à la charité́ pour envoyer cinq-cents enfants en colonie de vacances », suivi d’une quête. Le répertoire était composé de comédies. Les archives de l’Université Populaire et celles de Pierre Norange, actuellement dans des mains privées, n’ont pas encore pu être étudiées, et méritent une étude approfondie.

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    Pierre Norange

    En 1937 fut créé le Groupe théâtral et culturel Henri Gautier à la Bourse du travail parmi les syndicalistes amateurs de théâtre. Citons encore l’association lyrique ouvrière L’avenir des drôles, fondée en en 1930 par un jeune travailleur nommé Kermagoret, au quartier des Grands Champs, aidé par monsieur Banos, un ancien comique troupier local, qui s’était produit dans sa jeunesse au Casino des Mille Colonnes, et monsieur Lebert, réputé être « l’homme le plus gai de Saint-Nazaire possédant l’art de faire fuser les rires en débitant des monologues d’un comique de bon aloi », qui en fut nommé président.

    Nombre de comités de quartier avaient leur troupes lyriques et théâtrales : Herbins, Vieux Quartier, (qui fonda le Sultanat du Petit-Maroc en juillet 1930[39]), Route de Guérande, et Saint-Marc. A Saint-Marc dès 1897, Jean Boussenot, hôtelier fondateur du Café de La Plage et de l’Hôtel de La Plage, faisait donner des concerts et organisait des kermesses. Celui de Cardurand, nommé République de Cardurand[40], organisa en juillet 1932 la double représentation des opéras Mireille, de Charles Gounod, et Mignon, d’Ambroise Thomas, interprétés par les artistes de l’Opéra-Comique, du Trianon-Lyrique, de la Gaité-Lyrique du Casino de Nice, de l’Apollo Théâtre de Nantes, et de l’Opéra de Paris, dans un Théâtre de verdure improvisé à l’Ecole Gambetta.

    Il y avait aussi l’Amical vendéen, le Cercle des aviateurs, etc., qui organisaient aussi des concerts ou de petites représentations.

    A partir de 1918 le Patronage Saint-Joseph[41] eut lui aussi sa troupe. Celle-ci, composée d’adolescents et d’enfants, interprétait du classique, Molière de préférence, et des pièces édifiantes et morales. Doté aussi d’une chorale, il possédait une salle au 32 boulevard Gambetta, où étaient projeté des films dès 1922. La salle fut reconstruite au cours de l’année 1932 et inaugurée en janvier 1933 avec une capacité de six-cents places et du matériel de projection pour films parlants.

     

    Les cinémas :

    Le Cinéma est historiquement un élément important de la Culture nazairienne. Nous l’avons relaté dans le paragraphe consacré aux théâtres municipaux, dès 1911 Fernand Salmon procédait à des projections. L’Athénée fut de fait le premier cinéma fondé à Saint-Nazaire, resta jusqu’en 1925 sans concurrence en dehors de celles, bien modestes, du Patronage Saint-Joseph, de projections à destination des enfants les jeudis après-midi dans une salle de La Belle Jardinière, le grand magasin à l’angle des rues de Nantes et l’Amiral Coubert, propriété de la famille Joly[42], et des cinémas forains[43]. Mais en 1925 Alfred Gaudin fonda L’Eden-Cinéma-Théâtre et projeta à ses début les samedis soir et dimanches en matinée et soirée. La salle de L’Éden était alors un baraquement en bois d’une capacité de six-cents places assisses, en bordure de la rue du Croisic dans un vaste enclos dont les frères des Écoles Chrétiennes eurent jadis la jouissance. Le local servait aussi à des réunions syndicales toutes mouvances confondues, et des conférences[44]. L’Eden présentait le même nombre de films que L’Athénée, et recevait des troupes théâtrales. En mars 1928 il y fut projeté le film d’Abel Gance, Napoléon. Il fallut faire venir la Scola cantorum pour interpréter la partition d'Arthur Honegger et les chants révolutionnaires accompagnant la pellicule muette. Le cinéma parlant arriva à Saint-Nazaire en mars 1931 avec la fondation par Alfred Gaudin du cinéma Caméo, rue du Traict, dans l'ancienne salle de société de gymnastique « La nazairienne », qu'il avait fait transformer par l'architecte André Laurent Batillat. Le premier film parlant présenté aux Nazairiens fut « À l'Ouest, rien de nouveau » de Lewis Milestone, d’après le roman d’Erich Maria Remarque[45]. Le Cameo fut aussi, en novembre 1937, le lieu de projection de « Marthe Richard, au service de la France », un navet de Raymond Bernard inspiré des prétendus actes patriotiques de Marthe Richard, avec Edwige Feuillère dans le rôle-titre et Erich von Stroheim à la réplique. La première se fit en présence de Marthe Richard qui répondit aux questions du public. On se souvient aujourd’hui comme celle qui mis fin aux maisons closes en 1946, mais en 1937 peu de gens savaient qu’elle était une ancienne prostituée, et que les Mémoires de capitaine Ladoux qui la mentionnaient, étaient en réalité affabulations. On la savait un peu aviatrice, et l’on croyait naïvement à ses prétendues actions d’espionnage durant la Grande Guerre. Mais, si nous parlons de sa visite à Saint-Nazaire, c’est qu’elle fut pour elle une sorte de pèlerinage. En effet, le 31 août 1913, deux mois après avoir obtenu son brevet de pilotage, Marthe Richard eut un terrible accident d’avion à La Roche-Bernard, et c’est à Saint-Nazaire, par le docteur Marc-Raoul Poussié (Châtillon-Coligny 9 octobre 1879 - 20 mai 1947 La Baule-Escoublac), chirurgien, qu'elle fut soignée en sa clinique du 38 rue de Pornichet. Elle y passa trois semaines dans le coma, suivit de deux mois de rééducation.

    En janvier 1928 l’évêché permis la création de la salle Saint-Pierre qui avait « pour but d’offre une sécurité du point de vue moral », et en 1933 celle de la salle Saint-Eloi, d’une capacité de quatre-cents places, située rue du Croisic, dotée du parlant. Le prix des places y était, en 1933, 2 fr le samedi et 3 fr le dimanche. 

     

    Le temps de la Reconstruction, le cinéma Le Trianon et  le théâtre municipal :

    L'Université Populaire repris ses activité théâtrale dès la Libération. Il fut projeté à la Reconstruction de rassembler en un grand centre culturel et social bibliothèque, musée, théâtre, maison de jeunes, et bourse du travail, d'abord autour de la Place Anastase Laborde, puis à divers autres endroits jusqu’en 1960. Le Musée ne vit jamais le jour, et il fallut attendre 1970 et 1978 pour voir enfin le reste. Le théâtre ne fut pas une priorité, d’un côté le Cinéma avait supplanté la scène, de l’autre il y avait des priorités de structures, et au milieu, le maire Blancho qui se désintéressait du sujet, et surtout Le Maresquier, architecte en chef qui avait ordre de construire une ville pour ouvriers, et ne croyait pas utile que ceux-ci puissent se distraire.

    Les Bacino, ayant toujours la concession du théâtre municipal, finirent par reconstruire un cinéma nommé Le Trianon, d’une capacité de 1.050 places, au 76 de l’avenue de la République nouvellement tracée. Ils furent forcés par la Municipalité d’ajouter un cintre et une petite fosse d’orchestre. Mais peu de chose y furent jouées.

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    L’avenue de la République avec sur la droite le cinéma Le Trianon en 1957 © Editions Gaby.

    En 1965 la société des Cinémas de l’Océan reprit la concession. Elle fut obligée par la Ville à un minimum de huit représentations théâtrales par an. L’établissement ferma en 1978, il fut remplacé par un grand magasin. Devenu un temps une très belle librairie, il est actuellement la solderie Mini-Fouine. La Maison du peuple se dota cependant d’une salle de 760 place, connue comme le Théâtre Gérard Philipe, et dont les Nazairiens ne se souviennent pas toujours avec indulgence.

     

     

     

    [1] La ville possédait jusqu’aux bombardements du 22 mars 1943 une relique de la Vraie-Croix.

    [2] Une seconde sera rétablie en 1857 à la date du 15 septembre.

    [3] Jouée pour la première fois à Paris au Théâtre de la Gaité, le 23 octobre 1855.

    [4] Situé rue Villès Martin.

    [5] Il fut aussi le premier à effectuer des relevés archéologiques en ville. Capitaine des pompiers, il s'illustra particulièrement durant la nuit du 3 au 4 avril 1868 lors de l’incendie dans le Port du paquebot La Floride. Il avait organisé en 1870 un service d’ambulance à Saint-Nazaire. Il reçut le vénéralat de la Loge l'Etoile des Deux-Monde de Saint-Nazaire vers 1872. En 1875, il fut le sous-directeur de section locale des Hospitaliers Sauveteurs Breton. 

    [6] L’Architecte constructeur n°8 du 15 mars 1890.

    [7] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2021/07/28/pierre-pecaud-architecte-6329477.html

    [8] Commentaire de Fernand Guériff dans L’Eclair du 17 février 1971.

    [9] 552 fr furent récoltés.

    [10] La tempête du 4 janvier 1899, au lendemain de la première prestation de Papus, arracha la toile du toit du théâtre, et il y eut relâche jusqu’au 5 juin.

    [11] Construit à l’emplacement de La Vigne de la Rougeole, fief-noble, propriété à la Révolution, de René-François Le Royer, écuyer, sieur de La Poignardière, pour François Guillet, (Château-Thébaud 20 décembre 1828 – 13 mai 1871 Saint-Nazaire). Fils d'un charpentier, il était pharmacien à Saint-Nazaire et avait son officine place du Bassin. Le manoir fut baptisé en l’honneur de son épouse, Aimée-Julie-Joséphine Lassou, (Paimboeuf 18 novembre 1839 - 28 juillet 1880 Nantes 1er), fille d’un horloger. Le couple eût un fils, Gabriel-Alfred-François Guillet, (Saint-Nazaire 4 avril 1870 – 7 septembre 1952 Le Cellier). A la mort de François Guillet, Aimée hérita de son époux, et s'établit chez son père rue de Villes-Martin à Saint-Nazaire. Elle vendit ses biens à Honoré-Anatole Martineau, (Doué-la-Fontaine 16 mai 1829 – après 1899). Ce négociant nantais, fils d’un riche propriétaire cultivateur de Doué-la-Fontaine, possédait déjà des terrains à Villès-Martin. Il était veuf de Louise-Marie-Fortunée Alavoine, (Quimper 25 novembre 1838 - 31 juillet 1865 Nantes 3e), dont il avait une fille Louise-Virginie-Clothilde, (° Nantes 4e 26 mai 1860), et René-Désiré-Marie (°Nantes 3e 9 mai 1865 – 31 mai 1893 Angers). Aimée et Anatole se marièrent. Au décès d’Aimée, son frère, Alexis-Aimé Lasson son frère, devient tuteur de son neveu, et vendit les biens de sa sœur à Saint-Nazaire. Anatole fit don en 1888 de la maison et des parcelles environnantes à son fils, René. Architecte à Angers, il agrémenta le parc d’éléments décoratifs, et ajouta deux maisons d’invités, (actuelles villas des Charmettes et Saint-Antoine) ; à son décès il fut inhumé dans le parc de Ker Aimée. Ses biens allèrent à sa cousine Marie-Julie-Clotilde Abraham, veuve de Marcel-Lucien Lemoine, de Doué-la-Fontaine, (elle était la fille de Pierre Abraham qui déclara la mort de René à la mairie d’Angers). Elle vendit la propriété à Henri et Jules Delemarre, par l’intermédiaire de Maître Marquet, notaire à Montoir-de-Bretagne, le 5 juillet 1899, (acte aux AD44, réf. 8U5/17).

    [12] Ce journal avait pour fournisseur d’imprimerie monsieur Daneau, fournisseur des imprimés du théâtre municipal et ami de monsieur Salmon. Plus tard, monsieur Salmon se fournit à l’imprimerie du Courrier de Saint-Nazaire, et se fâcha avec Daneau, (lire à ce sujet Le Travailleur de l’Ouest du 6 mars 1926).

    [13] Trente-cinq pays eurent des consulats ou des agents consulaires à Saint-Nazaire entre 1857 et 1943.

    [14] C'était un grand immeuble avec une retonde coiffée d'un bulbe, construit entre 1899 et 1903.

    [15] Elle fut déclarée le 17 novembre.

    [16] Le Populaire Soir des 5 et 8 mars 1918 ; annonce du divorce dans Le Phare de La Loire et le Populaire du Soir du 16 juin 1918.

    [17] Elle épousa ensuite à Casablanca le 8 octobre 1921 Edmond Aron Maurice Rodrigues, puis à Alger le 1er avril 1939, Victor Pépin Petit,

    [18] Veuve, elle se remaria à Marseille el 4 décembre 1950 avec Ernest-Marcel Pastorelli.

    [19] Témoignage oral de la vicomtesse de Montaigu.

    [20] Dit des Harlem Hellfighters.

    [21] Abonnement pour les 8 représentations : loges de balcon 96 fr ; fauteuil de balcon 83 fr ; fauteuils d’orchestre 69 ft ; pour les premières 62 fr. Pour chaque représentation : 14 fr, 12 fr, 10 fr, 9 fr et 6 fr.

    [22] Loges et balcons, 16 fr ; orchestre 15 fr ; baignoires et premières 10 fr ; parterres 7,50 fr ; galeries 4 fr.

    [23] Une anecdote : en février 1936 alors qu’il s'y projetait « La symphonie inachevée », film de Glauco Pellegrini racontant la vie de Beethoven, s’achevant la musique de l’Ave Maria, il y eut à son écoute des cris injurieux, des invectives. Pour éviter que de pareils incidents ne se reproduisent, la direction de l’Athénée a supprima ce passage.

    [24] Prix des places de 12 à 3 fr.

    [25] En 1894 la ville comportait 309 cafés, dont 2 cafés-concerts ; en 1902, 310 cafés, dont 3 cafés-concerts et 13 café-restaurants ; en 1913 il y avait 518 cafés ; en 1927, 312 cafés, dont un music-hall ; en 1931 348 cafés, (tenus pour un tier par des veuves), dont 1 music-hall ; en 1934 la crise économique fit qu’il y avait 45 cafés et un music-hall-dancing ; en 1936 58 cafés, dont 1 music-hall-dancing et 1 dancing, (Le Terminus, place de la gare qui faisait aussi hôtel) ; en 1938, 72 cafés, dont 1 music-hall-dancing et 1 dancing.

    [26] Sasha Guitry, Roman d’un tricheur.

    [27] « Le 24 novembre 1878 – […] Le temps se passe à St-Nazaire en démêlés avec la police, en perquisitions dans des bouges sans nom, interrogatoires de gens impossibles, – le tout pour instruire le fait du canonnier Frémont qui a eu la tête fendue au cabaret dit le Rocher de St-Malo – Cette affaire nous passionna pendant quelques jours. » Pierre Loti, Journal, vol. I - 1868-1878, Editions Les Indes savantes, 2006, publié par Bruno Vercier et Alain Quella-Villége.

    [28] Joseph Massal s’associa en mars 1870 avec l’épicier Paul Jolit pour fonder une usine entreprise de vente en gros d’eau de seltz et limonade en siphon et bière en fut. Il vendit le Comptoir de Marseille en mai 1886 mai. Il ne faut pas le confondre avec son fils, prénommé lui aussi Joseph, qui fut capitaine de la Garde nationale à Saint-Nazaire en 1870.

    [29] Ludovic Dubacq eut des enfants d’au moins trois femmes différentes, qu’il choisissait toujours âgées de 16 ou 18 ans, et qu’il n’épousa jamais, même s’il les présentait comme étant ses épouses et déclara illégalement comme telles dans certains actes de ses enfants.

    [30] Cf. le Courrier de Saint-Nazaire du 27 juillet 1879.

    [31] « L'autre jour rue d'la gare, tout seul j'arpentais le trottoir

    Quand dans la rue de Nantes, je vis un'femme des plus charmantes

    J'me mis à la pister jusqu'à la rue du Prieuré

    Enfin je la suivis dans la rue du bois Savary

    Mais elle a pris une autre rue et c'est là que je l'ai perdu […] », (Lire à ce sujet : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/13/cette-nazairienne-que-l-on-chante-6143762.html )

    [32] En janvier 1929, sa troupe joua au Trianon : Mais oui madame, encore une !

    [33] En référence à la chanson de troupe de 1894 « Ousqu’est Saint-Nazaire ? », d’Alexandre Trébitsch (1862-1937​), et Paul Courtois, (18…-1894).

    [34] Présentée en trois épisodes ; chaque épisode donné quatre jours par semaine du jeudi au dimanche, en matinée et soirée.

    [35] Yves-Lucien-Eugène-Francis Terras.

    [36] Voyez la reproduction du texte de cette chanson dans « Raconte-nous Saint-Nazaire », publié en 1999 par l’Association Mémoire et Savoir nazairiens.

    [37] Marthe Béliard, (1912-1991), épouse Bretéche.

    [38] Il ne faut pas confondre ce groupe théâtral avec le groupe de musique celtique homonyme qui jouait entre Nantes et la Presqu’île.

    [39]Lire à ce sujet http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/22/le-petit-maroc-histoire-d-un-nom-6067779.html

    [40] C’était en fait une présipauté ayant pour prince-président à vie « Emmanuel Ier ».

    [41] Fondé en 1897, il avait à l’origine le but d’enseigner le catéchisme. 

    [42] Leur histoire : 

    http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2021/04/14/les-joly-une-famille-de-commercants-6309565.html

    [43] Il en vint jusqu’en 1933 sur la place des Abattoirs.

    [44] Le 10 janvier 1928 y eut lieu la conférence du rédacteur du quotidien Le Nouvelliste de Bretagne, Eugène Delahaye, (Lille 30 juin 1881 à Lille - 21 avril 1954 Rennes), qui batailla contre L'Ouest-Eclair et le clergé catholique, mais aussi contre la Franc-Maçonnerie, qu’il présentait comme une secte ayant pour but de devenir « la République elle-même ». A cette conférence de libre penseur, on vit monsieur Fleury, de la Loge nazairienne le Trait d’Union, monsieur Grandigneaux, du Grand Orient de Paris, vice-président de la Fédération radicale-socialiste de la Seine, qui s’énerva au cours d’une longue réplique durant la séance des questions, et les Jeunesse catholique, membres de la Fédération Castelneau, Camelots du Roi, Gymnastes des patronages, et Jeunesses patriotes venus faire le service de l’ordre. Une centaine de curieux étaient venus dans le but de voir un affrontement, qui eut lieu à coups de poings à la sortie. Monsieur Gaudin avait cependant prévu ce dénouement, et avait fait remplacer les chaises par des bancs !

    [45] Considéré à l’époque comme « un formidable plaidoyer en faveur de la paix », on vit durant la projection au premier rang les contremaitres allemands qui dirigent les travaux de la nouvelle forme Joubert.

  • Pierre Pécaud, architecte

    La destruction de Saint-Nazaire durant l’Occupation nous a privés de ses bâtiments les plus importants du 19e siècle. Parmi eux, certains, d’une grande qualité architecturale, étaient dus à Jean-Pierre Pécaud.

    Jean-Pierre Pécaud, naquit à Nozay le 6 janvier 1839. Il était le fils d’un teinturier. Il fit ses études à Paris, et y apprit l’Architecture sous la direction de Charles-Auguste Questel, (Paris le 19 septembre 1807 - 30 janvier 1888 Paris), architecte fort célèbre en son temps.

    Jean-Pierre Pécaud vient s’établir à Saint-Nazaire durant le Second-Empire à une date indéterminée. En novembre 1874 il devint membre du Conseil municipal. Domicilié 19 rue de Villes-Martin, (avenue Général de Gaulle), il épousa Joséphine-Marie Rabout, née en 1871, dont il eut : Pierre, (Saint-Nazaire 8 mais 1879 - 21 février 1952 Le Croisic), qui se maria deux fois. Architecte de la Ville, il réalisa en 1877-1878 le Palais de Justice,

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    Il fut nommé expert pour les assurances en 1882, et réalisa en 1889 la Sous-Préfecture.

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    En mars 1890, la Municipalité organisa un concours pour la réalisation d’un théâtre municipal à construire sur un terrain municipal situé Place Marceau. La clôture du concours fut fixée au 31 décembre 1890, et le cahier des charges fixait la dépense à 230.000 fr, honoraires d’architecte compris, lesquelles étant fixé à 5%[1]. Dix-sept projets furent soumis au jury, qui choisit pour premier prix en janvier 1891 celui de Jean-Pierre Pécaud, (second à messieurs Deperthes père et fils, architectes à Paris, le troisième à messieurs Bergon, architecte à Paris et Harion, architecte à Tours[2]). Secrétaire de Association Polytechnique Nantaise pour la Propagation de l'Enseignement Professionnel, il fut promu Officier d’académie et décoré le 14 juillet 1890. Il décéda le 10 octobre 1896. Sa tombe se trouve au cimetière de La Briandais.

     

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    [1] L’Architecte constructeur n°8 du 15 mars 1890.

    [2] L’Architecte constructeur n°28 du 15 février 1891.

  • Une maison de capitaine

    Le Touring club de France, association de cyclotourisme, comporte dans ses collections photographiques quelques vues de Saint-Nazaire. Certaines d’entre elles concernent une maison autrefois située au 50 boulevard de l’Océan, (actuel 42 boulevard Wilson, remplacé par l’immeuble Palazzo San Marco). Ces vues de 1910 ne sont pas accompagnées de texte. Une enquête dans les matrices du cadastre nous apprend qu’il s’agit de la résidence de la veuve du capitaine au long cours Charles-Edmond Dolu, née Justine-Aimée Libaud.

     

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    Née le 26 mai 1850 à Pornic, Justine-Aimée Libaud, était la fille d’un marin devenu gréeur à Saint-Nazaire. Elle était déjà âgée de 28ans, et possédait une rente qui la dispensait de travailler, quand elle épousa à Saint-Nazaire le 17 juillet 1878, le capitaine au long cours Charles-Edmond Dolu, (Paimbœuf 21 novembre 1843 - 16 octobre 1899 Saint-Nazaire), domicilié à Paimbœuf veuf avec deux enfants[1]. Charles-Edmond Dolu était fils de capitaine, et avait commencé sa carrière en s’engageant 1862. Il parcourut la Méditerranées, allant jusqu’à Constantinople, (aujourd’hui İstanbul), mais notre histoire portuaire a surtout retenu qu’il fut capitaine du Belem, durant trois campagnes, entre la fin de l’année 1897 et mai 1899.

     

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    L’une des photographies de la salle à manger, donnant sur le boulevard, nous révèle que de Constantinople, Charles-Edmond avait rapporté une aiguière et son bassin, que nous voyons sur la table de style " Henri II ", avec ses chaises garnies de cuir, sous un lustre électrifié, et un kilim remployé comme portière devant une porte qui donne sur le couloir. Un piano et un pupitre portant une partition nous confirment que sa veuve donnait des cours de musiques. Au-dessus, sur le mur, deux éventails que leur feston de dentelles et les scènes peintes qui les décorent nous permet de dire andalous, sont surmontés d’un plateau de cuivre ottoman.

     

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    Une photographie du salon montre un fauteuil de style Directoire, avec une bibliothèque vitrée Louis XV ouverte, dans laquelle sont exposée des dentelles anciennes et des coiffes, dont deux posées sur des marottes de papier-mâché. On distingue, de gauche à droite, deux coiffes de Paimboeuf, et deux autres de Pornic. Une autre, placée sur une boule de perruquier, elle-même posée sur une chaise d’angle, est une coiffe de mariée de Pornic des années 1850.

     

    Justine-Aimée Libaud-Dolu décéda chez la fille de son époux, à Nantes, le 24 mars 1939.

     

     

     

    [1] Il avait épousé en premières noces Marie Françoise Gautier, (Paimbœuf, 1er juillet 1851 - 4 juin 1876 Paimbœuf), dont il avait eu :

    1° Charles-Albert-Marie, (Paimbœuf 5 novembre 1872 - 5 mars 1934 Nantes), capitaine au long cours, d’où postérité ;

    2° Marie-Hermance-Charlotte, (Paimboeuf 8 avril 1876 - 23 octobre 1958 Nantes), d’où postérité.

  • Madeleine Massonneau

    Madeleine Massonneau est connue des Nazairiens pour avoir réalisé les fresques de l’ancien hall de l’ancienne école Jean Jaurès, 25 boulevard Victor Hugo, devant la Médiathèque Etienne Caux, restaurée en 2019-2020 par trois membres de l’équipe de restauration de Géraldine Fray, et à laquelle l’une des capsules d’Instant Patrimoine Ville de Saint-Nazaire a été consacrée :

     

    Mais qui était Madeleine Massonneau, cette artiste de grands talents, que les conservateurs et les DRAC redécouvrent depuis moins de dix ans ? Sa biographie est encore énigmatique, car pleine de questions sans réponses. Cependant, nous avons tenté de reconstituer celle-ci.

     

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    Madeleine Massonneau dans L'intran du 22 novembre 1932.

     

    Madelaine Massonneau, essai biographique :

    Madeleine-Valentine Massonneau, est née à New York le 21 mai 1901, de parents français : Fernand Massonneau, et son épouse LouiseBelaud, qui se déclara dans les recensements comme née à Angers en 1870, mais qu'on ne retrouve pas dans les registres de cette commune. L’origine angevine de sa mère a fait croire aux conservateurs que Madeleine serait issue de la famille de banquiers angevins Massonneau ; en réalité son père est né à Dampierre-sur-Boutonne en Charente-Maritime, le 12 mars 1870. Il était le fils de Valentin Massonneau, cultivateur à Saint-Hillaire en Dampierre sur Boutonne, et de Pélagie Pradon. Ils quittèrent leur condition paysanne pour se faire vendeurs de primeurs et étaient domiciliés à Saint-Maurice, en Val-de-Marne, en 1914. Fernand Massonneau fut d’abord voyageur de commerce à new York, où il fut « dispensé de service pour une varicocèle à gauche très prononcée », il rentra en France avec sa famille à la veille de la Première-guerre-mondiale et exerça le travail de courtier. Il prit logement à Levallois, au 44 rue de Villiers, appartement haussmannien qui occupait tout le premier étage de l’immeuble, avec domestiques à demeure. Fernand fut engagé pour la guerre le 22 août 1914 à Paris au 129e régiment d’infanterie, enregistré comme soldat de 2eme classe le 24 août 1914, passé au 2eme escadron le 15 octobre 1915, maintenu à l’armée après conseille de réforme à Marseille le 11 novembre 1916, il fut démobilisé le 16 décembre 1918. Fernand et Louise avaient aussi un fils ainé, Jacques-Robert, né à New-York le 18 août 1894. Les bombardements de Paris et de ses banlieues par les zeppelins et la Grosse Bertha, obligèrent Louise et ses enfants à se replier à La Traguée d’Availles dans les Deux-Sèvres. Jacques partit au front quand il eut 21 ans ; à l’Armistice il partit à New-York comme employé de commerce, où il épousa Marcelle, née à New-York en 1899, et dont il eut un fils né en 1921 à New York lui aussi : Pierre. Il revint avec sa famille à la naissance de son fils, et emménagea chez ses parents à Levalois.

    Madeleine bénéficia d’une éducation bourgeoise, avec l’ouverture d’esprit étasunienne d’alors, qui permettait aux filles la pratique des sports et des arts. De son enfance elle dira dans L’Intran – Match du 22 novembre 1932 : « Aimant la musique, le chant, la peinture, on hésita dès mon âge entre le conservatoire et les Beaux-Arts. Je me décidai toutefois pour la peinture. […] Depuis ma tendre enfance je pratique les sports : la bicyclette et, plus tard, le patinage à roulette au Vel’d’Hiv’. »

    Voici chronologiquement ce que nous savons de Madeleine Massonneau (sous réserve d’une réponse future des municipalités et DRAC que nous avons contacté depuis un an) :

     

    1923 - Inscrite à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, (AN AJ/52/1170), admise à la section de peinture de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts – elle eut pour professeur Louis-François Biloul, (1874-1947), Paul Baudoüin (1844-1931), et Ferdinand Humbert, (1842-1934). ;

    1925 - Expose au Salon des artistes français ;

    1926 - Est déclarée dans le recensement de Levallois en comme artiste peintre ;

    1927 – Exposition d’Arts féminin, premier prix pour ses toiles (cf Journal des Arts du 2 février 1927) ;

    1928 – Elle est second-prix de Rome – Elle relatera dans L’Intran – Match du 22 novembre 1932 : « après avoir obtenu quelques médailles dans diverses expositions, dont celle de la ville de Paris, je montai en loge en 1928 ou j’obtins la seconde place. Je ne peux me présenter, étant atteinte par la limite d’âge. » - Elle intègre l'association La Fresque, (tout comme Paul Lemasson membre du Groupe Artistique de Saint-Nazaire), fondée par Paul Baudoüin ;

    1929 – Pratiquant le cross, elle se met à pratiquer le Basket-ball et l’athlétisme. – Peinture monumentale de Sainte Bernadette (300 H x 240 L) et Procession à Notre-Dame-des-Dunes, en l’église paroissiale Notre-Dame du Rosaire de Pornichet « Les peintures couvrent le mur du fond de la chapelle, en plein cintre, autour d’une niche d’autel, et les murs latéraux avec leurs niches, sur trois registres séparés par un appareillage de briques ». Elle reçoit sur votes le Prix biennal Troyon (1.100 fr), au concours de l’Académie des Beaux-Arts ;

    1930 - Expose au Salon des Indépendants – participe au cycle de fresques commandées par la Ville de Paris pour Le préau fermé de l’école de la rue Beauregard, sur le thème des Fables de la Fontaine, avec Margaret Baer Austin, et Margaret Ann Dorson. « Aucun document ne subsiste plus à propos de cette décoration, si ce n’est une lettre de Madeleine Massonneau sollicitant un emploi en 1936 et rappelant les fresques exécutées à cet endroit « avec quelques-uns de mes camarades » (Archives de Paris, VR 573, dossier « école rue Littré » ; Marc Verdure, La peinture murale : héritage et renouveau ; In Situ, Revue des Patrimoine, 2013) ;

    1931 – Madeleine devient membre du Cercle Féminin de Paris comme internationale de cross et remporte la Coupe Suzy et se classe seconde au Championnat de France de cross-country en Cross long. Elle profite des entrainements sportifs pour faire des croquis des championne Suzanne Lenoir et Renée Trente. Elle expose au Salon des Artistes Français ;

    1932 – Se classe encore en seconde au Championnat de France de cross-country en Cross long – Elle reçoit la commande par la Ville de Saint-Nazaire de fresques qui couvre les quatre murs du hall de l'ancienne école Jean Jaurès, au 25 boulevard Victor Hugo pour la somme de 18.256 fr (soit 400 fr du m²) (cf. article du L'Ouest Éclaire du 5 novembre 1933) – Exposition au Salon des Artistes Français : « 1679 - Portrait de Mlle Marie Olivier » - Interview pour des raisons sportives dans L’Intran – Match du 22 novembre 1932 et L’Auto-Vélo du 22 décembre 1932 ;

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    Madeleine Massoneau dans L’Auto-Vélo du 22 décembre 1932

     

    1933 – Commande d’un cycle de fresques pour le hall de l’école Jean Jaurès, œuvre réalisée est restaurée en 2020 dans le cadre de Saint-Nazaire Ville d’Art et d’Histoire. Le 4 novembre, la Ville lui commande une autre fresque pour le Stade du Plessis, œuvre perdue, (Registre des délibérations du conseil municipal de la ville de Saint-Nazaire, 1931-1933, Archives communales, Saint-Nazaire, cote 1 ADM 24) ;

    1934 – Janvier-février, exposition au Salon du Groupe Artistique[1] de Saint-Nazaire auquel elle a adhéré en 1933. Paul Bellaudeau[2], l'illustrateur du Courrier de Saint-Nazaire, y signa le 20 janvier, sous le pseudonyme d’Aristarque, un article dans lequel il dressa la liste de ce qui n'allait pas en matière de dessin, (seul art qu'il maitrisait), dans l'ensemble des œuvres accrochées, allant chercher le moindre détail secondaire pour cela, démolissant finalement chaque travail, à l'exception de ceux d'Alexis de Broca et de Charles Beilvaire. Ecrit dans son style habituel et reconnaissable entre tous, il y distilla du fiel, et s'attaqua à Charles Perron, professeur aux Beaux-Arts de Nantes, deuxième Grand prix de Rome en 1921, et plus particulièrement à Madeleine Massonneau qui exposait alors quatre toiles, dont un portrait de Mlle C..., c'est à dire mademoiselle Isabey Campredon, la fille du chimiste et industriel. Bellaudeau écrivit : « Mlle Massonneau est-elle portraitiste ou caricaturiste ? Elle expose sur fond bleu charron une interprétation rappelant Mlle C… Un si charmant modèle méritait mieux. » Ce fut la seule participation de Madeleine au Salon de Saint-Nazaire, et, elle ne renouvela pas son adhésion au Groupe ! - Madeleine quitte le domicile de ses parents, on ignore où elle emménage.

    1938 – Achat par l’Etat d’une esquisse pour décoration murale, (Inv. : FNAC 15857) ;

    1939 – Réalisation de « Ronde d'enfants », peinture murale 737 x 278 cm à Saint-Gratien, Val d'Oise, en l’école de filles ; livrée 5 janvier 1940 ; Inv. : FNAC 16339 – 29 décembre commande par l’Etat d’une huile sur toile, « Nymphe », 81 x 65 cm, livrée en 1940 – (Femme assise de 3/4 dos, héron, tortue), Inv. : FNAC 16472 - En dépôt depuis le 26/09/1946 : Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Paris) ;

    1941 – Achat par l’Etat de la fresque en demi-coupole sur escalier « Les nouvelles se répandent sur la terre par la voie humaine » pour le bureau de Postes Paris-Central Paris 18ème ; Livraison en juillet 1942- Mariage avec Jean-Robert Naudin, originaire de Fontainebleau, (aucune réponse de la Mairie de Fontainebleau le concernant), elle est dès lors « madame Massonneau » dans les commandes d’Etat ;

    1942 – Achat par l’Etat d’une peinture non décrite ; (renseignements extraits des répertoires et non des dossiers à Pierrefitte-sur-Seine) ; Illustration, avec  G. Marjollin et J. Ovens, du livre de Roger Dévigne, Le légendaire de France ;

    1943 – Achat par l’Etat « Marine, un coin de Saint-Nazaire », esquisse au crayon et à la gouache de la fresque de Saint-Nazaire en l’ancienne école. Achat à l'artiste en 1943 ; (Inv. : FNAC 18833). Commande par la municipalité de Fontainebleau et du Comité d'entr'aide aux artistes, d'un cycle de 9 fresques pour le groupe scolaire Saint-Merry (Paris), présentées au public les 13 et 14 juin 1943, (cf. L'Informateur de Seine et Marne du 11 juin 1943). L'ensemble de cette commande se poursuivra en 1946, et ne sera achevé qu'en 1948. Réalisé au pastel dur sur mortier (Léo Couzmine maçon), il se compose de : Panneau n°1 : 125 x 350 cm refait en 1980 M Massonneau et J.M. L'Helgoualc'h, maçon ; Panneau n°2 : 125 x 213 cm « La grande sœur » ; Panneau n°3 : 125 x 467 cm refait en 1980 par Massonneau et J.M. L'Helgoualc'h, maçon ; Panneau n°4 : 125 x 433 cm « Charité » ; Panneau n°5 : 125 x 127 cm (1ère partie) ; et 125 x 264 cm (2ème partie) « Aux champs » ;Panneau n°6  « Hymne à l'Enfance » ; Panneau n°7 « Hymne à l'Enfance », faisant partie de l'ensemble de 9 panneaux, au pastel dur sur mortier (Léo Couzmine maçon) ; Panneau n°1 : 125 x 350 cm refait en 1980 M Massonneau et J.M. L'Helgoualc'h, maçon ; Panneau n°2 : 125 x 213 cm « La grande sœur » ; Panneau n°3 : 125 x 467 cm refait en 1980 par Massonneau et J.M. L'Helgoualc'h, maçon ; Panneau n°4 : 125 x 433 cm « Charité » ; Panneau n°5 : 125 x 127 cm (1ère partie) ; et 125 x 264 cm (2ème partie) « Aux champs » ; Panneau n°7 : 125 x 500 cm) « Jardinage » ; Panneau n°8 : 125 x 96 cm « La cuisine » Panneau n°9 : 125 x 100 cm ; « Les arts d'agrément » Surface totale : 29m2. (Inv. : FNAC 20183 (1 à 9) : 125 x 500 cm) « Jardinage » ; Panneau n°8 : 125 x 96 cm « La cuisine » Panneau n°9 : 125 x 100 cm ; « Les arts d'agrément » Surface totale : 29m2. (Inv. : FNAC 20183 (1 à 9) ;

     

     

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    « Marine, un coin de Saint-Nazaire », esquisse au crayon et à la gouache pour la fresque de l'ancienne école Jean Jaurès à Saint-Nazaire, (Inv. : FNAC 18833).

     

    1944 – Achat par l’Etat des esquisses de « Hymne à l’Enfance », commandée en 1943 pour le groupe scolaire Saint-Merry (Paris), (Inv. : FNAC 19140) ;

    1946 – Février, réalisation de « Hymne à l'Enfance », 6e panneau du groupe scolaire Saint-Merry ;

    1947 – Février livraison de 8 des 9 panneaux des fresques du groupe scolaire Saint-Merry et ensemble de 8 panneaux en pastel dur sur mortier - Panneau n°1 : 125 x 490 cm : les panneaux - Panneau n°2 : 125 x 289 cm : « Paon » - Panneau n°3 : 125 x 750 cm : « Marabout » - Panneau n°4 : 125 x 340 cm : "canards" - Panneau n°5 : 125 x 420 cm : « Forêt » - Panneau n°6 : 125 x 132 cm ; « Tourterelles » - Panneau n°7 : 125 x 66 cm ; « Goûter » - Panneau n°8 : 125 x 66 cm « Jeux » - Surface totale : 32 m2 environ - S.D.B.DR. : (panneau n°3) : MADELEINE MASSONNEAU - / mortier : LEO COUZMINE / MAI 1943, (Inv. : FNAC 20711 (1 à 8) - Exposition au Salon d’Hiver : « Maternité ».

    1948 – Février, livraison du 9ème panneau au Groupe scolaire Saint-Méry. - Achats par l’Etat de « Le mont Bouligny avril 1947 », 28,5 x 27 cm, (Inv. : FNAC 21109) ; et « Les bouleaux avril 1945 » 41 x 35 cm, (Inv. : FNAC 2111), ces deux toiles sont en dépôt : depuis le 18 juillet 1950 à la Mairie d'Argenton-sur-Creuse – Achats par l’Etat de « La forêt de Fontainebleau » 37 x 45 cm, (Inv. : FNAC 21112), en dépôt depuis le 4 février 1949 à Ambassade de Turquie en France ;

    1958 - Etablissement à Fontainebleau chez sa belle-famille durant le printemps et l'été ; elle peint de nombreux paysages et sous-bois dans la région. Septembre, du 26 au 28 réalisation à Fontainebleau d'une série de portraits au fusain des membres de la famille Naudin, dont celui de son beau-frère, Claude, (époux de Jeannette...), et de son beau-père, « Papa Naudin », (nombre de ses dessins et tableaux furent vendus/bradés aux enchères dans le cadre de la succession Naudin) ;

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    Autre attitude de Papa Naudin, 28 septembre 1958, Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    1959 - Achat par l’Etat de « Les environs de Clamecy 1958 », 37 x 44,5 cm, en dépôt depuis le 14/10/1960 : Mairie de La Capelle-Bleys - Inv. : FNAC 26747 – « Sous-bois en forêt de Fontainebleau » (Inv. : FNAC 26748), en dépôt depuis le 30 octobre 1970 à la Mairie de Plerguer ;

    1963 – Madeleine Massauneau-Naudin a son atelier au 22 rue Tourlaque, Paris-18e, dans la Cité des Fusains. - Exposition au 8eme salon de Montrouge 1963 : « Portrait de M. R. Bergeron, Président du Salon Violet » ;

    1972 – Exposition au salon des Beaux-Arts. Elle reçoit les Prix Bonnat et Henri C. Parke ;

    1974 – Elle reçoit le Prix André Peuvrier section peinture Salon des Beaux-Arts de France ;

    1975 – Exposition au salon des Beaux-Arts de « Par l'absurde » ;

    1978 – Elle est mentionnée dans La Revue moderne des arts et de la vie ;

    1980 - Réintervention pour restaurer et refaire des panneaux de « LHymne à l'Enfance », avec le maçon J.M. L'Helgoualc'h du groupe scolaire Saint-Merry.

     

    On perd ensuite sa trace… elle décéda le à Boissie-La-Bertrand, dans la maison de retraite où elle s'était retirée. Son époux est encore vivant à son décès.

     

     Signalons aussi qu'elle peignit pour le docteur Luzuy à Blois, en son appartement, un décor mural à une date non connue. Ces décors persistent encore, rue du Docteur Luzuy à Blois, et sont protégés au titre des monuments historiques, Arrêté du 10 juillet 2020, avec attestation rectificative du 27 octobre 2020, parties protégées : les parois peintes à la fresque de Madeleine Massonneau situées dans le lot 109 de l'ancienne résidence du Docteur Luzuy ; propriété privée (société civile). (La DRAC de Loir-et-Cher et la Mairie de Blois n'ayant pas daigné nous répondre à propos du dossier qui semble vide d'informations précises).

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/30/le-groupe-artistique-de-saint-nazaire-et-le-groupe-de-indepe-6069504.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2021/03/06/paul-bellaudeau-6301877.html

     

     

  • Décès de monsieur Paul Correc

    Monsieur Paul Correc, membre du conseil de direction de l’APHRN, est décédé, dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 juillet, à l’âge de 84 ans. Il participait à la revue Histoire & Patrimoine depuis 2011, dans laquelle il avait fait le récit en six articles du cyclisme nazairien, sujet qui lui tenait à cœur, lui qui était issu d’une famille de vendeurs de cycles et qui pratiqua la course dans la catégorie des indépendants (statut intermédiaire entre les amateurs et les professionnels), dans les années 50/60, il a eu la chance de côtoyer les plus grands, champions locaux, comme nationaux et même internationaux. Il fut l’auteur d’un hors-série d’Histoire & Patrimoine paru en 2014, intitulé « Un siècle de cyclisme à Saint-Nazaire ».

    La cérémonie funéraire aura lieu, vendredi prochain, 23 juillet, à 14 h 30, en l’église Saint-Gohard de Saint-Nazaire.

     

    Nous adressons nos condoléances à son épouse, à son fils, à sa famille et ses proches.

  • Les Lera : Une famille de diplomates nazairiens venus du Mexique

    On l’oublie trop souvent, Saint-Nazaire, au temps où il était encore un port de voyage et de commerce, était une ville d’une telle importance qu’elle était le siège de plusieurs consulats. Dès 1857, la Prusse et le royaume de Suède-et-Norvège, eurent leurs représentants, rejoints par l’Espagne en 1859, etc.

     

    En 1939, il restait encore dix-neuf représentations consulaires en notre cité, et parmi celle-ci, le Mexique était la seule nation à avoir conservé en permanence son consulat depuis son ouverture en 1866[1]. Parmi les différents envoyés ayant reçu leur exequatur, deux ont la particularité d’être père et fils : Carlo Americo Lera Macías, et Ramón Lera Borrell.

    Le nom de Lera[2] résonne encore pour les Nazairiens, et n’est pas inconnu de l’ensemble des lecteurs de ce Blog ou de la Revue Histoire & Patrimoine ; en effet, Marc Hélys[3], en réalité Marie-Hortense Héliard, fut la seconde épouse de Carlos Américo. Après avoir fait le portrait de cette étonnante personnalité, parlons un peu plus des Lera, famille qui se consacra à la diplomatie, et qui reste attachée à Saint-Nazaire[4].

     

    Carlos Americo Lera Macías

     

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    Carlos Americo Lera Macias, en 1910 en uniforme d’ambassadeur, portant, à sa droite, la médaille commémorative du traité commercial de 1909, la plaque de l’Ordre de Sainte-Anne, la plaque de l’Ordre de la Légion d’honneur ; en travers, le cordon de l’Ordre de Sainte-Anne ; à sa gauche : la croix d’officier de l’Ordre de la Légion d’honneur, la plaque de l’Ordre du Soleil Levant, la plaque de l’Ordre du Double Dragon. (Collection famille Lera)

     

    Carlos Americo Lera Macías naquit espagnol à La Havane le 4 novembre 1855, à l’époque où Cuba était encore colonie esclavagiste4[5] de la reine Isabelle II. Ses parents, Fernando Lera et Elvira Macías, originaires de Valladolid, ne nous sont connus que de nom, et semblent être arrivés à Cuba peu avant sa naissance[6]. Son enfance est un mystère, la lecture des courriers de ses enfants nous laisse penser qu’il n’en avait jamais parlé. Carlos Americo, père doux et aimant, ami fidèle et dévoué, était un homme secret, à la vie intérieure forte ; un homme charismatique et intimidant, auquel on n’osait poser de question et qui pouvait se montrer abrupt si cela touchait à son intimité.

    Jeune, c’était un homme brun, mince, mesurant 1 m 60, aux yeux myosotis, et pourvu d’un magnétisme propre aux créoles hidalgos, qualité qui, même âgé, blanchi et dégarni, ne laissait pas les femmes indifférentes, et maintenait une distance de respect chez les hommes, persuadés d’avoir à faire à un grand seigneur de la race des guépards dépeinte par Lampadousa[7].

    Diplômé en droit civil et canonique à l’université de La Havane en avril 1875, il partit à Madrid pour se former en droit international, où, dans la chambre qu’il occupait, il nourrissait chaque soir une souris avec un reliquat de son dessert[8].

    Son nouveau diplôme en poche, il rentra en 1877 à La Havane, où il y épousa au début de l’année 1878 une Mexicaine, Edelmira Borrel Borrá, née à Guanajuato en 1855, fille de Ramón Borrell Can, entrepreneur en fournitures militaires, et d’Edelmira Borrás Many[9].

     

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    Empreinte du tampon du consulat du Mexique à Saint-Nazaire, en 1899. (Collection Joëlle Bontempelli)

     

    Ce mariage fit que le gouvernement mexicain le sollicita comme avocat pour le défendre dans le cadre d’un procès avec la couronne d’Espagne. Carlos Americo gagna le procès en 1879, et fut rapidement victime de représailles de la part des autorités espagnoles mécontentes, qui finirent par le bannir de l’île avec son épouse enceinte, et leur premier fils, Carlos Americo, dit Carlos, né à La Havane 8 novembre 1878. Carlos Americo Lera partit pour le Mexique avec sa famille, où il réclama auprès d’Ignacio Mariscal, (1829-1910), secrétaire aux affaires étrangères, les honoraires qui ne lui avaient pas été payés par le gouvernement mexicain.

    Ignacio Mariscal le fit engager comme avocat-conseil au ministère. Naquirent alors à Mexico deux autres fils : Ramón Federico, le 3 mai 1880, et Fernando, le 11 février 1882, ainsi qu'une fille, María-Edelmira-Delfina-Elena, qui naquit le 28 septembre 1883, mais elle décéda le 16 avril 1884 à Mexico.

     

    Le 4 février 1884, Carlos Americo reçut l’exequatur de consul des États Unis du Mexique, à Saint-Nazaire. Il s'y établit en mais, et prit un appartement rue de Villès-Martin (avenue Général de Gaulle), la rue à la mode, et loua, comme tous les membres de la bonne société nazairienne, une villa sur la corniche, à Bonne Anse.

     

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    Lettre d’exequatur de Carlos Americo Lera Macias comme consul des États-Unis du Mexique en date du 4 février 1884. (Collection Joëlle Bontempelli)

     

    Edelmira, gravement malade depuis son arrivée (probablement de la tuberculose), fut à nouveau enceinte, elle accoucha le 26 mai 1885 à Saint-Nazaire, d’une fille, Edelmira-Delfina-Amelia.

    L’accouchement se passa très mal, Edelmira Borrel Lera resta entre la vie et la mort durant un mois. Elle décéda le 26 juin 1885 et fut inhumée au cimetière de La Briandais. Carlos Americo fut si perturbé par cette situation, qu’il en oublia de déclarer la naissance de sa fille à l’état civil. Il fallut un jugement du tribunal civil de Saint-Nazaire, en date de 28 juin 1901, pour qu’un acte de constatation de naissance soit constitué le 21 juillet 1901 sur le registre des naissances de 1901, avec ajout en marge dans le registre de 1885, entre deux déclarations, constituant dans nos registres un exemple fort curieux d’insertion. L’enfant garda aussi en famille le surnom de « Bébé ».

    Parmi les gens que Carlos Americo Lera fréquentait, il y avait les avocats de Saint-Nazaire, dont Aristide Briand, qui venait à Bonne Anse jouer au billard, mais aussi les capitaines au long court de la Compagnie Général Transatlantique.  L’un d’eux, François Héliard (Granville, 26 juillet 1829 – Saint-Nazaire, 16 mars 1901), un Normand qui avait épousé une Nazairienne, Marie-Philomène Laborde (Saint-Nazaire, 15 août 1836 - Saint-Nazaire, 2 mars 1918)[10]. Le capitaine Héliard lui donna en mariage sa fille aînée, Marie-Hortense, beauté, châtain aux yeux noisette, menue, mesurant 1 m 55, qui avait écarté pour Carlos Americo la foule de ses prétendants. Depuis plusieurs mois, ils étaient subjugués mutuellement l’un par l’autre.

    Ce second mariage eut lieu à Saint-Nazaire le 10 août 1886. Le témoin de Carlos Americo fut son beau-frère, Frederico Borrell, âgé de 22 ans, sous-lieutenant de cavalerie de l’armée mexicaine, chancelier du consulat du Mexique à Saint-Nazaire[11]. Le nouveau couple fut le plus en vue de la ville. Mais Marie avait des ambitions mondaines, et persuada Carlos Americo de prendre demeure à Nantes, rue Gigant. Tant pis s’il fallait pour lui prendre le train pour le consulat de Saint-Nazaire, et y demeurer certaines nuits. C’est à Nantes que naquit leur fille, Marguerite-Marie-Amélie, le 5 novembre 1888, envers qui, Marie n’eut jamais la fibre maternelle, moins encore envers les enfants de son époux, même si, à sa décharge, les mères de la bourgeoisie ne s’occupaient pas en personne de leurs enfants en ce temps-là.

    Le 6 novembre 1890, Carlos Americo Lera fut promu secrétaire d’ambassade de première classe au Guatemala. L’arrivée dans ce pays, avec sa famille, manqua de tourner au drame.

    Débarqués au port de Puerto Barrios, en étant mis dans des filets de cordes tels des bagages afin d’atteindre le quai, ils furent attaqués sur la route qui les conduisait à Nueva Guatemala de la Asunción, la capitale, par une bande armée qui se disait nationaliste, et qui cultivait cette haine envers les Mexicains, née de l’annexion que ce pays avait fait du Guatemala de 1821 à 1839. Ils ne durent leur salut qu’à l’arrivée de la troupe d’honneur venue de la capitale à leur rencontre[12].

    Marguerite, qui n’avait que deux ans, fut si marquée par l’événement, qu’à plus de 90 ans, elle se souvenait avec exactitude et émotion de la chaleur du corps de sa mère contre laquelle elle s’était réfugiée[13]. Carlos Americo fut nommé chargé d’affaires du Mexique pour l’Amérique centrale le 6 septembre 1891. Le 12 août 1893, il devint secrétaire d’ambassade de première classe et chargé d’affaires à Rome. Le 14 novembre 1894, il fut rappelé de son poste à Rome pour devenir député le 14 décembre 1894 au Parlement mexicain. Il s'y rendit avec ses enfants, son épouse, la plus jeune sœur de celle-ci, Amélie Héliard, qui avait des problèmes relationnels avec sa mère. Ses fils furent renvoyés en novembre à bord du Normandie à Saint-Nazaire pour y poursuivre leurs études le 24 novembre 1894. Carlos fut nommé secrétaire privé d’Ignacio Mariscal, le 18 décembre 1895. Marie ne se plaisait pas au Mexique, elle fit de nombreuses bourdes par méconnaissance de la langue espagnole. À un dîner officiel, elle se trouva placée à la droite du Président José de la Cruz Porfirio Díaz Mori, (Oaxaca, 15 septembre 1830 à - Paris, 2 juillet 1915), et pensant lui montrer son savoir, alors que celui-ci parlait parfaitement le français, elle l’entretint dans la langue de Cervantes. De l’autre côté de la table, Carlos Americo lui donna des signes du pied, mais n’y prêta pas attention. À la fin du repas, Carlos Americo s’approcha d’elle et dit : « Sais-tu que tu as fait ? Tu as tutoyé le président pendant tout le repas ». Heureusement, ce dernier, homme du monde, n’en avait pas fait remarque[14].

    L’entente dans le couple se dégrada, Marie devenant impossible. Un jour, elle prit la fuite, laissant Marguerite à son époux, et rentra en France. Elle prétendit à sa famille que sa sœur Amélie avait séduite Carlos, ce qui était faux, et fit que la pauvre Amélie ne revit jamais son père, et ne revit sa mère que sur son lit de mort. En réalité le secret était impossible à révéler : elle avait pris conscience de son homosexualité. Catholiques  tous deux pratiquant, ils ne divorcèrent jamais ; Carlos Americo versa une pension à son épouse, et elle usa et abusa de son passeport diplomatique pour mener une vie aventureuse dont nous avons donné les détails dans le numéro précédent, ne venant rendre visite à sa fille que quelques jours par an.

    Resté à Mexico, Carlos Americo s’activa pour inciter Cuba, en révolte contre le gouvernement de Madrid, à s’unir au Mexique, allant jusqu’à suggérer au Congrès de procéder à une annexion. Il publia un livre intitulé « Cuba mexicana » en 1896, dans lequel il fit la liste des avantages à la fusion des deux pays. À nouveau chargé d’affaires pour l’Amérique centrale en septembre 1896 en résidence au Guatemala ; il s’y établit avec Edelmira, ayant envoyé Marguerite un temps chez ses grands-parents maternels à Saint-Nazaire, et placé ses fils en pensions dans la même ville, afin qu’ils puissent poursuivre leurs études.

    Au Guatemala, Carlos Americo eut une aventure avec une femme mariée, qui fit que le Gouvernement guatémaltèque demanda au Gouvernement mexicain de le rappeler, ce qui ne fut pas exécuté[15]. Au contraire, le 24 décembre 1897, il fut promu ministre résidant au Guatemala ; le 19 février 1899, il devint ministre à Tokyo, puis à partir de mai 1904 ministre plénipotentiaire.

    Il fut aussi ministre plénipotentiaire auprès de l’empereur Yixin à Pékin en août 1904, mais resté en résidence à Tokyo, il assura cette fonction jusqu’en octobre 1905, la légation ayant été confiée au chargé d’affaires Moricio Wolheim.

     

    Durant ce double emploi, il passait par le port de Shanghaï afin de se rendre à Pékin. Appréciant les spectacles de cirque, il profita de l’un de ses voyages pour assister à un spectacle sous chapiteaux. À l’entracte, il sortit fumer une cigarette. Retournant à sa place, il se perdit dans ses pensées, et ne réalisa pas qu’il entra sur la piste, il ne réalisa sa distraction qu’à l’instant où les gens mirent à applaudir, pensant que le spectacle reprenait[16].

    Il publia à Tokyo, en 1903, « Nacionales Por Naturalización », et, en 1905, « Primera relaciones sociales entre el Japon y Espana tocantes a Mexico ». Il quitta sa fonction de ministre au Japon le 1er février 1907, étant nommé ambassadeur auprès de Leurs Majestés l’empereur Nicolas II de Russie à Saint-Pétersbourg. Il se rendit dans la capitale impériale en empruntant le Transsibérien, dans un voyage de onze jours. Son appartement de Saint-Pétersbourg nous est connu par les photographies qu’il en fit faire, suivant alors la mode locale en cours dans le milieu diplomatique. C’est un intéressant témoignage, tenant en huit vues intérieures, qui nous montre sa collection de meubles chinois et japonais, mais aussi de portraits officiels[17].

    Carlos Americo négocia, en août 1909, la convention commerciale et maritime entre le Mexique et la Russie, qui fut signée le 2 octobre 1909[18].

    En 1910, le Mexique fut pris dans une tourmente révolutionnaire et de tentative de coup d’État, qui déboucha sur le départ en exil en France du président Porfirio Díaz qui préféra éviter une guerre civile. Francisco Ignacio Madero González (Parras, 30 octobre 1873 – Mexico, le 22 février 1913), décida de le démettre de ses fonctions 26 juillet 1912.

    Il tenta à la suite de l’assassinat de Madero González, de récupérer un poste diplomatique, mais José Victoriano Huerta Márquez (Jalisco, 22 décembre 1850, - El Paso Texas, 13 janvier 1916), éphémère nouveau président, se disputa avec lui. Carlos Americo se cacha dans Mexico, puis, au bout de quelques jours, prit la fuite vers Veracruz, où il embarqua sur un cargo[19]. Il loua le château de Sainte-Marie à Cormeray, où il s’y déplut fortement, n’ayant vécu que dans des villes. Devenu bougon, il commentait « en grommelant » que la seule activité qui était possible à Sainte-Marie était « jouer à la plume »[20]. Son exil dura jusqu’en 1915. Son fils ainé, Carlos, étant mourant de la tuberculose, il s’installa avec ses filles au Lutétia. Après la mort de Carlos, il loua un appartement au 21 rue Ferdinand Fabre dans le 15e arrondissement. Sa situation financière se dégrada, la dévaluation du Franc, l’inflation d’après-guerre, et un train de vie trop luxueux, l’entretien de son épouse qu’il s’obstinait à poursuivre, avaient épuisé ses ressources. Il tomba alors malade. Un cancer de l’estomac le fit souffrir durant des années, l’obligeant à subir plusieurs opérations. Edelmira et Marguerite se mirent à travailler. Les relations de leur père leur permirent de trouver en 1921 un emploi à la Commission d’application des traités de paix. Edelmira y resta jusqu’en 1923, année où elle partir vivre à New York ; Marguerite y travailla jusqu’en 1925.

    Mais les revenus étaient insuffisants, la santé de leur père nécessitait des frais importants, aussi, Marguerite se mit à confectionner des bijoux fantaisie, qu’elle vendait à ses amies plus fortunées qu’elle. Carlos Americo s’en aperçut et se fâcha. Marguerite lui répondit « mais comment pensez-vous que nous puissions manger ? » Carlos Americo vivait à la fin de sa vie dans son propre univers, et ses enfants l’y entretenaient. Il se consacra à l’écriture de nouvelles, publiées dans La Revue mondiale, à l’action se déroulant en Chine : Le Fong-Choué, 15 mai 1924 ; Lieou-yen chez les barbares, 1er septembre 1924 ; L’Ile du Bonheur céleste, 1er décembre 1924 ; Les Déboires de Ning-Ling, 15 juin 1925 ; Un dieu bien servi, 1er juillet 1925 ; Des barbares dialoguent, 1er octobre 1925 ; Un mort tombé du Ciel, 1er août 1925 ; Entretiens sous le Chaume, 15 septembre 1925.

    Il ignora jusqu’au bout la réalité de son cancer ; une lettre bouleversante de Marguerite à son neveu Robert, fils de son frère décédé Carlos, en date du 20 mai 1926, nous apprend qu’il ne réalisait pas qu’il était mourant alors qu’il était déjà alité depuis des semaines. Le 15 juillet 1926, il décéda à son domicile parisien. Son corps fut ramené à Saint-Nazaire. Une messe eut lieu en l’église Saint-Nazaire, en présence du corps diplomatique. Le consul de Belgique, Henri Gustin-Stoll ; celui cumulant Danemark, Guatemala, Portugal et République dominicaine, Max La Touche ; et le consul de Cuba, Luis Valdes Roigt, doyen du corps diplomatique nazairien, tinrent les cordons du poêle, suivit d’une foule immense.

    De la famille n’était présente que Marguerite, qui assista son père jusqu’au bout, avec Ramón, son épouse, leur fils, et leur neveu Robert, fils de feu Carlos, qui chaque année venait de Lyon passer ses vacances à Saint-Nazaire. Fernando vivait à Mexico, et Edelmira à New York. On le plaça dans le caveau qu’il avait fait construire à La Briandais, où l’attendait sa première épouse.

    Sa plaque mortuaire mentionne qu’il était grand officier de la Légion d’honneur, mais il était aussi grand cordon de Sainte-Anne de Russie, grand cordon de l’Ordre du Soleil Levant, et du Double Dragon de Chine, et Officier de l’Instruction publique (Palmes académiques).

     

    Carlos Americo Lera Borrell

    Carlos Americo Lera Borrell (La Havane, 8 novembre 1878 - Paris, 18 juin 1915) passa son baccalauréat à Saint-Nazaire en août 1899, fut comme son père avocat. Nommé consul à Lyon de 1904 à 1908, il s’y maria avec Henriette-Alphonsine Lavenir (Lyon, 12 décembre 1888 - Lyon, 16 septembre 1969), dont il eut un fils, Roberto Lera Lavenir (Lyon, 20 août 1909 - Lozanne [du Rhône], le 10 avril 1992). Tuberculeux, il était en fonction à Paris quand son état s’aggrava durant l’année 1915. Il était officier de l’Ordre du Nichan Iftikhar (Tunisie), officier de l’Instruction publique.

    Roberto Lera Lavenir, son fils, dit « Bobby » homme doux et artiste, très attaché à sa famille, qui fut le lien constant entre les différents cousins éparpillés à travers le monde, se maria avec Gabrielle Versaud, dont il eut Danielle, Lera-Versaud (Villefranche sur Saône, 27 octobre 1939 - 4 juin 2015), épouse de Gérard Dubault, (décédé le 16 décembre 2013). Il divorça en 1954, puis se maria avec Odette-Simone Violet (Lyon, 10 juin 1925 - Chambéry, 8 septembre 1985), dont il eut deux filles, Joëlle et Christine.

     

    Ramón Federico Lera Borrell

    Ramón Federico, né à Mexico le 13 mai 1880, fut consul du Mexique à Kobé, à Yokohama, à Brême de 1909 à 1915, où il eut à charge les affaires françaises au début de la Première Guerre mondiale. Il accorda des passeports mexicains aux Français établis dans le district de Brême, afin qu’ils puissent fuir l’Empire allemand. Le gouvernement français le décora en remerciement de la Légion d’honneur.

    Il fut ensuite consul à Saint-Nazaire de mars 1923 à novembre 1927, à Beyrouth, puis à nouveau à Saint-Nazaire de 1935 à 1939. De la fratrie, il était probablement le plus pudique, devant maladroitement cassant avec ses proches. À Saint-Nazaire, il habitait au 27 rue de l’Océan (actuelle rue Vincent Auriol), à l’angle de la place Carno (Quatre Horloges), au premier étage d’un immeuble, dont le balcon filant donnait sur le Grand Café.

    Il avait épousé la fille d’un industriel, Suzanne Buchy (Mulhouse, 15 décembre 1889 – Saint-Nazaire, 27 octobre 1932). Marguerite la décrivit en 1977 comme étant sa meilleure amie, « pleine de sensibilité et de cœur, d’une timidité maladive (du moins entre 17 et 25 ans) plus tard elle semble avoir pris plus d’assurance »[21] , et issue d’une famille qui « était un exemple de bonne entente, d’amour et de droiture »[22]. C’est par l’intermédiaire de sa sœur Marguerite que Ramón en fit connaissance, durant un séjour à Saint-Pétersbourg. Son décès prématuré fut un drame pour son époux et son fils, mais entraina aussi une brouille définitive avec Marguerite, dont les tenants et aboutissants ne sont pas connus, mais qui marqua la famille. Remarié avec Lisette Gouret, il se réfugia au Mexique en 1940, où il pris la direction de l'Hôtel Fundición à .Zimapán, où il décéda d'une crise cardiaque le 15 novembre 1943. Il fut le père d’Enrique Lera Buchy (Brême, 19 octobre 1910 - Saint-Nazaire, 5 avril 1997), pédiatre, homme aussi charismatique que l’était son grand-père, dont il avait hérité plusieurs traits de caractère, doté d’un humour féroce, qui pouvait d’une phrase laisser son interlocuteur K.O. Après des études de médecine à la Pitié-Salpêtrière à Paris, s’établit à Mexico en 1937, Enrique se maria cinq fois. De sa première union avec Marie-Georgette Moret (Saint-Nazaire 22 septembre 1911 – Montréal 2002), fille d’un lieutenant de vaisseau, le 9 février 1937 à Paris, naquit Mary. Sa cinquième épouse fut Marion Frey (1945-1982), finlandaise, fille de diplomate, rencontrée au Mexique, dont il eut : une fille, Annette, traductrice-interprète, et un fils : Enrique Rodolfo Lera Frey (Mexico, 18 mars 1968 – Saint-Nazaire, 4 mai 2018), qui fut traducteur et écrivain public à Saint-Nazaire. Dans les années 1970, la situation au Mexique devenant inconfortable, Marion persuada son époux de s’établir à Saint-Nazaire auquel elle trouvait les charmes des lumières et architectures des cités balnéaires de Finlande.

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    L'Hôtel Fundición à Zimapán dans l'Etat d'Hidalgo

     

    Fernando Lera Borrell

    Fernando, né à Mexico le 11 février 1882, fut avocat comme son père. Il fut secrétaire de la légation du Mexique à Tokyo en 1907, puis, en 1915, à Oslo. Il dut avancer les frais du voyage et traverser l’Allemagne pour gagner la Norvège. Il s’arrangea avec le journal Le Progrès pour la prise en charge de ses frais en échange d’articles décrivant cette traversée. Il s’amusa à envoyer « une série d’interminables articles tous fabriqués par lui suivant son imagination en y intercalant les renseignements qu’il avait obtenus du consul d’Espagne à Berlin »[23].

    [ajout du 31 octobre 2023] D'après l'Instituto de Investigaciones Históricas -Universidad Nacional Autónoma de México , il épousa en Norvège Nydia Díaz Legizamón, née en 1896, dont il eut un enfant, mais aucun document concernant ce mariage et cette naissance ne figurent dans les archives familiales. [fin de l'ajout]

    Il fut promu ministre du Mexique à Stockholm de 1918 à 1919. En 1921, il reçut la Légion d’honneur, et devint chef du protocole au Ministère des Affaires étrangères à Mexico. À la suite de l’assassinat du général Alvaro Obregón, président du Mexique, le 17 juillet 1928, il quitta la diplomatie et fonda son cabinet d’avocat en association avec Jerónimo Diaz. Il fut chargé plusieurs fois de défendre le Mexique dans des procès internationaux, et aussi le représenter à La Commission interaméricaine en février 1931.

    Homme méticuleux, il avait eu charge de gérer les différents procès qui avaient fait suite au décès d’un frère de sa mère, puis avait géré sur place les avoirs de cet héritage, qui se composait d’actions et d’immeubles datant de l’époque coloniale répartie entre les différents cousins.

    Par-delà l’océan, il veilla sur son neveu Roberto, sans jamais le revoir depuis qu’ils s’étaient sa discrétion était proverbiale, et son intimité mystérieuse. Il est décédé à Mexico le 14 août

    1. Ramón se rendit au Mexique pour régler sa succession et reprendre la gestion des avoirs familiaux.

     

    Edelmira Lera Borrell, madame Ernest E. Beauvais

    Edelmira-Delfina-Amelia Lera Borrell, surnommée « Bébé » née à Saint-Nazaire le 26 mai 1885, et à propos de laquelle nous avons déjà donné de nombreux détails, avait quitté le domicile paternel en 1923 pour s’établir à New York, où elle travailla pour la légation française, en 1940. Depuis Manhattan, elle entretenait des relations épistolières avec le reste de sa famille de façon décousue, tout en le leur reprochant, à chaque courrier qu’ils ne lui écrivaient.

    D’après son frère Fernando, qui lui rendit visite en 1930, elle était très prise par sa vie mondaine.

    À la fois indépendante et très conservatrice dans ses principes, elle épousa, en 1943, un capitaine de la marine marchande des États-Unis d’Amérique, Ernest E. Beauvais, et s’établit à New Bedford dans le Massachusetts. Veuve en avril 1959, elle prit pension dans une famille, et refusa en 1962 la proposition de sa sœur à venir s’établir chez elle à Genève, se considérant trop âgée pour quitter ses habitudes étasuniennes, ce qui fit commenter Marguerite, à la fois soulagée du refus, et rageuse, que sa sœur considéra « l’Europe [comme] un repaire de bandits »[24]. Elle décéda en octobre 1974 à New

    Bedford.

     

    Marguerite Lera Héliard, baronne Eynard

    Marguerite-Marie-Amélie, dite « Guiguitte », née à Nantes le 5 novembre 1888, est la personnalité la plus contrastée de la famille Lera.

    Elle fut traumatisée par l’abandon par sa mère, créature perverse et narcissique, qui ne réapparaissait que ponctuellement que pour jouer la comédie de la maman qui pense à sa petite, mais qui est trop égoïste et indifférente pour avoir de vrais sentiments maternels, et n’était là que pour le plaisir de provoquer des pleurs et du stress à son époux qu’elle calomniait sans raison, pour le plaisir d’être méchante. Marguerite développa un caractère d’amour exclusif, exprimé par un attachement viscéral à certains êtres choisis. Les premiers furent son père auquel elle se dévoua jusqu’au bout, avec une admiration de petite-fille émerveillée et respectueuse ; ses frères et sa soeur, avec lesquelles elle avait, ou pensait avoir, un amour fusionnel, et qu’elle prolongea à ses neveux. Cette attitude se transporta par la suite sur ses amitiés, ayant l’attitude de l’exclusivité de la relation et du dévouement amical au-delà du raisonnable. Le problème avec ce genre de caractère est qu’ils ne supportent pas le moindre signe de fléchissement de l’idéalisation qu’ils se font de la relation affective. Cela fait des gens entiers, parfois manichéens dans leurs raisonnements, ce qui, chez Marguerite, était épaissi par l’art du drame latino-américain et l’art breton de l’abordage en cuirassé celui qui a le tort d’avoir endossé la tenue de l’ennemie. Il en résultait un sentiment d’injustice de sa part dès qu’un différend nuisait à la bonne entente, ce qui provoquait une fâcherie définitive, et une haine viscérale. Elle se fâcha plusieurs fois avec sa fratrie après le décès de leur père, et définitivement en 1932 avec Ramón au moment du décès de son épouse, fâcherie qui s’étendit à son neveu Enrique. Seul son frère Carlos conserva dans sa mémoire une image idéale.

    Nous devons cependant lui reconnaître que fléchie par son neveu Roberto et une approche de l’épouse d’Enrique en 1977, elle avait invité à séjourner chez elle sa petite nièce Annette qui faisait des études de traductrice interprète, mais cela ne se réalisa jamais. Elle tendait ainsi une main par principe vers les gens avec lesquels elle s’était fâchée ; ainsi, en 1961, elle proposa à sa sœur de quitter les États-Unis pour venir vivre chez elle, mais « en espérant quand même qu’elle refuse... mais elle aurait pu ne rien dire ! »[25].

    Ce type de caractère est d’autant plus déstabilisant qu’il est aussi associé à une capacité à être ultra conventionnelle, tout en pratiquant l’autodérision[26] et en faisant preuve d’attitudes fantasques. Ainsi, d’un côté, Marguerite, nous l’avons écrit, n’hésita pas à rompre avec les usages du milieu dont elle était issue en travaillant et aussi en fabriquant dans sa chambre des bijoux fantaisies qu’elle vendait à ses amies et relations, pour pourvoir aux besoins de son père, dont elle fut la garde malade, à Paris, mais déjà, plus jeune, à Saint-Pétersbourg, elle secondait son père comme maitresse de maison, se pliait au cérémonial de cour en assistant au mariage de la grande-duchesse Maria Pavlovna avec le prince Guillaume de Suède, duc de Sudmeranie, le 20 avril 1908, ou en étant présentée le 13 mai 1910[27] à l’impératrice douairière, avec les trois révérences d’usage à exécuter depuis son entrée, jusqu’au trône, mais elle trouva le moyen un jour de cérémonie d’enjamber un balcon pour aller rejoindre ses frères qu’on avait placés dans une pièce différente.

    Plus âgée, elle rapporta un jour dans son appartement des grenouilles, pour lesquelles elle demanda aux enfants du quartier du lui apporter des mouches, et pour ses 90 ans fit réaliser des pochettes chargées de sa photographie d’identité, tout en rappelant, tant par son maintien, que par quelques allusions qu’elle était fille d’ambassadeur et baronne.

    Femme extraordinaire que Marguerite, autant détestée qu’aimée, qui épousa le 6 septembre 1930, à Genève, le baron Eynard, dandy et « homme à femmes », qui avait l’âgé d’être son père, mais qu’elle sut stabiliser avec son caractère d’amoureuse exclusive et dévouée, si ce n’est soumise.

    Camille Alois Eynard, né à Dresde le 2 juillet 1864, était issu d’une famille noble auvergnate passée en Suisse au moment de la révocation de l’édit de Nantes, dont la filiation remonte à un compagnon d’armes de François Ier à Marignan.

    Vers 1830, son grand-père s’était établi à Dresde, où il avait fait enregistrer ses lettres de noblesse en 1840 afin que son fils puisse entrer à l’école militaire. Le père de Camille avait fait sa carrière dans l’armée, et reçu en 1863 le titre héréditaire de baron[28].

    Camille avait été lui-même officier de cavalerie, il avait été marié trois fois, avait divorcé deux fois et était une fois veuf d’une Etasunienne dont il avait un fils et une fille alors majeurs.

    Il était riche au moment de sa rencontre avec Marguerite, mais il avait perdu presque toute sa fortune placée par son père dans une banque allemande, qui fit faillite. À la majorité de ses enfants, la fortune de feu son épouse devant leur revenir, il avait alors géré au mieux ces avoirs, renflouant sa trésorerie en vendant notamment son château de Combertault.

    Ils se rencontrèrent à Paris, mais Gabriel, le fils de Camille, ne fut pas content que son père s’entichât d’une femme plus jeune que lui, jamais mariée malgré ses 46 ans, et qui plus est sans fortune. Il se montra immédiatement désagréable avec elle, et du haut de ses 22 ans, la rencontrant pour la première fois, il lui demanda abruptement :

    – « Quel âge avez-vous, madame ?

    – Le même âge que vous, monsieur », lui répondit

    Marguerite avec acidité.

    Au grand dam de Gabriel, l’Amour ne se tarit jamais entre Camille et Marguerite.

    Ils s’établirent à Genève, et Camille acheta pour elle à Menton, la villa « Zezette », où ils reçurent leurs familles respectives et leurs relations mondaines. Ils n’eurent pas d’enfant, mais Marguerite endossa pour les fils de sa belle-fille, Suzanne-Marie-Antoinette Eynard (Château de Combertault 9 octobre 1909 - Genève, 8 décembre 1998), épouse d’André Pierre Fontana, président de la Cour de justice à Genève, le rôle de grand-mère de substitution, devenant pour eux « Mamita»[29], et leur laissant de merveilleux souvenirs, tous comme elle en laissa aux filles de son neveu Robert.

    A la naissance d’Adalbert Fontana, en 1932, elle lui adressa une carte postale commençant par :

    « Voici, mon chéri, la première carte de ta vie. Je voulais qu’elle te soit envoyée par ton grand-père et par ta " Mamita " qui t’aiment tendrement sans te connaitre. Quand tu la verras plus tard, tu trouveras que les femmes avaient de drôles de mots l’année de ta naissance. »

    La Seconde Guerre mondiale fit perdre à Camille ses derniers avoirs. Devenu fortement malade, il nécessita des soins constants prodigués par son épouse, qui se remit, comme au temps de la maladie de son père, à confectionner et à vendre des bijoux fantaisie. Camille décéda à Genève le 27 août 1942, laissant Marguerite dans un grand désarroi affectif, et une situation financière délicate. Elle fut contrainte à vendre la villa de Menton alors occupée, obtenant du notaire que le contenu soit déposé en garde-meuble, mais celui-ci fut pillé. Elle conserva cependant suffisamment de relations à Menton pour pouvoir y séjourner chaque été chez des amis jusque dans les années 1980.

    Elle devint traductrice aux bureaux genevois de l’O.N.U., puis professeur de français pour adultes, menant une vie modeste, mais confortable. Marguerite eut à s’occuper de sa mère, vivant à Paris, rue de Cadix. Devenue aveugle vers 1950, cette femme, dont elle rechercha toujours un signe d’amour, lui infligeait une caresse entre quatre coups de griffes. Ne pouvant plus la laisser seule, elle fut contrainte de la placer dans une institution religieuse à Bron, à côté de Lyon, afin de ne pas être trop loin d’elle, mais suffisamment pour ne pas avoir la possibilité de la voir régulièrement.

    Marguerite ne parlait jamais, mais continua à en faire entretenir et fleurir la tombe à Bron. Un jour, elle fit au petit-fils de son époux, Adalbert Fontana, le commentaire qu’elle voulait vivre plus longtemps qu’elle. Or, sa mère était décédée à l’âge de 98 ans.

    Entrée dans une maison de retraite de la ville de Genève, le Val Fleuri, elle y gagna son pari en y fêtant ses 100 ans. La ville de Genève a pour habitude de demander à ses centenaires ce qu’ils désirent pour l’occasion, et traditionnellement on les pousse à demander un fauteuil, mais Marguerite, à la grande surprise des autorités, demanda une caisse de champagne. Elle savait encore par cœur réciter l’acte premier d’Athalie de Racine. Elle décéda le 22 janvier 1989. Un grand nombre de ses anciens élèvent suivirent son convoi funèbre. Elle légua son corps à la science.

     

    [1] A propos des représentations consulaires à Saint-Nazaire lire : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/08/consuls-et-vice-consuls-nazairiens-6142257.html

    [2] Précisons ici, pour les non-hispanophones, que le nom se prononce « léra », en roulant le R.

    [3] A propos de Marc Hélys : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/04/marie-lera-saint-nazaire-iyi-ak%C5%9Famlar-6141565.html

    [4] Cet article, publié initialement dans el numéro 98 de la Revue Histoire & Patrimoine, a été possible grâce à l’amabilité et aux minutieuses recherches en leurs archives et souvenirs, de mesdames Annette Lera et Joëlle Bontempelli, ainsi que de monsieur Adalbert Fontana, qui nous ont fait copie de nombreux documents officiels et intimes, et à qui nous adressons encore une fois nos remerciements.

    [5] Ce n’est qu’en 1886 qu’il y fut supprimé.

    [6] Lettre de Marguerite Lera, baronne Eynard, en date du 5 mai 1977, et recherches généalogiques personnelles.

    [7] Exemple de son éducation aristocratique : pour choisir un cuisinier, il lui faisait réaliser une omelette, partant du principe que celui qui sait sublimer ce qui est en soit le plus simple, mérite son emploi.

    [8] Souvenirs de famille, manuscrit du docteur Enrique Lera Buchy.

    [9] Originaires de Madrid, les Borrells se sont établis au Mexique au XVIIIe siècle.

    [10] Elle était la sœur de monseigneur Laborde, évêque de Blois, et d’Anastase Laborde (Saint-Nazaire29 juillet 1838 – Paris, 21 décembre 1870), lieutenant de vaisseau, tombé au champ d’honneur en défendant la capitale face aux Prussiens, et dont l’une des places de la ville propage encore le nom.

    [11] Frederico Ignacio Juan Borrell (Mexico, le 19 mai 1863 – Marseille, 31 janvier 1899), chancelier du consulat du Mexique à Saint-Nazaire, puis consul du Mexique au Havre ; marié à Bordeaux le 21 octobre 1889 avec Louise-Thérese-Françoise-Isabelle Gufflet (Maurice 9 mai 1862 - Marseille, 25 août 1898), fille d’un agent de change ; d’où : Isabelle Borrell (1890-1890) et Enrique Borrell (1892-1892). Ils étaient tous tuberculeux

    [12] Témoignage olographe rédigé le 8 décembre 1995, de madame Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, d’après lecture de l’autobiographie inédite et disparue de Marie Lera.

    [13] Souvenirs de Marguerite transmis oralement à monsieur Adalbert Fontana.

    [14] Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, op. cit.

    [15] Archives diplomatiques, ministère mexicain des Affaires étrangères.

    [16] Docteur Enrique Lera Buchy, op. cit.

    [17] Les souverains et ministres offraient leur portrait photographique en cadeaux aux diplomates étrangers.

    [18] Dates du calendrier grégorien.

    [19] Docteur Enrique Lera Buchy, op. cit.

    [20] Docteur Enrique Lera Buchy, op. cit.

    [21] Lettre de Marguerite Lera, baronne Eynard, en date du 5 mai 1977, op. cit.

    [22] Lettre de Marguerite Lera, baronne Eynard, en date du 5 mai 1977, op. cit.

    [23] Lettre de Ramón à Roberto, envoyée de Mexico le 7 mai 1936, à l’occasion du règlement de la succession de Fernando.

    [24] Lettre de Marguerite à Roberto datée du 9 août 1962.

    [25] Souvenirs de Joëlle Bontempelli.

    [26] À un monsieur qui sonna chez elle en demandant à voir monsieur Lechat, elle répondit en souriant : « Non vous êtes chez Les rats / Lera. »

    [27] Date du calendrier grégorien, soit le 30 juin du calendrier julien.

    [28] Camille était, entre autres, l’arrière-petit-neveu du banquier et philanthrope Jean-Gabriel Eynard qui participa activement à l’indépendance grecque.

    [29] Maman en espagnol.

  • Nouveau livre de l'AREMORS

     

    Le tome 5 d'une série sur l'histoire sociale, économique et politique de Saint-Nazaire est à paraître début septembre prochain, aux éditions Le Petit Pavé, Cet ouvrage est le travail de l'association de l'AREMORS, fondée en 1980 par Pierre Mahé, Jean Aubin et Robert Gautier, Sa SOUSCRIPTION est désormais OUVERTE EN LIGNE, avec un bon de commande-souscription à télécharger, imprimer et envoyer sur le lien suivant :

    https://drive.google.com/file/d/1AP5HW2h1JaqlhUfBh9teXQWGieAZvxOc/view?fbclid=IwAR3L1FV_G4BHlBR-T7SKQF-d2HIHMFZjeiSNrGikUH6aA06TEiEUWbSHyeU

     

    Prix de souscription 25 €, frais de port offert par l'éditeur (Prix public à parution : 28 €).

    Envoyer le BON de commande avec un chèque à l'ordre des : "Editions du Petit Pavé",

    - soit à l'adresse Ed. Petit Pavé - BP 17 - 49320 Brissac-Quincé

    - soit à l'association AREMORS, chez Michel Mahé (président), 9 rue de la Jamaïque, 44600 Saint-Nazaire.

  • Jacques Loire est décédé.

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    Le maitre verrier Jacques Loire, qui réalisa en outre nombre de vitraux en Presqu’île a été enterré hier à Chartres. Il allait avoir 89 ans.

     

    En lisant le faire-part, un mot m’est venu immédiatement à l’esprit pour résumer Jacques : élégance. Tout était élégance en lui, la personne, les idées, le geste, les goûts ; et c’est ainsi que je le garde en mémoire, vêtu de clair dans la lumière du ciel et des feuillages émaillés des goutes d’une averse, le jour où j’ai eu la chance de le rencontrer. Il m’avait reçu et fait entrer dans son univers, montrant ce qu’il faisait, sans jamais parler de lui, préférant raconter les travaux de son père et ceux de ses fils. Il avait eu la gentillesse de m’ouvrir les Archives Loire afin que je puisse consulter les dossiers concernant les paroisses de Saint-Nazaire, et m’avait offert un carte postale rarissime figurant les grilles de l’Eglise Saint-Nazaire réalisée par Gabriel, (grilles qui furent volées durant le Déblaiement). Sa modestie était telle, qu’il fut presque embarrassé de me confirmer que c’était bien lui, alors jeune-homme, qui avait réalisé les vitraux de la Chapelle de Toutes Aides, et que ce furent ses premières œuvres ; vitrages qui déjà résumaient sa poésie intérieure et l’ardence de son âme. Puis après un silence, il m’avait demandé ce qu’étaient devenu ceux qu’il avait fait une chapelle à La Baule Escoublac, et parlé de la maison de Batz, de l’église de Saint-André-des-Eaux

     

    A Saint-Nazaire, durant la reconstruction, il avait assisté son père pour les vitraux de Notre-Dame de l’Immaculée Conception. Jacques m’avait expliqué que pour les indemnités de guerre il fallait déclarer quel était le genre des vitraux détruits, et que le montant variait si c’était une simple grisaille ou des figures, obligeant les curés à mentir un peu pour leur paroisse….

    Et puis il y a toutes ces verrières pour les paquebots construits aux Chantiers nazairiens qui naviguent par le monde.

     

    Un grand artiste et un homme exceptionnel nous a quitté.  

  • Ker Jean Léone : la Villa Blancho à Villès-Martin

    Un article de L’Eco de la Presqu’Ile, parut le 25 juin 2021, informe que la villa de l’ancien maire de Saint-Nazaire, François Blancho, va être détruite pour laisser place à un immeuble nomme « Horizon »[1]. Les réactions de nos lecteurs ont été vives et nombreuses.

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    Villa Ker Jean Léone le 14 mai 2021 © Odoevsky Maslov

     

     Ce bâtiment est voué à la démolition depuis 2008, quand les héritiers l'ont vendu à un promoteur. Le permis avait été bloqué par intervention du voisinage, grâce à eux nous avons échappé à une nouvelle tour cages à lapins sur la pointe de Villès-Martin, le projet initial ayant été finalement rabaissé et limité en largeur à l’emprise de la maison actuelle, mais, car il faut toujours un mais dans le tango contraint de concessions de la municipalité avec les promoteurs, l’immeuble sera le double en profondeur et aura son accès commun là où se trouvaient le portail permettant l’accès à la cour et au garage. On nous avait cependant annoncé que la maison serait simplement modifiée, qu’on en garderait la façade, on a surtout raconté beaucoup de choses et jamais rien promis et surtout pas signé d’engagement à faire cela. La villa sera donc rasée pour faire place à un bloc avec loggias et balcons sur l’Estuaire et arrière de parcelle, aveugle, ou presque, sur les côtés, et bien sûr toit plat de rigueur, puisque que les toits d’ardoises n’ont plus le droit de cité depuis l’ère Batteux, maire qui était totalement indifférent au fait que cette maison était un témoignage important de la Reconstruction et la résidence d'un prédécesseur qui a marqué son temps en bien. On crie « au cube ! », mais reconnaissons que tous les bâtiments fonctionnels sont des cubes plus ou moins bien habillés. Le bâtiment est correct à défaut d’être imaginatif, on s’y habituera donc, car après tout il fera moins verrue que d’autres dans le quartier. Certes, nous ne pouvons nous fier au dessin sorti de chez Visiolab, celui-ci comportant notamment des lumières qui n’existent pas et des ombres improbables, le dessin de celles des arbres sur la chaussée qui s’arrêtent nettes au bord du trottoir tel le nuage de Tchernobyl à la frontière française étant un exemple édifiant de ce qui est sur la brochure des promoteurs, mais qu’on ne découvre pas exactement sur place une fois réalisé.

     

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    La future résidence « Horizon » © Visiolab

     

     Voici l’occasion de raconter l’histoire de cette villa, dont les Nazairiens ont oublié qu’elle se nomme Ker Jean Léone, d’après les prénoms du fils et de la fille du commanditaire : Jean-François (Saint-Nazaire 18 octobre 1922 - 7 décembre 2020), et Léone-Valentine (Saint-Nazaire 14 mai 1928 - 20 février 2020 Rueil-Malmaison).

     

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    Adresse des Blancho à la villa Ker  Jean Léone © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

     

     François-Valentin Blancho, (Saint-Nazaire 28 juin 1893 - 2 février 1972 Saint-Nazaire), dernier d'une fratrie de trois, qui avait perdu père et mère avant ses huit ans, ouvrier chaudronnier à 1.125 fr de salaire, fit carrière en intégrant le Syndicat de la métallurgie de Saint-Nazaire, puis son initiation à la loge du Trait d’Unions, et se constitua avant-guerre une fortune personnelle grâce, à partir de 1925 à ses mandats de maire, (il multiplia par quatre l’indemnité fixée par son prédécesseur, Vivant Lacour, passant de 10.000 fr à 40.000 fr, au prétexte qu’il lui fallait « se payer des costumes »), en étant conseiller général en 1925, député en 1928, et surtout en devenant sous-secrétaire d'État à la Marine en 1936. Tous ces mandats ne pouvaient le laisser se contenir en la modeste maison au cinq minuscules pièces que son épouse, née Leone-Germaine Leroux, fille d’un célèbre syndicaliste local, lui avait apporté en dote dans le quartier populaire de Cardurand. En 1937 François Blancho acquit à la Villès-Martin une villa avec jardin entouré de grilles, garage et buanderie séparés. La maison comportait salon, salle à manger, cuisine, trois chambres et une salle de bain, et dataient du début du 20ème siècle. Cette maison était un chalet, c’est à dire une maison de plaisance habitable qu’à la belle saison. Elle n’en était pas moins un signe extérieur de richesse et d’adoption des meurs de la bourgeoisie nazairienne qui prenait ses quartiers d’été sur la côte entre Villès-Martin et Pornichet.

     L’Occupation allemande entraîna la réquisition des maisons de la côte pour loger les militaires. La famille Blancho resta à Cardurand. François Blancho ayant été arrêté à titre d’otage, il fut exfiltré avec sa famille en Zone-Libre en février 1942 sur intervention du Marcel Déat, ami de Laval, meneur politique qui avait trahi les Socialistes pour se faire fasciste et zélé collaborateur. Cela sauva aussi les Blancho du bombardement britannique du 28 février 1943 durant lequel disparurent dans les flammes leurs deux maisons. On l’ignore trop souvent, mais la Villès-Martin et Porcé furent aussi ciblés, même si les bombes n'y touchèrent qu’une vingtaine de villas.

     

     A la Libération François Blancho récupéra ses fonctions de maire, et œuvra à la reconstruction de Saint-Nazaire. N’ayant plus de logement, il loua la villa Ker Adrienne A Villès-Martin, dans laquelle il résida jusqu’en 1958, (il la laissa ensuite à son fils), et fit les démarches pour toucher les indemnités de guerre que l’Etat versait pour que les propriétaires reconstruisent immeubles et entreprises.

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    Adresse de François Blancho à la villa Ker Adrienne © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

     

    François Blancho s’adressa à l’architecte Claude Dommée, (1902-1985), à qui l’on doit les halles du centre-ville, et dont les archives sont aujourd’hui aux Archives de Saint-Nazaire[2], et qui contiennent un dossier complet des commandes de l’ancien maire.

     Dans une lettre du 28 mai 1953, que nous reproduisons, François Blancho informa son architecte qu’il avait touché 5.588.228 fr pour sa villa de Villès-Martin, et 2.063.043 fr pour sa maison de Cardurand, disposant ainsi de 7.651.271 fr au total, qu’il décida d’investir intégralement dans la construction d’une nouvelle villa à Villès-Martin.

     

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    Lettre de François Blancho annonçant à Claude Dommée le montant de ses dommages de guerre © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

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     Claude Dommée proposa deux projets, l’un dans l’esprit de Robert Mallet-Stevens, l’autre inspiré d’une maison de banlieue anglaise.

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    Projet refusé © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

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     Ce fut le second qui fut choisi, avec la conception de deux appartements. En effet, pour justifier le rassemblement des indemnités de deux bâtiments sur un seul, il fallait qu’il y ait deux logements. Monsieur et Madame Blancho se réservèrent le rez-de-jardin, et eurent un couple de locataires à l’étage.

    Les plans conservés aux Archives de Saint-Nazaire comprennent de comprendre la disposition.

     

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    Plan du rez-de-jardin © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

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     L’appartement des Blancho comportait une chambre, un bureau et un living en façade, une cuisine, une chambre, une salle de bain et WC côté cour.

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    Plan du premier étage © Fonds Dommée Archives de Saint-Nazaire

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     Celui des locataires, deux chambres et un living en façade, une cuisine, une chambre, une salle de bain et WC côté cour.

    Un hall commun donna sur la chaufferie et le garage accessible depuis la cour, et conduisait à un second hall avec montée d’escalier, en chêne teinté à rampe d’acajou, conçue pour desservir une résidence privée et non un immeuble de rapport, avec par-dessous l’accès à une cave.  

     

    La maison fut livrée au printemps 1958, et s’accompagna d’infiltration au niveau de la terrasser du bowwindow.

     

    Au bout de quelques années, le bail du premier étage fut arrêté et la maison entièrement investie par le couple Blancho ; le cuisine du premier étage fut transformée en buanderie.

    Vendue à la Ville après le décès de François Blancho, qui ne la concevra qu'un temps et la revendit à un entrepreneur, elle fut à nouveau vendue en 2008 à un promoteur. La maison était habitée à l’année mais avait depuis longtemps un aspect fantomatique. Le jardin était moussu et rase, la façade piquée par le sel et les embruns, on ne nettoyait plus les vitres et les rideaux, obligeant à conserver quelque soit l’heure du jour des lampes d’appoint allumées.

    A peine vidée, la villa fut vandalisée, comme le montrent ces photographies prises le 13 juin 2008, obligeant le promoteur à faire murer les lieux.

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    Façade © Odoevsky Maslov

     

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    Bowwindow et terrasse © Odoevsky Maslov

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    Hall © Odoevsky Maslov

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    Montée d'escalier © Odoevsky Maslov

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    Détaille de la rampe © Odoevsky Maslov

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    Cheminée du living © Odoevsky Maslov

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    Bureau de François Blancho © Odoevsky Maslov

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    Le living du premier étage devenu chambre de maître © Odoevsky Maslov

     

    S’en suivirent treize années de procédures pour aboutir à projet énoncé le 23 avril 2021 dans l’Echo de la Presqu’Ile.

     

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    Villa Ker Jean Léone le 14 mai 2021 © Odoevsky Maslov

     

    [1] https://actu.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire_44184/saint-nazaire-sur-le-front-de-mer-la-maison-de-lancien-maire-va-etre-rasee-pour-construire-des-logements-haut-de-gamme_42955431.html?fbclid=IwAR0AbuZppZntw_16wSgS4uvRD9tiE4yBHnOMsIxmgehrbpHXlbgPzg3ufn8

    [2] https://archives.saintnazaire.fr/ark:/28388/gjl6zd17cxh4

  • Décès de monsieur Billon, président de Mémoire et Savoir Nazairiens

    Nous venons d'apprendre le décès, survenu ce jour, de Bernard Billon, président de l'association Mémoire & Savoir Nazairiens.
    Nous adressons à sa famille, à ses proches, et aux membres de son association, nos condoléances.

  • Narcisse Pelletier

    Le don de la moitié du budget nécessaire à la restauration du monument funéraire de Narcisse Pelletier au cimetière de La Briandais à Saint-Nazaire a été voté par le Conseil de Saint-Gilles-Croix-de-Vie le lundi 10 mai 2021 au soir.
     
    La finalisation de l'intervention de la Ville de Saint-Nazaire en cours.

  • Le Lord de La Villès-Martin

    Si vous vous baladez à Villès-Martin, en la rue Marcel Sembat, vous verrez la Villa Castelli, jolie demeure en retrait de la rue, au milieu d’un vaste jardin. Cette villa fut l’habitation d’un lord, Ernest Arthur George Pomeroy 7ème vicomte Harberton, pair du Royaume-Uni.

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    Lord Ernest Arthur George Pomeroy 7ème vicomte Harberton

     

    Né le 1er décembre 1867, cet aristocrate d’origine irlandaise, issue d’une famille anoblie en 1783, élevée au rang de baron Harberton of Carbery dans la pairie d’Irlande, et de vicomte Harberton en 1791 dans la pairie d’Angleterre.

     

    lyston court,lord ernest arthur george pomeroy 7ème vicomte harberton, Fairlie Harmer vicomtesse Harberton

    Armoiries des Pomeroy of Herbeton

     

    Ernest était fils de James Spencer Pomeroy 6ème vicomte Harberton, (23 novembre 1836 – 1912), et de Florence Wallace Legge, (14 juin 1843 – 30 avril 1911). Sa mère fut une personnalité mondaine atypique. Tireuse à l’arc reconnue par plusieurs institutions sportives, présidente de la Rational Dress Society, une société qui « contre l'introduction de toute mode vestimentaire qui soit déforme la silhouette, gêne les mouvements du corps ou tend de quelque manière à nuire à la santé », et donc principalement contre le corset et les jupes traînant au sol, préférant les « jupes courtes », dont l’ourlet était remonté à 13cm du pavé. Lady Florence était l’amie d’Oscar Wilde et de son épouse Constante, membre, elle aussi, de la Rational Dress Society, à laquelle l’écrivain apporta son concours à la promotion avec son essai « La philosophie de la robe », publié dans The New-York Tribune en 1885, ne s’étant pas risqué à le faire dans un Royaume-Uni trop conservateur. Lady Florance inventa « la jupe divisée », c’est-à-dire la « jupe culotte », afin de pouvoir faire de la bicyclette ; elle était en effet membre de la Lady Cyclists'Association, qui avait pour but de promouvoir l’usage pour les femmes de ce moyen de transport. En 1899, la presse mondiale relata le procès qu’elle intenta contre une aubergiste qui ne lui avait pas permis l’accès à sa salle de restaurant à elle et ses compagnes d’excursion, lui indiquant le pub de son établissement où se rassasiaient les ouvriers. La cour donna raison à l’aubergiste, estimant qu’elle n’avait pas refusé de les servir, mais simplement orienté dans une salle où leurs tenues étaient plus appropriées.

    Florence Wallace Pomeroy, Viscountess Harberton, lyston court,lord ernest arthur george pomeroy 7ème vicomte harberton, Fairlie Harmer vicomtesse Harberton

    Florence Wallace Pomeroy, viscountesse Harberton

     

    Ernest grandit à Londres et au manoir de Lyston Court à Wormelow Tump dans le Herefordshire, entre cette mère militante et fantasque, et un père qui ne sortait pas de son club et mangeait son bien et la dote de sa femme en ne faisant rien.

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    Lyston Court en 1903

     

    Il reçut une éducation typique de son milieu, c’est-à-dire décousue et pleine de choses inutiles, et poussa la perfection en choisissant l’étude de la Philosophie. Il ressentit fortement les défauts de cette éducation à l’âge adulte tout en végétant à la manière de son père, à une époque où l’oisiveté était une marque de bonne naissance. Entré en possession de sa part d’héritage à 45ans, il se mit à la critique, et à théoriser l’enseignement, publiant quelques plaquettes oubliées, mais surtout en 1917, un livre passé inaperçu en raison de la guerre, mais qui est depuis revenu à la mode dans certains cercles, « How to Lengthen Our Ears: An Enquiry Whether Learning from Books Does Not Lengthen the Ears Rather Than the Understanding », titre que l’on peut traduire par « Comment devenir un âne : une enquête pour savoir si apprendre des livres ne rallonge pas les oreilles plutôt qu'elle n’affine la compréhension »[1]. Les éléments principaux de cet ouvrage sont une reprise de Rousseau, comme le fait que l’on enferme contre leur nature des enfants dans une structure qui les empêchent de développer leur qualités innées, le sens de l’observation et du jugement, que l’enseignement prodigué en Occident formate des esprits incapables de penser par eux-mêmes, favorisant les idiots qui apprennent par cœur sans comprendre ce qu’ils retiennent, et s’évéreront des incapables sur le terrain, et inculte des choses inutiles à des groupes qui ne sont destinés qu’aux travaux manuels, alors qu’on aurait raison de généraliser l’enseignement technique et pratique à l’ensemble des classes sociales afin que chacun soit capable d’autonomie. Dissertation qui est toujours d’actualité un siècle plus tard, mais qui demeure dans l’idée que l’on ne doit pas encourager les transferts de classes sociales. On reconnaît aujourd'hui à Ernest les qualités de philosophe et de théoricien de l’Education.   

     

    Le vicomte Harberton s’établit vers 1920 à Saint-Nazaire, faisant de la villa Castelli sa résidence, et ne gardant à Londres que l’adresse de son club. Il ne s’y établit pas seul, à quelques pas de sa maison se trouvait une autre habitée par la peintre Fairlie Harmer, (°Weymouth 1876), artiste de grand talent, formée à la Slade School of Fine Art, reconnue de son vivant, qui était son amante depuis des décennies, mais qu’il se refusait d’épouser, car, quoique fille d’un colonel, elle était de condition inférieure à la sienne. Le Vicomte avait beau plaider l’évolution et la réforme, celles-ci avaient définitivement leurs limites et ce bornaient en réalité qu’à des considérations superficielles, telles que refuser de porter un chapeau pour sortir, ce qui surprenait beaucoup la population nazairienne à une époque où être dehors tête nue était une indécence[2]. Le vicomte Harberton était ainsi très reconnaissable en ville, car il était leur seul « monsieur », en complet sans couvre-chef, son crâne dégarni luisant au soleil, le coup noué d’un foulard de soie criard noue de façon improbable en une sorte de tresse, la barbe blanche coupée dans une tentative de carré aux ciseaux à oncles, mais aussi par le fait que son alcoolémie maintenue en constante sans ivresse l’avait revêtu d’un masque de trogne rouge au nez comparable à une fraise, et doté d’un ventre démesuré qui partait en pointe s’affaissant en direction de la pointe de ses pieds. Il avait l’air d’avancer comme un pingouin, dans ses souliers vernis qui devaient lui meurtrir les pieds, avec les ondulations d’un culbuto qui cherche à se stabiliser. Sa consommation d’alcool lui joua un mauvais tout, en février 1925 il fut victime d’une escroquerie.  Ayant demandé à un garçon du café Mon Idée de lui faire différents achats de spiritueux et quelques autres menues emplettes, le garçon lui prit quelques centaines de francs, lui apporta ses commandes, mais ne régla pas les factures qui lui furent présentées par les commerçants quelques jours plus tard.

    Le Vicomte avait une vie relativement recluse, jugeant le monde avec dédain du haut du perron de sa villa. Il ne recevait pas, sortait peu, passait son temps entre ses livres qui emplissaient plusieurs pièces de sa résidence, peu et très simplement meublée. La salle à manger n’était faite que pour deux personnes, et le service fait par une gouvernante qui faisait aussi office de cuisinière et de femme de ménage, ce qui était véritablement scandaleux au regard des aristocrates nazairiens qui jamais ne se seraient fait servir à table par une femme, même coiffée de la coiffe nazairienne en sabot et d’une robe noire par-dessus laquelle elle revêtait un tablier à broderies bretonnes. Le décor de cette salle à manger était fort simple, une table carrée pliante Louis-Philippe, dotée d’un côté d’un solide fauteuil de pub à barreaux tournés pour supporter le poids du Vicomte, et à la droite du maître de maison d’une chaise de concert empire pour sa compagne, une commode empire servait de dressoir, un grand buffet aux lignes droites contenait l’argenterie. Quelques tableaux de Fairlie Harmer décoraient les murs, et de petites tables le long des murs servaient à disposer des romans en cours de lecture. Le salon était plus luxueux, contenant des restes de l’appartement de ses parents, tableaux anciens et portraits, meubles Louis XVI de petite tailles rangés côte à côte le long des murs, canapé et fauteuils dorés Regency.

    Fairlie Harmer avait un appartement à Cheyne Walk au quartier de Chelsea, et avait son atelier résidence à Saint-Nazaire dans une villa mitoyenne de la villa Castelli. En réalité elle vivait avec son amant à la Villa Castelli et que tout le monde le savait. Membre du New English Art Club depuis 1917, elle exposait chaque année à Londres, à la Royal Academy, au New English Art Club, à la Royal Society of British Artists, aux Grosvenor Galleries, aux Walker Galleries, et aux Beaux Arts Galleries depuis leur ouverture en 1923, établissement d’avant-garde extrême réputé. Par ailleurs elle faisait partie du Groupe artistique de Saint-Nazaire, et y exposa plusieurs fois, notamment en février 1933 avec un portrait du vicomte qu’elle avait exposé en novembre 1932 à Londres, le figurant dans sa salle à manger, et que La Démocratie de l’Ouest du 25 février 1933 qualifia de « criant de vérité », et à propos duquel L’Ouest Eclair du 5 février commenta perfidement « rien en manque… pas même le verre de gin ». Si Fairlie se permit d’exposer ainsi le portrait du Vicomte saisi dans son intimité, c’est qu’il avait fini par l’épouser le 1er mars 1932 à Monte-Carlo au Consulat britannique, faisant le 23 juillet suivant l’étonnement du Daily Mail qui parla de « mariage secret », relayé le 2 août suivant par L’Ouest Eclair. On prétendit que la nouvelle vicomtesse était sœur d’un général décoré de la légion d’Honneur et de la Croix de Guerre, ce qui était faux, son frère Charles D'Oyly Harmar, (1878-1963), était colonel au Royal Marines.

     

     

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    Fairlie Harmer, vicomtesse Harberton, en tenue de paresse du Royaume Uni dans son salon de Saint-Nazaire en 1937 avant le départ à Londres pour assister au Sacre du roi George VI.

     

    A la déclaration de guerre, le Vicomte et la Vicomtesse repartirent au Royaume-Uni. Ernest décéda le 22 avril 1944, le titre passa à son frère Ralphe Legge Pomeroy, 8ème vicomte Harberton, (1874–1956).

    Fairlie décéda le 13 janvier 1945, elle repose au Green Kensal Green Cemetery. Une rétrospective de son travail a eu lieu aux Leger Galleries en 1945. Ses œuvres se trouvent dans les collections de l'Imperial War Museum, University College Londondes musées de Glasgow, Birmingham, Southampton, Wolverhampton, et Bradford.

     

     

     

    [1] Consultable en ligne : https://archive.org/details/howtolengthenour00harbiala

    [2] Lire à ce propos l’article de J.-B. Gautreau dans l’Echo de la Loire du 12 juillet 1925.

  • Les Joly, une famille de commerçants

    S’il est une famille de commerçants qui marqua durablement la mémoire des Nazairiens, ce sont les Joly, qui durant un siècle furent à la tête de certains de plus grands magasins de confection et vente de vêtements de Saint-Nazaire.

     

    Les Joly sont originaires de la région de Saint-Brieuc, ils s’établirent à Saint-Nazaire en 1855 avec Prosper-Marie Joly, (La Chèze 29 mai 1804 - Saint-Nazaire 27 février 1871), qui fut d'abord appareilleur à Plouër-sur-Rance, puis contremaître à Saint-Julien-de-Concelles, et qui s'établit à Saint-Nazaire où ouvrit un commerce de confection pour homme rue de Villès Martin, à l’emplacement de ce qui fut ensuite le Grand Hôtel des Messageries, actuel Lycée expérimental. Mais le magasin étant trop petit et mal situé à l’époque, il déménagea au 2 rue Villès Martin, à l’angle de la rue de la place des Bassins. Son commerce, sous l’enseigne Au Progrès, était florissant, et il a laissé dans la mémoire nazairienne la figure d’un vieux monsieur sympathique qui se dépassait dans un demi-tonneau[1]  « minuscule » tiré par un poney, et dont les écuries étaient rue de la Gare[2]. Il avait acquis aussi une partie de l’ancienne ferme de Bellefontaine, face au Rocher du Lion, où il se fit construire un chalet de plaisance qu’il baptisa Pro Leo, (Le Lion).

    Il laissa plusieurs enfants, dont des fils qui furent aussi dans la confection :

     

    1. Prosper Ier Marie Joly, (La Chèze 29 mai 1804 - Saint-Nazaire 27 février 1871), époux de Rosalie-Jeanne-Joséphine-Athalie Glemée, (Plouër-sur-Rance 1820 - Saint-Nazaire 6 mai 1893)[3], d’où :
      • Prosper II Marie-Joseph, (Plouër-sur-Rance 13 septembre 1839 – Saint-Nazaire 10 août 1920), marié le 21 août 1872 à Saint-Nazaire, avec Rose Couronné, (Saint-Nazaire 25 février 1855 – 6 mai 1945)[4], d’où :
        • Prosper III, (Saint-Nazaire 11 septembre 1873 - Saint-Nazaire 16 septembre 1943), clarinettiste doué, il fut le solo de la musique de son régiment[5]; marié le 19 octobre 1901 à Toulouse avec Jeanne-Alexine-Léonie Serville, d’où
          • Marie-Thérèse, (Saint-Nazaire 15 novembre 1904 - Anglet 1er juillet 2006), mariée civilement le 22 septembre 1925 à Saint-Nazaire, et religieusement le 23, avec Charles Alcide Victor Picaud, (Nantes 25 septembre 1897 - Bayonne 26 septembre 1988), administrateur d'immeubles à Paris en 1946, (à l’occasion de leur mariage, son père invita tous ses employés au mariage religieux et n’ouvrit aucune de ses boutiques).
        • Raoul (décédé à l’âge de 10 mois le 2 janvier 1876 à Saint-Nazaire)
        • Raoul (décédé à l’âge de 8 mois le 2 octobre 1876 à Saint-Nazaire)
        • Rose, (Saint-Nazaire 11 décembre 1879- Nice 19 mai 1952), épouse de Simon Arnaud, (1868- Nice 1949), capitaine au long cour, chevalier de la légion d’honneur et officier du mérite maritime, croix de guerre, avec qui elle était établit à Nice, au palais Flora 72 rue Aubert ;
        • Alice (Saint-Nazaire 24 aout 1881 – Saint-Nazaire 21 juillet 1952) ;
        • Karl Joly, (Saint-Nazaire 14 mars 1889 – Saint-Nazaire 8 mai 1974), marié le 3 mars 1920 à Saint-Nazaire avec Geneviève-Jeanne-Marie Moyon, (Nozay 1887- Saint-Nazaire 3 décembre 1973), fille de Euphrem-Marie Moyon, pharmacien, et de Geneviève-Marie-Eugenie Tilly, elle était veuve de l'industriel poulieur nazairien Georges-Louis Certain, (1882- ), dont elle eut un fils :
          • Georges-Gabriel-Euphrem Certain, (Saint-Nazaire 25 mai 1909 - ), marié à Paris 20° le 25 mai 1932 avec Raymonde-Jeanne Huart ;
      • Rosalie (1841 - 15 juin 1869) ;
      • Emile ;
      • Constant ;
      • Philomène-Françoise, épouse de Rosendo-Apollinaire Blanco, (Tapia (province d'Oviédo) 1842 - Saint-Nazaire 10 juillet 1903), consul du Chili à Saint-Nazaire[6];
      • Marie-Françoise-Augustine-Emilie, (Plouër-sur-Rance 24 novembre 1845 - ), rentière, mariée 1er avec Eugene Victor Dulauroy, († à l’âge de 40ans le 23 janvier 1879 à La Roche-sur-Yon), capitaine d’infanterie ; 2ème le 7 septembre 1880 à Saint-Nazaire avec Michel dit Simon Nicolas (Thionville 1834 -  Saint-Nazaire 7 juin 1887), capitaine d’infanterie à la retraite, chevalier de la légion d’honneur ; d’où des deux lit :
        • Alexandre Dulauroy, († 11 jours le 14 aout 1877) ;
        • Jules-Gaston Nicolas, (La Roche-sur-Yon 21 décembre 1881 - Nantes 5 novembre 1965), marié le 24 novembre 1919 à Saint-Denis avec Jeanne-Marie Guerrier ;
        • Jeanne-Marie-Amélie Nicolas, (Saint-Nazaire 1er mars 1884 – Paimboeuf 6 novembre 1960) mariée le 25 avril 1916 au Mans avec Yves Quntin dont elle divorça.
      • Auguste-Joseph, (né à Saint-Julien-de-Concelles 23 janvier 1852 – Saint-Nazaire 2 avril 1884), époux d’Eulalie-Berthe Oland,
      • Joseph-Théogene, (Saint-Nazaire 4 janvier 1856 - L'Île-d'Yeu 14 septembre 1901 marié le 4 mai 1882 à Saint-Nazaire avec Marie Julie Boyée, (Saint-Nazaire le 20 octobre 1856 - ) , d’où :
        • Madeleine-Jeanne, (Saint-Nazaire 17 décembre 1888 - Saint-Nazaire 23 mars 1891) ;
        • Edmond, (L'Île-d'Yeu 10 mars 1900 (samedi) - Le Bourg - Saint-Brevin-les-Pins 7 mai 1975), marié le 14 juin 1924 à Saint-Nazaire avec Hélène Pauline Marie Thoby, (La Chapelle-des-Marais 12 septembre 1893 - Saint-Nazaire 3 février 1981)[7]
      • Amélie (1858 – 1er janvier 1864) ;
      • Natalie (mars 1862-1er septembre 1862)

     

     

    Les fils de Prosper-Marie furent tous dans la confection masculine, (chemisiers, chapelier, tailleur).

    Prosper II ouvrit sa boutique au 46 rue de Nantes, actuelle Henri Gautier, sous l’enseigne La Belle Jardinière, immense magasin qui faisait l’angle avec la rue de l’Amiral Coubert, et qui resta longtemps le plus important de la ville, et il ouvrit sous la même enseigne des succursales à Guérande, Savenay, Pontchâteau et Blain[8].

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    L’enseigne parisienne Belle Jardinière de Paris, qui avait des succursales à Lyon, Bordeaux, Angers, et Nantes, publiait sur ces publicités qu’elle n’avait pas de succursale à Saint-Nazaire. La boutique de Saint-Nazaire resta dans sa descendance en indivision. Les héritiers se partagèrent les autres boutiques, dont la direction fut confiée à Prosper III, et touchèrent des indemnités de guerre pour la destruction du magasin de Saint-Nazaire durant les bombardements. Seul Karl sortit de l’entreprise de Prosper II, préférant reprendre la boutique de ses oncles Constant et Emile. Emile avait repris le commerce paternel de Prosper Ier ; Constant avait ouvert en face, au 1, A Jean Bart, mais peu doué pour le commerce il rejoint rapidement Emile.

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    L’ancien A Jean Bart devint Au printemps propriété de monsieur Aymard, puis de monsieur Laurenceau en 1910. Emile et Constant nommèrent leur commerce commun Au Projet et A Jean Bart qui devint ensuite Au Meilleur Marché de Saint-Nazaire ; ce magasin était spécialisé dans le commerce de confection et nouveautés pour homme et pour la Marine. La dizaine de vendeurs étaient polyglottes, il y avait aussi un atelier d’une quinzaine de couturières. En 1919, Emile et Constant laissèrent le magasin à leur neveu Karl, qui renomma le magasin A la Ville de Saint-Nazaire, qu’il vendit par acte passé chez maître Eugene Baudry à Montoir de Bretagne le 20 octobre 1941, à la société parisienne A. Jacques Molay[9]. Cependant l’entreprise de Karl n’était pas sans lien avec celle de son frère et de sa sœur héritiers de la chaîne A la Belle Jardinière, comme en témoigne un procès gagné par mère, son frère et sa sœur contre la Nouvelle société A la Ville de Saint-Nazaire, qui fut contrainte à leur verser 8.750 fr avec intérêts et droit à la date du 31 mars 1942, en vertu de l’ordonnance du Président du tribunal de Saint-Nazaire en date du 8 juillet 1942. Ajoutons aussi qu’en mai 1923, la municipalité s’adressa à Prosper III et à Karl Joli pour la réalisation de l’habillement de la police municipale.

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    Karl habitait 12 rue Thiers, (rue disparue située à l'emplacement de la place d'Amérique Latine), dans l'hôtel particulier du premier époux de sa femme, mais il avait hérité d’une partie du terrain de la demeure de son grand-père, environ 5000m² et y avait fondé un chenil d’élevage de bassets-bleus et de fox-terrier-à-poils-durs, connu sous le nom de Chenil du Rocher du Lion. le chenil a aujourd'hui disparu pour faire place à l'immeuble Le Cervantes ; la maison existe encore au 1 chemin du Rocher du Lion. C'est Paul Doucet, marchand de cycles, qui en fit l'acquisition à la veille de l'Occupation.

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    Plan de la propriété de Karl Joly chemin du Rocher du Lion, relevé par Jacques Dommée pour monsieur Paul Doucet, Fonds Dommée, Archives de Saint-Nazaire.

     

    Face à La Belle Jardinière, au 46 rue de Nantes, de l’autre côté du carrefour, Joseph-Théogene, fonda Au Bon Diable, qu’elle vendit en 1899 pour aller s’établir sur L'Île-d'Yeu. Ce magasin devient ensuite Les Grands magasins Paris Saint-Nazaire, et fut l’une des plus grosses enseignes de la ville, qui outre de la confection et des nouveautés, vendait aussi du mobilier.

    Auguste fut chapelier, rue du Four Marsain, mais il décéda à 32ans.

     

    La plus art des membres de cette famille sont inhumés au cimetière de La Briandais, dans deux caveaux voisins à l’entrée.

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    [1] Un demi-tonneau est une voiture hippomobile deux roues à caisse arrondie, dotée de deux bancs face à face dans le sens longitudinal. On y monte par l’arrière et la conduite se fait assise en biais. Le modèle à quatre roues se nomme tonneau.

    [2] Cf. Silhouettes Nazairiennes dans Le Courrier du Saint-Nazaire du 17 janvier 1931, signé par Joyeuse, l’un des pseudonymes de Renée Bernard, surtout connue sous celui de Jacqueline Bruno.

    [3] Fille de Joseph Glemée, de Marie Cornouaille.

    [4] Fille de Jean-Jacques-Edouard Couronné, (1814-1858), pilote, et de Rose-Julie Henry, (1824-1866), débitante de Tabac, elle-même fille de pilote.

    [5] Cf. Silhouettes Nazairiennes dans Le Courrier du Saint-Nazaire du 17 janvier 1931.

    [6] A propos des consuls nazairiens : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/08/consuls-et-vice-consuls-nazairiens-6142257.html

    [7] Fille de Jean-Marie Thoby, peintre en bâtiment à Saint-Nazaire.

    [8] Cette succursale héritée par Prosper III, fut vendue le 11 février 1934 chez maitre Fonteny notaire à Savenay, à Henri-Charles-Hyacinthe Grimault, employé de commerce, à Dol de Bretagne, et son épouse Henriette Jestin.

    [9] Siège social 181 rue du Temple à Paris ; la jouissance fixée au 1er novembre 1941.

  • Trains fous en Gare de Saint-Nazaire

    Nous avons tous vu un jour l’image du train ayant traversé la façade de la gare Montparnase du 22 octobre 1895, et dont la locomotive folle alla s’écrasera un étage plus bas sur la place. Mais savez-vous que l’ancienne gare de Saint-Nazaire connu trois accidents semblables ? Oui, vous avez bien lu, il en eut trois ! Il faut dire que jusqu’à la fin de la première-guerre-mondiale ce genre d’accident était commun dans les gares dites « Terminus », c’est-à-dire en impasse, et de façon plus générale les accidents de train sur la ligne de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), à qui appartenait les tronçons de la Presqu’Ile étaient réguliers au point qu’on n’en parlait jamais dans la presse sauf quand il était meurtrier ou particulièrement impressionnant.

     

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    Ancienne Gare, état d'origine.

     

    Les trains, quelque soit leur provenance, devaient décélérer au nouveau de la Croix Amisse, et ne pas dépasser les 25 km/h à partir de ce point. Les trains devaient ralentir. En 1892, le mécanicien d’un train venant du Croisic n’avait pu freiner et le train entra en pleine vitesse dans la gare, explosa le butoir, passa par-dessus le quai et au travers de la façade de la Gare de Saint-Nazaire au niveau deux arches qui sont à votre droite quand vous lui faite face. Cela arriva une nouvelle fois en 1907, mais cette fois le train traversa le centre de la façade ; le mécanicien sauta de la locomotive avant l’impact. La même année, la Gare de Guérande vit, elle aussi, un convoi sorti de sa voie et se retrouver sur la route d’Herbignac. Par miracle, il n’eut aucun blessé ou tué dans ces accidents, mais durant l’année 1907, la ligne Paris-Saint-Nazaire connue plusieurs accidents meurtriers, avec des effondrements de viaducs dans la compagne angevine et mayennaise.

     

    Le seul accident en gare de Saint-Nazaire sur lequel nous sommes bien renseignés, et celui du samedi 8 octobre 1927. Ce genre d’événement étant alors devenu rare, la presse locale et la presse parisienne le couvrirent.

    L’Express 115 à destination de Saint-Nazaire, parti de Paris à 16h40, comportant six voitures de première et seconde classe, mais pas de troisième, ce qui était suffisamment rare pour que nous le soulignions. Il devait atteindre son terminus à 23h43. Arrivé à La Croix Amisse, il devrait ralentir fortement pour passer de 70 km/h à 25km/h ; le mécanicien, monsieur Chapineau, du Dépôt d’Angers, s’aperçut que les freins ne fonctionnaient plus. Il tenta de battre machine arrière, et demanda au chef de train, monsieur Barbin, lui aussi du Dépôt d’Angers, de faire fonctionner les freins à main, en le prévenant à l’aide de coups de sifflet, mais les freins à main ne fonctionnèrent pas non plus. Le train arriva dans la gare à la vitesse de 65km/h à 23h37. Sur la voie n°1 se trouvait par chance une rame de wagons de marchandises vides, la Rame 132, dans laquelle s’enfonça la locomotive de l’Express, propulsant les wagons de la rame à l’arrêt contre le butoir d’arrivée qui céda. Les wagons passèrent par-dessus le quai, défoncèrent la façade de la Gare sur une longueur de quinze mètres, soit les deux arches à droite quand on fait face à la façade.  Deux wagons atterrirent dans le jardinet qui la longeait alors le devant, arrachant un arbre et la grille qui séparait le jardinet de la place. Heureusement le premier wagon sorti se mit de travers, empêchant que le matériel ne se retrouvât sur la chaussée. Dans l’Echo de la Loire du 10 octobre 1927, un témoin qui passait au moment où arriva l’accident, dit qu’il avait entendu comme un bruit de tonnerre venant de l’intérieur de la gare, puis quelques secondes plus tard, il vit la masse sombre de la rame tamponnée trouée le mur d’enceinte de la gare et tombe dans le jardin. En même temps que la véranda brisée tombait en mille éclats, d’énormes pierres étaient projetées en l’air sous la violence du choc, et un nuage, « qu’on pouvait croire de fumée », emplissait l’atmosphère. Puis tout retomba dans le calme de la nuit que rompait seul les accords de musicaux arrivant du café Lièvre, situé en face de la gare, sortaient les soupeurs danseurs de « La Flamande des Clochards », organisée par Le Clochard Club[1] , un des fêtards dit que « le train voulait venir danser le Charleston » et que le mécanicien avait « été soudoyé par la Chambre de Commerce pour qu’on réalisât les travaux qu’elle espérait depuis longtemps », (en effet, la Chambre de commerce sollicitait depuis 1925 la Compagnie de chemin de fer pour qu’elle modifiât les accès de la gare afin de les rendre plus fluide). « On se serait cru au cinéma ! » dit un témoin au journal La Presqu’Ile Guérandaise du 16 octobre 1927. La locomotive de l’Expresse eut ses tandems brisés et ses tôles tordues. Il n’y eut aucun blessé. En dehors du mécanicien et du chef de train, il y avait douze passagers dans l’Express. Seul un gendarme de la brigade de Saint-Nazaire eu à se plaindre d’un mal au genou, et une voyageuse d’une éraflure à la main. Le chef de Gare, monsieur Grangien, fit évacuer les passagers, puis les wagons de l’Express, et rédigea le rapport. Le bruit avait réveillé le quartier, et les curieux étaient nombreux dans la nuit. Au matin, la ville défila devant la gare, photographie par monsieur Rébin, photographe du studio Express Photo, prit des vues qui furent publiées dans les journaux.

     

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    Photographie par monsieur Rébin prise le 11 octobre 1927 et publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 15 octobre.

     

    Ce fut l’entreprise Audrain qui fut chargée du déblaiement et de la consolidation qui débutèrent dès 7h du matin. La PO délégua pour enquête messieurs Lequoy, inspecteur principal, Coez chef de section, et le Baron, chef de district. Le dernier wagon fut retiré le 13 octobre, on ne publia jamais le résultat de l’enquête, et l’origine de la panne de freins demeure inconnue. L’accident entrainât la modification de l’accès à la gare, le jardinet fut remplacé par un perron, couvert en 1930 par une marquise.

     

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    Façade avec le perron

     

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    Façade avec la marquise

     

    [1] Une flamande est à l’origine une fête donnée entre brigands, par dérision une société de fêtard, et dans les années de l'entre-deux-guerres il était à la mode à Paris de s'encanailler dans des soirées mondaines où tous étaient déguisés en clochards. Le Clochard Club, fondé cette année-là, dont le siège social était l’Hôtel des Colonies, puis à L’Hôtel de la Gare, et à partir de 1930 au Café des Sports de la rue Amiral Courbet, intitula les repas dansants qu’il organisait sous cet adjectif. Un orchestre, le Big Jazz, y jouait les danses contemporaines, il organisait des repas dansant au café Lelièvre, mais aussi des bals masqués à la Salle des Fêtes. Regroupant surtout des gens de moins de 30ans, le comité se composait de chanteurs, de musiciens, de peintre, de décorateur et même d ‘architectes. C’était une sorte de Montparnasse à Saint-Nazaire, image des Années Folles, qui avait des bannières portant la devise : « Rire, santé, gaité ». Le Club se développa suffisamment pour organiser aussi des fêtes sur la côte hors Saint-Nazaire. La réputation de la qualité de ses événements fit que même le maire, François Blancho, y participait régulièrement.

  • Histoire & Patrimoine n°100

    Le numéro 100 de la Revue Histoire & Patrimoine, revue de l’APHRN, se trouve en kiosques ce matin, (ici : la liste des points de ventes : https://aphrn-asso.fr/points-de-vente/ ), elle peut aussi être achetée via le site de l’APHRN, y compris en version numérique.

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    Ce numéro 100, (auquel il nous avons été une fois encore invité à participer, avec la seconde partie d’une biographie du nazairien Gustave Bord), est feuilletable sur le lien suivant : https://online.fliphtml5.com/qnsyv/jiwh/#p=1 ).

    Il rassemble comme toujours des articles intéressants sur l’histoire de Saint-Nazaire et de la Presqu’ile et de l’Estuaire, mais qu’il me soit permis de saluer particulièrement certains contributeurs pour l’excellence et la pertinence de leurs recherches :

    Ainsi, dans l’ordre d’apparition dans la publication :

    • Claude Thoméré, avec son étude historique et onomastique « Le verrou de Méan - Origine du nom de quelques anciennes îles de l’embouchure de la Loire», dont la lecture fera pour la majorité d’entre vous des éléments jusque-là inconnus ;
    • Emmanuel Mary, qui nous apprend des éléments pertinents et inédits dans « Usine élévatoire – Saint-Nazaire, Ville d’Art et d’Histoire - L’inscription au titre des Monuments Historiques », et nous fait ainsi découvrir véritablement un monument nazairien qui était jusqu’à cet article si mal connu ;
    • Daniel Sauvaget, avec ses articles «Sentinelles de la mémoire » et « Georges Bareau, sculpteur nazairien », nous fait comprendre la valeur patrimonial et artistique des monuments aux morts en les resituant dans le contexte du traumatisme de la Grande-Guerre, tout en nous éclairant sur un artiste à redécouvrir ;
    • Christophe M. Josso, avec « Le cépage nommé “Aunis”, de Guérande à Sarzeau I – Introduction : Les cépages connus en Bretagne», qui est une véritable étude de ce patrimoine actuellement perdu, et qui pourtant fut notre quotidien jusque dans la première décennie de la seconde partie du 20ème siècle.
    • Article que complète admirablement celui de Jocelyne Le Borgne, avec « Vignes et vendanges à Mesquer – 1412-1912 », qui replace dans le contexte humain et séculaire, et qui une fois de plus nous délivre la mémoire de Mesquer, qui sans les publications de madame Le Borgne, serait probablement oubliée et inconnue du grand public ;
    • Et enfin, Jean de Saint-Houardon, avec « Conlie : l’humiliation - La terrible aventure de l’Armée de Bretagne (1870-1871) ». Jean de Saint-Houardon, à propos de qui écrire qu’il a une fois de plus dire produit un travail excellant semble une redondance, tant c’est un plaisir à chaque fois de lire ses publications.

     

  • Merci pour Narcisse

    Depuis trois semaines, des déposent des cailloux sur la tombe de Narcisse Pelletier, et cette semaine une personne a déposé des narcisses. Les Amis de Narcisse Pelletier adressent leurs remerciements à ces anonymes.

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  • Paul Bellaudeau

    A l’occasion des 160 ans de la demande de rattachement du port de Méan à la commune de Saint-Nazaire, (obtenu le 13 mai 1865), les Archive de la Ville de Saint-Nazaire ont publié sur leur page une illustration de Paul Bellaudeau, artiste nazairien, intitulée « Vue panoramique de la rue principale de Méan il y a cinquante ans », parue dans le journal Le Courrier de Saint-Nazaire du 15 octobre 1932.

    (https://www.facebook.com/archives.saintnazaire/photos/a.1520462947987881/4134941979873285/ ).

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    Cette illustration, tirée des Fonds et Collections Odoevsky Maslov, nous donne l’occasion de publier enfin une biographie de cet artiste que nombre de nos lecteurs nous ont demandé depuis des années, mais que nous n’avions jusqu’à présent mis de côté par volonté de vérifications de quelques éléments.

     

    Paul Bellaudeau, artiste nazairien :

     

    Paul Bellaudeau c’est toujours défini comme Nazairien, il l’était, du plus profond de l’âme jusqu’au bout des ongles. Il en avait hérité l’esprit du voyage, de l’aventure, la force morale et des convictions. Pourtant il n’y est pas né, et n’en était pas originaire. Léon-Paul Belleaudeau est né à Nantes au 2 quai de l’Ile Gloriette, le 7 janvier 1899. Son père, Léon-Aimé-Joseph Bellaudeau, né à Machecoul, au hameau de La Doucetière, le 23 mai 1871, était l’ainé d’une fratrie de cinq, issue d’un père forgeron natif de Legé, d’où il était venu avec son épouse, et où les Bellaudeau sont présents depuis des temps immémoriaux. Léon-Aimé-Joseph, dit Léon, s’intéressa à la mécanique et intégra la Marine ; il fut d’abord chauffeur, puis mécanicien à bord d’un bateau pilote au moment de la naissance de son fils, sa carrière stagna longtemps ; ce ne fut que le 21 janvier 1924 qu’il fut promu officier mécanicien de 2e classe[1], et le 16 février 1927, qu’il devint chef mécanicien du vapeur du pilotage Hervé-Rielle[2]. Quand Paul naquit, son père avait 27ans, sa mère, Marie-Emilie-Antoinette Martineau, née à Legé le 7 janvier 1867, avait 32 ans. Elle était la cousine germaine de son époux ; en effet, le grand-père paternel de Paul et sa grand-mère maternelle étaient frères et sœur.

    Paul avait quatre ans quand sa famille s’établit à Saint-Nazaire, au rez-de-chaussée du 13 de La Rue Neuve, en 1903. La maison, divisée en trois appartements, était un manoir urbain relevant directement de la Vicomté durant l’Ancien-Régime, construite à la fin du 15ème siècle, avec une tour escalier, dont le jardin s’ouvrait sur l’Estuaire, mais hélas coupé de son accès au fleuve par la construction du Quai de Marées. Une demeure sans eau courante et dont il fallait vider les pots de chambres dans la Loire par-dessus le mur du quai, avait tout du château de conte de fée pour un enfant. Paul y grandit, frêle, fragile des poumons, fragilité qui tourna à l’asthme en raison des briquettes faites de poussières agglomérées de charbon, moyen de chauffage des familles pauvres, vendue sur le port par la Société des Houilles et Briquettes de Saint-Nazaire[3].

    Solitaire, rêvant d’aventure en mer, chapitré des valeurs du catholicisme par une mère bigote qui l’envoya uniquement à l’école religieuse, (Notre Dame d’Espérance, rue des Sables, externat à Saint-Joseph), il fut imprégné très tôt d’une Foi et d’une religiosité exacerbée. Certificat d’études en poche, on ne lui laissa pas d’autre choix que celui d’entrer chez Haillaust et Gutzeit, marchands de bois du Nord, sa santé lui interdisant le métier de marin. Doué pour le dessin, il arriva à 17 ans à intégrer comme dessinateur Les Ateliers et Chantiers de la Loire. Nous étions en 1916, on manquait de personnel et le jeune Paul savait naturellement dessiner, talentueux, mais sans culture. Plus tard, rêvant sa vie, enjolivant son passé, il prétendra être entré à l’école d’hydrographie, puis avoir tout abandonné pour partir au Canada y mener « quelque temps la rude vie des marchands de fourrures », s’en être allé à Constantinople, « qu’il visite, admire, fouille », mais par nécessité matérielle avoir « ambrassé la carrière militaire [allant] au Maroc en 1922 »[4]. La réalité est tout autre. Il ne vit jamais le Canada ; il fut incorporé en février 1918 au 93e régiment d’Infanterie, se retrouvant cantonné à Pargny dans la Somme, faisant la Seconde bataille de la Marne, la bataille de l’Aisne. De là il intégra le 1er régiment des Zouaves, qui de l’Aisne fut envoyé en 1919 à Casablanca, où on le retrouve, 2ème classe, décoré de la Médaille coloniale avec agrafe le 25 janvier 1921. Pour les pauvres, l’Armée offrait la possibilité d’études et de formations en échange d’un long engagement[5]. Paul en profita pour se cultiver, mais cela ne fut qu'en surface, et maladroitement. Il n'approfondit les quelques brides de culture classique qu'il absorba à cette période.

    Affecté au service géographique de l’Armée après une formation en hydrographie, il reçut la Médaille de la Paix du Maroc, décoration espagnole, et fut fait chevalier de l’Ordre du Ouissam alaouite chérifien[6], ordre de la Couronne Marocaine[7]. Profitant d’une permission à Saint-Nazaire en janvier 1925, il illustra le menu du repas précédant le vernissage de l’exposition du Groupe Artistique[8], tenu à l’Hôtel de Bretagne[9]. Durant un autre séjour en janvier 1930, alors qu’il exposait au Salon du Groupe Artistique quelques dessins fait au Maroc, Renée Bernard, la fille du directeur du Courrier de Saint-Nazaire, qui publiait dans ce journal sous le pseudonyme de Jacqueline Bruno[10], le persuada d’illustrer pour elle des textes d’une plaquette qu’elle projetait d’éditer. Ils firent dans les derniers jours de janvier 1931, une longue promenade sur les sites de Dissignac et du Pé. Au milieu du paysage aux arbres dénudés, Paul fit des croquis qui lui servirent pour des dessins à la plume. L’ensemble fut publié à la fin du mois de mai 1931 sous le titre « Les curiosités mégalithiques de Dissignac et du Pé en Saint-Nazaire-sur-Loire », et comprend, outre des vues des mégalithes en question, des représentations des calvaires de Dissignac et des Forges.

     

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    Couverture du fascicule de Jacqueline Bruno, mai 1931

     

    Cette collaboration avec Jacqueline Bruno lui ouvrit les portes du Courrier de Saint-Nazaire ; dès l’édition du 2 mai 1931, il illustra le journal d’un premier dessin inspiré d’une photographie de l’ancienne église, (détruite en 1896)[11]. Le dessin eu tant de succès, qu’il fut reproduit immédiatement en tirages particuliers, offert aux souscripteurs de la levée de fonds au profit de l’Orphelina des Sœurs gardes malades de la rue du Traict. Ce furent, du 2 mai 1931, jusqu’au 5 juin 1942, une collaboration qui mena à l’illustration de 30 éditions du Courrier de Saint-Nazaire.

     

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    La « Vieille-église », dessin de Paul Bellaudeau publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 2 mai 1931.

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire du 12 septembre 1931 publia un long portrait de Paul, que nous avons cité plus haut, contenant une biographie fantasmée, à l’occasion de la publication d’un ouvrage intitulé « Croquis Marocains ». Cet article, « Silhouettes nazairiennes : un écrivain et un artiste », est signé « C.J.C. Nogos », pseudonyme qui n’existe qu’une fois dans le Courrier de Saint-Nazaire, est bien sûr de Jacqueline Bruno, totalement envoutée, qui ose la comparaison avec Baudelaire, qu’elle n’avait pas lu, mais dont Paul se réclamait pour expliquer sa fascination pour les cimetières et chez qui il piochait des formulations poétiques. L’article nous apprend que Paul avait réalisé aussi une série de dessins de pêcheurs bretons. Concernant la publication « Croquis Marocains », il n’est pas dit qui était l’éditeur, et l'on apprend uniquement qu’il comportait 50 illustrations hors texte à côté d’écrits descriptifs du Maroc. En réalité, ce fut édité à compte d’auteur, et vendu chez le libraire Léon Dariès rue de Villès Martin. La publication, tirée à peu d’exemplaires, se vendit mal, et demeure encore à redécouvrir. Elle figure des dessins de Fez, Tanger, Meknès, Mogador, l’Oued Cherrat, la Kasbat El Mehdia, etc., qui ne sont pas sans intérêt.

    En janvier 1932, Paul réussit à être publié dans La vie marocaine illustrée pour un court texte, titré « Le Coteau du sommeil sans rêve », issu de sa publication « Croquis Marocains », dont dans l’incipit commence par la phrase « le sommeil des morts est sans rêve », pensée qu’il attribuât au poète perse du 13ème siècle Abū-Muḥammad Muṣliḥ al-Dīn bin Abdallāh Shīrāzī, nommé à l’occidentale « Saadi », mais qui est en réalité la déformation d’une citation de Socrate[12] qu’on attribue traditionnellement à Napoléon Ier sous cette forme, et que Paul Bellaudeau confond avec une pensée du poète persan : « Le sommeil des tyrans est le repos du monde » ; son erreur doit venir d'une mauvaise recopie d'un dictionnaire de citation en bibliothéque. Son texte, qui n’en demeure pas moins joli et bien tourné, décrit le cimetière de Bab-Ftouh à Fès, le plus grand et le plus prestigieux de la ville, et plus précisément une partie, que Paul ne sut pas nommer, qu’est celle d'el-Kbab, littéralement « les Dômes », où se trouvent les tombeaux de saints hommes et de marabouts qu'il mentionne, sous les coupoles que Paul décrit. Le lieu était déjà très touristique en 1931, et l’on comprend pourquoi la revue La vie marocaine illustrée, revue fondée en 1928, et éditée par la Fédération des Syndicats d'Initiative et de Tourisme de Casablanca, le choisit.

     

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    Carte postale figurant le cimetière de Bab-Ftouh à Fès au début du mandat français.

     

    Arrivé à Saint-Nazaire avec la revue sous-le-bras, Paul, tout fier, la montra à Jacqueline Bruno, qui le publia à son tour le texte dans le numéro du 23 janvier 1932 du Courrier de Saint-Nazaire ; un certain nombre est l’interprétation graphique de photographies anciennes, ou de dessins, peintures et aquarelles de la collection de Gustave Ollivaud, (1855- 1936)[13].

    Au début de l’année 1933, l’adjudant Paul Bellaudeau fut envoyé à l’état-major à l’Etat-major de Troyes. En avril 1933, monsieur Dariès organisa en sa boutique une exposition vente de « dessins à la plume en au encres de couleurs, […] une vingtaine de vues, […] tantôt l’ardente lumière marocaines, tantôt la grisaille des vieilles maisons et des vieilles rues de Troyes-en-Champagne ; tantôt enfin la douce poésie de la perle du Golfe du Morbihan »[14]. Nous ne connaissons que des reproductions à l’encre noire de ces dessins, dessins dont la précision du trait et la souplesse ne laissent pas indifférent, mais cette description de l’exposition nous laisse entrevoir pourquoi Paul enthousiasma ceux qui l’employèrent comme illustrateur. Précisons que Paul ne maîtrisa jamais les autres médiums des arts graphiques et ne fit rien pour apprendre l’aquarelle ou la peinture. L’exposition à la librairie Dariès alla de paire avec la publication en mai suivant d’un dossier regroupant des articles consacrés à l’histoire locale, illustré par Paul et Charles Beilvaire[15], « Le vieux visage de Saint-Nazaire ».

    L’Ouest Eclaire du 9 décembre 1933, nous apprend, que, caserné à Troyes, il reçut la médaille militaire « après avoir servi 12 ans au Maroc », ce qui confirme que c’est bien en 1921 qu’il s’engagea dans les Zouaves dans ce pays et que mineur, il ne put se rendre Canada.

    le 20 janvier 1934, à l'occasion du Salon du Groupe Artistique de Saint-Nazaire, c'est lui qui réalise l'article consacré à l'exposition dans Le Courrier de Saint-Nazaire, sous la signature de Aristarque, (pseudonyme emprunté à un astronome de l'antiquité grecque), il dressa la liste de ce qui n'allait pas en matière de dessin, (seul art qu'il maîtrisait), dans l'ensemble des œuvres accrochées, allant chercher le moindre détail secondaire pour cela, démolissant finalement chaque travail, à l'exception de ceux d'Alexis de Broca et de Charles Beilvaire. Ecrit dans son style habituel et reconnaissable entre tous, il y distilla du fiel, et s'attaqua à Charles Perron, professeur aux Beaux-Arts de Nantes, deuxième Grand prix de Rome en 1921, et plus particulièrement à Madeleine Massonneau, artiste parisienne reconnue, deuxième Grand prix de Rome en 1928, qui avait à Saint-Nazaire réalisé deux ensembles de fresques, (dont il nous reste celles de l'ancienne école Jean Jaurès). A son propos, il écrivit : « Mlle Massonneau est-elle portraitiste ou caricaturiste ? Elle expose sur fond bleu charron une interprétation rappelant Mlle C… [Isabey Campredon] Un si charmant modèle méritait mieux. » Ce fut la seule participation de Madeleine au Salon de Saint-Nazaire, et, elle ne renouvela pas son adhésion au Groupe !

    Paul acheva sa carrière militaire à Strasbourg au milieu de l’année 1936, et s’établit chez ses parents. Il dessine la couverture du Bulletin paroissial de Saint-Nazaire, bulletin de la paroisse Saint-Nazaire, dont dépendait le Vieux-Quartier ; la publication du Bulletin débuta en octobre 1936.

    Devant assurer sa subsistante, Paul entre le 1er janvier 1937 aux Chantiers de Penhoët comme dessinateur. Adjudant officier de réserve état-major, il dessina le menu du banquet des sous-officiers de réserve de Saint-Nazaire du 24 janvier 1937. Durant ses jours de congé il parcourait la région, dessinant églises et moulins.

    Sa mère décéda en février 1938, alors qu’il exposait au 20e Salon du Groupe Artistique. On le retrouve jouant Hérode l’occasion de Noël paroissial de décembre 1938 en la salle Saint-Pierre.

    Il exposa au 21e Salon du Groupe Artistique, en janvier et février 1939.

    Son père décéda en février 1940.

    Jacqueline Bruno ne cacha jamais son penchant pour Paul, elle le trouvait charmant, séduisant, aimait qu’il fût fervent catholique. Mais elle avait un physique difficile, un caractère qui l’était tout autant et était d’un tempérament indépendant. Paul lui préféra une autre, belle et soumise, et le 4 mai 1940, il épousa à Saint-Nazaire, civilement, puis religieusement le 18 mai, Anne-Marie Burgaud, employée de bureau aux Chantiers de la Loire, qui quitta le domicile de ses parents chemin des Gauvinets pour s’établir au 3 rue Neuve dans le logement de son époux. Paul arrêta de dessiner Saint-Nazaire et ne fournit plus au Courrier de Saint-Nazaire que des dessins de moulins à partir de l’édition du 28 février 1941.

    De son union naquit Cécile, qui décéda à l’âge de 7 mois en janvier 1942.

    Le 28 mars 1942, l’Opération Chariot, provoqua des représailles de l’Occupant allemand sur la population du Vieux-Quartier accusée d’avoir secouru des marins britanniques. Les habitants des maisons, situées en bordure du quai des Marées, furent alors vidées de leurs habitants qui, en camion, furent transportés à l’Hippodrome de Savenay. Des voisins en profitèrent pour piller les habitations. La Croix Rouge réussit à intervenir pour récupérer le maximum d’effets et de meubles des habitants chassés alors que l’Occupant fit raser les bâtiments. Paul et son épouse regagnèrent Saint-Nazaire, trouvèrent un logement dans le quartier de Sautron, et récupèrent les quelques biens que la Croix-Rouge avait sauvé.

    Le 29 mai 1943 Saint-Nazaire fut anéanti par un bombardement incendiaire britannique. Les nuées ardentes furent visibles à 100km à la ronde, formant un halo orangé qui fendit la nuit sur une côte atlantique plongée depuis des années dans un couvre-feu.  Les vapeurs du phosphore, qui transforma la ville en un fleuve de feu, se propagèrent sur des kilomètres. Paul, en fut particulièrement atteint. Retiré avec son épouse enceinte chez une tante paternelle, à Machecoul, où naquit son fils, Jean-Paul-Marie, le 20 octobre 1943. Paul mit plusieurs mois à guérir d’un abcès pulmonaire. Durant sa convalescence, il rédigea une pièce de théâtre intitulée « Tertiae », titre latinisant faisant référence au Troisième jours qui est celui de la résurrection du Christ. Etabli à La Baule-Escoublac en 1946, il participa à la revue catholique La famille Nazairienne, procurant à celle-ci ces illustrations du Courrier de Saint-Nazaire, accompagnées des textes des articles de Jaqueline Bruno, (en prison pour collaboration), plus ou moins réécrit en son style, et des illustrations de sa publication Croquis Marocains. A nouveau gravement malade, il s’attaqua à l’illustration des Quatre Evangiles, œuvre testamentaire d’un homme emplie de Foi, et mourut le 24 août 1947. Son fils Jean-Paul, décéda le 4 mars 2015 à Saint-Étienne[16].

     

     

    [1] Journal Officiel du 21 janvier 1924.

    [2] Journal officiel du 16 février 1927.

    [3] Ce produit de chauffage, très allergène, couvraient de suie et d’une graisse jaune les intérieurs, et noircissaient les toits et les façades, produites partout dans le monde occidental, fut à l’origine de milliers de cas d’asthme en France, et rendit aussi malade Odette du Puigaudeau, autre figure nazairienne au Maroc.

    [4] Cf. « Silhouettes nazairiennes : un écrivain et un artiste », Le Courrier de Saint-Nazaire du 12 septembre 1931.

    [5] Paul-Emile Conard, autre figure nazairienne, passa par l’Armée lui aussi pour pouvoir mener des études : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2020/09/17/paul-emile-conard-6263914.html

    [6] Créé en 1913, il se nomme aujourd’hui Ordre du Ouissam alaouite.

    [7] La mention de ces médailles a pour source l’article publié par monsieur Patrick Pauvert dans Histoire & Patrimoine n°92, en juillet 2018, qui n’indique pas ses sources. Nous n’avons pas trouvé les décrets concernant ces décorations, ni de mention dans la presse de l'époque.

    [8] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/30/le-groupe-artistique-de-saint-nazaire-et-le-groupe-de-indepe-6069504.html

    [9] Cf. Le Courrier de Saint-Nazaire du 17 janvier 1925.

    [10] Voyez à propos du Courrier de Saint-Nazaire : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/25/la-presse-nazairienne-1857-1944-6138789.html

    [11] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/05/la-vieille-eglise-6126779.html

    [12] « Si la mort est une absence totale de sensation, comme si l'on dormait d'un sommeil sans rêve […] »

    [13] Le concernant, voyez : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/17/mean-chantiers-et-patrimoine.html

    [14] Le Courrier de Saint-Nazaire du 22 avril 1933, page 2.

    [15] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/12/08/charles-beilvaire-un-peintre-nazairien-oublie-5505901.html

    [16] Il est inhumé en cette ville au cimetière de Côte-Chaude.

  • Article Ouest France du 27 février 2021

    Monsieur Benoit Robert, journaliste à Ouest France, dans le cadre d'une série d'articles consacrés aux naufrages en l'Estuaire de la Loire, nous a sollicité pour répondre quelques questions concernant le Station de sauvetage de Saint-Marc et le canon qui domine la plage. L’article est consultable en ligne sur le lien suivant :

    https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire-44600/saint-nazaire-la-plage-de-saint-marc-une-terre-de-sauveteurs-7169805  

     

     

  • Narcisse Pelletier, reportage de France-Culture

     

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    Messieurs Yves Aumont et François Teste, dans le cadre de la série de documentaires « Une histoire particulière », sont venus en janvier dernier à Saint-Nazaire interroger l'auteur de ce blog à propos de Narcisse Pelletier[1], occasion de parler brièvement de la vie de cet homme au destin incroyable, de la restauration de sa tombe qui débutera au printemps 2021 grâce aux co-financement des villes de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et de Saint-Nazaire, sur l'initiative de l'auteur et avec l'aide des Amis de Narcisse, association internationale qui a maintenant son antenne à Saint-Nazaire.

     

    Les passages enregistrés à Saint-Nazaire l'ont été au phare de la Tour du Commerce, grâce l'intervention de monsieur Emmanuel Mary, chargé des missions patrimoine de la Ville de Saint-Nazaire, et à la bienveillance de monsieur Michel Ray, adjoint à la Culture ; sur la plage de Porcé, où Narcisse expliqua à la famille Bord, à l’aide d’un grand dessin, un jour de 1877, le Rêve, mythe de la Création selon la nation Aborigène ; et enfin, au cimetière de La Briandais, devant la tombe où repose Narcisse avec son épouse.

     

    Le documentaire, en deux parties, est audible sur les liens suivants :

    Première partie, sa jeunesse à Saint-Gilles, et son naufrage : https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/yukio-mishima-1925-1970-le-labyrinthe-des-masques

     

    et

     

    Seconde partie, son retour en France et sa vie à Saint-Nazaire :

    https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/narcisse-pelletier-laborigene-vendeen-22-le-paria-des-iles

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/09/22/narcisse-a-saint-nazaire-6177707.html

  • La croix de Heinleix

    La Croix de Heinlex était une croix de chemin dont la disparition est l’objet de légendes urbaines qui prétendent un renversement par un camion allemand ou un broyage par un char étasunien. Deux affirmations fausses, comme nous allons l’expliquer.

    croix de Heinlex

    Le Croix d’Heinlex avant 1914

     

    La Croix d’Heinlex se trouvait face au portail du parc du château d’Heinlex, portail de pierres et briques, fortement endommagé, disparu il y a quelques années pour laisser place à la voie qui désert la « Résidence Tricastel ».

     

    croix de Heinlex

    Emplacement de la croix vers 1905

     

    croix de Heinlex

    Emplacement de la croix, vue en 2008, © Google Maps

     

    croix de Heinlex

    Emplacement de la croix et du portail, vue en 2019, © Google Maps

     

    Elle fut inscrite à la liste des Monuments Historiques le 18 octobre 1944, car elle était réputée dater du XIIIème siècle. C’était une croix latine simple, au sommet d’une colonne dotée d'un chapiteau et qu'une base de facture grossière, elle-même posée sur un piédestal rectangulaire en moellons, assemblage probablement plus récent. Cependant, quand son classement fut décidé, la croix avait déjà disparue. En effet, elle était tombée de son socle par manque d’entretien, et un article du Courrier de Saint-Nazaire du 6 févier 1941 nous apprend que la croix proprement dite et la colonne, qualifié de incorrectement de  « calvaire [fut] pieusement recueilli et abrité dans une maison voisine ». Une photo du piédestal publiée dans le même journal le 14 novembre 1941 montre le piédestal intact.

    croix de Heinlex

    Piédestal de la croix de Heinlex en 1941, photographie d'Alex Bernard fils,

    publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 14 novembre 1941

     

    Malheureusement jamais remise en place, les éléments ont été perdus, car on ne s’y est pas intéressé au moment de la Reconstruction, les priorités étant ailleurs, et la base du monument a disparu avec l’élargissement de la route du Haut Rocher. Ce n’est qu’en 1960 que Ferdinand Guériff remémora aux Nazairiens son existence, mais sans donner de détail à propos de sa disparition autre que « disparue durant la guerre », ce qui entraîna les légendes citées.