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Chroniques de Saint-Nazaire - Page 7

  • Des pièces chinoises dans le cimetière

    En 1896, la destruction de la vieille église entraîna le curage du terrain de son cimetière qu'on appelait «  le petit cimetière ». Huit convois par chariot transportèrent les ossements jusqu'au Cimetière de Toutes-Aides1. Dans les gravats il fut trouvé des pièces asiatiques. Quelques-unes furent ramassées par les ouvriers.

     

    A la fin des années 1950, Fernand Guériff, alors en pleine rédaction de son « Historique de Saint-Nazaire », rencontra monsieur Georges Cavaro, dont le père lui avait légué des pièces ramassées en 1896. Les idéogrammes furent alors traduits à sa demande par monsieur Bayle, présenté par F. Guériff comme un expert. Un article parut à ce sujet dans L’Éclair du 7 décembre 1960, dans le cadre de la promotion du livre « Historique de Saint-Nazaire » dont le premier tome venait de paraître. La découverte de ses pièces n'est pas mentionnée dans le Tome I, ni dans le Tome II, en dehors de l'article nommé, il n'existe à notre connaissance que pour seconde mention de cette découverte que celle faite à nouveau par Fernand Guériff en 1987 dans l'ouvrage «  le Vieux Saint-Nazaire », qui précise qu'on trouva aussi des « demi-tournois Louis XIII ». Guèriff se trompait dans la désignation de ces monnaies du règne de Louis XIII, il s'agit de Double Tournois, pièce de cuivre d'un diamètre de 18mm. Concernant les pièces asiatiques, Guériff se trompe encore quand il écrivait qu'il s'agissait de « sapèques chinoises de la fin du 18e siècle, frappées par l'Empereur Ming Mang ». Si ces pièces en laiton2 sont bien des monnaies frappées pour l'empereur Ming Mang,(25 mai 1791 - le 20 janvier 1841), il faut en réalité savoir que l'Empereur en question était souverain du Viêtnam, état fondé en 1802 par son père, et qu'elles ne sont pas des sapèques. Ming Mang régna du 14 février 1820 jusqu'à sa mort. Les pièces décrites par Guerriff en février 1960 sont toutes du même modèle. La mesure de 25mm de diamètre, la mention d'une frappe sur les deux faces, du nom de Ming Mang et de celui de Hanoï, nous font identifier ces pièces comme étant des monnaies frappées en 1837 d'une valeur de 60 đồng.

     

    Guériff a prétendu que le petit-cimetière fut désaffecté au profit de celui ouvert dans l'ancien jardin de la Porterie, c'est-à-dire l'actuel cimetière de la Briandais rue de la Paix. Ce n'est pas exact, on incita les familles nazairiennes à enterrer leurs morts à l'extérieur de l'enceinte de la ville, mais nombre y possédait encore une concession. Les inhumations s'y maintinrent jusqu'à la désaffection progressive de l'église décidée en 1867. A l'époque les lieux d’inhumations dépendaient du Conseil de fabrique. Le corps avec lequel furent enterrées ces pièces le fut donc après 1837 et avant 1867. Guerrif se demanda si on avait enterré un marin qui les aurait rapportées de voyage ou avec un voyageur asiatique. Aucun registre ne mentionne d'asiatique mort ou inhumé à Saint-Nazaire. Il faut tenir compte aussi que le Vietnam était un pays fermé aux européens, la France tenta plusieurs fois de rentrer en contact commercial, mais cela lui fut toujours refusé. En 1838, la frégate L'Artémise qui accomplissait depuis 1837 un voyage autour du monde, mouilla sur les côtes du Vietnam. Il n'y eut officiellement pas de contact sinon quelques échanges de marchandises auprès des commerçants du port de Đà Nẵng. On sait que le navire, rentré en France en 1840, avait à son bord des marins embarqués au Croisic. Or un nom n'est pas inconnu à Saint-Nazaire, celui de Jean-Joseph Rio. Il n'est, semble-t-il, pas mort à Saint-Nazaire, mais y avait de la famille, peut-être l'explication se trouve telle dans la mémoire de la famille Rio. Mais pourquoi avoir enterré des pièces dans le cimetière ? Cette coutume remonte à l'antiquité, on plaçait des pièces dans la bière pour que le mort puisse payer son voyage dans la charrette de l'Ankou.

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    1 Cimetière ouvert le 1er juin 1893.

     

    2 Guériff ne mentionne pas la matière dans ses textes.

  • La Motte-Allemand, quatrième partie

    Evariste-François-Régis-Charles-Marie (dit Evariste-Charles) de Rouaud, hérita de son oncle par alliance Le Chauff de Kerguénec du domaine de La Motte-Allemand.

     

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    La Motte-Allemand sur le cadastre de 1829.

    On distingue les restes du château, la chapelle, et l'étang seigneurial en vert.

     

    Par acte de vente passé chez maître Lambert, notaire à Nantes, 10 rue Crébillon, le 20 septembre 1843, il vendit le domaine, comprenant le manoir, la chapelle, des dépendances agricoles, et un terrain couvrant une superficie de 47 hectares, 22 ares 63 centiares, à Jean Guilbaud, cultivateur, pour la somme de 30.000 Francs. Pour financer son achat, Jean Guillebaud emprunta 12.000 Francs auprès du vice-amiral Halgan.

     

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    Le manoir et la chapelle par Charles Beilvaire, dessin publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire du  16 octobre 1931

     

    Au moment de la vente, la chapelle était alors encore lieu de culte. Elle fut désaffectée à l'érection de l'église de Immaculée en 1857. Cependant, durant quelques années encore, durant les Rogations qui partaient de la vieille église de Saint-Nazaire via la chapelle de Toutes Aides, les paroissiens se rendaient encore à la chapelle de la Motte-Allemand. Les statues furent envoyées au prestataire de l'Immaculée, il semble qu'elles aient disparu durant la Seconde-Guerre-mondiale.

     

    Jean Guilbaud eut pour seul enfant une fille, Marie-Françoise Guilbaud (°1831), qui épousa Julien Creton, (°1822), laboureur, dont la famille vivait depuis des temps anciens à Ust. Le couple eut cinq enfants, trois fils et deux filles, dont Marie-Augustine (dite Marie) Creton, née le 24 novembre 1858 à Saint-Nazaire.

     

    En 1897 les enfants Creton firent détruire les murs de la chapelle alors totalement ruinée, ne laissant subsister que la sacristie encore visible en octobre 1931, il restait encore une porte murée et une croix sur le pignon. Marie Creton fit élever un calvaire le long de la route à l'emplacement de la chapelle.

     

    Le calvaire, constitué d'une croix de granite, fut brisé par les ouvriers de l'entreprise nantaise Force et Lumière le 8 septembre 1931 alors qu'ils étaient en train de poser des poteaux dans le but d'électrifier le secteur. L'accident donna l'occasion à Jacqueline Bruno, journaliste spécialisée du patrimoine et de l'histoire de Saint-Nazaire pour le journal Le courrier de Saint-Nazaire de rendre visite à Marie Creton, alors âgée de 73ans. Voici la retranscription du témoignage de Marie Creton, paru le 9 octobre 1931 :

    « En 1897, mes frères, ma sœur et moi fûmes dans l'obligation de faire démolir les murs croulants de notre vieille chapelle. Un carrier de la Rivière, Jean Rio1, déblaya neuf toises de pierres qui furent répartie entre nous tous. C'est alors que je songeai à élever sur ce terrain béni un calvaire commémoratif, composé uniquement du plus beau granite tiré du pieux édifice. Mes frères et sœur accédèrent de grand cœur à mon désir et m'autorisèrent à vendre le surplus de pierres pour couvrir les frais que m'occasionnait cette erection. Monsieur Louis Pitois, marbrier, rue de la Paix à Saint-Nazaire, fut chargé de tailler le granit d'y creuser l'inscription que vous voyez là dans le socle : En souvenir de la Chapelle de la Motte et de la Mission de 1898. Érigé par Marie Creton. Et de fournir le Christ bronzé. L'un de mes frères, maçon, se chargea du montage et de tous les scellements nécessaires. Je fis planter les cyprès que vous admirez, une bordure de fusains à peu près disparue aujourd'hui et tracer de chaque côté de la croix, symbole de Foi, deux parterres, d'un en forme d'ancre, emblème de l’espérance, l'autre en forme de cœur, emblème de la charité. Avec quel soin et quel amour, ma sœur et moi-même, avons-nous durant de longues années entretenu, abondamment fleuri, ces deux humbles tertres, hélas, ma sœur n'est plus, et la vieillesse a brisé mes forces. Aussi, voyez, l'herbe a tout effacé... « Après une minute de silence que j'ai pieusement respecté, elle murmure d'une voix lointaine, en cassant de son bâton l'herbe si épaisse et si douce ''  ma mère a prié là. '' Et elle ajoute avec un sourie où tremble encore une larme : bien des vides se sont creusés autour de moi ; mais je garde de chers, de précieux souvenirs. '' Puis sans transition, dans la crainte, peut-être, de s'attendrir une seconde fois : '' Venez chez moi, dit-elle gaiement, nous allons feuilleter l'histoire de La Motte. '' Et bientôt, tandis que e compulse les papiers, si aimablement mis à ma disposition, on n'entend plus, dans la chambre basse, chichement éclairée par une étroite fenêtre, que le tic-tac monotone du réveil et, à de fréquents intervalles, le grondement assourdi d'un lourd convoi qui passe sur la voie ferrée, toute proche, de Saint-Nazaire au Croisic. »

     

    Le calvaire fut restauré. Il existe toujours, il se trouve dans le jardin du 40 route de La Motte-Allemand. Mais ce qui restait du manoir fut détruit depuis pour laisser place à des maisons contemporaines.

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    Le manoir et le calvaire, dessin de Paul Bellaudeau, publié le 16 octobre 1931 dans Le Courrier de Saint-Nazaire.

     

     

    1 Pour une raison inconnue, Fernand Guérif a publié dans son histoire de Saint-Nazaire que ce monsieur Rio aurait été propriétaire des lieux. Il n'en est rien.

  • Saint-Nazaire et la langue bretonne

    L’installation de panneaux bilingues et la création de rayonnages bretonnants à la médiathèque ont soulevé à nouveau la question qui divise les érudits nazairiens : Le breton était-il la langue endémique de Saint-Nazaire ? - Comme souvent en histoire, la vérité se trouve au centre des hypothèses et affirmations. Nous vous présentons ici un article tiré de " La France pittoresque ou description pittoresque, topographique et statistique des départements et colonies de la France, Tome II  ", publié en 1835 par le général Abel Hugo, (1798-1865), père de Victor, et qui avait épousé une nantaise.

     

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    L'article que nous reproduisons est tiré des 27 pages consacrées au département de la Loire-Inférieure, (ancien nom de la Loire-Atlantique), " ci-devant Haute-Bretagne ", p.156 :

     

    '' LANGAGE.

    La langue française est la seule généralement usitée dans les villes, mais avec une prononciation traînante sur les finales. Ainsi l'on dit fi-ye, pa-ye, au lieu de fille et de paille. L'idiome des campagnes est un français composé de mots bretons ou celtiques, d'anciens mots romains (tudesquos) et de mots français défigurés. L'accent caractéristique des cantons est encore plus fortement marqué que celui des villes. On distingue facilement un habitant de la rive gauche de la Loire d'un habitant des environs de Châteaubriant, de Blain ou de Batz. — Dans les environs de Guérande, les paysans parlent également le français et le bas-breton. L'usage de ces deux langues leur est nécessaire pour la troque ou le commerce d'échanges qu'ils font avec les départements d'au-delà de la Vilaine, où ils portent leur sel, et dont ils tirent les grains qu'ils consomment. ''

     

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    Rappelons que le breton de Loire Atlantique, dit breton de Nantes ou de Batz, dont les derniers locuteurs ont disparu entre 1970 et 1985, constituait la cinquième langue bretonnante historique ; et précisons que l'idiome des campagnes mentionné par Abel Hugo est en fait du gallo, c'est-à-dire le sixième langue traditionnelle bretonne, de type langue d'oïl. A Saint-Nazaire, le breton était encore parlé au Petit-Gavy jusqu'en 1930, et à La Vacquerie jusqu'en 1960.

     

     

     

  • Saint-Nazaire 72% non 85 % de destruction

    Depuis la parution d'un article en date du 30 juillet 2015 par la rédaction nazairienne de Ouest-France, une polémique (nous reprenons ici les termes utilisés par Ouest-France), est née au sein des érudits locaux et du lectorat du journal enflée par un second article en date du 4 août suivant.

     

    Nous produisons ici la capture des deux articles en question parus dans Ouest-France les 30 juillet et 4 août (merci à monsieur Hubert Chemereau de nous les avoir communiqués) :

     

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    Cliquer pour voir en grand.

     

    02.jpgCliquer pour voir en grand 1 

     

     

    N'en déplaise à beaucoup, c'est monsieur David Silvestre, nazairien aujourd'hui domicilié à Triniac, qui a raison. Madame Thiphaine Yvon et monsieur Serge Tressy se trompent en voulant minimiser les faits pour la première, et en s'appuyant sur des chiffres et des sources erronés pour le second. 

     

     

    Confusion entre les chiffres des destructions par la guerre et les chiffres de reconstruction.

     

    En premier lieu il faut tenir compte que les chiffres de destructions ne concernent que le centre-ville. Selon le calcul demandé par l'État à en 1945, pour déterminer le montant des dommages de guerre, la destruction du centre-ville est de 72%. Ce chiffre fut calculé comme suit :

    8000 maisons et immeubles constituaient le centre-ville : 3690 étaient détruites à 100% ; 1510 à 75% ; 1500 à 50 % ; 1200 à 20%. Seules 100 maisons du centre ville étaient intactes.

    Pourquoi ce chiffre affirmé de 85% ? Plusieurs facteurs l'expliquent. Les maisons détruites à 75% ne furent pas restaurées, que pour celles détruites à 50% il fut choisi par certains propriétaires de ne pas les restaurer, mais aussi que plusieurs maisons réparables furent détruites malgré l'opposition des propriétaires. Ces destructions contraintes sont connues sous le nom de " scandale des ronds jaunes " 2

    Les maisons qui ne devaient en effet ne pas être rasées comportaient un rond jaune sur la façade. Mais les entreprises en charge du déblaiement ne les respectèrent pas toujours cette convention, car elles étaient payées à la tonne de gravats excavés. Ces malversations contribuèrent à augmenter les chiffres de reconstruction des logements qui atteignirent 85%. Mais le chiffre de reconstruction et le chiffre de destruction durant la guerre sont deux choses différentes. Viennent aussi les chiffres concernant les infrastructures et industries qui ne sont traités à part. Quant aux pourcentages des bâtiments détruits sur le reste du territoire communal, ils sont négligeables, même si le bourg de l'Immaculé fut anéantie, mais pris en compte dans les chiffres de reconstruction publiés par feu monsieur Blancho alors maire de Saint-Nazaire, ce qui ajoute à la confusion. (NB : en mars 1943 le centre ville était détruit à 60%).

     

    Ajoutons que l'image de la ville détruite marqua les esprits pour les raisons que l'on imagine faussant un peu la réalité.

     

    La rédaction nazairienne de Ouest-France a été contactée le 5 août afin de rectifier les faits énoncés et de communiquer les véritables chiffres déterminés par l'Etat. La réponse faite par madame Claire Robin est la suivante :  " Merci pour ces précisions. J’en prend bonne note sin jamais nous sommes amenés à publier un prochain article à se sujet. " (sic).

     

     

     

    1 Monsieur Emmanuel Petit a fait la remarque suivante sur le groupe du Vieux Saint-Nazaire au sujet de l'illustration de l'article de Ouest-France : '' c'est un bombardier bimoteur B26 "Maraudeur" destiné au bombardement tactique et portant les marques du débarquement de juin 44 (on les voit bien sous le ventre et les ailes). Cette photo n'a aucun rapport avec les bombardements de 1943. ''

     

    2. Les ronds jaunes était des marques peintes sur les façades des immeubles et maisons que les propriétaires désiraient faire détruire durant le déblaiement de Saint-Nazaire. Cette marque était aussi faite sur certains bâtiments publics. Malheureusement un important nombre de ces constructions furent rasées illégalement par les sociétés mandatées qui faisait peindre par leurs employés des ronds jaunes sur les portes de maisons endommagées ou intactes. En effet elles étaient payées à la tonne de gravats excavée. C'est en raison de ces pratiques que la chapelle de Saint-Blaise manquât d'être détruite si heureusement un voisin ne s'était placé devant le bulldozer, mais aussi pourquoi des Nazairiens perdirent leur habitation ; les témoignages sont nombreux, surtout dans la périphérie du centre-ville, de Nazairiens venus récupérer un objet ou surveiller leur bien, découvrant un rond jaune sur leur porte ou celle du voisin, et qui l'effacèrent. Il y eut d'autres malversations. Les entreprises en question firent compter trois fois les camions chargés de décombres en direction du Grand Marais. Les enquêteurs déterminèrent que dans les conditions réelles cela aurait fait courir les chevaux à 72 km/h ; rouler les brouettes à 20 km/h ; chaque ouvrier aurait extrait 40m² par jour... Des matériaux comme le zinc, le cuivre, et le plomb furent récupérés et vendus sans autorisations. Des éléments urbains furent volés. Des lampadaires, les fameuses Quatre Horloges, les grilles art-déco du cœur de l'église Saint-Nazaire avec leurs ornements de bronze qui étaient toujours en place à la libération de la ville disparurent. En général l'ensemble de ces faits sont résumés par sous l'appellation " scandale des ronds jaunes.

  • La Galicheraie

    Il nous a été demandé des informations sur l'ancien fief de La Galicheraie. Voici ce que nous avons trouvé :

     

    En 1696 la terre de La Galicheraie appartenait à Charles-Pierre Fouquer, qui fit enregistrer ses armes à l'Armorial général de Bretagne : De gueules à l'écureuil d'argent ; à la barre camponnée d'or et d'azur.

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    La famille Fouquer, ou Foucquer, est une famille guérandaise. Elle posséda à partir du milieu du XVIIe jusqu'à la fin la Révolution le manoir de Kersalio à Guerande. 

     

    I° Charles-Pierre Fouquer, sieur de La Galicheraie, fut procureur du siège royal de Guérande en 1707. Il était le fils du seigneur du manoir de Kersalio et avait pour frère aîné Raoul Philippe Fouquer, sieur de Kersalio, (1652-1733), qui ne laissa qu'une fille. Le manoir de Kersalio revient au fils de Charles-Pierre :

    II° Mathieu Fouquer, sieur de Kersalio et de La Galicheraie, Conseiller du Roi et son procureur au siège royal de Guérande, époux de Marie Duhil, d'où :

    III° François Mathieu Foucquer, sieur de Kersalio, conseiller du Roi, maître en la Chambre des Comptes de Bretagne, mariée en la paroisse Saint-Nicolas de Nantes le 16 novembre 1745 à Charlotte Trochon, (1721-1800), d'où :

    1° Paule-Marie Fouquer de Kersalio, mariée à Guérande le 12 décembre 1786 avec René-Louis-Joseph-Célestin Guitton, chevalier, seigneur du Plessic et de la Ville-Juhel ;

    2° Marie-Françoise de Fouquer Kersalio, née en 1748, épouse d'Ollivier-Joseph-Marie de France ;

    3° François qui suit ;

    4° Madeleine-Julienne, épouse de Clément-François de Collobel, chevalier, seigneur du Bot, du Prédic, et du Bodel, capitaine au régiment de Royal-Piémont, chevalier de Saint-Louis.

    III° François Fouquer, sieur de Kersalio, capitaine de mousquetaires marié à Vannes le 5 février 1784 à Charlotte-Maximilienne de La Grandière, (1764-1823).

    En 1829 la Galicheraie était une métairie avec deux bâtiments séparés par une cour avec un four. 

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    En 1850, elle appartient à Edouard Lorieux.

  • Le naufrage du paquebot « Ville de Saint-Nazaire », le 6 mars 1897

    Saint-Nazaire, capitale de la construction des paquebots, n'a donné son nom qu'à un seul d'entre eux. Ce paquebot fut réalisé par la Société des chantiers de l’Océan qui depuis 1869 avait remplacé le Chantier John Scott, déclaré en faillite en 1866, pour la Compagnie générale transatlantique, afin de desservir originellement la ligne Saint-Nazaire - Antilles - Mexique. Étrangement, c'est à Bordeaux qu'il fut construit. C'était un paquebot à coque de fer du type mixte, c'est-à-dire doté de trois mâts et de chaudières à vapeur actionnant deux hélices, pouvant aller à une vitesse moyenne de 12,5 nœuds. Il avait une longueur de 88,5 m, d'une largeur de 12,33 m, et jaugeait les 2676 tonneaux.

     

    Attribué donc en janvier 1871 à la ligne Saint-Nazaire - Antilles - Mexique, il est en janvier 1872 attribué à celle de Saint-Nazaire - Valparaíso (Brésil). La Ligne étant fermée en 1874, il subit de profondes transformations, durant l'année 1875, qui lui firent perdre son éperon. En janvier 1876 il est attribué à la ligne de Saint-Nazaire - Colón (Panama). On lui changea ses chaudières en 1879-80, et il fut attribué à la ligne d'Afrique du Nord, puis en juin 1882, il est réattribué à la ligne du Mexique. Il dessert Haïti de septembre 1886 à septembre 1888, subit un nouveau changement de chaudières et retourne sur la ligne d'Afrique du Nord en 1891, jusqu'en janvier 1895. Le 22 février 1895, la République l’affrète au transport du Capitaine Dreyfus pour le bagne de Cayenne. Il débarque le condamné le 12 mars sur l’Île Royale. Rentré en avril en métropole, il est alors à nouveau attribué à la ligne de Colón. En 1897, il dessert New York et les Antilles. Le 6 mars 1897, pris dans une tempête, il fit naufrage. Il transportait alors 83 personnes à son bord, dont seules 18 furent sauvées, (4 le 13 mars par le steamer américain Maroa et 14 autres par le vapeur britannique Yanariva). Son capitaine, Paul Jagueneaud, et son second, Pierre Nicolaï rescapés, chacun sur un canot différent, eurent les gros titres de la presse. 

     

    Le Figaro du 2 avril 1897 publia :

    « La Ville-de-Saint-Nazaire : Nous avons donné hier, sous le coup de l'impression reçue et au hasard des notes prises, le rapide récit du sauvetage du canot commandé par le capitaine Nicolaï. Grâce à l'amabilité de la Compagnie transatlantique, il nous est permis de donner aujourd'hui mieux qu'une esquisse, le rapport même de ce héros de la mer du second capitaine du paquebot Ville-de-Saint-Nazaire, capitaine Jacquenau, armateur Compagnie générale transatlantique, abandonné le huit mars mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, â environ 253milles dans le sud de New York. Position approchée à l'estime Latitude 36°02 Nord. Longitude 78°Ouest. Je soussigné Pierre Nicolaï, capitaine au long cours, second capitaine du susdit paquebot, déclare par les présentes ce qui suit le huit du mois de mars mil huit cent quatre-vingt-dix-sept, après avoir embarqué vivres, passagers et équipage dans quatre embarcations, vers dix heures trente minutes du'matin, le capitaine, le chef mécanicien et moi, avons abandonné le bord. J'ai pris dès ce moment le commandement du canot n° 1 qui était monté par les dénommés ci-dessous. MM. Giraud Germain, Lorenzetti Prosper, 2e et 3e mécaniciens ;  Picard Gaétan,  maître. d'équipage; Sauvanel Nicolas-Armand,  passager allant à Port-au-Prince ; Fernand et Calixte Ludon, Léopold Paupard, Pierre Buron, Joseph Chaudière, Alexandre Miron, matelots Adolphe, mousse ; Valendorff, Cacheux, Madeleine, Salvert, Cléodore, Samuel, Dalila, Corneille, Huguené, Catoni, chauffeurs, Marteau et Butin, soutiers Baza, cambusier, Ernest, boulanger, Mariai et Dupontel, garçons de cuisine. Total vingt-neuf personnes. En compagnie des trois autres embarcations, nous nous sommes dirigés vers l'Ouest ; à douze reprises différentes, j'ai essayé de naviguer à la remorque mais cette dernière cassait à chaque secousse que le grand canot donnait. Le vent soufflait à l'Est, la mer très grosse je fis établir la misaine et ai navigué ainsi jusqu'à six heures du soir. A partir de cette heure le vent est devenu variable j'ai ramassé la voile et armé les avirons. A sept heures, on ne voyait plus aucune embarcation. J'ai toujours maintenu le cap à l'Ouest. Vers dix heures, à environ un mille et demi, un peu par tribord avant, j'ai aperçu successivement deux feux rouges de Coston s'allumer. J'ai attribué ce signal à un ralliement, je m'en suis approché. N'ayant pas de feu de Coston pour répondre, j'ai tiré deux coups de revolver, j'ai fait siffler avec un sifflet de manœuvre, je n'ai plus rien vu ni entendu ; j'ai continué ma route.Vers minuit, le temps se met à grains, à la partie Nord ; variable l'Ouest ; mer démontée, pluie battante par intervalles. A une heure trente minutes environ, j'étais pris dans un tourbillon de courants, couvert de toutes sortes de nuages ; pour m'en sortir, j'ai dû prendre la cape tribord-armures, et à l'aviron. Trois heures après, j'en étais dégagé sans aucun accident. «Voyant tout mon monde éreinté et mort de froid, pour en laisser reposer les deux tiers, j'ai navigué à l'aviron avec dix hommes pour maintenir le cap à l'Ouest. Au jour, il a venté grand frais de l'Est mer énorme, et j'ai fui devant le temps, cap à l'Ouest. Vers neuf heures, il a passé le long du bord un petit aviron que j'ai reconnu pour être celui du youyou vers onze heures, j'ai aperçu droit devant moi un trois mât-goélette capeyant bâbord-armures. Trois quarts d'heure après, il prenait le vent arrière, Du Midi 9 au midi 10, vers midi 30, j'étais à l'endroit, ou à peu près, où. était le voilier quand je l'ai aperçu. Il y avait, à 500 mètres environ par tribord à moi, le grand canot et la baleinière amarrés ensemble personne dedans; pas de signaux. Il m'était impossible de les rallier. J'ai supposé que, quand le voilier était à la cape, il devait procéder au sauvetage.Tout l'après-midi, même temps. Le soir, vers sept heures, forte brume sur l'eau, très intense.Vers huit heures, le maître d'équipage Gaëtan Picard est atteint de folie et veut absolument descendre à terre en s'affaissant le long du bord. Pour le maintenir à corps, il y a fart à faire par rapport au déplacement du mondé qui aurait pu faire remplir l'embarcation d'eau. Je l'ai fait garder en demeure par deux ou trois hommes pour qu'il ne se jette pas à l'eau. Le mauvais temps s'est levé ; fax filé le grappin à la mer pour étaler la dérive pendant la nuit j'ai dû tenir le cape. Vers dix heures trente, il y a eu un moment de paniqué la folie de Picard était devenue furieuse ; plus moyen de le tenir. Il cherchait la hache pour défoncer l'embarcation en disant qu'il y avait du monde enfermé dans les cales. Sur ce, j'ai donné ordre de le saisir et de l'attacher au pied du banc du mât de misaine en lui laissant libre le bras qu'il s'était contusionné en embarquant dans le youyou au moment de l'abandonner. Le matelot Joseph Chaudière s'est armé de courage ; aidé de deux ou trois autres hommes, il a réussi à le saisir et à l'attacher. La nuit s'est passée ainsi. Le matin, avant de mettre en route, il paraissait calme, mais, toujours fou, ne faisait que déraisonner. Je l'ai fait lâcher, toujours sous la surveillance de deux ou trois hommes. A six heures du matin, j'ai hissé la misaine, pris le vent arrière avec vent frais de l'Est. Mer démontée, pluie battante, route plutôt S.-O. Du midi 10 au midi 11 Dans l'après-midi, le temps s'est embelli. Le soir, éclairs et tonnerre dans le Nord ; grosse mer de l'Est. A dix heures, le temps était le même. Je l'ai considéré comme établi. J'ai éveillé le matelot Chaudière, Joseph, lequel j'avais choisi comme homme de confiance en remplacement du maître d'équipage je lui ai donné toutes les indications pour continuer j'avais besoin d'abri pour me réchauffer. Il y avait à peine une demi-heure que j'étais accroupi près des deux officiers mécaniciens quand je me suis senti tirer par les cheveux. C'était Chaudière qui me dit « Le maître d'équipage s'est jeté à la mer. » L'écoute de misaine a été filée de suite, la voile ramassée pour étaler l'air de la baleinière. Impossible de virer de bord, l'embarcation se serait, remplie d'eau et aurait certainement coulé à pic. Picard Gaëtan nous a disparu sous les yeux à deux cents mètres de distance environ. J'ai continué à faire scier, mais en vain. Comme il m'était impossible de sillonner la mer, à onze heures quinze minutes je reprenais ma route.Vers trois heures du matin, le vent est passé à l'Est. Tant que la mer n'a pas changé de direction, j'ai navigué à la voile. Une heure après, j'étais pris entre deux mers; j'ai fait serrer la voile et armer les avirons pour éviter les coups de mer. Tout mon monde était gelé, mouillé, pris de peur. J'ai dû aller moi-même avec le troisième mécanicien au premier aviron de l'avant. Pendant cette lutte, le nommé Butin, soutier, pris de folie, s'est jeté directement à la mer et n'a plus reparu.Au jour, j'en comptai trois de morts par le froid: Léon Dupontal, garçon de ̃cuisine ; Marius, garçon de cuisine, atteint de folie pendant la nuit; Ernest, boulanger. Les corps ont été immergés, sitôt le soleil levé. Le vent et la mer ont repris à l'Est, grand frais et mer montée. J'ai fui avec la misaine cap à l'Ouest en gouvernant à la lame. Depuis ma mise en route, à neuf heures, il m'est mort trois hommes et le mousse, complètement gelés, savoir Hugueni, Baza, Corneille, Adolphe. Ce n'est qu'en promettant la terre que j'ai réussi à atténuer la frayeur et les larmes des dix-neuf hommes qui me restaient.-A partir de onze heures, le temps s'est mis relativement au beau. Du midi 11 au midi 12 Le temps s'est maintenu au beau ; cela nous a permis de faire sécher notre linge. Environ vers quatre heures, j'ai eu trois hommes qui avaient de la folie très prononcée, mais non dangereuse. Ils voulaient tous s'en aller dans leur famille. J'ai continué au beau temps. Vers huit heures, la folie a empiré. Faustin s'est jeté à la mer. Nous l'avons repêché aussitôt. Je l'ai fait séparer et garder entre deux hommes. Pendant leur sommeil, ils ont succombé. Savoir Catoni, Faustiri, Miron, Valendorff qui a été trouvé mort de froid à côté du 3e mécanicien quand celui-ci a voulu l'éveiller. Toute la nuit, le temps a été maniable j'ai pu conserver la misaine-dessus tout mon monde s'est reposé couvert avec la grand'voile. Au jour, j'ai éveillé le monde pour établir la voilure et immerger les corps. Pendant cette opération, j'ai aperçu un bateau à vapeur, type « carao-boat », cheminée peinte en noir, faisant route au N.-E, Comme nos deux routes se croisaient, je ne pouvais faire différemment que de l'approcher ce paquebot nous a aperçus. Il est venu sur tribord; s'il n'a pas stoppé, il a tout au moins ralenti sa marche. Quand j'ai fait osciller le pavillon français au bout du mât, il était alors à environ un mille de distance il est revenu sur bâbord et a continué sa route. Dans l'embarcation, le découragement était au complet, tous à moitié gelés pour encourager mes hommes, je leur ai dit que ce bateau nous savait tellement près'de.terre qu'il avait jugé à propos de nous y laisser aller tout seuls. Afin de les convaincre, j'ai forcé de toile, en croisant les voiles en ciseaux la baleinière filait au moins dix nœuds, quand vers dix heures, j'ai aperçu le paquebot Yanariva, du port de Glasgow, commandé par le brave capitaine Weston. Dès qu'il nous a aperçus, il a gouverné sur nous. Une demi-heure après, nous étions tous sauvés à son bord. Notre chaloupe a été hissée sur le Yanariva, les soins les plus empressés nous ont été donnés. Le capitaine nous a habillés aussitôt avec son propre linge. Savoir MM. Giraud, Lorenzetti, Nicolai qui étaient habillés avec un pantalon de matelot et un gilet de flanelle à nous.L'équipage et les passagers ont été couchés et chauffés ; ce qu'ils avaient dessus a été mis au sec. Je ne saurais trop recommander auprès des autorités compétentes la belle et honorable conduite du capitaine Weston pour l'humanité et le dévouement qu'il a employés pour sauver notre vie, ainsi que tout son état-major et son équipage. En foi de quoi, j'ai dressé le présent rapport pour valoir ce que de droit. Le 2e capitaine, Nicolaï. Les officiers, passagers et équipage confirment, en outre, que le rapport du 2° capitaine ne contient que la pure vérité.Suivent les signatures. Nous soussigné, consul de France à Glasgow, à la requête de M. Nicolaï, second capitaine de la  Ville-de-Saint-Nazaire, avons fait comparaître tous les hommes recueillis avec lui-même dans le canot, après l'abandon dudit paquebot, lesquels, après avoir entendu la lecture du rapport qui précède, ont déclaré, chacun séparément et sous la foi du serment, qu'il contient la vérité et qu'ils le savent pour avoir été présents, lorsque le tout est arrivé, et ils ont signé avec nous. Dont acte, fait à Glasgow, le 29 mars 1897. Le consul de France, Jules Coste. Après l'éloquent rapport qu'on vient de lire, nous n'avons plus à nous occuper du canot n° 1. Parlons des autres. Le canot n° 2, recueilli par le steamer Maroa, est arrivé à Hambourg dans la soirée du 31 mars. Nous avons reçu à son sujet la dépêche suivante : Hambourg, 31 mars. Cet après-midi, le vapeur Maroa est entré au port avec quatre naufragés du vapeur Ville-de-Saint-Nazaire. Ce sont le capitaine Jagueneaud, le machiniste Mariani, le pilote Hébert et le matelot Savona. La Ville-de-Saint-Nazaire, que l'équipage avait abandonné, ayant sombré le 8 mars, un canot erra à l'aventure avec neuf personnes jusqu'au 13 mars. Le Maroa le recueillit ce jour à trois heures de l'après-midi. Cinq d'entre eux avaient bu de l'eau de mer. Deux noirs moururent, le deuxième jour. Une maîtresse d'hôtel et deux hommes succombèrent, le quatrième jour. Les survivants ont souffert des tortures épouvantables. Ils étaient totalement épuisés au moment où le Maroa les a recueillis. Ils ont trouvé â bord du Maroa des soins affectueux et sont aujourd'hui tout à fait remis. Le capitaine Jagueneaud est attendu aujourd'hui à Paris. Le canot n° 3, monté par le capitaine Bairy et trois autres personnes, a été ramené à New York après avoir battu, pendant six jours et six nuits, la mer. Reste le 4° canot, monté par le lieutenant d'Andreïs et sept personnes. Hier soir, à la Compagnie générale transatlantique, on était encore sans nouvelles de ce dernier. » 

     

    Paul Jagueneaud ne fit le récit du naufrage qu'en 1921, récit que nous publions ici dans son intégralité.

     

    Récit du naufrage de la «  Ville de Saint-Nazaire », par son capitaine, publié dans La Nouvelle Revue Française, en 1921.

      


    « J'étais parti de New York, le 6 mars 1897, vers une heure et demie de l'après-midi, avec beau temps. Dans la nuit du 6 au 7, le temps est devenu mauvais et le devint de plus en plus dans la journée du 7, grains très violents du N.-E., horizon clair entre les grains ; la mer était très grosse, mais le navire, peu chargé, n'embarquait pas beaucoup d'eau, il roulait quelquefois très fort. Vers 6 heures, un coup de roulis plus fort que les autres, fit faire cuiller au navire, qui embarqua, tribord et abord une assez grande quantité d'eau, dont une partie passa par les grillages des chaufferies. Au coup de roulis, les plaques du parquet s'étant déplacées, les chauffeurs noirs furent pris de panique, surtout en voyant l'eau qui était tombée dans les chaufferies. Ils montèrent dans le poste, où le chef mécanicien fut obligé de les menacer pour les faire redescendre à leur poste. Ce qu'ils firent, mais lentement. Pendant ce temps, la pression était tombée et il n'y eut plus la possibilité de la relever ensuite. Le chef mécanicien n'est venu me prévenir, sur la passerelle, de tout ce qui venait de se passer, qu'après le ralliement complet de son personnel et la mise en fonction des pompes, en me disant que le navire roulait beaucoup trop fort pour qu'on pût bien pomper. Je pris alors la cape sur bâbord, mais le navire venait dans le vent malgré la barre, par suite du ralentissement des machines. J'aurais pris de préférence la cape sur tribord, mais le paquebot n'y pouvait tenir. En effet la machine de bâbord, qui ne fonctionnait plus que lentement, ne pouvait vaincre la résistance du vent qui venait de la hanche bâbord. Et ce vent était si violent qu'il n'était pas possible de ramener le navire sur tribord avec une machine marchant bâbord avant lentement et l'autre marchant arrière. Force fut donc de prendre la cape à bâbord, ce n'était du reste qu'une allure momentanée pour permettre de pomper l'eau des chaufferies. Je comptais ensuite reprendre ma route. Cette manœuvre terminée je descendis dans la machine où je vis qu'une certaine quantité d'eau roulait dans la chaufferie, et que les pompes étaient en marche, mais l'eau ne diminuait pas et d'autre part la pression tombait au point que les machines stoppèrent d'elles-mêmes pendant que j'étais auprès. Le navire resta alors en travers au vent et à la mer. Nous n'avions plus qu'à essayer de pomper l'eau des chaufferies avec la pression qui nous restait et les autres moyens en notre pouvoir ; ce que nous avons fait sans obtenir après toute une nuit de fatigue aucun résultat. J'ai laissé le premier lieutenant et un homme toute la nuit sur la passerelle avec mission de surveiller l'horizon et, si un navire venait en vue, de lui faire des signaux de détresse avec des bombettes ; malheureusement aucun navire n'a été en vue et je n'ai pas voulu brûler au hasard, sans savoir si elles seraient aperçues, mes bombettes dont la provision était très restreinte ; j'ai préféré ne m'en servir qu'à coup sûr en présence d'un navire... Nous en possédions une boîte de 24 incomplète ; il en restait, je crois, une douzaine ; du reste ces bombes ne se voient pas de très loin. Nous en avions essayé dans le début du voyage et elles n'avaient donné qu'une traînée lumineuse très faible et pas de détonation en l'air. D'autres expériences à bord ont donné le même résultat ; nous les aurions brûlées à longue distance en pure perte. Tous les marins savent que sur les paquebots les voiles ne sont qu'un accessoire des machines et qu'elles n'auraient même pas fait gouverner le paquebot surtout par le temps qu'il faisait ; sans compter que, rempli d'eau comme il était, je ne serais jamais parvenu à établir les voiles. Elles auraient été enlevées en peu de temps. On avait préparé des vivres dans six grands canots ; malheureusement quatre ont été défoncés le long du bord et perdus avec les vivres qui y étaient accumulés. La baleinière et le troisième petit canot ne devaient pas nous servir au sauvetage et n'avaient pas été pourvus ; ce n'est qu'au moment de s'en servir que l'on a embarqué quelques litres d'eau dans des bidons et des pains avec des comestibles : saucissons, jambons, etc.. Je n'ai pas toujours été d'accord avec le commissaire à propos des vivres et j'ai souvent soupçonné le commissaire de majorer le nombre des repas sur les bons pour faire paraître ses gestions meilleures ; je lui en ai fait quelquefois le reproche, qu'il prit le plus souvent de très haut ; surtout quand il avait bu un peu plus que de raison, ce qui lui arrivait quelquefois. Quant aux demandes de réparation des emménagements et delà machine, je fis souvent des observations comme j'en avais le devoir, puisque j'étais là pour prendre les intérêts de la Compagnie, tout en approuvant les demandes pour réparations nécessaires. De tout cela vient cette accusation de m'être montré toujours de mauvaise humeur quand on venait me trouver. En somme il n'y a jamais eu d'altercation entre mes officiers et moi, excepté avec le premier second capitaine qui était loin de me donner satisfaction dans son service. Et cependant je ne passe pas pour un homme très difficile comme capitaine ; il y a assez de gens à la Compagnie qui ont navigué sous mes ordres pour en témoigner. Du reste, des mouvements d'humeur arrivent à tout le monde surtout à ceux qui ont de la responsabilité. Nous voilà donc tous dans les embarcations. Je fis voir la direction dans laquelle il fallait se diriger et les quatre canots naviguèrent à l'aviron et de conserve toute l'après-midi. Il faut avoir passé par une épreuve pareille pour se rendre compte des tristes impressions qui étreignent le cœur d'un capitaine quand il se voit obligé d'abandonner son navire à la fureur des flots. Le sentiment d'une responsabilité énorme dans la sauvegarde des existences qui se sont confiées à lui, absorbe toute ;sa pensée et le torture sans cesse en lui donnant la crainte de ne pas prévoir toutes les petites circonstances propres à assurer le salut de ceux dont les yeux suppliants sont tournés vers lui. Mais dans ces tristes conjonctures, les devoirs d'un Capitaine sont tellement multiples, qu'il en oublie forcément quelques-uns. J'estime que le premier de tous est d'inspirer la confiance qui fait supporter tous les maux avec résignation. A la tombée du jour chaque canot avait installé ses toiles. Les deux grands canots qui étaient bien armés avec une voilure complète, une boussole et autres accessoires, avaient la chance d'arriver à terre plus vite que ma baleinière et que le troisième petit canot qui n'avaient qu'une demi-voilure chacun, sans boussole ni gouvernail. Ces deux derniers canots étaient les plus mal partagés à tous les points de vue, non seulement pour l'armement, mais aussi pour les vivres, car ils ne devaient primitivement pas nous servir dans l'abandon du paquebot et n'avaient pas été approvisionnés. Ce n'est qu'après que les grands canots de bâbord eurent été démolis le long du navire par la mer et par le roulis, que nous fûmes forcés de penser pour notre sauvetage à ces petites embarcations. Nous jetâmes donc dedans, au dernier moment, le plus de vivres que nous pûmes, tels que pain, saucisson, jambons, andouilles, plus un bidon d'une vingtaine de litres d'eau, le seul récipient que nous pûmes trouver dans la hâte à laquelle nous obligeait la disparition imminente du paquebot. Le troisième canot, armé avant la baleinière, avait reçu, en dehors des autres vivres, par les soins du maître d'hôtel qui devait s'y embarquer, pas mal de bouteilles de vin, de cognac, de Champagne, etc.. et je pense que cette abondance de liquides alcoolisés fut la raison pour laquelle on n'en eût jamais de nouvelles. Car, qui pourrait dire si, s'abandonnant au désespoir de ne pas apercevoir la terre, les hommes qui montaient cette embarcation, ne burent pas plus que de raison. L'ivresse qui noie la conscience, adoucit toujours le passage de vie à trépas, en effaçant toute sensation douloureuse. Ce fut probablement pour eux un moyen de mourir sans souffrir, mais ce fut aussi sans doute la cause de leur mort, car s'ils avaient lutté de sang-froid, le salut était peut-être pour eux comme pour nous au bout de leurs souffrances. Les quatre embarcations naviguèrent donc de conserve jusqu'à la tombée du jour et ce n'est qu'au crépuscule qu'elles se perdirent de vue ; les deux grands canots étaient placés devant avec une boussole pour se diriger, les deux petits canots derrière ceux-ci et n'ayant comme guide que l'étoile Polaire, quand les nuages capricieux ou la brume traîtresse voulaient bien la laisser apparaître aux yeux de ceux qui les montaient. Dans le courant de la nuit, jusque vers minuit, il nous fut donné d'apercevoir deux fois les feux de ralliement du canot Berry. Ces feux, à leur apparition, étaient pour nous des lueurs d'espérance et nous nous demandions si ce n'étaient pas les feux d'un navire sauveur envoyé tout exprès par la Providence pour nous recueillir. Mais hélas ! ils s'éteignaient et leurs dernières étincelles emportaient avec elles nos dernières lueurs d'espoir. Alors, un silence de mort régnait parmi nous. Après minuit, aucun feu ne vint frapper nos regards désespérés et à partir de ce moment, nous eûmes tous la conviction que notre baleinière naviguait maintenant séparée des trois autres embarcations, et ce fut à ce moment que les sentiments de tristesse et de désespoir commencèrent à se manifester chez plusieurs de mes compagnons d'infortune ; tant qu'ils sentirent que la baleinière était dans le voisinage des grands life-boats, la confiance dans le salut ne cessa de régner, mais quand ils eurent acquis la certitude que notre frêle esquif, constamment rempli à moitié par les vagues, ne pouvait même plus, en cas de submersion complète, compter sur le secours des autres canots, les lamentations les plus tristes sortirent de leur bouche, et il devint difficile de leur donner la confiance qui soutient le courage. Malgré ce désespoir, qui finit d'ailleurs par s'apaiser et par faire place peu à peu à la somnolence de la fatigue, cette première nuit se passa sans que nous ayons trop à nous plaindre. Nous avions navigué à la voile toute la nuit, la mer n'était pas trop grosse (ce qui ne l'empêchait pas d'embarquer fréquemment), et la brise, très maniable pour une demi-voilure, nous avait fait faire assez de chemin pour me donner l'espoir, si le temps continuait ainsi, d'atteindre la terre à la fin de la journée. Malheureusement, au lever du soleil, le vent de N.-E. recommença de plus belle à souffler et nous gêna beaucoup. Nous tînmes pourtant bon, vent arrière jusqu'à 10 heures ; mais à ce moment la mer était devenue si grosse, que cette allure devenait dangereuse et que les lames embarquaient à bord de notre pauvre baleinière en la remplissant sans cesse à moitié, ce qui fait qu'elle n'était guère élevée au-dessus de l'eau, par l'arrière, que d'une vingtaine de centimètres. Nous préférâmes alors perdre un peu de chemin et ne pas risquer d'être engloutis par une de ces grosses lames qui déferlaient sur nous avec un fracas épouvantable et qui arrachaient des cris de détresse à la plupart de mes compagnons, surtout à la pauvre femme de chambre, qui en avait des crises nerveuses épouvantables. Nous prîmes donc la cape debout au vent en filant, comme ancre de salut, nos avirons amarrés en drome. Cette allure nous permettait de vider notre baleinière plus facilement et ne nous était pas défavorable comme direction de dérive, car le vent de N.-E., portant à terre, nous entraînait très lentement vers 'elle. L'inconvénient qui en a résulté est la perte de six milles environ, mais nous avions échappé à la mort certaine. Vers une heure de l'après-midi, le vent souffla moins fort, et la mer déferla beaucoup moins. Nous en profitâmes sans retard pour reprendre notre route dans la direction de la terre : nous rentrâmes notre ancre flottante et la voile fut hissée tout en haut, ainsi que le foc qui nous permettait de gouverner la baleinière, bien mieux qu'avec un simple aviron de queue, — travail très dur et très pénible, auquel il me fallait porter toute mon attention, car je devais perdre le moins possible de chemin et m'appliquer sans cesse à atténuer les embardées ou crochets à droite et à gauche. Nous pûmes conserver cette allure, malgré que le vent et la mer fussent encore très forts ; ceux-ci pourtant diminuaient au fur et à mesure que nous avancions ; au point que, vers 4 heurs, le temps était devenu maniable et que nous étions bien plus tranquilles ; les lames n'embarquaient presque plus dans la baleinière, ce qui donnait un peu de répit aux hommes chargés de la vider. Puis, avec le temps maniable, l'espoir était revenu; cela se lisait sur tous les visages, car nous marchions vite et bien sur la terre. La position du soleil, lequel apparaissait de temps à autre, m'en donnait la certitude. D'après mon estime du chemin parcouru, je comptais bien l'apercevoir avant la nuit ; l'horizon était très clair, nous devions la voir de très loin. Cet espoir ranimait tous les courages. Vers 5 heures du soir, la mer et le vent n'étaient plus bien forts; du vent, il ne restait plus qu'une légère brise faisant filer environ deux nœuds à l'embarcation, et de la mer qu'une forte houle, très longue, sur laquelle notre baleinière montait, comme un oiseau sur la lame. Je voyais le moment approcher où il faudrait reprendre les avirons, car le vent tombait toujours de plus en plus, et dans cette prévision, j'engageai mes hommes à prendre un peu de nourriture. Nous grignotâmes les bribes de pain détrempé d'eau de mer qui nous restaient, avec quelques parcelles de saumon et de jambon ; mais tout cela étant salé, nous ne pûmes en manger qu'une ou deux bouchées, qui eurent encore beaucoup de mal à passer dans notre estomac, car nous n'avions plus rien à boire. Les quelques litres d'eau que nous avions pu emporter avaient été consommés dans le courant de la journée ; il ne restait plus comme ressource que l'eau salée, dont plusieurs de mes compagnons usèrent, et abusèrent même, et qui leur causa des hallucinations. Nous étions donc occupés à nous restaurer ainsi médiocrement, quand, vers 5 heures, au moment où notre embarcation se trouvait sur la crête d'une grosse lame, j'aperçus fort distinctement une bande grise à l'horizon : il n'y avait pas de doute, c'était bien la terre. Tous mes compagnons se mirent à regarder et furent bien convaincus que c'était elle. Au même instant, le lieutenant Hébert qui était monté sur la plate-forme de l'avant, s'écrie : « Un navire à voiles droit devant. » Tous les yeux se dirigèrent vers la direction indiquée, et virent en effet à une grande distance un navire, dont on distinguait très bien la voilure. Malgré cet espoir, je doutai fort que ce navire pût apercevoir notre pauvre petite embarcation, qui ne devait lui apparaître que comme un point minuscule à l'horizon. Dans la direction du navire, on n'apercevait aucune bande de terre, car celle que l'on voyait se trouvait dans la direction du N.-O., c'est-à-dire faisait avec la direction de notre route (à peu près l'Ouest), un angle de quatre quarts environ (46°). La question de savoir si nous devions continuer à courir sur le navire, ou bien nous diriger sur la terre, fut agitée. Les uns, qui croyaient reconnaître que le navire avait le cap sur nous, optèrent pour continuer la même route ; les autres (je fus de ceux-là) apercevant la terre relativement peu éloignée, se dirent avec raison qu'il valait mieux se diriger vers elle, puisqu'on était sûr de l'atteindre à un moment donné, tandis qu'au contraire le navire se déplaçait sans que rien prouvât que c'était vers nous. Malgré le dire de quelques-uns, il était certainement imprudent de se mettre à la poursuite d'un navire, quand on avait la terre à une dizaine de milles (distance évaluée, mais sans doute fortement erronée). Il fut donc décidé à la majorité que nous continuerions à naviguer vers la terre. Mais presque aussitôt la nuit vint et le vent se calma tout à fait, ce qui nous força, pour continuer notre route, à nous servir de nos avirons. Tout le monde avait repris courage et tous ramaient avec énergie, dans l'espoir d'atteindre la terre en peu de temps. A la tombée du jour, le temps qui était clair, m'avait permis de prendre un angle de route d'après la Polaire, qui paraissait très bien, ainsi que presque toutes les étoiles. Nous naviguions donc, avec l'espoir dans le cœur, quand tout à coup, le temps, de clair qu'il était, devint subitement brumeux et cacha à nos yeux les étoiles qui servaient à nous diriger. Un moment de stupeur s'empara de nous, mais aussitôt nous reprîmes le dessus et nous tînmes ce raisonnement : puis-que nous ne pouvons plus nous diriger à cause de la brume qui nous cache les étoiles, que le temps est calme et la mer belle, nous allons en profiter pour sommeiller un peu et nous reposer des fatigues endurées depuis la veille. Si le temps vient à s'éclaircir, nous continuerons notre route. Nous allions donc nous étendre, après avoir désigné l'un de nous pour veiller, quand le Commissaire Lejeune s'écria, en regardant derrière nous : « Oh ! voyez donc comme c'est bizarre, on dirait la terrasse d'un casino tout illuminée. » Tous les regards, y compris le mien, se portèrent dans la direction indiquée et virent vaguement, en effet, la silhouette d'un casino précédée d'un vaste jardin et entourée d'arbres immenses ; entre chaque arbre apparaissaient de grandes caisses à fleurs ; on eût dit des lauriers-roses. Les arbres étaient réunis entre eux par une corde à laquelle étaient suspendus des lampions allumés, dont on n'apercevait que la lueur vacillante. La façade elle-même était illuminée de quelques points dont on n'apercevait que les lueurs vagues. Tout à coup, tout disparaissait, puis reparaissait presque instantanément. C'étaient les hallucinations qui commençaient. Je m'expliquais très bien la cause de cette première ; la voici : c'était tout simplement un banc de brume dont les couches étaient plus ou moins éclairées par les étoiles, très brillantes à ce moment, et qui donnaient l'illusion de lampions suspendus. Les rayons lumineux traversant les couches de brume en sens divers, formaient des parties sombres et des parties éclairées ; les parties sombres représentaient les branches d'arbres. Plusieurs de mes compagnons eurent peur de cette vision et crurent que c'était d'un mauvais augure pour notre sauvetage. Je les rassurai de mon mieux en leur donnant l'explication que je viens de décrire ici et qui est certainement la meilleure. Leur frayeur parut alors se dissiper, et comme le temps était toujours calme, ils se couchèrent dans le fond de l'embarcation. Ne voulant laisser à personne le soin de veiller, je restai assis sur la banquette pour attendre moi-même les événements, de façon à pouvoir profiter immédiatement d'une éclaircie s'il s'en produisait une. Mais comme j'étais exténué d'avoir tenu depuis la veille l'aviron qui me servait de gouvernail, je m'endormis appuyé sur cet aviron. J'estime qu'il y avait environ une demi-heure que je sommeillais ainsi, quand tout à coup je fus réveillé par le bruit du vent et de la mer. Après avoir secoué la torpeur causée par le sommeil, j'observai le ciel et l'horizon, afin de m'orienter, et de reconnaître la direction de cette brise intempestive qui ronflait si fort en soulevant les vagues. Je reconnus de suite, par la position de la polaire, que le vent soufflait de l'Ouest, de toutes les directions, la plus défavorable à notre route. En faisant cette constatation, j'eus un moment d'abattement dont aucun de mes compagnons heureusement ne s'aperçut. Je laissai seulement échapper cette phrase, qui ne fut entendue que du chef mécanicien : « Ah ! nous sommes propres avec cela. » Et ce fut tout. Je fis lever tout le monde et reprendre les avirons pour nous tenir debout au vent et à la lame. Que se passa-t-il à ' ce moment dans le cœur de mes compagnons ? Je ne pouvais observer leurs visages à cause de l'obscurité, mais au silence qui régnait dans le canot, j'ai lieu de croire que de grandes angoisses les étreignaient ; ils se disaient sans doute que s'il fallait reprendre les rames pour faire tête au vent et à la mer, c'est que ces deux éléments nous poussaient dans une direction mauvaise qui nous éloignait de la terre promise, entrevue quelques instants avant. Je dois avouer qu'à ce moment, je fus un peu découragé ; mais il fallait surmonter immédiatement et à tout prix cette faiblesse et remonter le courage des rameurs afin qu'ils ne lâchent pas leurs avirons et n'aillent pas nous faire rouler par la mer. La veille, en abandonnant le paquebot à son triste destin, j'avais réglé le service de la nage, de façon à ce que tout le monde y passe à son tour et puisse se reposer une heure et demie après une heure de nage. Tout le monde fut désigné : chef mécanicien, lieutenant, commissaire, fous prirent régulièrement les rames, comme la justice l'ordonnait. Pour moi, je devais rester à mon aviron gouvernail ; car seul, je savais m'en servir efficacement pour tenir l'embarcation en bonne direction (il fallait que j'y restasse forcément). J'appelai donc les gens de service de nage à leur poste, et pour ne pas les décourager, je fus obligé de mentir en leur disant que la direction du vent était bonne, mais que la mer étant trop grosse pour naviguer à la voile, il était nécessaire de tenir notre embarcation debout à la lame, pour ne pas qu'elle nous roule et nous noie en un clin d'œil. Ils le crurent, n'ayant pas le moyen de contrôler mon dire, et ils se mirent à nager, sans se douter un seul instant que le vent d'Ouest nous entraînait au large et nous faisait perdre en grande partie le chemin que nous avions fait dans la bonne direction. Le lendemain matin, quand le jour parut, tous les 3^eux explorèrent l'horizon, pour s'assurer si la terre aperçue la veille, était encore en vue. Comme on ne distinguait plus rien, je vis l'inquiétude se peindre sur les physionomies, et l'effroi qui s'était emparé de la plupart d'entre eux, donnait déjà à leurs yeux l'expression de la folie. Heureusement qu'au lever du soleil, le vent changea de direction en mollissant un peu, ce qui eut pour effet de faire tomber la mer. Le N.-E., ayant passé au Nord, nous permit de mettre à la voile et de nous diriger de nouveau dans la direction de la côte. Ce changement de temps ranima de nouveau les courages abattus et mit un peu de tranquillité dans les cœurs. Dès que la voile fut installée, les hommes exténués par l'épouvantable nuit passée à tirer sur les avirons, mouillés à chaque instant par les lames qui embarquaient furieusement et qu'il fallait rejeter immédiatement au dehors, sous peine de sombrer, torturés par la peur de ne pas atteindre la terre, souffrant du froid, de la faim, de la soif, ne purent s'empêcher de profiter de l'embellie qui s'était produite pour dormir. Il s'allongèrent dans le fond du canot, serrés les uns contre les autres pour se réchauffer, et sous l'eau des vagues qui embarquait par moments, ils s'endormirent d'un profond sommeil qui devait être le dernier, hélas ! pour deux noirs. Nous naviguâmes à la voile une partie de la journée du ro mars, mais dans l'après-midi le vent vint à calmir. Pendant que nous naviguions à la voile, j'échangeai avec ceux qui ne dormaient plus, le chef mécanicien Mariani, le commissaire Lejeune, le lieutenant Hébert, et quelquefois la femme de chambre, j'échangeai, dis-je, quelques réflexions sur notre situation en essayant toujours de soutenir leur espoir défaillant. Le commissaire, qui avait déjà donné depuis la veille au soir quelques signes de divagation, me parlait du retour à terre ; ni énumérait les bons plats qu'il comptait nous faire déguster pour réconforter nos estomacs restés creux depuis tant d'heure ; lesquels plats seraient arrosés des meilleurs crus que nous pourrions trouver dans le pays hospitalier qui le premier nous recevrait; cardans son imagination, il se voyait atterrissant tout de suite dans un pays bien habité, muni d'un hôtel confortable et où l'on nous hébergerait suivant le menu qu'il énumérait avec l'enthousiasme d'un homme qui n'a rien mangé depuis de longues heures. Le chef mécanicien Mariani était sombre et parlait rarement, mais il avait encore ce jour-là l'esprit très sain ; il ne faisait aucun projet, car il sentait bien la situation désespérée dans laquelle nous nous trouvions, et le souvenir de sa femme et de son vieux père, qu'il ne reverrait peut-être plus, était je crois la raison qui lui faisait le plus regretter la vie. Le lieutenant Hébert Suffrin est un mulâtre de beaucoup d'énergie ; je suis heureux à cette place de rendre hommage à son courage et à sa résignation qui ne se sont pas démentis un seul instant. C'est lui qui, le plus souvent, pendant le jour, monté sur la plate-forme de la baleinière et accroché au mât pour ne pas être lancé à l'eau par les mouvements désordonnés de l'embarcation, veillait à l'avant et observait l'horizon d'un œil anxieux. A chaque instant, il croyait voir la terre et il nous montrait du doigt la direction dans laquelle il l'apercevait. Nous regardions avec des yeux remplis d'espoir et nous finissions (l'imagination et le désir aidant) par apercevoir une silhouette de monticule ; mais hélas ! quelques instants plus tard on ne voyait plus rien ; la terre s'était évanouie. C'était simplement un mirage trompeur, qui ne nous laissait dans le cœur qu'un abattement immense, lequel annihilait toutes nos facultés, alors qu'au contraire nous aurions eu besoin de beaucoup de courage pour continuer la lutte. Notre pauvre femme de chambre qui était à l'arrière dans le fond de la baleinière, ah ! la pauvre Cécile Lavakkée, comme elle a souffert ! J'ai encore dans les oreilles les plaintes d'abord douces et résignées qu'elle laissait échapper quand une lame glacée l'avait couverte et mouillée jusqu'aux os; puis ses crises de nerfs et les cris inhumains qu'elle poussait quand elle voyait la lame arriver et déferler sur nôtre frêle esquif. Elle se cramponnait à mes jambes, la malheureuse, me suppliant de la protéger, comme si je ne courais pas moi aussi les mêmes dangers. Elle priait le ciel de la sauver ; elle avait une Sainte-Vierge en relief enfermée dans un petit cadre, qu'elle avait suspendue sur les parois de la baleinière ; sans cesse elle invoquait la Mère de Dieu, mais ni le ciel ni la Sainte-Vierge n'ont eu pitié de ses souffrances, et certes peu de martyres en ont enduré autant qu'elle avant de mourir. Quelles consolations pouvais-je donner à cette pauvre femme ? Je ne pouvais que lui dire d'espérer, que tout n'était pas perdu, qu'un navire pouvait se présenter d'un moment à l'autre qui nous sauverait tous. Cela l'apaisait un instant, puis son affolement revenait avec de continuels sanglots qui me fendaient l'âme. Quelles impressions pénibles n'ai-je pas ressenties devant l'agonie de cette femme, glacée depuis quatre jours, malgré les vêtements que nous lui avions donnés les uns et les autres. Ce fut le 10 que nous eûmes à déplorer la mort des deux noirs, premières victimes dans notre canot, de la terrible catastrophe. Ils s'étaient couchés dans le fond du canot pour se reposer des fatigues de la nuit précédente, passée à tenir tête aux lames au moyen des avirons. Quand leur tour fut revenu de reprendre les avirons, nous voulûmes les réveiller, mais l'un d'eux resta inerte, la mort avait accompli son œuvre et les membres du malheureux étaient déjà raidis. Quant au deuxième noir, il se réveilla, mais avec des regards affolés et en faisant des gestes tellement désordonnés qu'il fallut l'amarrer pour l'empêcher de se jeter à la mer. Au bout d'un moment, il parut vouloir rester tranquille ; ou le démarra et il se recoucha à nouveau à côté de son camarade déjà mort. Une heure après, il avait également cessé de vivre, sans avoir prononcé une parole. Nous cachâmes aussi longtemps que nous le pûmes, à la femme de chambre, la mort de ses compatriotes, en lui faisant croire qu'ils dormaient toujours et ce n'est qu'à la tombée du jour, au moment de jeter les corps à la mer, qu'il fallut bien lui dire la vérité, puisque dans un instant elle allait les voir ensevelir sous ses yeux dans la mer. Je renonce à décrire le désespoir de cette malheureuse, au moment où elle vit passer les cadavres par-dessus bord. Après cette triste opération, l'abattement devint général, car tous se demandaient si leur tour n'arriverait pas le lendemain. La nuit vint, et le calme aussi ; nous essayâmes de nous reposer ; les uns se couchèrent, les autres restèrent assis et somnolèrent. Je restai toujours à mon aviron, mais le sommeil et la fatigue me fermaient les yeux malgré moi ; c'était ma tête qui, en retombant lourdement, me réveillait. Je me souviens qu'au sortir d'un de ces demi-sommeils, j'eus la sensation que notre baleinière naviguait sur une grande place publique entourée d'immenses bâtiments noirs dont on apercevait seulement la silhouette ; cette place, que bordait une rivière, était surmontée d'un grand parapet au-dessus duquel j'apercevais le courant de la rivière qui était excessivement violent ; ce courant descendait et arrivait sur la place en contournant la baleinière, qui était entraînée avec une vitesse vertigineuse dans la direction des grands bâtiments sur lesquels je sentais qu'elle allait se briser. J'eus alors un moment d'angoisse, j'appelai mes compagnons, qui se mirent aux avirons et, ayant toujours la vision dans les yeux, je les excitai de mon mieux pour nous arracher à la situation qui m'obsédait. Ils nagèrent ainsi pendant une heure et je croyais toujours naviguer dans les rues immenses d'une ville noire en me demandant par où je devais sortir. Un peu plus tard, pendant huitieme nuit, le temps toujours calme était devenu brumeux avec des éclaircies fréquentes, car les bancs de brume passaient rapidement. J'eus de nouveau la sensation que notre baleinière allait sortir de l'enceinte fortifiée d'une ville, dont les immenses maisons à plusieurs étages étaient construites à toucher une porte de sortie non moins immense (j'avais la conviction qu'une fois passé la porte, j'apercevrais un phare). On distinguait nettement la forme de ces maisons, ainsi que les sculptures dont elles paraissaient ornées. Cela avait l'aspect grandiose d'une ville gigantesque ; la rue aboutissait à la porte, et paraissait très large. Nous nous imaginions voir cela quand le banc de brume passait, puis ensuite tout s'évanouissait. Au moment où cette vision disparaissait, je croyais toujours que nous allions apercevoir un phare à l'horizon et je disais à mes pauvres compagnons : « Regardez bien dans telle direction, vous allez certainement voir un feu. » Mais les bancs de brume se succédant avec. rapidité, ramenaient avec eux la vision, qui disparaissait presque aussitôt, sans nous laisser voir le plus petit feu. Parfois, tout le monde avait cru, dans une de ces éclaircies, apercevoir la lueur d'un feu tournant et celui qui en avait eu la vision disait, haletant : « Là, dans cette direction, vous allez voir un éclat du feu. » Tout le monde alors de fixer le point désigné par l'halluciné, et il y en avait qui, à force de fixer, finissaient par croire véritablement que Ton voyait quelque chose ; les autres ne voyaient rien que la brume qui revenait avec les formes bizarres qu'elle ne cessait de nous amener. Ce fut encore cette nuit-là que nous vîmes comme des corps de femmes qui nageaient autour de notre baleinière. A ce moment, nous marchions à la voile, poussés par une légère brise qui s'était levée. On voyait parfaitement les mouvements des bras et des jambes mais sans distinguer de visage, car tout cela ne paraissait que sous forme de silhouettes. On en voyait des groupes innombrables à l'arrière de notre baleinière et qui avaient l'air de nous poursuivre. Le Commissaire nous disait qu'il en voyait qui nageaient plus vite les uns que les autres, puis d'autres qui arrivaient près de notre canot et cessaient de nager pour faire la planche et toutes sortes de contorsions. Certaines de ces formes étaient de petite taille, d'autres beaucoup plus grandes. Cette vision s'explique par les lames que soulevait une brise naissante, et qui, par l'effet du clair de lune, prenaient l'apparence de corps de femmes ; les petites lames représentaient les petits corps et les autres les plus grands. Le mouvement de ces lames faisait que ces ombres avaient des bras et des jambes qui nageaient. Cette vision nous avait beaucoup intéressés, au point que nous en oubliions nos souffrances pour nous communiquer nos remarques : mais nous n'avons jamais remarqué que ce fussent des poissons, comme autour du canot de Nicolaï, car des poissons en telle quantité eussent fait autour de nous un bruit infernal, tandis que nous apercevions tout cela qui grouillait dans un silence lugubre. La petite brise qui s'était levée, formant les petites lames qui nous avaient donné la vision des corps de femmes, ne dura pas beaucoup plus d'une heure ; puis le calme revint. Il restait cependant un souffle de vent suffisamment fort pour faire marcher un peu notre baleinière. La mer n'étant plus agitée, la vision disparut, mais elle fut remplacée par une autre. C'était, autant que je m'en souviens, au moment où le jour allait se lever ; j'étais alors dans un demi-sommeil occasionné par la fatigue de n'avoir pu m'allonger depuis deux jours et deux nuits. Je voyais très bien la baleinière filer lentement au milieu d'une cour immense entourée de hauts murs ; dans cette cour, il y avait d'énormes maisons à « plusieurs étages » bâties sans symétrie et précédées d'une petite place entourée de pieux (les pieds des bâtiments baignaient dans la mer, car la place qui précédait était recouverte d'eau). Cela me faisait l'effet d'être d'immenses magasins comme on en voit dans les arsenaux, mais bâtis séparément et sans ordre ; j'en distinguais à droite, à gauche, devant la baleinière et enfin dans toutes les directions. Chaque fois que j'avais la sensation que l'embarcation s'approchait des pieux qui encadraient les places, j'avais envie de l'embosser, car parmi toutes ces grandes maisons, je ne distinguais pas de passage pour sortir et je me demandais où j'étais ; puis je croyais contourner le coin de l'un de ces grands bâtiments, mais alors j'en apercevais un autre devant moi et ainsi de suite, sans pouvoir sortir de cette situation. Enfin, à un moment donné, après être sorti d'une ruelle formée par deux de ces constructions, je vis une place très vaste, plantée d'arbres de hauteur moyenne ; j'eus alors la sensation que j'apercevais le fond de la mer et que je disais à mes compagnons : — Tenez mes enfants, vous voyez, eh ! bien, de l'autre côté de cette place nous allons voir un phare, nous pourrons y attacher notre embarcation et nous irons déjeuner chez le gardien. — Ce n'est vraiment pas trop tôt, disait l'un, car j'ai bien faim. — Pourvu qu'il ait seulement quelques œufs pour faire une omelette, disait l'autre, cela nous suffira, avec un bon morceau de pain. — Nous boirons ensuite un bon bock par là-dessus, disait un troisième, et cela nous fera beaucoup de bien. Mais hélas ! notre baleinière marchait toujours, et le phare n'apparaissait pas. Puis le jour grandissait, le soleil montait au-dessus de l'horizon, nous ramenant la triste réalité, accompagnée de désespoir pour les uns, d'espérance pour les autres, et quelquefois des deux en même temps pour tout le monde. Le II, le soleil se leva radieux et nous réchauffa un peu de ses rayons ; nous en avions bien besoin ; car nous avions passé toutes les nuits précédentes dans l'humidité d'une brume intense, et avions été mouillés par les lames qui embarquaient à chaque instant dans notre pauvre petite baleinière laquelle pourtant se défendait vaillamment contre elles, et se soulevait, légère comme un oiseau, sur leur crête ; cette humidité et ces lames, dis-je, nous avaient glacé le sang et engourdi les membres. Malheureusement le soleil ne nous prodigua pas longtemps sa chaleur, car le temps se couvrit de nouveau et les nuages nous le masquèrent complètement ; il n'apparut plus ensuite que de loin en loin par quelques coupures étroites qui ne laissaient arriver jusqu'à nous que de faibles rayons dont la chaleur était très affaiblie ; cependant nous étions heureux quand nous apercevions ce pâle rayon ; il nous réconfortait un peu et nous permettait de nous orienter pour nous diriger du côté de l'Ouest vers la terre. A mesure que le soleil montait dans le ciel, la petite brise de N.-E qui s'était levée dans la matinée, précédant le soleil de quelques minutes, fraîchit graduellement pour se fixer à grands frais. La mer se faisait de plus en plus agitée à mesure que la force du vent augmentait ; mais comme nous allions grand largue, c'est-à-dire vent de la hanche du tribord, cette brise ne nous gênait pas beaucoup pour faire route, puis-que nous allions dans le même sens qu'elle. Ce n'est que dans l'après-midi que nous fûmes mouillés par les lames qui avaient grossi et qui embarquaient fréquemment. Malgré cela il fallait conserver cette allure qui nous rapprochait de la terre, que nous désirions tant et dont tout le monde croyait distinguer la silhouette ; malheureusement ce n'étaient que les nuages que l'on apercevait, montant au-dessus de l'horizon et qui se disloquaient au fur et à mesure qu'ils montaient. Cette allure que nous avions n'était pas intenable cependant et nous arrivions facilement à rejeter l'eau qui embarquait. Cependant il n'aurait pas fallu que la brise devînt plus fraîche, car les lames commençaient à déferler avec force sur notre canot. Celui-ci se levait très bien à la lame qui Tentraînait dans ses volutes ; mais cela faisait pousser des cris de frayeur à cette pauvre femme de chambre, qui croyait à chaque instant voir la baleinière s'emplir et sombrer. Ce qu'elle a souffert de la peur ce jour-là, cette pauvre femme, est inimaginable et il faudrait une plume plus éloquente que la mienne pour pouvoir décrire les angoisses et les crises de nerfs qui la prenaient. Malheureusement, j'étais impuissant à lui rendre le sang-froid nécessaire et à l'apaiser même un instant. Vers 3 heures après-midi, le vent tomba tout à coup de moitié et un orage se fit annoncer par un gros nuage noir montant du côté de la terre et  accompagné d'éclairs très vifs, laissant une traînée lumineuse sur le nuage. La mer s'était aplanie en même temps que le vent était tombé et, dans le canot, nous étions relativement tranquilles ; l'eau n'embarquait plus. La femme de chambre était devenue moins nerveuse, mais comme elle était trempée jusqu'aux os, ses dents claquaient continuellement. Pour moi, je voyais avec plaisir monter l'orage et je pensais qu'il allait probablement nous donner à boire. Je ne me trompais pas. L'orage approchait rapidement et nous aveuglait d'éclairs très intenses, en même temps que le tonnerre nous assourdissait de son terrible fracas. De larges gouttes de pluie commencèrent à tomber. C'était un de ces orages sans vent, mais chargé d'électricité et d'eau glacée. Cette eau était mélangée de petits grêlons et ceux-ci nous paralysèrent de froid pendant l'heure qu'ils mirent à tomber. Mais que nous importait d'être mouillés jusqu'aux os par cette eau glacée, pourvu que nous puissions boire et nous redonner des forces pour continuer notre lutte. (De deux souffrances qui vous étreignent on en arrive à oublier la moins dure et pour nous, ce n'était pas le froid qui nous gênait le plus, mais un grand besoin de boire n'importe quoi.) Enfin la pluie tomba de plus en plus serrée et tous, dans la baleinière, nous nous mîmes en mesure d'en recueillir le plus possible. Heureusement nous avions une gamelle et une pelle à ordures qui avaient été jetées dans le canot au moment d'abandonner notre navire et qui nous furent d'un grand secours pour recueillir l'eau qui dégoûtait de la voile. Mais comme elles étaient mauvaises ces premières gouttes d'eau, qui avaient rincé la toile à voile remplie de saletés ! Elles avaient un goût amer plus insupportable que celui de l'eau de mer. Mais que nous importait le goût ! c'était quand même de l'eau douce et cette manne tombée du ciel devait servir à prolonger nos forces. Nous en bûmes donc autant que nous pûmes en absorber. L'eau tomba ainsi pendant une heure et les dernières gouttes venues de la voile, que ce lavage avait rendue plus propre, n'étaient pas trop mauvaises. De mon côté j'en avais recueilli une certaine quantité en faisant un creux dans ma capote cirée. Elle eût été très bonne, sans le petit goût d'huile que ma capote lui avait communiqué. J'en fis boire de bonnes lampées à cette pauvre femme de chambre à laquelle personne ne voulait donner de l'eau de la voile. Le chef mécanicien et le Commissaire, qui divaguaient et qui avaient, dans leur folie, une certaine animosité contre cette malheureuse femme, ne voulaient pas la voir boire. Ils l'agonisaient d'abjectes invectives, surtout le commissaire qui prétendait qu'elle lui avait volé 300 francs sur sa table, avant l'abandon de la Ville de Saint-Nazaire. Je fus obligé d'employer mon autorité, qu'ils reconnaissaient encore un peu, pour les obliger à se tenir tranquilles ; encore eus-je toutes les peines du monde pour obtenir qu'ils la laissent boire. Quand la grosse pluie fut passée et qu'il n'y eut plus moyen d'emplir les récipients que nous avions, mes compagnons, pour perdre le moins possible d'eau, sucèrent la voile afin d'en extraire les quelques gouttes dont l'imprégnait la pluie, moins dense, qui tombait encore. Pour moi, afin de boire encore, je suçais le tour de ma casquette qui en retenait une certaine quantité. Cette casquette, qui avait été bien lavée par l'orage, contenait encore la meilleure eau que j'eusse bue jusqu'ici ; sauf un petit goût de drap, elle me parut fort potable. Malheureusement je ne pus pas en boire beaucoup, car la pluie cessa peu après de tomber, l'orage s'éloignant dans la direction de l'Est. Il avait fait le calme le plus complet pendant cet orage, mais aussitôt qu'il fut passé, la brise reprit du N.-E. et devint fraîche. Des grains de brouillard se formèrent pendant lesquels il ventait fort et qui limitaient beaucoup notre vue. La mer devenait rapidement agitée au fur et à mesure que le vent prenait de la force. Pendant les grains nous avions l'illusion que notre baleinière naviguait sur un plan incliné et qu'elle était emportée avec une vitesse vertigineuse. Derrière nous, nous apercevions l'horizon embrumé et très élevé, comme on aperçoit le sommet d'une colline quand on est à mi-pente. Devant nous l'horizon nous apparaissait comme le fond de la vallée ; je me souviens très bien que nous nous demandions dans quelle direction nous emportait cette pente, sans réfléchir que le vent étant N.-E. (chose dont j'avais pu me rendre compte en apercevant un instant le soleil tout de suite après l'orage) comme nous prenions la brise de la hanche de tribord, nous devions avoir le cap à l'Ouest ; mais mon attention était complètement retenue par la surface en plan incliné sur laquelle je sentais la baleinière emportée comme une flèche. Quand l'horizon devenait tout à fait clair, l'illusion disparaissait, ce qui me fait supposer qu'elle n'était produite que par le brouillard, joint au fait que nos yeux étant placés presque au niveau de la mer, notre vue ne s'étendait pas très loin. Ce fut dans le courant de cette journée que nous fîmes la rencontre du troisième vapeur. Il était environ une heure de l'après-midi, d'après la hauteur du soleil dont j'avais aperçu la lueur plusieurs fois entre les nuages. La brise étant très fraîche, ainsi que je l'ai déjà dit, et la mer ayant grossi, nous naviguions à l'Ouest. Tout à coup le lieutenant Hébert (mulâtre de sang-froid et d'énergie qui a été le seul dans ma baleinière qui m'ait été d'un concours utile et incontestable pour nous défendre de la mer et lutter avec courage jusqu'à la dernière minute), le lieutenant Hébert, dis-je, qui était à 1 avant pour veiller et apercevoir plus facilement soit les navires qui auraient pu se trouver dans notre rayon visuel, soit la terre que nous pensions toujours apercevoir à chaque instant, s'écria que l'on apercevait un navire un peu par abord. La voile me masquant la vue, je ne pouvais l'apercevoir de l'arrière du canot où je tenais l'aviron gouvernail ; je fis alors une embardée sur bâbord et j'aperçus à l'avant la mâture d'un navire dont la coque apparaissait quand il montait sur la lame. Je me rendis compte immédiatement que ce navire nous coupait la route presque à angle droit allant au Nord ; je revins de suite sur tribord de manière à gouverner pour lui couper la route le plus Nord possible, tout en faisant bien porter la voile pour conserver une vitesse suffisante et pour passer le plus près possible de notre but. Au bout de 20 minutes environ, pendant lesquelles j'avais fait préparer des signaux de détresse : deux mouchoirs amarrés bout à bout au haut d'une gaffe assez longue, nous avions beaucoup approché du navire, dont on distinguait toujours la coque qui maintenant ne disparaissait plus dans le creux de la houle. J'estimai alors que nous en étions au maximum à deux milles et à cette distance, il pouvait très bien nous apercevoir. Comme il avait aussi une bonne vitesse (on le voyait droit devant nous et nous nous trouvions à peu près par son travers), il nous avait gagnés rapidement et, croisant notre route, il allait s'éloigner. Depuis un bon moment déjà nous agitions notre signal de détresse avec toute l'énergie que donne le désespoir, mais nos yeux braqués sans cesse avec anxiété sur le navire, qui devait être notre salut, le virent s'éloigner lentement et majestueusement, sans nous faire le plus petit signe indiquant qu'il nous avait aperçus. Nous a-t-il vus ? Je ne pourrais le certifier ; mais j'affirme qu'il aurait pu nous voir si la surveillance de l'horizon avait été bien faite sur la passerelle par les hommes de vigie et par l'officier de quart lui-même. Tous les marins savent qu'à la mer on aperçoit un goéland qui vole presque à deux milles de distance ; à plus forte raison une baleinière avec sa voile haute qui est une surface assez grande au-dessus de l'horizon pour attirer l'attention à plus de trois milles, par beau temps ; mais même avec le temps qui régnait à ce moment, ce navire aurait certainement pu nous voir à deux milles, surtout dans les instants où la baleinière se trouvait sur la crête des lames. 11 disparut pourtant à nos yeux en laissant dans nos cœurs un profond sentiment de découragement, qui s'augmentait du fait que c'était le troisième steamer que nous apercevions et qui nous abandonnait ainsi à une mort que nous sentions approcher à chaque minute. Les angoisses qui suivent de tels moments sont mémorables et défient toute description. Il faut s'être trouvé dans une telle situation pour bien en imaginer l'horreur. Je ne devais pourtant pas me laisser aller à un découragement trop visible afin de ne pas augmenter l'effroi de mes pauvres compagnons qui n'avaient que trop de tendances à se croire irrémédiablement perdus. Et puis, ne fallait-il pas lutter encore, lutter toujours et jusqu'au dernier souffle pour essayer de nous arracher à notre lugubre sort. Je repris donc mon aviron gouvernail un instant abandonné^ et je maintins notre ancienne allure en gouvernant de façon à tenir le vent de la hanche de tribord ; nous continuâmes ainsi à naviguer sans échanger la plus petite réflexion sur ce qui venait de se passer. La nuit approchait à grands pas et avec elle nos souffrances devenaient plus vives et nos angoisses plus profondes ; en effet des navires pouvaient passer sans nous voir et rien ne pouvait signaler notre présence. Nous n'avions pas le plus petit feu à faire briller ; il ne nous restait que nos faibles voix, bien atténuées par les souffrances de toutes sortes déjà endurées, pour essayer d'attirer l'attention des navires dans la nuit noire. Mais pour entendre nos appels désespérés qui eussent encore été presque couverts par le bruit du vent, il eût fallu que ces navires vinssent à passer bien près de nous. Malheureusement, nous n'eûmes même pas besoin de crier; nous vîmes bien, dans cette soirée, deux feux de navire, mais ils étaient si loin que toute tentative pour attirer leur attention en criant n'eût servi qu'à dépenser des forces déjà bien épuisées. Nous regardâmes ces feux disparaître avec une angoisse de plus au cœur. La nuit s'était faite complètement noire, car le ciel était couvert de nuages épais qui masquaient la lune, dont la lueur eût pu nous éclairer un peu et diminuer ainsi l'horreur et le sentiment du néant que cause une obscurité profonde. Nous naviguions toujours sous la même allure, avec la brise fraîche qui nous avait poussés toute la journée ; nous traversions sans doute des bouchons de brume, car de temps à autre les hallucinations revenaient et nous faisaient voir des choses extraordinaires. C'est ainsi que, cette soirée, nous eûmes la sensation de naviguer en longeant la silhouette d'un mur immense, par-dessus lequel on apercevait les maîtresses branches d'arbres gigantesques qui s'épandaient au-dessus de la mer, laquelle battait très distinctement le pied du mur. J'avais à chaque instant la crainte que la baleinière n'allât se briser sur le mur et je faisais de grands efforts pour dévier sa direction ; puis il me semblait contourner le coin de ce mur que je ne voyais que du côté du vent. Sous le vent il me semblait apercevoir dans le noir de l'horizon la silhouette encore plus noire d'une île, quelquefois même j'apercevais vaguement comme des arbustes dont le pied sortait de l'eau. Je ne me souviens pas si mes compagnons ont eu la vision de l'île, mais je sais qu'ils ont eu celle du grand mur. Je ne sais au juste à quoi attribuer ces visions, mais j'ai toujours cru que les bouchons de brume en étaient la principale cause et que l'anémie du cerveau aidant, les couches de brume plus ou moins épaisses prenaient à nos yeux hagards des formes bizarres. Brusquement tout disparaissait, puis réapparaissait dans le lointain. Nous naviguâmes ainsi toute la nuit sans savoir exactement si nous allions dans la direction de la terre. Vers le milieu de la nuit, la brise avait commencé à mollir, de sorte que lorsque le jour du 12 parut, il ne ventait plus beaucoup. La brise avait dû également changer de direction, car le ciel s'était un peu dégagé. J'aperçus la lueur du soleil levant qui m'indiqua que nous avions le cap à peu près au Nord, tout en tenant toujours le vent de notre hanche de tribord ; je supposai alors que le vent était passé au S.-E. Le vent continuait à se calmer à mesure que le soleil montait et je profitai de ce moment d'accalmie pour rectifier la voilure et consolider un peu le mât qui commençait à jouer dans son emplanture, laquelle s'était usée par les mouvements de tangage et de roulis qui n'avaient pas cessé depuis quatre jours que nous étions ainsi ballottés sur une mer le plus souvent grosse. Enfin je réussis, avec quelques coins en bois et quelques bouts de bitord, à consolider tant bien que mal notre mât, et nous reprîmes, mornes et abattus, notre navigation de hasard. Le vent tourna peu à peu par le Sud, puis au S.-O. et le temps devint à grains faibles d'abord, puis assez violents dans la journée, ce qui fit grossir la mer suffisamment pour nous arroser constamment et nous obliger à vider sans relâche notre baleinière presque toujours au quart pleine. Quels efforts surhumains ne fallait-il pas faire pour se mouvoir dans l'embarcation 1 nos membres étaient tellement endoloris que le plus petit mouvement devenait un vrai supplice. Nos pieds toujours trempés jusque par-dessus la cheville, étaient gonflés dans les chaussures et ne pouvaient plus nous porter. Ce n'est qu'en gémissant que nous arrivions à vider la baleinière, qu'il ne fallait pas laisser remplir, sous peine de se noyer immédiatement. Les grains qui tombèrent dans le courant de cette journée, ne donnèrent pas assez d'eau pour nous désaltérer ; malgré cela, nous faisions nos efforts pour happer au passage quelques gouttes de ce précieux liquide. Tous nous étions la bouche ouverte au vent, pour en recevoir le plus possible, mais cela ne faisait qu'augmenter notre supplice, en excitant davantage notre envie de boire. Dans l'après-midi, de ce jour, les grains cessèrent, mais le ciel resta couvert. Il faisait froid, le vent était passé au Nord et nous apportait une température glaciale. Je voyais le désespoir peint sur les physionomies ; le chef mécanicien dont les yeux sortaient de la tête tant ils étaient gonflés, me demandait dans sa folie qui augmentait, la permission d'aller à terre pour se réchauffer ; il cherchait partout l'échelle de commandement pour descendre un moment ; puis il voulait descendre dans sa machine et il cherchait l'écoutille dans le fond de la baleinière ; ne trouvant rien, il se mettait en colère et ne cessait de jurer en me menaçant. Ce fut dans la nuit de ce jour-là que, furieux que l'on ne veuille pas le mettre à terre pour aller prendre l'apéritif avec son frère qu'il entendait l'appeler, disait-il, il m'administra deux ou trois coups avec un support de banquette, qu'il avait arraché pour la circonstance. Heureusement je pus le maîtriser. Puis il redevint calme. Le charpentier qui avait vu la scène (les autres hommes étaient couchés au fond du canot à l'avant et leur tête commençait à devenir faible), fut indigné de ce que venait de faire le chef mécanicien et il en conçut immédiatement une haine profonde contre lui, à tel point qu'il vint me dire à l'oreille: « Si vous voulez, Commandant, je vais le jeter à la mer et le noyer. » Je fus saisis et révolté de cette proposition. « Malheureux, lui répondis-je, ne faites pas cela, vous seriez un assassin et cela vous porterait malheur. » Il fut impressionné par ma phrase, car il me répondit en tremblant : « C'est vrai. Commandant, je ne pensais pas que ce serait un crime, même pour vous défendre ; » puis il alla se coucher à côté des autres, sans songer que le lendemain matin il se noierait lui-même sous les yeux de celui qu'il voulait noyer la veille. Le Commissaire ne tenait plus sur ses jambes depuis le matin, et lui aussi cherchait le moyen de débarquer. Toute la journée il alla de l'avant à l'arrière du canot en rampant sur les pieds et les mains pour trouver le débarcadère. Quand il était exténué d'avoir tant cherché, il s'assevait sur la banquette de l'arrière, puis prenait un dollar dans sa main et l'élevait comme s'il s'adressait à un cocher imaginaire en criant : « Arrête ton fiacre, cocher, que je descende, je te donnerai le dollar; tu n'entends pas que l'on m'appelle chez moi et qu'il faut que je retourne. » Puis, toujours en rampant, il reprenait son va-et-vient de l'avant à l'arrière, sans que je pusse obtenir qu'il restât un moment tranquille. Quant à la pauvre femme de chambre, elle ne cessa toute cette journée de pleurer et de gémir, tout en implorant l'image de la Vierge renfermée dans un petit cadre qu'elle avait suspendu à la paroi du canot. On entendait, à travers ses sanglots et ses claquements de dents occasionnés par le froid, le pardon qu'elle implorait de la Vierge pour la rémission de ses péchés : « Sainte Vierge, disait-elle, ayez pitié de moi, je sens la mort qui vient et vous ne voulez pas que je meure si jeune encore. » Souvent, sa prière terminée, elle se tordait dans des crises de nerfs, qui épuisaient le peu de forces qui lui restaient. A la suite de l'une de ces crises, j'eus le pressentiment que sa fin était proche ; elle était blême comme un linceul, ses yeux me regardaient fixement et une expression de tristesse résignée s'y lisait. Elle me dit de lui tirer sur les bras qu'elle sentait la mort lui prendre ; puis un instant après elle cessa ses gémissements et, ne se plaignant plus, tout en oscillant, elle appuya sa tête sur mes jambes. Placée ainsi, elle me fatiguait beaucoup, la pauvre femme, car mes jambes étaient bien endolories depuis cinq jours que je n'avais pour ainsi dire pas quitté la position accroupie, afin de pouvoir gouverner, j'eus cependant assez de force pour la supporter ainsi pendant un grand moment ; j'en souffrais d'autant plus que je sentais de temps en temps sa tête se raidir sur mes tibias. C'étaient, supposais-je, les dernières convulsions de la mort, et je ne me trompais pas. Après une contraction plus forte de tout son corps, je vis sa tête s'incliner et tomber sur mes pieds avec un bruit sourd. J'essayai de la lui relever, mais je vis qu'elle était morte. Je ne saurais dépeindre quelle impression de tristesse j'éprouvai, ainsi que ceux qui avaient encore leur raison ; nous nous regardions tristement sans échanger une parole et chacun pensait sans doute que son tour allait arriver. Comme il faisait encore grand jour, je ne voulus pas jeter immédiatement le corps de la pauvre femme à la mer ; je trouvais convenable et décent d'attendre la nuit, car sous les pardessus mouillés qui la recouvraient elle était presque nue et je voulais que sa sépulture dans la mer fut pratiquée avec tout le respect dû aux morts. Cette triste cérémonie fut donc effectuée assez avant dans la soirée par le charpentier et par moi ; nous jetâmes le corps par-dessus bord. Dans cette avant-dernière journée, qui était la cinquième, celui qui me fut du plus grand secours est M. Hébert, car sans lui, notre baleinière aurait probablement coulé dès le matin, ou encore, abandonnant le canot à la dérive, sans direction, n'aurions-nous pas rencontré le navire sauveur. Grâce à lui, dès le matin de ce cinquième jour, je pus réinstaller la mâture, qui ne tenait plus dans l'emplanture de l'avant, usée par le frottement du mât. (Nous ne pouvions plus tenir la voile ainsi, il fallait à tout prix la réinstaller pour pouvoir naviguer.) Nous transportâmes donc le mât à l'emplanture de l'arrière, qui était celle du grand mât et qui était encore intacte puisque nous n'avions pas de grand mât. Comment eûmes-nous la force d'opérer ce changement, faibles comme nous l'étions ? Je l'ignore, mais ce ne fut pas sans peine que nous réussîmes à remâter et à réinstaller la voile. Le comble est qu'ainsi maté, notre canot gouvernait très mal car, la voile n'étant pas équilibrée, il était très -ardent et venait toujours dans le vent ; cela nécessitait des efforts inouïs et au-dessus de mes forces pour le bien gouverner et le tenir en bonne direction. Je trouvai alors le moyen d'installer le foc bordé au vent le plus à l'avant possible ; de cette manière, bien que ne gouvernant pas encore très bien, l'embarcation était tenable et ce fut ainsi que nous naviguâmes pendant toute cette journée. Mais comme je l'ai dit plus haut, sans Hébert il m'eût été impossible de faire cette opération, car le matelot Savona n'avait même plus le courage de se tenir debout ; pourtant il était encore assez bien portant ; mais il était d'une nature très molle et préférait s'abandonner au hasard, plutôt que de réagir et de travailler à notre sauvetage. En fait ce fut cette dernière manœuvre qui nous mit sur la route du Maroa qui, le lendemain dans l'après-midi, devait nous recueillir. Nous avions navigué à peu près à l'Ouest pendant toute cette journée, après la réinstallation de notre voilure, et ce n'est que dans la soirée que le vent tomba graduellement. A la nuit il fit presque calme et la brume fit son apparition. La lune qui était alors à son deuxième quartier, nous laissa apercevoir sa lueur blafarde à travers le brouillard. Ce fut alors que nous eûmes la vision d'un grand hall rectangulaire (quelque chose comme la galerie des machines de l'exposition de 1889) ; il nous semblait être à l'une des extrémités du hall et l'on apercevait très bien la jonction des deux murailles, immenses et toutes blanches, qui formaient l'encoignure. La lune apparaissait au plafond comme une boule de feu, sans contour déterminé, et éclairait d'une lueur vague les murailles, dont le pied était léché par la lame. Cette lame montait contre elles jusqu'à une assez grande hauteur, puis était rejetée exactement comme elle l'eût été par un rocher abrupt. Cette vision nous fit encore plus d'impressions que toutes les autres, car nous nous voyions renfermés dans cette enceinte, et nous nous demandions par où nous allions sortir (nous n'apercevions aucune issue en naviguant tout autour). Il y avait déjà un assez long moment que nous étions ainsi, lorsque se déroula la scène que me fit le chef mécanicien et que j'ai racontée plus haut. Il voulait à toute force qu'on le mît à terre, d'où son frère l'appelait, disait-il, pour aller prendre l'apéritif. Ce fut aussi un peu après cette scène, que le Commissaire, cherchant partout une issue pour descendre à terre, se laissa glisser une première fois à l'extérieur en se tenant accroché à la lisse. Ce furent ses cris d'appel provoqués par le froid glacial de l'eau, dans laquelle il était plongé jusqu'à la ceinture, qui attirèrent mon attention (encore ne me rendais-je pas bien compte au premier moment, d'où venaient ces cris sourds et désespérés, pareils à ceux d'un agonisant). Ce ne fut qu'après m'être rendu compte que le Commissaire n'était plus dans le canot (et cela me demanda un peu de temps, car il faisait très sombre), que je regardai le long du bord et que je l'aperçus qui ne se tenait plus que d'une main. Je l'attrapai dans le dos par son paletot et je réussis à le soulever un peu, ce qui lui permit de se cramponner à la lisse avec son autre main ; en s'aidant ainsi de ses deux mains, il me donna le moyen de le remontera bord, bien qu'avec une peine inouïe. J'aurais pu appeler l'un de mes hommes pour m'aider, mais depuis un instant ils s'étaient tous allongés dans le fond de l'embarcation, à l'exception pourtant du chef mécanicien qui n'avait conscience de rien et qui était toujours sous l'impression de son idée fixe d'aller rejoindre son frère, auquel il répondait de temps à autre, comme s'il l'entendait. Au moment où je remontai le Commissaire dans la baleinière, le cadavre de la femme de chambre n'était pas encore jeté à la mer ; il était toujours accroupi à l'arrière. Le Commissaire, trempé par l'eau glacée, rampa jusqu'à lui en claquant des dents, et sans conscience de ce qu'il faisait, il s'assit dessus. C'est alors que j'eus l'idée de mettre cette pauvre femme dans sa dernière demeure ; je fis retirer le Commissaire en l'aidant, et j'appelai le maître charpentier pour me permettre d'accomplir cette lugubre besogne. Je ne voulus pas que le lieutenant Hébert, qui était son compatriote et mulâtre comme elle, assistât à cette triste cérémonie et c'est pour cela que je ne l'appelai pas. Quant au matelot Savona, il n'aurait pas bougé. Je me contentai donc de l'aide du charpentier et nous eûmes toutes les peines du monde à faire rouler le corps par-dessus la lisse de la baleinière. Quand il tomba enfin, l'eau bouillonna pendant une seconde, et ce fut tout. Grâce à l'obscurité, nous ne vîmes pas le corps, qui sans doute dut surnager. C'était le troisième que nous jetions ainsi. Toute cette triste besogne avait demandé un temps assez long, et quand nous eûmes fini, la soirée devait être assez avancée. Nous étions toujours sous l'impression pénible que nous étions renfermés dans une enceinte, sans chance d'en sortir ; le temps était relativement calme, mais la brume qui nous entourait était glaciale. Pas une étoile en vue pour nous indiquer notre direction ; nous eûmes alors, et moi tout le premier, un moment de découragement qui me fit abandonner l'aviron et laisser aller la baleinière au gré des flots. J'étais tellement abattu et fatigué que je fis comme les autres, je me couchai ; il ne resta debout que le chef mécanicien qui croyait toujours entendre son frère. Je ne sais si je dormis, mais il me sembla que j'étais resté couché bien peu de temps ; le froid m'avait envahi et je grelottais comme si j'avais été exposé nu à l'air glacé. Je me soulevai péniblement en regardant autour de moi ; l'obscurité ne me permit pas d'abord de distinguer quoi que ce fût ; pourtant je finis par apercevoir le chef mécanicien assis sur une banquette et ne disant pas un mot. En revanche je ne vis plus le Commissaire à l'arrière de la baleinière ; je regardai aussitôt à l'extérieur et j'aperçus très bien, à la lueur de la lune et à une certaine distance du canot, un bouillonnement dans l'eau comme de quelqu'un qui se fût débattu ; puis en fixant mieux, je vis une casquette surnageant à environ deux mètres du bouillonnement. Je compris alors que c'était le Commissaire qui se noyait. J'appelai immédiatement à l'aide afin de diriger la baleinière sur ce point, mais personne ne bougea. Je pris alors un aviron que je tendis dans la direction du bouillonnement, qui devenait de plus en plus faible, mais il ne fut pas assez long pour arriver jusque-là ; je le lâchai alors et le lançai. Malheureusement il était trop tard ; je ne vis pas le Commissaire s'y accrocher ; l'agitation de l'eau disparut et ce fut tout. Le pauvre Lejeune avait, dans sa folie, voulu recommencer une deuxième tentative pour aller à terre, mais cette fois il n'avait pas eu la force de se tenir accroché à la lisse du canot et sans nul doute il avait glissé avant d'avoir eu le temps de pousser un cri ; sa faiblesse était déjà si grande qu'une fois tombé il n'avait guère pu se maintenir à la surface. Ainsi disparut la quatrième victime de mon embarcation. Ce triste événement est l
    es affaires à la Compagnie et j'aurais pu partir immédiatement par le train de midi trente pour le Havre, mais je voulais éviter une arrivée de jour, afin de ne pas être attendu par un trop grand nombre d'amis qui m'eussent accaparé à ma descente du train (comme cela s'est produit du reste pour le second capitaine Nicolaï, à son débarquement du bateau de Southampton). Je pris donc le train de 6 heures 30 du soir, qui me fit arriver à 11 heures au Havre. Malgré cette heure avancée, je trouvai encore un certain nombre de mes meilleurs amis, mais de ceux qui ne sont jamais importuns. Ils me reconduisirent jusqu'à ma porte où ils prirent congé en me disant au revoir. Je montai alors chez moi, accompagné seulement de deux amis intimes, dont la mère et la sœur tenaient compagnie à ma femme, en attendant mon retour. Je n'entreprendrai pas de décrire la scène qui se passa quand j'apparus au milieu des miens. Je me contenterai de dire que ce fut une scène en même temps pénible et joyeuse. Pénible d'abord parce que ma femme, qui était dans un état d'épuisement complet, se trouva mal et resta longtemps en syncope ; puis joyeuse, quand elle put reprendre ses sens et que nous pûmes causer un peu. Après les premiers épanchements, comme la soirée était avancée, nous prîmes une tasse de thé avec la famille Mazeline ; celle-ci ne resta pas longtemps ; car nous avions tous grand besoin de repos ; elle prit donc congé de nous et nous allâmes nous coucher, heureux de nous retrouver encore une fois au complet. 

    PAUL JAGUENEAUD, ex-Capitaine de la Ville-de-Saint-Nazaire. »

     

  • La Faunesse et L'Adolescente

    Si vous avez poussé la curiosité à vous approcher du manoir du Sable à côté du Jardin des plantes, vous avez dû voir devant la façade enduite couleur abricot de cette maison qui est la plus ancienne encore existante de Saint-Nazaire[1], sous les arbres de la cour, une sculpture figurant une femme nue. Aucune information n'est disponible à son sujet, les gens du voisinage ont interrogé la Mairie, mais personne n'a pu leur répondre. La mémoire de Saint-Nazaire tient parfois de la chasse au trésor, et cette statue est un. Oui, c'est trésor, car cette statue, couverte de mousse, oubliée dans un coin, se nomme La Faunesse est l’œuvre d'un très grand sculpteur : Charles Despiau.

     

     

     

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    La Faunesse de Charles Despiau, 1925, h. 2,40 x l. 1,25 x p. 0,85, 

    (Photographies de David Silvestre)

     

    Charles Despiau, (1874-1946), était un élève de Rodin, qui lui confia la taille de ses marbres. Il connut le succès et la célébrité de son vivant, on trouve ses œuvres dans plusieurs villes européennes, mais aussi aux Etats-Unis et au Japon.  En 1924 à la suite d’une maquette en plâtre et gomme laquée, Despiau fit réaliser cette statue, en réalité un bas-relief en taille directe, sous sa direction, par Decimo Passani[2], en pierre de Lens.

    L’œuvre fut présentée à l'Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925. L’État décida d'en faire l'acquisition pour la somme de 9.000 francs. Elle fut déposée au dépôt des Arts-Décoratifs, où elle resta jusqu'à ce que l’État la propose à la ville de Saint-Nazaire.

     

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    Maquette de La Faunesse, plâtre et gomme laquée, h. 48,5 x l. 24 x p. 17,5 cm, leg de madame Despiau en 1960, musée George Pompidou, (crédit photographique : © Réunion des Musées Nationaux/Agence photographique de la Réunion des Musées Nationaux/Dist. RMN-GP)

     

    Les deux sculptures étaient des œuvres d'artistes reconnus, même si Jean-Baptiste Baujault était démodé, et que sa statue était dans les réserves depuis 1895.

     

    En février 1926, François Blancho, nouvellement élu maire de Saint-Nazaire, se rendit à Paris, accompagné de Lecomte, secrétaire général de la Mairie, pour négocier l'emprunt pour la construction d'habitations bon marché, de l'agrandissement de l’École pratique, discuter de l'éclairage de l'avenue de Chantonay, de la transformation de la gare, de la libération définitive des terrains des Grands champs, mais aussi convenir du protocole pour la fête donnée à l'occasion de l’inauguration prévue pour le 26 juin 1926 du Monument du débarquement américain qu'une association américaine vient d'offrir à la municipalité. Ce don poussa le Gouvernement français à confier à son tour deux statues à la ville. Nous ne pouvons pas affirmer si le choix des œuvres fut imposé ou à choisir parmi une liste de proposition. La légende dit que François Blancho aurait choisi dans les réserves, ce que semblent confirmer les articles de presse de l'époque. Le 7 février 1926, Ouest-éclair annonça l'arrivée prochaine par train de La Faunesse de Charles Despiau, en pierre calcaire, et L'Adolescente, dont le vrai nom Primitiae, un marbre de 145 x 60 x 60 cm, œuvre de Jean-Baptiste Baujault, (1828-1899).

     

    Les deux sculptures étaient des œuvres d'artistes reconnus, même si Jean-Baptiste Baujault était démodé, et que sa statue était dans les réserves depuis 1895.

     

     

    Les deux sculptures tardèrent à arriver, le 27 avril 1926 Ouest-éclair annonça leur livraison imminente, une note officielle de dotation par l'Etat ayant été publiée le 2 avril précédent. Les deux statues divisèrent l'opinion, surtout L'Adolescente que la Mairie avait décidé de placer au square Delzieux[3], espace vert qui se trouvait alors derrière l'église Saint-Nazaire. Jean-Baptiste Baujault sculptait toujours des corps adolescents, fille ou garçon, d'une grande sensualité. Placer à proximité d’une église la statue d'une jeune fille nue à l'oreille de laquelle chuchote un faune était une provocation, même si Blancho s'en défendit toujours devant la presse, personne ne fut dupe. La Faunesse devait être érigée au square de la Marine, parfois nommé square de la Gare, un petit jardin qui se trouvait au niveau du parking du supermarché devant la Base-sous-marine, on préféra l'installer dans le Nouveau jardin des plantes.

     

    La situation commença à s’envenimer quand le maire fit placer devant l'église Saint-Nazaire les deux nus pour y recevoir « le baptême civil ». Pour les anticléricaux La Faunesse était le « Symbole de la Liberté, large, tolérante, sans vain sectarisme antireligieux dont jouissent tous tes citoyens de Saint-Nazaire, et L’Adolescente, l'image de la candeur, de la pureté des intentions et de l'innocence de nos élites[4] » Les autorités religieuses et les paroissiens de l'église s'en offusquèrent. En juin 1926 les travaux du square Delzieux furent achevés : plantations, grilles autour du jardin, et piédestal destiné à L’Adolescente. Les tensions entre cléricaux et anticléricaux étaient à leur comble. Le 6 juin, jour de la Fête Dieu, à l'église Saint Gohard, les communistes de Saint-Nazaire et de Trignac, se présentèrent avec leur drapeau rouge en tête chantant l'International, devant les fidèles assemblés. Des paroissiennes s'emparèrent du drapeau rouge et le mirent en pièces. Il s'ensuivit une bagarre générale durant laquelle le commissaire de police Radiguet se prit un poing dans l’œil. Le maire appela au calme, et on l'accusa d'envenimer les choses avec l’installation de L'Adolescente. François Blancho, « une main sur le cœur l'autre dans sa poche[5] », fit ce discours : « Nous savons, on nous accuse d'avoir organisé une émeute et lancé nos bataillons sur les catholiques. C'est une atroce calomnie. La preuve c'est que sur cette même place où s'est opérée la dislocation de nos troupes après nos paroles de modération et de sagesse, nous mettons cette Adolescente qui dira aux générations à venir notre innocence et sera comme le symbole permanent de notre amour pour le beau, le vrai, le bien. »

     

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    L'Adolescente de Jean-Baptiste Baujault, marbre, h. 145 x l. 60 x p. 60

     

    Le vendredi 20 juin 1926, L'Ouest Eclair annonça l’installation sur son socle de L'Adolescente, et la visite à la rédaction de deux dames en noir indignées par la statue, apportant des lettres de protestation. L'une d'elles dit : « Vraiment, monsieur, c'est le commencement de la fin. Par qui sommes-nous gouvernés, grands dieux !!! A-t-on idée de camper un satyre et une jeune fille nue près d'une église ! C'est abominable. Les enfants regardent et ricanent. Les écolières aux yeux trop éveillés contemplent et font leurs réflexions ! », et l'autre ajouta dans un soupir : « O tempora ! O mores ! ». La rédaction défendit la statue, tout en la critiquant : « Eh bien, là, mesdames, vous exagérez. Le Gouvernement a fait un don à la ville de Saint-Nazaire. Vous pensez qu'il n'a choisi, parmi ses statues, ni la Vénus de Milo, ni l'Athéna Promachos de Phidias. Il y avait, dans un coin, quelque part, une petite adolescente dont la hanche trop développée aurait, de suite, fait fuser les rires des Parisiens, si jamais cette effigie s'était dressée sur une place publique de la capitale. Par contre, le visage n'est pas mal et semble impassible devant le flux de paroles que doit déverser le Méphistophélès dont la tête se dresse derrière la chevelure de l'Adolescente. Avec ça on a mis un piédestal qui, par ses dimensions énormes, écrase la frêle statue. De loin, ce socle attire et retient tous les regards. Quant à cette bravade contre l'église Saint-Nazaire que personnifierait, nuit et jour, l'Adolescente du square Delzieux, laissez-moi rire le suis absolument persuadé qu'aucun membre du Conseil municipal n'y a songé. »

     La statue fut régulièrement couverte de boue ou de graffitis, puis on la vandalisa dans la nuit du 7 au 8 août 1929. Le lendemain l'Ouest-éclair titra : « Une femme décapitée et mutilée » et compara l'action à celle du citoyen Picard qui en mai 1794 avait été chargé de détruire toutes les statues de saints et les ornements héraldiques de la paroisse. Des personnes avaient escaladé les grilles du square, armées de barres de fer, brisé en plusieurs parties le bras droit de l'Adolescente et coupé sa tête qu'ils emportèrent. L'affaire fit grand bruit, les Nazairiens se précipitèrent pour constater les dégâts, même la revue L'Art vivant relata l'événement. La police fit des relevés d’empreintes de pied, collecta des témoignages. Le commissaire Pacaud, assisté par le brigadier Bodin, détermina que l'acte avait été commis peu après 2h du matin, à la fermeture des cafés, après la ronde des agents. La rédaction de l’Ouest-éclair reçu des lettres de dénonciation, anonymes, toutes plus farfelues les unes que les autres. Le journal fit plusieurs articles sur le sujet, et l'enquête piétina. La ville était pleine de rumeurs qui disaient que la tête se trouvait dans un café chic de la ville, puis à Paris, une personne aurait promis de la renvoyer par caisse au musée...

    La municipalité se décida dans les mois suivants à remplacer la statue par un but d'Henri Gautier, un bronze de Louis Mahé, un sculpteur local oublié. Le buste semblait minuscule perché sur un socle démesuré, mais incitait moins à la rébellion. L’érection de ce monument était prévue de longue date, cependant le lieu n'avait pas été fixé jusqu’à ce que L’Adolescente lui laisse sa place. On inaugura le nouveau monument le 1er mai 1930. Le devenir de L'Adolescente nous est inconnu, elle fut semble-t-il reléguée dans les réserves du musée, et ses restes détruits durant les bombardements. Le buste de Gautier fut fondu par l'occupant allemand.

     

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    Le square Delzieux avec le monument à Henri Gautier

     

    Dans la nuit du 6 au 7 décembre 1929, La Faunesse fut à son tour mutilée. Elle avait été placée au le Nouveau jardin des plantes, dans un bosquet. Le méfait fut découvert par « un vieillard aux moustaches blondes » à qui on oublia de demander qui il était, ce qui obligea à un appel à témoin pour le retrouver. Les jardiniers constatèrent que l'intrusion avait été accomplie par l'avenue de Béarn, à l'aide de cisailles dans le grillage, mais que la sortie avait été accomplie par le même procédé avenue de Lesseps. L'enquête révéla que le crime avait eu lieu vers 19h30 le 6 décembre, alors qu'un orage faisait rage sur la ville. Madame Hautcoeur, née Félicité Huet, domiciliée 23 rue Jean Macé, dit avoir entendu alors qu'elle passait à l'angle de l'avenue Lesseps et Pornicher, « deux coups sur la pierre à quelques secondes d’intervalle, puis un martelage ininterrompu[6] ». Bien sûr on accusa les ligues catholiques de l'acte, et le Sous-préfet dans une lettre du 9 décembre pencha pour une mauvaise action de l'Action Française, avouant cependant n'avoir aucune preuve. Tout comme pour L'Adolescente, il fut impossible de trouver les coupables. le sculpteur Despiau fut contacté, il demanda a voir des photographies et répondit par courrier à la Ville qu'il n'était pas possible de restaurer son œuvre.  La Faunesse fut réparée par un employé municipal mis un peu de ciment sur le bras et la cuisse fracturés, et laissée à son emplacement. Elle échappa aux bombardements, et se trouva à nouveau déplacée à la suite de la transformation par la municipalité Batteux du Nouveau jardin des plantes en espace résidentiel. Espérons que la nouvelle municipalité procédera à sa restauration et à sa mise en valeur, où que le Fonds National d'Art Contemporain, qui en est le légal propriétaire, agira.

     

     

     

     

    [1]  Le manoir du sable est cité la première fois dans les archives en avril 1467 quand Macé de La Haye, écuyer, seigneur de la métairie de La Paquelais, et de la maison noble du Sable, comparut armé à cheval en habillement de brigandine à la montre de noblesse tenue à Guérande.

     

    [2] Decimo Passani, (Carrare 1884 - 1952 Florence), connu surtout pour ses terracottas.

    [3] Square nommé à la mémoire de Louis Delzieux, républicain anticlérical, décédé en 1907, qui avait légué à différentes institutions charitables laïques de la municipalité le somme de 50.000 francs.

    [4] Ouest-éclair du 27 avril 1926.

    [5] Ouest-éclair du 16 juin 1926.

    [6] Ouest-éclair du 12 décembre 1929.

     

    La plus part des informations concernant La Faunesse ont été délivrées par la Base Joconde et par Elisabeth Lebon, auteur de « Charles Despiau (1874-1946) - catalogue raisonné de l'œuvre sculptée », thèse de doctorat d'Histoire de l'art, 4 vol. texte, 3 vol. planches, sous la direction de Mme Mady Ménier, Paris I-Panthéon Sorbonne, 1995. - Lire son article en ligne sur Charles Despiau sur : http://www.sculpture1940.com/wb/pages/despiau.php

  • Charles Beilvaire, un peintre nazairien oublié

     

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    Charles Beilvaire, " Bisquines de Paimbœuf " devant le vieux Môle, Saint-Nazaire, 1889, Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Quand on recherche des vues anciennes de Saint-Nazaire, on finit par trouver des dessins à la plume réalisés par Charles Beilvaire, représentant l'ancien bourg de Saint-Nazaire au 19e siècle. La Ville de Saint-Nazaire a en réserve trois dessins au crayon et un dessin à la plume de cet artiste actuellement accroché dans un bureau de l'Hôtel de Ville. Fernand Guériff a reproduit plusieurs dessins de Beilvaire dans son livre "Le Vieux Saint-Nazaire", édité aux Éditions Jean-Marie Pierre en 1987. Certaines de ces vues furent réalisées par Charles Beilvaire entre 1882 et 1886, ou d'après des dessins plus anciens, conservés par des particuliers, dont une série datant des années 1830. Le bombardement de Saint-Nazaire du 28 février 1943 a anéanti la maison de la famille Beilvaire, mais aussi des collections de Charles, qui, outre ses œuvres personnelles, comportaient des documents iconographiques, des manuscrits, des publications, anciens concernant Saint-Nazaire, l'estuaire de la Loire, la Grande-Brière1, la marine à voile, et qui devaient servir à un fond muséal projeté par Charles Beilvaire. Cette destruction a entraîné au passage la disparition pure et simple de la mémoire collective Charles Beilvaire, qui pourtant fut de son vivant un artiste reconnu, tant au protectorat du Maroc où il fut en poste, qu'en Loire-Atlantique. On trouve encore des peintures, des dessins, des aquarelles, de Charles Beilvaire. Si ses marines du Maroc ne sont pas rares, ces marines de l'Estuaire de la Loire le sont presque devenues, et il est fort difficile aujourd'hui d'en trouver des originales, fort prisées des collectionneurs. Notons ici que Charles n'est pas le premier peintre de sa famille. En effet sont père, Victor Beilvaire, peignait d'adorables marines, toujours en petit format, sur carton noir, et, avouons le, d'une exécution bien meilleure que celle de son fils. 

     

     Généalogie :

    Contrairement à ce René de Kervilers a écrit dans son ''Répertoire général de bio-bibliographie bretonne'', Charles Beilvaire n'est pas natif de Saint-Nazaire, mais de Paimboeuf, où sa famille avait fait souche. Les Beilvaire sont originaires de Port-Saint-Père en pays de Retz. Cultivateurs et métayers, on les retrouve au cours des siècles à Sainte-Pazanne, Bourgneuf-en-Retz, et pour la branche qui au 18ème siècle se fit orthographier Beilvert, à Challans et Saint-Brévin. Charles Beilvaire était persuadé d’être « d’origine espagnole », croyant son patronyme une déformation du catalan « Bellver », (Bellevue). Il raconta cela un jour dans la presse, propageant cette légende. Encore aujourd’hui des homonymes croient à cette origine. Mais Charles se trompait, Beil vient du poitevin, langue mêlée en pays de Retz au gallo, et signifie ventre ; vaire est une forme allongée de vair, du latin varius, qui au moyennage était le nom donné à la fourrure d’écureuil. Beilvaire signifie littéralement « ventre d’écureuil ». Il pourrait s’expliquer par le fait que le premier ancêtre ainsi nommé ait porté quotidiennement une ceinture en fourrure d’écureuil, cependant, attendu qu’à l’époque de l’invention des patronymes les particularités physiques servirent de base pour distinguer les individus d’un même groupe, il est plus probable que ce patronyme soit, non pas dû à un accessoire vestimentaire, mais au fait que l’ancêtre en question ait eu la particularité physique d’avoir le torse fortement velu.

    Charles naquit le 15 décembre 1861 à Paimboeuf, rue Neuve, (actuelle rue Pierre-Jubau). C’est son grand-père, Jean-Antoine-Simon Beilvaire, (Bourgneuf-en-Retz 13 décembre 1801 - 11 septembre 1837 Marseille), premier de sa lignée à avoir abandonné le travail de la terre pour se faire marin, qui s’établit à Paimboeuf où il épousa le 2 mai 1827, Adèle-Euphrosine Séjournée, (Paimboeuf 6 février 1803 – 11 juin 1849 Paimboeuf). Le couple eut deux fils :

    1° Jean-Félix né le 30 mai 1828 à Paimboeuf, charpentier de marine qui est le grand-père d’Auguste Pageot, (22 juillet 1884 - 19 novembre 1962), maire de Nantes de 1935 à 1940, député de Loire-Inférieure de 1936 à 1940,

    2° Charles-Victor, qui suit.

     

    Charles-Victor Beilvaire, dit Victor, (Paimboeuf 18 janvier 1832 - 10 octobre 1891 Saint-Nazaire), fut d’abord matelot. Il épousa à Paimboeuf, le 8 janvier 1861, Anne-Elisa Nicou, (Paimboeuf 15 mars 1839 - 22 janvier 1878 Saint-Nazaire), fille de marin elle aussi. D’abord logé rue Neuve à Paimboeuf, ils s’établirent en 1862 en la Grand’rue, (aujourd’hui la rue du Général de Gaulle). Ils eurent :

    1° Charles-Julien, dit Charles, né le 15 décembre 1861 à Paimboeuf, dont il est ici sujet ;

    2° Marie-Joséphine, née le 30 décembre 1863 à Paimboeuf, morte jeune ;

    3° Jules-François, (Saint-Nazaire 17 juillet 1867 - Fontenay-le-Comte 23 juillet 1959) ;

    4° Auguste-Charles, (Saint-Nazaire 5 mai 1873 - Saint-Nazaire 29 août 1893), employé, célibataire.

     

    Paimboeuf perdit sa vocation maritime à la création du Port de Saint-Nazaire. Il y eut au cours des années 1860 une migration de sa population de l’autre côté de l’estuaire pour raisons professionnelles. En 1864 les Beilvaire changèrent de rive. Leur premier lieu d’habitation à Saint-Nazaire fut un appartement loué à la famille Lechat, situé dans un bâtiment qui avait servi de gendarmerie à côté du Grand-Calvaire, à l’angle de la rue du Bois Savary et de la rue du Calvaire[1]. Cette maison et ce calvaire, Charles en fit un dessin à partir d’un croquis d’enfance, qui fut reproduit dans la Courrier de Saint-Nazaire du 7 novembre 1931.

     

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    Sur ce dessin qui résume les premières années nazairiennes de Charles, on voit à gauche, le long de la rue du Bois-Savary, est représentée la maison du docteur Alcide Benoist, toujours existante, au n°5[2], et à droite la maison Lechat. Au milieu le Grand-Calvaire, élevé en 1826 et détruit en 1873, qui avait été érigé à l’emplacement de La Croix de Saint-Nazaire, dont la première placée au XIIème sur le site du Grand Pré, fut renouvelée au XVème siècle par une croix calvaire au sommé d’une colonne, figurant d’un côté le Christ crucifier, entouré de la Vierge et Saint Jean, de l’autre la Vierge tenant sur les genoux le corps de son fils. Cette croix avait été déplacée en 1783 au cimetière de La Porterie, puis en 1858 remisée dans un coin du cimetière de La Briandais qu’elle domine maintenant au centre de la Grande Allée grâce à l’intervention de Charles en 1890 auprès du maire Ferdinand Gasnier[3].

     

    Victor Beilvaire, pour des raisons financières, fit le choix d’un engagement de trois années aux Indes. Charles vécut ces trois années avec sa mère et sa sœur dans cet appartement du rez-de-chaussée de la maison Lechat. A son retour, Victor se fit manœuvre sur le Port, et les Beilvaire s’établirent dans la Vieille-Ville, au 5 de la Rue Neuve, (actuellement rue Hippolyte Durand), dans une demeure dont la cour jardin, bordée de l’ancienne muraille de la ville[4], donnait directement sur l’estuaire, à quelques pas du Vieux Môle et de l’église. Cette modeste demeure, divisée en deux, datait du 18ème siècle et avait été fortement modifiée durant la Monarchie de Juillet. Elle fut pour Charles le lieu merveilleux de son enfance, entre ses 6 et 13 ans. Il espéra l’acheter, mais cela ne put jamais se faire. Cependant, quand en 1900 le studio de photographie Dugas décida de réaliser des cartes postales de Saint-Nazaire, Charles vint poser avec d’autres nazairiens dans la rue, en manteau et melon devant la maison de ses jeunes années.

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    Charles Beilvaire posant devant la maison de son enfance au 5 rue Neuve.

     

     Montaron dans une interview de Charles Beilivaire pour L'Ouest Éclair du 17 décembre 1943, nous rapporte les souvenirs d’enfance de Charles. Le port de Saint-Nazaire ne comportait alors qu'un seul bassin où « s'entassaient pêle-mêle jusqu’à 110 voiliers. Ils se tenaient si près les uns des autres qu'ils créaient comme un pont et que, sautant d'un bord à l'autre, le petit Beilvaire pouvait passer du quai Démange au quai du Commerce. Son âme d'enfant, inconsciemment éprise d'art, s'émerveillait devant l'image aérienne et comme insaisissable de ces longs courriers aux voiles arachnéennes et qui frémissaient au souffle du large comme des ailes d'oiseaux. Aussi, dès qu'il put tenir entre ses menottes, un crayon, Charles Beilvaire commença à prendre des croquis. Ce n'était certes pas parfait, mais la fidélité y était incluse et, plus tard, elle devait servir à l'homme en plein épanouissement intellectuel, à reconstituer exactement tel vieux coin du « Petit Maroc[5]» ou encore tel gréement de trois mâts franc disparu. Son père, précisément, courait le grand large sur la dunette d'un de ces magnifiques bâtiments de la Marine en Bois. En ce temps-là, les records du « Ruban Bleu» n'existaient point... Chaque navire était tributaire du vent, des éléments comme ces mouettes incessamment balancées au-dessus des vagues et parcourant des distances considérables sans qu'on y prenne garde. Mon père, m'a confié M. Beilvaire, est resté trois ans aux Indes, avec lesquelles nous faisions jadis un gros commerce. Tous les voiliers ou presque qui fréquentaient le port de Saint-Nazaire, venaient de là-bas, avec leurs cargaisons d'épices et de fruits aux lourdes senteurs ou de sucre de Bourbon[6]. Nous guettions leur arrivée au bout du môle. Nous reconnaissions de loin, de bien loin, à la limite d'horizon, le « Penseur », le « Navigateur », l'« Epervier », l'« Isabelle » ou encore le « Persévérant », à cause de leurs cacatois[7] ou de leurs perroquets[8]. Ceux-là appartenaient à la vraie Marine en bois. On saluait aussi le passage des « guanotiers », des trois mâts de 3.000 tonnes qui importaient en France le guano des îles Chiloé (Chili et Pérou). 3.000 tonnes !? Ça nous paraissait formidable !.. Je vis un jour, aussi le plus grand voilier français « La Victorine », qui faisait un peu plus de 3.000 tonnes et les deux « France », qui étaient des cinq mâts. Après les navires mixtes comme 1'« Eugénie », il y eût les bateaux à roues... C'était déjà l'avènement de la vapeur. La première unité qui relâcha à Saint-Nazaire fut le « Nouveau Monde ». Il mesurait 105 mètres de longueur, atteignait New-York en... 25 jours ! C'étaient, d'ailleurs, de mauvais bateaux qui « engageaient » par grosse mer. Et puis le progrès est venu... On a construit « Normandie »... »

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    Le quai de la Loire, (depuis quai Demange), en 1873, photographie par Gustave Bord, (11,5 x 7,4) ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

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    Le Vieux Bassin du port de Saint-Nazaire, 1880, croquis, (30x21) ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Ce que Charles ne dit pas dans cette interview, c’est que quand il eut 13 ans, son père devenu ajusteur à la Compagnie Générale Transatlantique, gagna mieux sa vie, et la famille déménagea boulevard de l’Océan, (actuel boulevard Wilson), dans un appartement doté du confort moderne, que Charles détestât profondément, mais surtout, qu’il fut initié au dessin et à la peinture par son père. Victor, artiste dans l’âme, était un autodidacte de talent. Il peignait sur carton, des marines durant ses voyages. Deux nous sont parvenues. Un autre détail, dont on ne fait jamais mention, est Victor jouait du violon, et enseigna la musique à ses enfants. Charles sut en jouer, il posséda même plusieurs violons à l’âge adulte, mais ne faisait montre de ce talent que pour ses intimes, se considèrent trop amateur pour en faire état.

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    Marine, Victor Beilvaire, vers 1865, huile sur carton gris, (21 x 14,) ;  Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Pourquoi ce silence à propos de son père artiste, réputé courageux, et qui reçut la médaille d’Honneur du ministère de la Marine en février 1884? après avoir été sauvé à la nage, le 3 septembre 1883, à 5 heures du matin, un homme agrippé au haut du mât d’un bateau de plaisance qui coulait dans le bassin de Penhoët[9] ? Les relations entre eux semblent être devenues difficiles quand Charles atteint l’adolescence. Garçon sensible, un peu féminin dans ses manières, ayant le goût des études, de la beauté du quotidien, il entra sans le vouloir en conflit avec l’idéal masculin de son père qui voulait ses fils durs et responsables, et surtout capables d’apporter rapidement de l’argent à la maison. Quand Charles obtint son certificat d’études, il ne fut pas question qu’il resta sur les bancs plus longtemps. La famille était modeste, son père l’obligea à trouver un emploi de commis de bureau[10]. Heureusement pour Charles, son père lui laissa la possibilité de suivre des cours du soir, puis d’intégrer l’école des Pont-et-Chaussées avec obtention d’une bourse. Il fut alors formé à la fonction de conducteur de travaux sur le chantier ferroviaire de la ligne Cholet-Fontenay-le-Compte en 1880. A Fontenay-le-Comte, il fut logé chez un chapelier, Ernest-Auguste Vinet, alors veuf avec une fille[11], avec qui il se lia d’amitié et qui fut une sorte de second père pour lui. Mais un Nazairien est toujours malheureux quand il est à l’intérieur des terres. Le port de son enfance lui manquait et l’obsédait. Il le dessinait inlassablement en ses carnets dès qu’il pouvait y revenir.

    Charles passa le concours de conducteur des Ponts-et-Chaussées le 17 novembre 1882, et le réussit avec 12 autres candidats de la Loire-Inférieure sur 18. Son premier poste fut à Saint-Nazaire en 1883, sur le chantier d'agrandissement du port sous la direction de René de Kerviler[12]. Puis, il intégra le Service des eaux de la Ville, comme détaché des Ponts-et-Chaussées. Gagnant rapidement confortablement sa vie, il prit sa liberté, et finança, en tenant tête à leur père, les études de son frère Jules, qui devint technicien de la marine en 1889.

     

    La Nazairienne et les rumeurs :

    Avec Pierre Foucher, (Paimboeuf le 15 juin 1852 – Saint-Nazaire, 26 avril 1940) [13], Charles fonda en 1885 la société de gymnastique et de tir « La Nazairienne », société sportive réservée aux hommes. Cette société eut son premier stand dans l'ancienne halle aux poissons, désaffectée depuis 1883, située à côté de l’église.

     

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    Le Courrier de Saint-Nazaire du 9 mars 1935, coupure de presse conservée par Charles ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Vu général du quai de la Vieille-Ville, avec au fond la salle de la Nazairienne, 1890, (15,30 x 11)

     

     

    Le quai de la Vieille-Ville avec au fond l’ancienne poissonnerie devenue première salle de La Nazairienne, 1885, pochade, (24x15,5)

     

    Le local avait été obtenu de la Municipalité sur intervention de René de Kerviler qui avait été sollicité pour parrainer le projet. François Fouché abandonna à Kerviler la présidence, symboliquement, mais ce dernier s’en accapara totalement en y intégrant ses amis. Il fut impossible pour les deux jeunes hommes de lutter contre les notables de la Ville auteurs de ce coup d’Etat, même s’ils restèrent cependant des membres actifs de la Société.

     

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     Médaille d’un concours de Tir organisé par La Nazairienne, société de tir, concours du 24 mai 1886, (Ø 5,5), Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    La Nazairienne était réputée pour être « prisée par les hommes qui ont le goût des hommes ». Il faut ici expliquer qu’après la guerre de 1870 et le discours de monseigneur Fournier[14], évêque de Nantes, qui au lendemain de Sedan avait rendu responsable de la défaite le relâchement des mœurs depuis 1789, il fut de bon ton d’hyper-viriliser les garçons dès le plus jeune âge par le sport et le maniement des armes[15], avec l’idée qu’on en ferait des hommes prêts à reprendre à l’Allemagne les territoires perdus. Les amitiés viriles étaient alors pratiquées sans qu’on y pensât mal. Marcel Proust et Edward Morgan Forste ont dépeint parfaitement cette société européenne où il était de bon ton qu’un homme blâme la moindre attitude jugée féminine, alors qu’il y était normal, du moment qu’il fut coiffé en brosse, qu’un homme passa des heures à choisir le tissu et la teinte d’un costume, tout en collectionnant les porcelaines, ou plus exactement dans le cas de Charles les coiffes et les vêtements folkloriques de la région nazairienne. Et personne ne s’offusquait qu’un sous-officier composant des vers enflammés à son officier supérieur à de la caserne de Saint-Nazaire. On parlait « d’admiration ». La police des mœurs avait beau surveiller et ficher les gens[16], elle ne pouvait pas empêcher qu’on se séduise en faisant montre de sa virilité entre deux effleurements dans les vestiaires, puis que l’on consomma à la hussarde le soir dans le Jardin des Douanes[17] proche de la salle de La Nazairienne, entre les marins et les militaires qui arrondissaient leur solde. Des rumeurs commencèrent à courir à propos de Charles ; on murmurait qu'il était « myope quand passe une belle femme ».

     

    Mariage et famille :

    Charles se maria le 5 juillet 1886 avec, Marie-Philomène Pierre, dite Marie, née à Saint-Nazaire le 12 août 1865. Elle était la fille d'Etienne Pierre, (Saint-Nazaire 22 août 1836 - Saint-Nazaire 1er avril 1923), charpentier reconverti comme buraliste, issu d’une très ancienne famille nazairienne dont la filiation est prouvée depuis le 17ème siècle, et de Jeanne-Marie-Philomène Simon, (Saint-Nazaire 22 avril 1838 - Saint-Nazaire 12 septembre 1924), lingère. Les Pierre vivaient 111 rue d’Anjou, dans une grande maison à deux étages, sous combles, comprenant le bureau de tabac paternel et une épicerie qui était leur locataire. L’immeuble avait été construit deux ans auparavant, et Charles le qualifia dans une lettre à l’architecte Claude Dommée en date du 15 novembre 1947[18] de « d’un type courant en 1880 [de] maison ouvrier ». Quoique simple de style et de disposition, situé dans un quartier populaire, l’immeuble et ses dépendances autour d’une cour, était dotée de tout le confort d’alors. Le couple y vécut les deux premières années de leur union.

    Charles avait un emploi qui faisait oublier la modestie de son extraction, et aurait pu de fait choisir une épouse d’une condition plus élevée, avec de l’instruction et de la culture, alors que l’on disait de Marie qu’elle ne savait « même pas jouer du piano ». Mais elle avait la qualité de ne pas voir la réalité de cet homme élégant, cultivé, à la bonne situation, qui la demanda en mariage sans qu’ils se connaissent véritablement. La naïveté dans laquelle les jeunes-filles de l’époque étaient éduquées n’allait pas aussi loin dans la bourgeoisie nazairienne au fait de tous les ragots. Marie savait tenir un intérieur sans l’aide d’une bonne, et avait une dote non négligeable grâce au sens de l’économie de ses parents, alors que Charles n’avait pour tout bien que son salaire qu’il dépensait de façon extravagante. L’a-t-il aimé cette jeune femme qui attendait patiemment qu’il rentre, le repas mijotant sur la fonte du fourneau, qui ne posait pas de question, et se blottissait contre son torse dès son arrivée ? Pas tout de suite, mais à la longue, ses vertus passives, l’admiration qu’elle lui vouait, sa douceur, sa nature à n’avoir d’autre horizon que les murs de sa maison et les langes de leurs enfants, séduisirent Charles qui lui voua de la tendresse. Il fallut cependant fournir un effort pour qu’entre les draps il y eut plus que quelques caresses. « Je veux quatre enfants », avait-elle dit au moment des fiançailles. Quatre enfants naquirent donc :

    1° Charles-Etienne, né à Saint-Nazaire le 29 mai 1887 ;

    2° Fernand-Jules-Arsène, né à Saint-Nazaire le 18 août 1888 ;

    3° Georges-Marcel, né à Saint-Nazaire le 2 septembre 1890 ;

    4° Andrée-Madeleine, née à Saint-Nazaire le 1er février 1892.

     

    La vie de Charles fut exemplaire, les rumeurs s’estompèrent. Avec la dot de son épouse et ses économies, il fit construire vers 1897 un « chalet », c’est-à-dire une maison coquette près du rivage, rue Georges de Villebois-Mareuil, (actuel n°4), dans le lotissement du Sable. Bâtiment délicat en moellon et briques, à bow-window et toiture art-nouveau, qui a un air de maison de poupée. 

    Charles se montra un père attentionné ; plus particulièrement avec l’ainé, en qui il vit son double, et à qui il passa tout. S’il avait le comportement d’un époux modèle, il s’échappait cependant régulièrement, à Nantes et sur la côte, au prétexte de peindre des navires.

     

    En juin 1900, Charles devint le directeur du Service des eaux, avec un appontement de 3.500 fr. Charles-Etienne passa en 1901 le concours de l’Ecole nationale professionnelle de Nantes, où il fut envoyé en internat pour y apprendre le dessin industriel, dont il fut diplômé.

    En 1902, comme nombre de bourgeois royalistes, Charles intégra la Sous-section des Hospitaliers Sauveteurs Bretons de Saint-Nazaire[19].

     

     

    Le Musée de Saint-Nazaire :

    Charles intégra en 1903 la Société de géographie commerciale de Saint-Nazaire, de laquelle fut rapidement l’une des figures les plus actives, et l’illustrateur de ses publications. Il y organisa avec un autre membre, Paul Barbara[20], inspecteur principal des Douanes et peintre amateur, et Étienne Port, deux expositions de photographies, peinture et dessins, grâce au soutien financier de Gustave Bord[21]. La première eut lieu le 21 octobre 1904. Il exposa à cette occasion des dessins faits à la plume. La seconde se déroula en 1905. La première exposition fut un véritable événement. Initialement, cela devait être qu’un concours de photographies, mais Etienne Port avait sollicité maitre Galibourg, de lui confier pour l’occasion sa collection de documents historiques nazairiens. De là, il fut suggéré de faire une exposition artistique et culturelle consacrée à Saint-Nazaire, et tous les artistes nazairiens furent sollicités[22]. Le lieu d’exposition fut la salle de la Bourse du Commerce, dans laquelle on espérait installer un jour un musée municipal.

     

    Le Musée de Saint-Nazaire est une institution disparue qui a laissé plus de légendes que de souvenirs. Il avait été projeté dès avril 1889 par Ferdinand Gasnier, mais la Commission, qui devait le rendre réel et constituer ses collections, ne fut formée par décision du Conseil municipal que le 4 novembre 1893, et cela uniquement parce que Octave Fidière des Prinveaux[23], conservateur au musée du Luxembourg, avait obtenu de la veuve du sculpteur Henri-Michel Chapu[24], le plâtre du plâtre original de « Jeanne d'Arc à Domrémy », disparu durant les bombardements, et dont le bronze est aujourd’hui exposé au Musée d’Orsay. Cette intervention valut à Octave Fidière des Prinveaux d’être nommé co-conservateur avec Paul Barbara[25].

    Il fallut attendre l'année 1901 pour que Étienne Port, (1860-1924), conservateur de la Bibliothèque et professeur au Collège, réussisse à persuader Baptiste Auguste Lechat, (1848-1928), devenu maire après monsieur Gasnier, de la nécessiter de concrétiser le projet. Au début le Musée se limitait à deux pièces de la bibliothèque, composée d’un ancien bureau au rez-de-chaussée, (longue pièce basse de plafond, avec une petite cheminée, prêt de la porte, et deux fenêtres étroites du même côté, et un autre à l’autre bout), et d’un espace au premier étage. On réfléchir à la constitution de la nouvelle commission et aux sections qui composeraient le musée. La section des Beaux-Arts fut confiée à Étienne Port, Charles Bergman[26] artiste graveur nazairien, alors élèves aux Beaux-Arts à Paris, Paul Barbara, et Aimé-Victor-François-Joseph Tertrais[27], architecte de la ville ; l'Ethnographie, à Marie-Théophile Griffon du Bellay[28], médecin, ancien explorateur, directeur du Service de Santé ; l'Histoire naturelle, à monsieur Journet, principal du collège, au médecin de marine Dauvin, Thomas, professeur des sciences naturelles au collège ; l'Archéologie revint, bien sûr, à René de Kerviler, assisté de l'ingénieur des ponts et chaussées Poisson, du docteur François Merson[29], et le pharmacien François-Marie Corbineau[30]. Et on ajouta à la Commission Fernand Gasnier pour la forme.

    Paul Barbara qui suggéra à Ferdinand Gasnier, qui tenait déjà Charles en haute estime, de la faire membre de la Commission du musée de Saint-Nazaire en remplacement de l’ingénieur des Ponts-et-Chassées Poisson, qui venait d’être muté par son administration avec monsieur de Kervilers. Le Conseil municipal vota son entrée à la Commission le 14 février 1905, ce qui fut confirmé par arrêté préfectoral du 27 mai suivant[31].

    On pourrait croire, à la lecture de tous ces noms et des sections, que le Musée de Saint-Nazaire devint un formidable structure culturelle. Ce serait se tromper. La Ville n’eut jamais les moyens de ses ambitions. Malgré le prêt par la Chambre de commerce de la salle de son ancienne bourse, mitoyenne de la bibliothèque, le musée ne fut rien d ‘autre qu’une sorte de brocante mêlée de quelques objets de qualité qui auraient fait très bien chez un amateur éclairé, mais nullement muséaux, acquis avec un budget municipale équivalent à un mois et demi de salaire d’un ouvrier et les dons de particuliers qui s’inquiétaient surtout qu’on indiqua bien leur nom sur les étiquettes. Le Musée ne fut au demeurant jamais ouvert que le dimanche de 13 h à 16 h, et, s’il était gratuit, il fallait cependant aller en chercher la clef chez le concierge de la Chambre de commerce ![32]

     

    Charles participa à plusieurs expositions durant cette période, fit de nombreux croquis et dessins de Saint-Nazaire, l’Estuaire et La Brière, des photographies, et accumula une abondante documentation, achetant à l’occasion des archives originales et recopiant des représentations anciennes de Saint-Nazaire, on lui connait plusieurs de ces copies dans les Collections Odoevsky Maslov un lavis copie d’un sépia d’Audiran autrefois dans la collection Charles Goinard[33], (24 x 15,5), La ville vers 1828, aquarelle, d’après une lithographie de Dagnan, (25 x 31,3), La ville au 18ème siècle, aquarelle, d’après une aquarelle de Le Bailly, (32 x 20,5), mais aussi La ville au 18ème siècle, dessin à la plume de 1904  d’après une aquarelle de Le Bailly, reproduit par la société de Géographie commerciale de Saint-Nazaire en 1907 dans « Saint-Nazaire, son port, son commerce »[34]

    Au cours de cette période, Charles fit acquisition de vêtements folkloriques, d’objets atypiques, collectant chez les uns ou les autres, et ramassa sur les chantiers de démolitions des éléments de décor. Sa collection fut rapidement réputée, et un ami lui suggéra de la proposer sa documentation briéronne à Anatole Le Bras, (Duault 2 avril 1859 - 20 mars 1926 Menton), afin qu'il en fasse une livre, ce que l’écrivain accepta, mais peu après, celui-ci déclaré forfait. Ce fut finalement Alphonse de Chateaubriant[35] qui fut chargé de cette entreprise et qui en fit le roman « La Brière » publié en 1923, Grand Prix du roman de l'Académie française, que, ironiquement, Beilvaire n'illustra pas, et qui le fut pour sa réédition de 1932, par un autre nazairien, René-Yves Creston, (Saint-Nazaire 25 octobre 1898 - 30 mai 1964 Étables-sur-Mer), futur Seiz Breur.

     

    Jules, l’inséparable petit-frère :

     

    Jules-François Beivaire, né le Saint-Nazaire 17 juillet 1867, était devenu grâce au soutien financier de son frère Charles, technicien de la marine. Il épousa le 26 mai 1889 à Fontenay-le-Comte, Alida-Anna-Anais-Marie Videt, né à Fontenay-le-Comte 4 août 1872, fille du chapelier qui avait logé Charles durant ses études. Entré comme dessinateur aux Chantiers de la Loire, il décida en 1900 de fonder ses propres chantiers navals à Nort-sur-Erdre. Pour l’y aider, Charles accepta de le loger avec sa famille chez lui. Il emménagea alors avec son épouse, leur premier fils, Maurice-Ernest-Jules, né à Saint-Nazaire le 16 avril 1900 rue de Pornichet, et leur bonne. Marie se replia avec ses enfants, échangeant plus facilement avec l’employée de sa belle-sœur, qu’avec celle-ci. Anais faisait attention à tenir son rang, et ne comprenait pas que Marie s’obstina à ne pas avoir de personnel de maison. Jules connut des succès avec ses chantiers, on lui doit notamment la réalisation du Dérocheur destiné à l’approfondissement du port de Nort, lancé à la marée de 5h le 7 septembre 1907. Mais il géra très mal la partie financière de son entreprise, et le 19 mai 1909 Tribunal de commerce de Nantes le déclara en faillite et ordonna la liquidation de l’entreprise. Jules devint dessinateur aux Chantiers de La Loire, puis aux Chantiers Belliard à Dunkerque, dont il devint directeur en 1937. Il eut pour second fils Guy, qui se maria au Royaume-Uni avec Miette Papon, et décéda entre 1963 et 1970 sans postérité.

     

    Mutation et secret révélé :

    Promu conducteur de première classe en juillet 1906, officier d’Académie en mai 1907, Charles était un acteur de la vie nazairienne, et pensait passer toute sa vie dans cette ville qu’il aimait. Il se distrayait avec ses activités artistiques, qui lui permettaient de faire des séjours avec son épouse à Nantes, mais aussi en s’adonnant à la construction de bateaux modèles. Il fonda, en 1907, la Société des bateaux Modèles de Saint-Nazaire[36], qui organisait des régates de modèles réduits sur le Bassin des Enfants, une pièce d’eau triangulaire, ancien abreuvoir pour les chevaux, qui se situait sur le remblai au niveau de l’actuelle place du Commando.

    Le 26 novembre 1907 Charles offrit au Musée de Saint-Nazaire dessin à la plume, de 42 cm par 20 cm, datant de 1895, et qui encore aujourd’hui propriété de la Ville de Saint-Nazaire, ainsi que, le même jour « un petit bateau trouvé dans la chapelle de l’Espérance, mais qui a besoin de quelques réparations », C’était un ex-voto ramassé durant la démolition de la chapelle Notre-Dame de l’Espérance durant l’été 1906, et qui était initialement suspendu à la voute[37].

    En février 1909 Charles participa à l’Exposition des Amis des Arts à Nantes.

     

    Mais un arrêté du 9 décembre 1909 le nomma dans le département de la Seine-Inférieure, au service de la navigation de la Seine (4e section). Ce changement de poste ne fut pas à son goût, il n'arriva pas à se faire à des amis à Rouen où il était désigné comme « le Breton », et n’avait pas de liaison amoureuse qui puisse lui faire oublier le poids de sa nature. Comme beaucoup d'hommes dans son cas, il était obligé de mener une double vie en ayant la peur d'être découvert et fiché par la police, de se retrouver victime de la haine et d'être mis au ban de la société. Il oublia qu'il fallait aussi se méfier des amants et des aventures d'une heure qui n’ont pas toujours de bonnes attentions. Une rencontre se révéla avoir été avec un maître chanteur qui finit par dire à Marie la vérité à propos de son époux et demanda de l’argent pour son silence. La révélation et le chantage détruisirent l'entente entre les époux, qui cependant s'obstinèrent à rester ensemble et firent en sorte de trouver une solution pour ne pas avoir à payer indéfiniment la crapule. Passablement déprimé, Charles obtint un arrêté en date du 24 février 1911 qui le « mit en congé, hors cadres »[38]. Un décret du 15 mars 1911 l'autorisa à entrer au service de la Compagnie parisienne de distribution d'électricité, une société privée fondée en 1907.

     

    La vie avec Marie devient infernale. Les enfants avaient entre 20 et 15ans, et comprirent que leur père trompait leur mère et qu’un scandale avait obligé tout le monde à déménager. Même si la vie parisienne leur fut plus agréable que la rouennaise, Marie qui lançait en permanence des piques à Charles qui s’enfonçait dans de froids silences. Andrée, seule fille, et cadette de la fratrie, était très proche de sa mère. Charles n’avait jamais été particulièrement intéressé par sa fille, lui préférant ses trois frères, surtout l’aîné, Charles-Etienne, qui était artiste, et en qui Charles se retrouvait de plus en plus, y compris dans ses goûts charnels, et à qui il passait tout, y compris les pires bêtises. Marie pleurait beaucoup, et se confiait à sa fille. Un jour, Andrée comprit le terrible secret, et en garda une rancune épouvantable envers son père. Ses frères finirent par partir : Charles-Etienne devient dessinateur et pris un logement au 16 rue de la Jonquière en 1911 ; Jules suivit la même voie professionnelle, même s’il restât au domicile parental, il menait sa vie de son côté et ne rentrait que pour dormir ; quant à Marcel ; il préféra arrêter ses études pour pouvoir fuir l’atmosphère familiale trop lourde, et se fit employé de commerce à La Rochelle, où il résidait dans une masure en périphérie qui lui semblait la plus merveilleuse des chaumières.

    La fuite de ses fils conforta Charles dans l’idée qu’il n’avait plus à se contraindre à rester vivre avec Marie. Il fit en sorte de réintégrer les Ponts-et-Chassées et fut nommé aux travaux publics le 16 mars 1914 à Rabat, au Maroc, état alors divisé en deux protectorats, l’un espagnol, l’autre français.

     

     

    La vie marocaine :

    Confié au maréchal Lyautay, le Protectorat français du Maroc était un paradis pour les homosexuels et les aventuriers. Il fut convenu que Marie partirait resterait en France avec Andrée. Charles dira avoir été des amis intimes Lyautey, amitié qu'il faut cependant relativiser, mais qui lui valut une fiche rose dans les classeurs de la police locale.

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    Minaret de la mosquée de Chella à Rabat, aquarelle, 1915, publié le 18 août 1934 dans Le Courrier de Saint-Nazaire.

     

    La guerre éclata, ses fils furent envoyés au front. Charles-Etienne, jugé trop sensible pour être envoyé se battre au front, fut affecté aux services des hôpitaux comme infirmier militaire, ce qui fit dire aux mauvaises langues de Saint-Nazaire : « quand on aime les hommes on va aux Fusils marins, car c’est là que sont les plus beaux, ou à l’infirmerie, pour voir des culs toute la journée ! »

    Fernand, sergent du 6ème génie, décéda le 8 septembre 1914 en gare de Lens, des suites de ses blessures reçues à Fère-Champenoise. Il avait crié ses hommes « vengez-moi ! », ce qui lui valut citation posthume le 8 juin 1922, la médaille militaire et croix de guerre d’être déclaré mort pour la France.

    Georges fut adjudant au 4e régiment de Zouaves de marche. Il prit part à toutes les opérations actives de la compagnie, se distingua par son courage, son sang-froid et sa présence d'esprit. Le 13 octobre 1914, à l'attaque de Ramscapelle en Belgique, où deux sections d'une autre compagnie ayant été privées de leur chef, il les rallia, réforma et ramena à l'assaut. Nommé adjudant, il fit preuve des mêmes qualités durant tous les autres combats, notamment au cours de violents bombardements les 3 et 4 avril 1916. Elevé au grade de sous-lieutenant, il fut désigné pour commander une contre-attaque le 5 août 1916 au bois de Vaux-Chapitre, au pied du fort de Douaumont, durant la Bataille de Verdun. Il partit à la tête de la Division n°38 et tomba, mortellement frappé par l’ennemi. Mort pour la France, croix de guerre avec une étoile d'Argent et étoile de Bronze, et chevalier de la Légion d'Honneur[39].

     

    A l’Armistice, Charles se rendit en France pour récupérer les corps de ses fils et les faire inhumer au cimetière de La Briandais. Ces deux morts le laissèrent amer et firent s'effondrer son épouse dans une profonde dépression. Charles l’installa à Saint-Nazaire, aux bons soins de sa sœur, Marie-Joséphine Pierre, dites Joséphine, (Saint-Nazaire 11 août 1867 - Nantes 13 juin 1958), et il s’en retourna à Rabat. Le 1er juillet 1920 Charles fut transféré à la sous-direction du Chemin de fer et Travaux publics du Maroc à Casablanca. Il passa au grade d'ingénieur de première classe le 20 janvier 1925. Le 23 janvier 1925, il obtint sa nomination au service détaché, sur ancienneté, puis par décret du 28 mars 1925 il est admis à faire valoir ses droits à la retraite, et cessa ses fonctions à la même date.

     

    La vie au Protectorat fut douce pour Charles. Hors de métropole, il n’y avait pas de regards pesants ou de jugements de mœurs. On avait alors pour habitude de dire que « ce qui se passe aux colonies, reste aux colonies », et s’était vrai. On pouvait y vivre à sa guise et s’y refaisait une réputation, se constituer une situation qui n’aurait jamais été possible en France, et y faire fortune si l'on était un peu doué. Charles gagnait très bien sa vie, et la pension qu’il versait à Marie, pour son entretien et celui de leur fille, n’était pas très importante, quoique respectable. Charles dépensait sans compter pour se distraire, recevoir et combler ses amants.

     

    Casablanca est un port dont l’esthétique et l’animation plurent énormément à Charles. Au Maroc, Charles fit de nombreuses aquarelles, et revint à Saint-Nazaire avec plus de 150 d’entre elles. Il se fit une réputation artistique parmi la colonie française, et fut l’objet d’un long article illustré, « M. Beilvaire, artiste peintre », dans la série « Les artistes au Maroc » de Ker-Melin, publié dans la revue France Maroc[40] du 1er mars 1925[41] : « […] dans son art M. Belvaire s'est chaque jour perfectionné. Il était déjà bien connu dans sa petite province où le Musée acquérait plusieurs de ses œuvres[42] et où il conservait par sa peinture le souvenir des bateaux de pêche du port. Ce n'était pas un amateur inhabile, couvert de sueur, et peinant d'effort, mais un habitué et un ami intelligent de la marée, de ses odeurs et de ses humeurs : au titre d'artiste on lui décernait les palmes académiques. Depuis sa main est devenue plus experte et ses objets plus variés. Il s'est même écarté de la mer, il a flâné dans les villes marocaines, et à son tour il a essayé d'exprimer l'ardeur violente des paysages marocains.

    Après tant d'autres dont nous avons déjà parlé ou dont nous écrirons plus tard, il en a donné un aspect particulier et si l'on doit préférer sans aucun doute ses marines tant marocaines que bretonnes, plus justes de couleur, plus riches de mouvement, ses paysages, surtout ceux où ne passent point de personnages, ont une allégresse de coloris pénétré d'air bleu ensoleillé qui réjouit la vue. »

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    Photographie de Charles parue dans France-Maroc

     

     

       

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    Exemples de marines peintes à Casablanca, publiées dans la revue France Maroc du 1er mars 1925.

     

    Retour à Saint-Nazaire :

    Revenu à Saint-Nazaire au printemps 1925, avec des caisses emplies d’antiquités et d’artisanat marocain, de dessins, aquarelles et peintures, Charles eut à s’occuper de Marie qui ne se remettait toujours pas de la mort de ses fils et se laissait dépérir. Pour autant il ne s’établit pas avec elle dans la maison de la rue d’Anjou qui avait été partagée en deux logements avec sœur Joséphine, la sœur de Mairie. Il préféra prendre un logement au 44 rue Vital dans le 16ème arrondissement de Paris, où il mena grand train. Jusqu’au décès de son épouse à Saint-Nazaire 16 juin 1928, Charles ne semble avoir eu d’activité particulière si non un peu de dessin et de peinture. Il participa au Salon annuel du Groupe Artistique de Saint-Nazaire, qui se tint du 30 janvier au 27 février 1927, exposant quatre huiles : Chasse-marée, Chaloupe à Paimboeuf, Sortie de l’avant-port de Saint-Nazaire, Rentrée dans l’avant-port de Saint-Nazaire, Canot de Pêche.

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    Entrée dans l’avant-port de Saint-Nazaire, 1926, huile sur carton bleu, (14 x 18)  ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Au moment de la succession de Marie, Andrée exigea la vente des biens immobiliers de sa mère pour en toucher la part qui lui revenait. Il y avait en réalité peu de choses : la moitié en indivision avec Joséphine de la maison du 111 rue d’Anjou, dont le fond du bureau de tabac du grand-père Pierre avait été vendu, mais qui était resté locataire de la boutique, pour une mise à prix de 40.000 fr ; la moitié en indivision avec Joséphine d’une chaumière au 128 rue de Toutes Aides pour une mise à prix de 5.000 fr ; une parcelle de terrain sablonneux à bâtir au lotissement de 121m², rue Waldeck-Rousseau, pour une mise à prix de 2.000 fr ; une parcelle labourable dite « Le Pré aux Trèfles » dans l’Ile-Cardurand, de 112m², mise à prix 50 fr ; 10 ares 30 centiares de terres labourables dans la Petite-Ile-de-Prézégat, mise à prix 1.000 fr ; un canton de pré de 11 ares 35 centiares au Prinzcs, mis à prix 200 fr ; Aux Grand-Coutils de La Tranchée, un canton de terre labourable de 8 ares 46 centiares, mis à prix 3.000 fr ; une parcelle de marais en l’Ile-Jaquet de 4 ares 30 centiares, mise à prix 50 fr ; sur la commune de Paimboeuf, une parcelle de sable sous les arbres, avenue de la Mairie, de 1.062 m² 50, mise à prix 10.000 fr.

     

    Charles n’avait pas d’économies, il avait dépensé l’essentiel de ce qu’il avait gagné pour mener une vie somptuaire, et avait entretemps emménagé à Saint-Nazaire dans le logement de son épouse décédée, car il ne pouvait plus subvenir à ses dépenses parisiennes. Sa situation économique était si mauvaise, qu’il avait vendu en lot durant l’exposition du Groupe Artistique de Saint-Nazaire, tenue du 27 janvier au 24 février 1929, des aquarelles et dessins, présentés dans le catalogue comme « Documents sur le vieux Saint-Nazaire ». Le Groupe Artistique avait coutume d’acheter chaque année certaines œuvres pour les constituer en lot pour sa tombola, dont le tirage au sort à partir des numéros des billets d’entrée et des numéros des catalogues de l’exposition. Cela permettait d’aider financièrement les artistes ou leurs veuves en difficultés[43]. Charles vit l’une des siennes ainsi acquise dans ce but.

     

    Charles-Etienne ne pouvait pas lui non plus intervenir pour racheter la modeste part de sa sœur. Quoique gagnant correctement sa vie comme dessinateur à Paris, il menait une vie tumultueuse, fréquentant les bals et cabarets de Montmartre[44], passant d’amant en amant, et dépensant des fortunes chez son tailleur et son chausseur, mais aussi chez son tapissier à qui il demandait régulièrement de changer les rideaux et tentures de son appartement.

     

    Après un procès intenté contre son père et son frère, qui alimenta les ragots, la vente fut ordonnée. Des entrefilets dans la presse relatèrent les enchérissements chez le notaire durant l’année 1931. L’affaire perdura jusqu’en janvier 1934, Joséphine Pierre, finissant par racheter la part de feue sa sœur. Tante, père et fils ne pardonnèrent jamais à Andrée le procès et restèrent fâchés à jamais. Andrée fut secrétaire à domicile à Paris. Demeurée célibataire, elle vécut pauvrement au 19 rue Lamartine. Elle décéda à l'hôpital Lariboisière 8 octobre 1960.

     

    La vente l'obligea Charles à prendre une location au 52 de la rue de La Villès-Martin, alors rue la plus élégante de la ville. Ce fut un changement favorable pour lui, car la rue d'Anjou, très populaire, débouchant sur des taudis[45], avait mauvaise réputation, et même s’il s’entendait très bien avec Joséphine, il n’y avait pas d’intimité. Dans son nouvel intérieur, il disposa ses collections de meubles anciens, vêtements traditionnels, tapis, coussins et d’objets marocains, dans l’esprit de la maison de Pierre Loti à Rochefort, dans un parfum perpétuel de thé à la menthe et de tabac froid.

     

    Le Groupe Artistique :

    Charles exposa à nouveau au salon du Groupe artistique de Saint-Nazaire, qui se tint en février 1930, cette fois avec cinq aquarelles : trois figurants Saint-Nazaire, (le catalogue ne les détaille pas), L’Ile d’Yeu - Port-Joinville, La Courance ; et un tableau, Le Vieux Môle de Saint-Nazaire, qui fut acquis pour la tombola[46].

     

    Le Groupe Artistique de Saint-Nazaire fut fondé en 1913 par Victor Lamoureux[47], avec le concours de monsieur Pied, de Jacques Dommée[48], et du docteur Meloche[49]. La Première-Guerre-mondiale mit en sommeil le Groupe artistique, et il fallut attendre 1919 pour que celui-ci reprenne son activité, toujours sous l’impulsion de ses fondateurs, et avec l’aide du journaliste Pierre Norange[50] qui combattit l’opposition que souleva la réouverture des cours d’art. Le comité central du Groupe, composé de 15 membres renouvelables part tiers chaque année, était présidé par le docteur Méloche, suppléé par Victor Lamoureux, (membre de la commission du Musée de Saint-Nazaire depuis décembre 1914), et Louis Joubert, (président de la chambre de commerce de Saint-Nazaire, remplacé par Louis Brichaux en 1938), choisit de placer les activités d’enseignement de l’école qu’il fonda sous la direction du peintre Georges Eveillard[51], qui donna des cours de dessin et de peinture, et qui fut rejoint par messieurs Chartier et Périgo. Cette école d’art fut municipalisée en 1928 et devint l’Ecole de Dessin de Saint-Nazaire, ancêtre de l’Ecole des Beaux-Arts.

    Chaque année durant un mois, entre janvier et février, la Groupe Artistique organisait une exposition de ses membres, qui réunissait des peintres professionnels de toutes les régions de France, et dont nombre était aussi membre de la Société des Artiste Français, et exposait chaque année à Paris au Salon.

    Charles adhéra 1930 au Groupe, dont il fut nommé bibliothécaire en mai. Il n’était pas réellement un peintre professionnel, rechignant longtemps à vendre ses œuvres, mais il exposait depuis des années, et il avait tant fait pour les arts à Saint-Nazaire, qu’il n’était pas pensable de le laisser de côté. En 1931 il exposa deux huiles, Toulon et l’ancienne flotte à voiles ; La Pointe de Chefmoulin, et une aquarelle, Villefranche-sur-Mer. En février 1932, une huile, Petit port breton, qui fut acquise pour la tombola du Groupe[52] ; deux aquarelles, Le Cougou[53], et Méans – le Port. C’est à cette période que Charles devint illustrateur au Courrier de Saint-Nazaire. Le 8 mai suivant, Charles fut promu officier d’Académie.

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire :

    Cet hebdomadaire fondé 1867 par Frédéric Girard, (né dans Deux-Sèvres, le 7 mai 1835), imprimeur en lettres à Saint-Nazaire, par brevet impérial du 9 octobre 1866, était depuis son origine monarchiste, catholique, et nationaliste. Il faudrait plusieurs pages pour raconter l’histoire de ce journal, nous nous bornerons à expliquer ici qu’après plusieurs changements de propriétaire, il fut acquis avec l’imprimerie dont il dépendait par un groupe d’investisseurs membre de L’Action Française, sous l’impulsion d’Alexandre-Marie Bernard, dit Alex Bernard, (Nantes 1872 - Nantes 1948), ancien dessinateur, catholique nationaliste, qui n’était pas royaliste quoique très imprégner des idées politiques nauséabondes de Charles Maurras. Alex Bernard y travaillait comme rédacteur depuis 1909. Devenu en 1922 le gérant de l’entreprise et rédacteur en chef du journal, Alex Bernard fit entrer à la rédaction, en 1929, son Alexandre-Georges-Albert, (Saint-Nazaire 8 juillet 1902 - Nantes 4 juin 1970), dit Alex Bernard fils, et sa fille Renée-Élise-Louise-Marie, (Saint-Nazaire 22 juillet 1898 - Nantes 1996). Frère et sœur signèrent leurs articles sous les pseudonymes de Durandal et Joyeuse, du nom des épée de Roland et Charlemagne. Alex Bernard père signait certains articles sous le pseudonyme Un vieux, ou Un vieux grognon, faisant croire à une foule de collaborateur, alors que leur nombre était réduit à moins de dix personnes participant de manière plus ou moins occasionnelle[54]. Père et enfants s’amusaient à se répondre par articles interposés, et à se faire de fausses querelles. Il arriva même que René se parla à elle-même à travers Joyeuse et un second pseudonyme qui eut de l’importance : Jacqueline Bruno. En effet, sous ce pseudonyme de Jacqueline Bruno, Renée a marqué la mémoire nazairienne en relevant et révélant moult détails historiques et en faisant des portraits de ses contemporains et de la société locale de l’entre-deux-guerres. Elle avait demandé initialement à Paul Bellaudeau, (Nantes 7 janvier 1899 - 24 août 1947 La Baule-Escoublac), adjudant de la Coloniale au Maroc, affecté au service géographique de l’Armée, qui avait passé son enfance à Saint-Nazaire, au 3 rue neuve, c’est-à-dire dans la maison mitoyenne de celle où Charles avait passé une partie de la sienne[55]. Les deux hommes avaient malgré la différence d’âge des choses en commun, d’autant que leurs pères respectifs avaient été marins. Mais leurs caractères les faisaient se tenir à distance. Paul était un homme rusé, mais sans instruction, qui avait pu faire des études grâce à un engament militaire au Maroc après l’Armistice. Il était fanfaron, mauvaise langue, et mythomane à l’occasion, méprisant, n’ayant jamais réussi à se prouver quoique ce soit, craignant Dieu au point de tomber dans des phases mystiques. Charles était posé, laborieux, attentifs aux gens et aux choses, discret, secret par obligation, croyant mais pas religieux, et qui avait suffisamment vécu pour ne plus avoir à prouver quoique ce soit à lui ou aux autres. Paul faisait grand cas de ses talents artistiques : il était certes un très bon dessinateur, mais ne savait que dessiner, ne faisant que de mauvaises et rares aquarelles, et ignorant l’huile, le pastel ou le fusain. Il ne fait jamais l’effort d’apprendre ces médiums, mais employait en réalité différentes couleurs d’encre pour ses illustrations, ce qui ne parait hélas pas dans les reproductions de presse[56]. En 1931 Paul Bellaudeau était venu en permission du Maroc pour rendre visite à ses parents. Devant retourner au Maroc, il ne lui était pas possible d’illustrer tous les articles historiques de Jacqueline Bruno[57]. Il fallut trouver pour le journal un autre illustrateur, et Charles fut démarché pour cela. Mais en plus du dessin, on lui demanda de rédiger certains articles signés Jacqueline Bruno. Dans les années de l’entre-deux-guerres, Charles avait deux types d’écritures, l’une penchée quand il écrivait rapidement, l’autre droite et appuyée quand il était concentré. Cette écriture d’instant de concentration se retrouve au dos de certains des originaux de ses dessins parus dans le Courrier de Saint-Nazaire. Ce sont de longs textes destinés à accompagner l’illustration, et dont on s’aperçoit que presque mot pour mot, ils sont en réalité les articles parus. La vente de ces souvenirs et dessins au journal lui permit d’améliorer ses revenus, et de vendre des aquarelles qu’il exécutait rapidement, et en série, aux Nazairiens qui le sollicitaient. Les dessins fournis au Courrier de Saint-Nazaire par Charles avaient un format généralement de 30 cm par 24,5 cm. Ils étaient photographiés, et réduit à 16cm par 11 cm en impression. La majorité des dessins étaient vendus au journal, mais dans certains cas, Charles ne faisait que vendre les droits de reproduction et en concevrait l’original.

    La Collaboration avec Le Courrier de Saint-Nazaire débuta le 10 octobre 1931 avec un dessin du château de La Motte-Allemand et de son calvaire, le second le 7 novembre suivant, fut celui du Grand Calvaire, déjà mentionné. Cette collaboration fut en moyenne de deux fois par mois. En plus, le Courrier fit reproduire et mettre sous verre certains dessins pour en constituer des prix de concours. En 1932, il y eut ainsi cinquante tirages, sur papier cartonné et encadré, du dessin que Charles avait offert le 26 novembre 1907 au Musée de Saint-Nazaire. Quarante-neuf reproductions furent distribuées comme lot, un fut remis à Charles, qui en fit présent à son frère Jules, et qui revint ensuite au plus jeune fils de celui-ci, Guy, puis entra par leg dans les Collections Odoevsky Maslov.

     

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    Le vieux Saint-Nazaire, tirage sur carton d’après dessin à la plume, (27 x 37,6) ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    En octobre 1933, certaines de ses illustrations publiées depuis le 5 mars 1932 furent une seconde fois reproduites avec les articles historiques du Courrier dans un fascicule intitulé Le visage du Vieux Saint-Nazaire, avec incorporation de nouvelles en complément.

     

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    Couverture du fascicule Le visage du vieux Saint-Nazaire, (26 x 32,5)Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Le Normandie :

    On ne peut imaginer aujourd’hui ce que le Normandie fut pour les Nazairiens. Il fut en son temps le plus grand paquebot du monde et demeure encore aujourd’hui le modèle de ce que l’on fit de mieux. Débuté en janvier 1931, sa construction occupa la ville et les chantiers jusqu’en 1935. Le 29 janvier 1933, à l’ouverture du Salon annuel du Groupe Artistique, le Normandie fut pratiquement le sujet de toutes les œuvres. Charles en fit des dessins et des aquarelles, comme il en avait fait des paquebots Champagne, (1886), et Provence, (1906).

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    Le Normandie quittant sa cale, dessin du 19 octobre 1932, publié dans le Courrier de Saint-Nazaire du 4 mai 1935, (28 x 5), coupure de presse conservée par Charles ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

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    Anticipation du passage du Normandie devant le Vieux Môle, aquarelle publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du dimanche 4 mai 1935, (38,5 x 25), coupure de presse conservée par Charles ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

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    Aquarelle publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du dimanche 4 mai 1935, (38 x 17), coupure de presse conservée par Charles ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Mais le Normandie eut une place particulière dans le cœur de Charles, quand son neveu Maurice, en fut nommé en juin 1939 commandant-adjoint jusqu’à la réquisition du paquebot en 1942[58].

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    Maurice Beilvaire, Le Courrier de Saint-Nazaire du 10 juin 1939

     

    Premières reconnaissances de ses mérites :

    Charles ne participa pas au Salon du Groupe Artistique de 1933. A celui de 1934, il n’exposa qu’une huile à celui de 1934, Port de Piriac, reproduite dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 10 février 1934, et qui fut acquise pour la tombola[59].

    Le 15 mai, Charles déjà archiviste du Groupe Artistique, fut aussi nommé archiviste, en remplacement de Jacques Dommée.

    Charles connaissait si bien Saint-Nazaire, qu’il fut élu à l’unanimité délégué à la Commission départementale des monuments et sites naturels, pour l’Office du tourisme de Saint-Nazaire le 15 novembre 1934.

     

    Les cinquante ans de La Nazairienne :

    A partir de 1932, Charles participa à nouveau aux différentes manifestations de La Nazairienne. La société sportive avait été mise en arrêt durant le premier conflit mondial. Elle avait réouvert en 1919, par celui qui avait remplacé à la présidence René de Kerviler en 1905, Joseph Creston, adjoint au maire, avec le concours de la municipalité, et malgré le fait que nombre de ses membres avaient trouvé la mort au combat. Ses présidents furent successivement Urbain Guillet, en 1929 Renondineau, remplacé par H. Terriou, puis à nouveau par Renondineau. A l’occasion de cinquante ans de sa fondation, on reconnut enfin officiellement à Pierre Foucher et à Charles qu’ils étaient les véritablement fondateurs de la société sportive. Discours durant la célébration du cinquantenaire et articles de presses les mirent à l’honneur[60], et le dessin de la première salle de la société, dans l’ancienne Halle au poisson, illustra la seconde page du menu du banquet auquel participèrent Sous-préfet, maire et élus nazairiens.

     

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    Avec Pierre Fouché à l'occasion du banquet du cinquantenaire de La Nazairienne ; Le Courrier de Saint-Nazaire du 16 mars 1935.

     

     

    Maladie et mort de Charles-Etienne, le voyage en Italie :

    Le 5 juillet 1935, Charles-Etienne fut interné à l'hôpital Saint-Jacques. Les services de l'armée le réforme définitivement le 30 juillet 1935 pour « aliénation mentale ». Charles-Etienne avait contracté quelques années avant la syphilis et ne s’en était pas aperçu immédiatement. Mal soigné, il eut une neurosyphilis[61]. Transféré en Loire-Atlantique à la demande de son père qui obtint qu'il soit en suite sorti de l'hôpital et l’installa chez lui. Charles veilla sur son fils avec tout l’amour qu’un père peut offrir à son enfant. Comme il fallait une surveillance constante, Charles arrêta un temps de collaborer au Courrier de Saint-Nazaire. Paul Bellaudeau, qui était revenu vivre en 1933 à Saint-Nazaire après avoir été mis en retraite de l’Armée, repris sa place d’illustrateur, mais Paul n’avait pas les connaissances historiques de Charles, et Renée Bernard n’avait finalement que Charles comme source véritable aux publications signées « Jacqueline Bruno ». Cela fit disparaitre peu à peu des colonnes les articles historiques, et René repris pour elle seule le pseudonyme qu’elle avait inventé initialement pour elle.

     

    Les accès de démence de Charles-Etienne se traduisaient par des hallucinations, des troubles de la mémoire, des manies, des périodes d’incontinence, des errances sans but. Il fallait cacher les clefs pour l’empêcher de sortir en robe de chambre dans la rue. Il était partiellement paralysé, et avait des crises de tremblements qui l’empêchait de tenir ses couverts, obligeant à une assistance comme à un petit enfant. La vie de Charles se rétrécie autour de la maladie de son fils. Il continua cependant de peindre et de dessiner, allant aux réunions du Cercle artistique. Au salon de 1936 il présenta quelques huiles : Saint-Nazaire, bateau de pêche ; Saint-Nazaire, les voiles bleues ; Thonier 1 ; Thonier 2 ; La Courance, les rochers ; Porcé ; Le Pouliguen. Sa situation financière étant redevenue précaire, le groupe artistique fit acquisition de plusieurs de ses œuvres pour en faire des lots de sa tombola.

     

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    Charles au 18ème salon du Groupe Artistique de Saint-Nazaire, Le courrier de Saint-Nazaire du 8 février 1936

     

    Le 3 juillet, Charles fut réélu au Comité central du Groupe Artistique, avec la fonction d’archiviste.

     

    Les derniers mois de la vie de Charles-Etienne furent terribles. Il ne reconnaissait plus personne à part son père et n’avait que quelques minutes de lucidité par jour. Il décéda au 12 rue de la Villès-Martin le 12 janvier 1937, et fut inhumé au cimetière de La Briandais.

    Charles fut profondément affecté par le décès de son fils. Il confia au Groupe Artistique un grand nombre de ses tableaux réalisés depuis plusieurs décennies au Maroc et en Bretagne, qui furent l‘objet d’un mur d’honneur[62]. Mais il ne vint pas assister à son succès.

    Quelques semaines après la mort de son fils, Charles découvrit chez le notaire que celui-ci avait conservé un pécule de son héritage maternel, pécule dont il hérita, et qui lui permit d’améliorer son quotidien.

    Charles tomba en dépression ; son dessin et sa peinture changèrent alors de style pour devenir plus abstraits.

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    Barques et cotres à Trébézy, 1937, huile sur panneau de contreplaqué, (53 x 27) ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

     

    Les 25ans du Groupe Artistique et le séjour en Italie :

    A l’occasion des 25 ans du Groupe Artistique, en novembre 1937, on lui reconnut avoir été à l’initiative du projet et d’avoir été le premier à mettre en place des expositions dès 1904.

     

     

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    Les membres du Comité central du Groupe Artistique de Saint-Nazaire. On reconnait au premier rang de gauche à droite, Victor Lamoureux, le docteur Meloche et Charles, avec au milieu du second rang, portant une grande barbe blanche, Pierre Norange, tout en haut, avec lunettes et moustache, le peintre Jacques Debray. L’Ouest Eclair du 30 novembre 1937.

     

     

    Charles débuta cette en 1938 une série d’aquarelles quotidiennes des pécheurs vendant leur produit à l’angle du quai du Commerce, numérotées, dont plusieurs exemplaires se trouvent dans les Collections Odoevsky Maslov.

    Après une un et demi de dépression, Il partit au cours de l’été 1938 séjourner plusieurs mois à Venise et Rome. Il ne revient en octobre avec un grand nombre d’œuvres qui furent exposées au Salon du Groupe Artistique de 1939, dont entre autres citées par la presse : Venise la Rouge[63] ; Une rue de Rome. Œuvres italiennes accompagnées d’un La Loire à Champoceau[64].

     

    La Guerre

    La Guerre et l’Occupation advinrent, avec leurs contraintes et restrictions, leur cortège de peurs et d’angoisses. Salon du Groupe artistique 1940 eu lieu en mars, Charles y exposa une marine qui fut mise en lot[65].

    Comme on n’était pas certains de pouvoir organiser le Salon de 1941, il fut obtenu des autorités d’occupation d’organiser celui-ci en décembre 1940. Charles y participa avec quelques aquarelles : Paimboeuf, La Plaine, Saint-Nazaire, Collioure[66]. Celle figurant Paimboeuf, une marine, fut mise en tombola[67]. Il n’y eut plus de salon avant celui de février 1942. Le Courrier de Saint-Nazaire du 20 février mentionna à propos de cette exposition :

    « Charles Beilvaire fait revivre des de fraîches aquarelles, quelques vieux coins pittoresques de notre cité, à jamais disparus. Sa grande toile Au Cap Horn parmi les icebergs, est une œuvre importante de tout premier ordre. Ses Thoniers, et ses Marines, par leur exactitude rigoureuse, constitueront pour l’avenir, de précieux documents. »

    L’Occupation changea les mentalités. Très peu entrèrent en résistance. La majorité de la population regarda ses pieds en priant pour trouver du sucre et ne pas se faire trop rouler par l’épicier sur ses tickets de rationnement. Certains, au prétexte de Pétain avait appelé à la collaboration, s’y vautrèrent. Ce fut le cas des Bernard qui avaient charge de l’hebdomadaire Le Courrier de Saint-Nazaire. Nationalistes, enflammés de catholicité, avec pour modèle un évêque de Nantes qui eut une position ambiguë au prétexte que les Allemands persécutaient les Communistes, ce que les Bernard traduisirent dans leurs colonnes comme une « croisade contre le Bolchevisme », père et enfants n’eurent à partir de 1941 que des louanges à l’attention de l’Occupant et des Traites planqués à Vichy. Cela allait à l’encontre des valeurs morales de Charles. Il arrêta de travailler pour Le Courrier de Saint-Nazaire en août 1941, et ne vendit, uniquement par nécessité, que quatre dessins entre août et novembre 1942[68]. Charles n’avait plus vraiment l’esprit à dessiner. Il entra à nouveau dans une obsession des pêcheurs du quai du Commerce comme en 1938, reproduisant inlassablement les scènes quotidiennes depuis le même angle.

     

    Le bombardement de la nuit du 15 au 16 avril 1942 endommagea fortement la demeure du 111 rue d’Anjou où vivait sa belle-sœur Joséphine. Le 18 avril elle fit constater par maître Alexandre Marchand, huissier de justice, l’état de sa maison et de son mobilier, en présence de l’architecte Claude Dommée, qui jugèrent que le bâtiment, « fortement lézardé », pouvait s’effondrer à tout instant. Joséphine Pierre trouva refuge les premiers jours chez Charles et fit entreposer son mobilier chez un garde meuble. Claude Dommée fut chargé du dossier de reconstruction et se lia d’amitié avec Charles qui se chargea de réaliser les démarches à Saint-Nazaire, auprès des autorités et des sociétés d’assurance, alors que sa belle-sœur trouva refuge chez la veuve de son cousin germain Ferdinand Pierre, (Vertou 16 mars 1899 – 3 novembre 1941 Pont Rousseau – Rezé), née Marguerite-Eugénie-Marie Ménard, (Nantes-Chantenay 24 mai 1899 – 31 décembre 1970 rezé)[71]. Ferdinand Pierre avait été commis de perception à Saint-Nazaire, puis huissier de justice à Nantes, et avait laissé une fortune confortable à son épouse, ainsi qu’une une vaste demeure entourée d’un parc, au 14 rue Benoît Chupiet au quartier de Pont Rousseau à Rezé, à l’angle de la rue Fontaine Launay, maison qui subsiste toujours en 2014.

     

    Le 27 février 1943 au matin, Charles se rendit à Pont Rousseau visiter à sa belle-sœur, et y resta quelques jours, emportant avec lui une musette contenant ses couleurs et des carnets de croquis et les deux cahiers dans lesquels il collait les articles qu’il avait illustrés. C’est alors qu’eut lieu le bombardement incendiaire de l’aviation britannique qui anéantit Saint-Nazaire durant la nuit 28 février. L’histoire, nous, Nazairiens, la connaissons tous. Saint-Nazaire, à propos de qui Julien Gracq publiera en 1946, dans Liberté grande, « Et pourtant des villes réelles, une me toucherait encore jusqu'à l'exaltation : je veux parler de Saint-Nazaire. […] Mais ce Saint-Nazaire que je rêve au fond de ma chambre existe-t-il encore ? », ne fut plus ruines. Cette nuit-là, des maisons éventrées, le phosphore dégoulinait dans les rues en torrents de feu, dégageant des gaz qui bullèrent gravement les poumons de milliers de personnes errantes entre les flammes. Au cœur de l’obscurité du couvre-feu, dans un rayon allant jusqu’à Saint-Gilles-sur-Vie[72], on vit le allo de l’incendie éclairer un ciel désespérément vide de toute compassion face à la détresse des victimes d’un crime absurde et inutile. Charles avait alors 82 ans. R. Montaron, dans L'Ouest Éclair du 17 décembre 1943, rapporta :

    « Après 60 années d'efforts patients, assidus et discrets, cet artiste allait enfin pouvoir constituer son Musée personnel et l'offrir à la ville de Saint-Nazaire ou — en attendant la fin des événements, à celle de Nantes — lorsque survint l'affreux bombardement du 28 février qui, en quelques secondes, anéantit toute l'œuvre réalisée. — J'étais parti la veille de la catastrophe — nous dit encore M. Beilvaire — le 27 février, mais je n'ai rien pu sauver, pas même mes violons, pas même mes papiers de famille... rien... et, à mon âge, cela revêt une signification douloureuse ! Je fus à Pont Rousseau d'où je repartis pour Fontenay-le-Comte que je connaissais déjà depuis longtemps. J'y vins, pour la première fois, en 1880, afin de faire les études préliminaires à l'établissement de la voie ferrée Fontenay-Cholet. Comme vous voyez, ce n'est pas une nouveauté. »

    L’interview simplifie quelque peu les choses. Certes la maison de Charles fut anéantie, cependant, après la catastrophe du bombardement, il eut la possibilité de retourner à Saint-Nazaire, afin de faire constater par un huissier la destruction de son mobilier. Dans les ruines il trouva le cadre endommagé de l’un de ses dessins à la plume, réalisé en 1897, titré « Canot de pêche Saint-Nazaire 1897 ». Le dessin comportait un accroc, qu’il répara. Ce dessin avait été reproduit dans le Courrier de Saint-Nazaire du 5 août 1932.

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    Seul dessin rescapé du bombardement de 1943, (30,5 x 23) ; Fonds et Collections Odoevsky Maslov. Ce dessin, avait été reproduit dans le Courrier de Saint-Nazaire du 5 août 1932, et dans le fascicule Visage du vieux Saint-Nazaire en 1933, (16,5 x 9,5).

     

    Ayant perdu son logement, Charles alla vivre lui aussi chez la veuve du cousin Ferdinand Pierre, où déjà sa belle-sœur avait trouvé refuge[71]. La propriété comportant une dépendance, ancien logement des domestiques et écuries, donnant sur la rue Fontaine Launay, c’est dans celle-ci que Joséphine et Charles furent installés avec un mobilier de fortune. Charles s’occupa par la réalisation d’aquarelles et le suivit du dossier d’indemnité de Joséphine pour la perte de ses immeubles nazairiens[72].

     

    Mais le redoublement des bombardements fit que le 28 septembre ils furent informés qu’ils allaient être évacués comme « vieillards » par les autorités[73] dans les 48 heures. Charles se replia le 30 septembre à Fontenay-le-Comte, chez son frère. En effet, Jules avait dû fuir Dunkerque à l’arrivée des Allemands, emportant dans sa valise les deux huiles de son père, que nous avons reproduites plus haut, les dessins de son frère, et quelques autres menus effets personnels. Après un rapide séjour à Saint-Nazaire, son épouse et lui avaient loué à meublé à Fontenay-le-Comte. Charles écrivit à Claude Dommée, le 8 février 1944 :

    « Ici en meublé pas très alaise et à 2 km d’un aérodrome ! Nous voyons des travaux de protection s’exécuter comme nous les avons vus d’où nous sortons !! Nous nous demandons s’il ne faut pas envisager un nouveau repli ? Notre santé s’est améliorée, du fait d’un meilleur ravitaillement, d’où lait, beurre, œuf, porc, son absent, coin très occupé ! »[74]

    Dans ce même courrier il précisa avoir envoyé sa déclaration de sinistre aux services du 3 rue Pasteur à Nantes, mais ne pas avoir reçu réponse, et attendre depuis un an sa carte de sinistré.

     

    Durant toute l’occupation, Charles Beilvaire sillonna la Vendée, réalisant des aquarelles sur des restes de carnets de croquis.

     

     

    Les dernières années :

    A la Libération il retourna vivre avec Joséphine dans la dépendance que lui avait mise à disposition le cousin Pierre.

     

    En septembre 1947 (quantième non précisé), il écrivit à Claude Dommée s’être rendu à Saint-Nazaire, voir les ruines de la demeure de Joséphine rue d’Anjou. Il se rendit au Jardin des plantes et remonta le boulevard Victor Hugo, sous la pluie et dans la boue : « J’ai eu de la difficulté à me reconnaitre - quel spectacle lamentable !!! »[75]

     

    Il se distrayait en faisant de courtes excursions dans el département, rendent visite à des amis nazairiens réfugiés aux quatre coins. En 1949 il séjourna à Ancenis, puis en Vendée à Saint-Gilles-sur-Vie[76] et aux Sables d’Olonne.

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    Maison du 28 rue des Quais à Ancenis, 1949, (24 x 16)

     

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    Port de Saint-Gilles-sur-Vie, série de canots sur nommés « bateaux de retraités » devant la cale des chantiers Bénéteau, 1949, (23,5 x 15), Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

    Dossiers d’indemnités et de relogement, pour lui et Joséphine, et dessin l’occupèrent les années qui suivirent. Le 2 mai 1950 il écrivit à Claude Dommée :

    « J’emploie mes rares loisirs à faires des reconstitutions… à l’aquarelle, (je ne puis plus en faire à la plume) du Vieux Saint-Nazaire.

    Je voudrais en faire une comme port de pêche ! imaginaire, bien entendu, mais avoir quelques idées sur ce que sera décidé sur ce vieux quartier. Je suppose que la reconstruction par les hautes maisons, la partie entre l’écluse et l’ancienne maison Bourcard ; puis en arrière de ce rideau des maisons basses, englobant l’ancienne Grand’rue et la rue neuve, tout cela couvert en tuiles ! et en avant. Un grand parc pour le séchage des filets, les vieilles barques en décoration, etc.

    Je n’ai pas besoin de précision, mais quelques indications sommaires, vous me feriez plaisir en me les procurant quand vous le pourrez.

    Bien cordialement, C. Beilvaire. »[79]

    En février 1951, Charles eut la grippe et en perdit l’ouïe, ce qui l’empêcha. Joséphine, âgée de 83 ans, fut relogée par les autorités dans un appartement à Nantes. Charles étant un homme, il n’était pas considéré comme prioritaire[80]. Son neveu Maurice décéda le 10 mars 1951 à Argenteuil. Charles en fut profondément affecté.

     

    Charles Beilvaire décéda le 14 janvier 1952 dans la dépendance de la propriété Pierre rue Fontaine Launay à Pont Rousseau, commune de Rezé. Il venait d’avoir 90 ans. Pour une raison qui nous est inconnue, il ne fut pas inhumé dans le caveau de sa famille u cimetière de La Birandais à Saint-Nazaire, avec son épouse et ses fils, mais au cimetière Saint-Paul de Rezé. Sa fille ne fut pas mentionnée dans le faire-part. La sépulture étant une concession de cinq années, elle fut reprise et ses restes furent déposés à l’ossuaire. Ils sont aujourd’hui non identifiables.

     

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    Caveau de la famille Beilvaire au cimetière de La Briandais.

     

     

     

    [1] La gendarmerie avait été déplacée, dans des locaux plus grands, rue de Pornichet. Le bâtiment où la famille s’installa était le second à avoir servi de gendarmerie ; le premier fut l’ancien presbytère de Notre-Dame d’Espérance, le 19 septembre 1816, (Cf. Registre de correspondance départ de 1815-1820, Archives de Saint-Nazaire).

    [2] Alcide-Henry-Hilaire, (Benassais-Lavausseau 13 janvier 1829 – Saint Nazaire 3 janvier 1889), docteur en médecine, dévoué et très aimé de la population nazarienne, fut désigné en 1867 pour diriger l’une des salles du nouvel hôpital. Il milita pour l’amélioration des logements, et fonda une société de secours mutuel des ouvriers et employés de la Compagnie Générale Transatlantique. C’est lui qui veilla à la cicatrisation des scarifications rituelles que Narcisse Pelletier avait sur la poitrine et le ventre, et dont il fit mention dans un article, (non signé mais assurément de sa main), du Gaulois en date du 13 mai 1877. Mais le docteur Benoist avait le démon du jeu, et il s’endetta au point de devoir vendre la maison du 5 de la rue du Bois Savary, (son frère Gabriel, avocat, alcoolique notoire et lui dit « Benoist Vermouth »). Il emménagea alors rue de La Villès-Martin (avenue du Général de Gaulle). Sa tombe, au cimetière de La Briandais, comporte une plaque avec l’inscription : « A la mémoire du docteur Alcide Benoist, ses concitoyens, ses amis ». La maison fut en 1887 la résidence d’Abel Gallet, receveur principal des Contributions indirectes, et entreposeur des tabacs, (renseignements fournis par madame Mathilde Pateyron Gallet) ; en 1931 la maison était résidence de maître Clément, huissier de justice ; dans les années 1950, elle abritait le cabinet du docteur Michel Harrivelle ; elle fut ensuite le cabinet des avocats Vautier et Bellec durant plus de 20ans avant d’être mis en vente en 2011/12.

    [3] Pour des raisons d’hygiène, l’Ordonnance royale du 10 mars 1776 interdit d’inhumer dans les églises et prescrit que les cimetières trop voisins desdites églises soient portés en dehors de l’enceinte des villes. Saint-Nazaire avait alors deux cimetières : le Grand, autour de l’église primitive, au sommet sur rocher, église dite Notre-Dame d’Espérance, qui n’était plus utilisé que pour les corps échoués sur la plage ou les suicidés, et le cimetière de l’église, dites Vieille-Eglise au XIXème siècle, qui se trouvait à l’emplacement du logis seigneurial des vicomte de Saint-Nazaire. En comté de Nantes, on ne pratiquait le curage des cimetières avec dépose en ossuaire, comme cela était le cas dans l’Est de la Bretagne. Comme il était hors de question de déplacer les morts, il fallut faire le choix d’un nouveau lieu d’inhumation. On demanda son avis au maître chirurgien de la ville, Jean-Philippe-Emmanuel Pierre, (originaire d’Ancenis, il avait épousé Jeanne-Philippe Bouveron, en 1796 il était qualifié d’officier de santé). Il recommanda que l’on choisisse un lieu éloigné de la ville, des sources et fontaines, afin de préserver la population d’épidémie. Le choix se porta sur un jardin, clos de trois côtés de murs, s’ouvrant sur la Loire qui le baignait les jours de forte marée. Son emplacement correspond au boulevard de La Légion d’Honneur et au terrain des anciens frigos, ce qui explique pourquoi, aujourd’hui encore, il n’est pas rare que les cantonniers, quand ils ouvrent une fosse dans cette zone, découvrent des ossements. Le jardin répondait au nom de La Porterie, dépendait de la seigneurie de La Ville-au-Fèves et appartenait au sieur Dubocher, (il ne nous a pas été possible de déterminer s’il s’agit de Mathieu ou de Thomas), qui l’avait mis en fermage. L’acquisition, avec dédommagement du fermier, fut décidée par le conseil de fabrique le 4 mai 1783, il fut béni le 17 mai, et il y eut en même temps l’interdiction d’inhumer en un autre lieu de la paroisse que celui-ci. Sur délibération du 22 juin 1783, le conseil de fabrique décida le déplacement de la Croix de Saint-Nazaire dans le nouveau cimetière, avec démolition pour réemploi des pierres, du piédestal original. En 1856, il fallut déplacer à nouveau le cimetière qui se trouvait trop près de ce qui allait devenir le port. Cela engendra la création du cimetière de La Briandais, où l’ont déplaça une partie des sépultures pour les familles qui avaient les moyens de payer le transport. La Croix de Saint-Nazaire y fut déplacée, mais on l’entreposa le long d’un mur. Une croix de bois fut érigée au milieu de la grande allée en 1884, mais celle-ci se dégrada dès 1890. Par prudence on le démonta. C’est alors que Charles Beilvaire suggéra au maire, Fernand Gasnier, de remplacer ce crucifix par la croix ancienne qu’on avait totalement oublié, (Cf. témoignage de Charles Beilvaire mentionné dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 27 mai 1939). Les navires qui se rendaient à Nantes ayant l’obligation de décharger leurs canons, l’usage était de faire tirer les salves devant la Croix de Saint-Nazaire.

    [4] La création du quai des Marées, (un temps quai Kervillers), priva la demeure de son accès direct aux flots.

    [5] Le surnom de « Petit Marco », donné à la Vieille-Ville, et depuis donné au quartier reconstruit, est dû à la présence de la criée aux poissons où venaient vendre leur pêche, les Douarnenéziens, surnommés Marocains parce qu’ils jetaient leurs filets jusqu’aux côtes de ce pays. Le surnom fut donné au quartier au cours des années 1920, et fut mentionné en usage local pour la première fois par la presse, dans L’Ouest Eclair, le 6 juin 1926.

    [6] Ancien nom de l’Ile de La Réunion.

    [7] Cacatois : petite voile carrée se trouvant au sommet du mât, hissée par beau temps sur les voiliers comportant plus de trois voiles par mâts.

    [8] Perroquet : voile carrée haute se trouvant au-dessous du cacatois et au-dessus du hunier.

    [9] Cf. Le Courrier de Saint-Nazaire du 16 septembre 1883 et L’Union Bretonne du 17 septembre, ainsi que Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, par René Kerviler, ed. Librairie Générale de J. Plihon et L. Hervé, Rennes, 1888.

    [10] Cf. recensement de 1876.

    [11] Son épouse, née Eloïse-Marie-Augustine-Adèle Poupin, était décédée le 6 novembre 1874 à Fontenay-le-Comte.

    [12] René-Mathurin-Marie Pocard du Cosquer de Kerviler, dit René de Kerviler, (Vannes 13 novembre 1842 - 12 mai 1907 Lorient), ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussée en charge après Paul Leferme du Port de Saint-Nazaire.

    [13] Pierre-Jules Foucher arriva à Saint-Nazaire à l'âge de 7 ans. Comptable aux Chantiers de la Compagnie, futurs Chantiers de Penhoë ; il prit sa retraite des Chantiers qu’à l’âge de 78ans, en raison de ses difficultés à faire le trajet entre son logement rue de Saint-André, (actuelle rue Aristide Briand), et son bureau à Penhoët. Il fut aussi commandant des Sapeurs pompier municipaux à la suite de Monsieur de Sainte-Croix. Cf. nécrologie dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 4 mai 1940. Il avait épousé marie-Valentine Lhourmeaux, dont il eut un fils : Pierre-François Foucher, (Saint-Nazaire 10 juillet 1890 – 27 avril 1967 Saint-Nazaire), et Jeanne-Marie-Louise (°Saint-Nazaire 31 octobre 1895), qui demeurèrent célibataires et vécurent avec leur père, puis, après son décès, ensembles le reste de leur existence.

    [14] Félix Fournier, (1803-1877), évêque du diocèse de Nantes de 1870 à sa mort, avait pour ami William-Felix Le Besque, (1802 - 8 décembre 1877 à Nantes), capitaine de navire, commanditaire du manoir de Port Gavy, (acculement école de soins infirmiers), et séjournait chaque été à Saint-Nazaire dans une chambre située au premier étage de la tour, et décorée de scènes religieuses peintes à fresque par Jules-Elie Delaunay, (Nantes 1828 - Paris 1891).

    [15] Après la défaite, on faisait faire dans les écoles des exercices pseudo-militaires avec des fusils en bois aux garçons.

    [16] Contrairement à ce qu’il est généralement dit, l’homosexualité n’était pas pénalisée en France avant 1789, seule la sodomie l’était, et cette pénalisation concernait les deux sexes, si bien qu’au 18ème on condamna plus de femmes que d’hommes pour l’avoir pratiqué. Le crime de sodomie fut aboli à la Révolution, et il y eut une période de liberté et d’acceptation de la nature qui se fit durant les quarante années suivantes. Ce n’est qu’à l’avènement de Louis-Philippe, que l’homophobie repris de la vigueur, et c’’est le régime de Napoléon III qui organisa un fichage, à des fins de protection des puissants autant que de chantages, qui perdura jusqu’en 1982.

    [17] Situé à côté des entrepôts des Douanes, là où se situe actuellement l’Ecomusée, ce parc remplaçait les talus qui devaient constituer les renforts de la muraille projetée pour la défense du port, mais qui ne fut jamais réalisée. Aplanie, le terrain servit un temps pour l’acclimatation des plantes d’agrément rapportées des Antilles et d’Amérique-Centrale, puis on y traça une allée droite et on boisa le site. Trop excentré, difficile d’accès, dépotoir et lieu d’aisance entre les buissons, l’endroit n’était pas surveillé et était dangereux en journée.

    [18] Fonds Dommée, Archives de Saint-Nazaire, 5J/527.

    [19] Société philanthropique de sauvetage, fondée en 1873. C’était surtout une société mondaine royaliste qui gaspillait plus d’argent en réceptions et distribution de prix, qu’en formation de sauveteurs et surveillance des baigneurs sur les côtes. Reformée durant l’entre-deux-guerres, elle a fusionné en 1967 avec la Société centrale de sauvetage des naufragés, avec laquelle elle forme de nos jours la Société nationale de sauvetage en mer. Saint-Nazaire fut la première ville à bénéficier de la création d’une maison de sauvetage. Construite par les Hospitaliers Sauveteurs Bretons, c’était une maisonnette d’une chambre contenant du matériel pour repécher un noyer, et un lit avec des quoi lui donner les premiers secours.

    [20] Paul-Joseph-Henri Barbara, né à Orléans le 26 juin 1844, époux de Marie-Joseph Giraud, fit l’essentiel de sa carrière en Gironde, et arriva à Saint-Nazaire en 1887. Il eut plusieurs enfants, dont le dernier, Louis-Léopold, futur curé à Dieppe, naquit le 17 août 1894 à Saint-Nazaire.

    [21] Jean-Baptiste-Gustave Bord, dit Gustave Bord, (Limoges 26 janvier 1852 - 21 avril 1934 à Saint-Malo), mécène qui dilapida sa fortune, possédant le château de Charmilles à Porcé, fils de l’entrepreneur collaborateur de René de Kervier, Alcide Bord. A leur propropos : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [22] Bellanger, Beigmann, Paul André, Leduc, Lesage, Luc Totain, Alexandre Auffray, Émerand de la Rochette, etc.

    [23] Octave-Marie Fidière des Prinveaux, (Versailles le 3 mai 1855 - 2 mai 1904 Pau), attaché de 4e classe à la conservation du musée du Luxembourg, critique d'art, et fit la monographie du sculpteur Henry-Michel Chapu. Il avait épousé civilement le 15 novembre 1884, Paris 9e, religieusement le 17 novembre, en l'église Notre Dame de Lorette à Paris, Louise-Eulalie-Jeanne Bord, (Boulogne-sur-Mer le 5 février 1864- Paris), fille d’Alcide Bord, entrepreneur et ingénieur portuaire, ami et collaborateur de René de Kervilers, qui possédait le château des Charmilles à Porcé. Elle était sœur de Gustave Bord, l’un des premiers historiens nazairiens. Il quitta ses fonctions d'attaché à la direction des Beaux-Arts en 1895, pour se faire uniquement critique d'art, et reçu les Palmes Académiques en janvier 1896. En 1899 il fut employé à la banque Internationale, puis devint en 1901 directeur de la Revue illustrée, mais malade, il dut abandonner cet emploi en mars 1904.

    [24] Henri-Michel Chapu, (Mée-sur-Seine 29 septembre 1833 - 21 avril 1891 Paris 7e), sculpteur et médailleur, prix de Rome 1855.

    [25] Cette première Commission comprenait aussi comme co-conservateurs-adjoint l'avocat Albert Cozanet, (critique musicale et essayiste sous le nom de Jean d'Udine), et membres l'architecte Henri-Auguste van den Brouke, (beau-père du peintre Fernand du Puygaudeau et grand-père d'Odette), et l'avocat Jean-Marie-Jules Gouzer, suppléant à la Justice de Paix et membre du Conseil municipal.

    [26] Il avait exposé au Salon à Paris en 1899, mais c'est pour ses lithographies publicitaires qu'il est aujourd'hui encore connu. Son père possédait les vapeurs faisant, à partir de 1885, la liaison entre Saint-Nazaire, Mindin, et Paimboeuf, et qui perdit son activité en janvier1911 quand la concession fut cédée aux Messageries de l'Ouest.

    [27] Aimé-Victor-François-Joseph Tertrais, (Vertou 14 mai 1869 – 24 janvier 1952 Vannes), fils d’un négociant établit au village de Beautour en Vertou, élève architecte à l'école des Beaux-Arts, promotion 1892-3, élève de Guadet, diplômé en 1897. On lui doit le bâtiment du Service Sanitaire maritime, qui existe toujours derrière l'Usine élévatoire, construit en 1908. Il réalisa la maternité de la ville inaugurée en février 1923, le pavillon vénéréalique de l’hôpital en 1924 ; l'école de filles (vers 1927), des maisons pour l'Office d'habitations à bon marché ; la restauration de l'église de Montoir et son école de filles en 1930. Célibataire, il habitait 14 place Marceau et fut à partir de 1922 membre du Conseil de l'Œuvre anti-tuberculeuse.

    [28] Marie-Théophile Griffon du Bellay, (Rochefort 14 août 1829 - 10 novembre 1908 à Saint-Nazaire), fils d’un survivant du Radeau de La Méduse, docteur en médecine, en juillet 1862, en compagnie de Paul Augustin Serval, (1832-1886), il alla explorer la basse vallée de l'Ogooué, douze ans avant Pierre Savorgnan de Brazza. Ami es rois Denis et Louis du Gabon, de la reine Pōmare IV de Tahiti, de Louis Pasteur. Il est inhumé au cimetière de La Briandais à Saint-Nazaire.

    [29] Francois Merson, (1880-1948), croisicais, était le fils du peintre et illustrateur parisien Luc-Olivier Merson, (1846-1920), chef d'atelier à l'École des Beaux-Arts de 1905 à 1910.

    [30] François-Marie Corbineau, né au Cellier le 4 octobre 1845, reçut pharmacien à Nantes en 1872, conseiller municipal et adjoint au maire de 1889 à 1892, secrétaire du conseil d'hygiène et de salubrité de l'arrondissement de Saint-Nazaire, président du syndicat des commerçants en 1894.

    [31] René de Kervilers fut remplacé par Gustave-François Rabineau, receveur des actes judiciaires. Né en 1845, receveur en 1866, président de la Société d’instruction populaire, il reçut les Palmes académiques en octobre 1895 pour « le zèle qu’il apporte à la diffusion de l’instruction populaire », (Cf. Journal Officiel du 7 octobre 1895, et Annales de l'enregistrement et des domaines, année 1895).

    [32] Durant le bombardement du 22 mars 1943, le musée et ses collections qui attendaient dans des caisses dispatchées dans toute la ville, furent détruits, à l’exception sauf une trentaine de tableaux et aquarelles encadrées, une dizaine de plâtres, un lot d’aquarelles et de gravure non encadrés. Pourtant la Ville continua à espérer des indemnités de guerre conséquentes, indemnité qui concernait le Musée, mais aussi les collections municipales hors musée. Sur décision ministérielle du 13 novembre 1961, l’indemnité espérée la Ville depuis 1946 pour ses collections, fut fixée à 48.330 fr, somme misérable qui comprenait aussi la valeur des cadres et des vitrines, qui s’explique par le fait qu’il n’y avait rien possédant une valeur marchande importante. Malgré la bonne volonté de Georges Eveillard, son dernier conservateur, du ministère, le don, le 8 mars 1945, de trente-et-un tableaux, de la part d’artistes liés au Groupe Artistique, (Yvonne Carro, Henry Vollet, Emile Gauthier, Noéls Cuillaud, Michel Colle, Michel Brun, Xavier Josse, Emile Simon, Georges Lhermitte, Henry Prévost, Paul Lemasson, Laure Martin, Henry Leray, Alice Carissan, Charles Perron, Vincent Cermignani), ou de famille d’artistes, (Lauthe, Chautron, Lerolle), mais aussi un tableau de Volot offert par monsieur Gautiers, instituteur nazairien, et du sculpteur Henry Drop’Sy avec deux plaques de bronze, de seize tableaux par le Musée des Beaux-Arts d’Angers, une dotation de quinze tableaux, comprenant un Matisse, par la Direction des Musées de France, (récupérés en 1979), le musée, dont les plans furent pourtant dressés, ne fut jamais reconstruit. François Blancho reçut pourtant une relance directeur du directeur des musées de France le 3 décembre 1954, s’en désintéressant totalement, comme du reste de la Culture, (cf. Archives de Saint-Nazaire, dossiers de l’Ancien Musée, 423W005 à 423W023).

    [33] Charles-Robert Goinard, (Saint-Nazaire 9 avril 1899 - 15 novembre 1972 (Saint-Nazaire), entrepreneur de travaux-publics, collectionneur réputé de documents anciens concernant Saint-Nazaire.

    [34] In-8e, 73 pages, 20 planches photographiques et 2 planches de cartes.

    [35] Alphonse van Bredenbeck de Châteaubriant, (Rennes, (ferme de La Taupinais en La Prévalaye), 25 mars 1877 – Kitzbühel 2 mai 1951), surnommé « Sinet » en famille. Bachelier en 1894 et 1895, philosophie, mention AB, il fit rhétorique supérieure au Lycée de Nantes et entra à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, mais il n'eut pas de carrière militaire, et devint un grand écrivain de la littérature française, il fut notamment lauréat du prix Goncourt en 1911 pour son roman Monsieur des Lourdines, et reçut en 1923 le Grand prix du roman de l'Académie française pour La Brière. Servant comme ambulancier durant la Première-guerre-mondiale, il fut profondément bouleversé par les combats, et devient alors convaincu de la nécessité d'une réconciliation de la France avec l'Allemagne afin d'éviter une nouvelle guerre. Mais au lieu de verser dans une idée de l'Europe des peuples, il tomba dans la germanophile. Catholique enflammé, sinon illuminé, et horrifié par le communisme athée, partisan de l'ordre, le national-socialisme devient pour lui un idéal politique. Son livre La Réponse du Seigneur, traduit son aveuglement devant Hitler, et sa croyance en un retour à l'esprit de la chevalerie, mêle de mystique catholique. A l'issue d'un voyage en Allemagne en 1937, il publia La Gerbe des forces, livre où il s'engage en faveur de l'idéologie hitlérienne, son aveuglement fut tel qu'il crut voir une sorte de compatibilité entre le christianisme et le nazisme, (qui pourtant prônait le paganisme germanique), allant jusqu'à proclamer à la suite de l'entrevue que lui accorda le chef nazi le 13 août 1938, à Berchtesgaden, au Berghof, qu'Adolf Hitler était « un nouveau Messie » ! Il n'avait probablement pas lu Mein Kampf, et d’ailleurs sa connaissance de la langue allemande était approximative ; le linguiste et historien Paul Lévy (15 mai 1887 – 29 août 1962), dénonça dans l’un de ses ouvrages de 1952, les traductions approximatives, dont La Gerbe, son journal, était truffée. Dès le début de l'Occupation il s'engagea dans la voie de la collaboration (voulue par Pétain), et créa, aidé par Marc Augier, (qui entrera dans de la Waffen-SS), La Gerbe, un périodique qui parut à partir du 11 juillet 1940, et qui, sous des prétextes littéraires, enrôlant dans les colonnes, Paul Morand, Marcel Aymé, Abel Bonnard, Claude Farrère, Sacha Guitry, Jean de La Varende, Jean Giono, André (Storm-)Castelot (qui était aussi son secrétaire et dont la mère Gabrielle Storms-Castelot, était la maîtresse d'Alphonse !), mais encore sa cousine germaine la nazairienne Odet du Puygaudeau. Celle-ci quitta la revue quand Eitel Friedrich Moellhausen, (Smirne 1913 – Monza 1988), diplomate alors en poste à l'ambassade d'Allemagne à Paris prit le contrôle de la revue en mai 1941. Alphonse, à l’égo démesuré, se perdit dans des soutiens anticommunistes tintés de pseudo catholicisme... Au moment de la débâcle allemande en août 1944, il se réfugia en Autriche, à Kitzbühel, où il vécut sous le pseudonyme de " Dr. Alfred Wolf ". Jugé par contumace, il fut frappé d'indignité nationale, (il avait été fait chevalier de la Légion d'Honneur en 1925), et condamné à mort le 25 octobre 1948, par la sixième section de la Cour de justice de La Seine. Un mandat d'arrêt, avec ordre de le conduire au fort de Charenton à Maisons-Alfort, fut lancé contre lui, mais il vécut paisiblement dans la villa Jöchi, à Reith bei Kitzbühel, et mourut en 1951 au sanatorium Hohenbalken à Kitzbühel, où il fut inhumé dans le cimetière de la paroisse, après avoir publié une Lettre à la chrétienté mourante. L'ensemble de son œuvre est tombé dans l'oubli et a subi la purge de l'après-guerre. Il avait épousé civilement à Saint-Nazaire le 18 mai 1903, et religieusement le 13 septembre 1904 à Piriac, avec disparité de culte, car la mariée était protestante, Madeleine-Eugénie-Thérèse Bachelot-Villeneuve, née à Saint-Nazaire le 4 août 1876, fille de Ernest-Charles-Amédée Bachelot-Villeneuve, docteur en médecine à Saint-Nazaire, médecin-chef de l'hôpital de Saint-Nazaire, et de Emilie-Rose Bachelot, Bachelot, (Saint-Nazaire 4 août 1876 – Boulogne-Billancourt 23 mai 1962). Il vivait avec sa famille à Saint-Nazaire au 16 de la rue des Halles jusqu'à la guerre. Il eut deux fils dont la descendance est toujours présente en Presqu’ile.

    [36] Cf. L’Ouest Eclair du 1er mai 1934.

    [37] Cf. Registre des délibérations de l’Ancien Musée municipale de Saint-Nazaire, Archives de Saint-Nazaire. Cet ex-voto a disparu durant le bombardement du Musée le 22 mars 1943. La ville de Saint-Nazaire possédé aussi trois pochades, entrées dans ses collections, probablement par don, entre 1958 et 1975.

    [38] Son poste à Rouen ne fut attribué à un autre qu'en janvier 1913.

    [39] Son dossier n’a pas été retrouvé.

    [40] Fondée en novembre 1916, c’était une revue mensuelle illustrée, organe du Comité des foires du Maroc. Son directeur était Alfred de Tarde, (Sarlat-la-Canéda 20 avril 1880 - 3 avril 1925 La Roque-Gageac), écrivain, économiste et journaliste. Membre de l’Action française, proche de Maurras, il fut maire de La Roque-Gageac. Elle ne survécut par au décès d’Alfred de Tarde.

    [41] Pages 43 à 45. Cet article le dit faussement né à Saint-Nazaire.

    [42] En réalité, comme nous l’avons écrit plus haut, le Musée de Saint-Nazaire ne possédait qu’un dessin de lui, qu’il avait offert en 1907.

    [43] Plusieurs tableaux de Fernand du Puigaudeau se sont ainsi retrouvés chez des Nazairiens par ce biais afin de porter secours à sa veuve.

    [44] Il vivait dans le 17ème arrondissement, 16 rue de la Jonquière en 1911, au 4 rue Levis en 1931.

    [45] La maison était à proximité du Passage Montmarin, une voie privée entre la rue d’Anjou et la rue du Maine, qui portait le nom de ses propriétaires, les Montmarin, épiciers en gros et marchands de sommeil. La presse faisait chaque semaine l’écho d’événements tous le plus sordides les uns que les autres ayant lieu dans ce secteur.

    [46] Il fut gagné par monsieur Naves, 19 rue de Normandie à Saint-Nazaire.

    [47] Victor Lamoureux (1864-1954), tailleurs pour hommes, sculpteur amateur, époux de Marguerite Janvin, (1867-1930), dont la boutique, Jeanne d’arc, ouverte en 1855, existait encore à Saint-Nazaire dans les années 1980 sous le nom de Lamoureux. La fondation par lui du Groupe artistique de Saint-Nazaire le fit nommer officier de l’instruction publique le 1er février 1930, pour services rendus aux arts. Le 12 février 1931, il reçut la médaille d’argent de la Prévoyance sociale. Il repose au cimetière de La Briandais. Son fils, Auguste, établit à Angoulême, fut artiste peintre.

    [48] Georges Dommée, (Chahaignes 25 octobre 1861 – 1943), architecte connu surtout pour la réalisation de villas balnéaires, fut l’archiviste du Groupe, il fut rejoint par son fils, Claude Dommée, architecte, qui fut nommé trésorier adjoint.

    [49] Pierre-Ernest Méloche, (1860-1946), ancien interne des hôpitaux de Nantes, avait son cabinet 24 rue Henri Gautier à Saint-Nazaire. C’était un médecin à l’efficacité contesté, mais très actif dans la vie nazairienne. Appuyé par ses confrères, ses relations politiques et maçonniques, il fut promut en 1911 médecin chef du comité de la Croix Rouge de Saint-Nazaire. Durant la Première-Guerre-mondiale, il fut médecin chef de l’hôpital bénévole des sœurs de Saint-Vincent de Paul, puis il dirigea l’Œuvre Antituberculeuse de Saint-Nazaire, vice-président de la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire, fondée en 1918 par Louis Campredon, et fut nommé président du syndicat des médecins de Saint-Nazaire le 28 septembre 1930. Durant l'entre-deux-guerres il fut aussi président du Conseil d’Administration de l’École de musique, membre de la Commission du Musée à partir de novembre 1920, et était de toutes les inaugurations. Personnalité incontournable et indéboulonnable, il se faisait moquer par les chroniqueurs de L'Ouest-Éclair. Réfugié à La Baule à la suite des bombardements, il y décéda en 1946. Si le caveau familial au cimetière de La Briandais comporte une plaque mentionnant " Docteur Méloche 1860 - 1946 ", son corps ne s'y trouve pas. Il fut en effet inhumé à La Baule dans une sépulture provisoire, mais, dans la confusion de l'après-guerre et de la reconstruction, ses cendres ne furent jamais transférées, la tombe provisoire fut reprise par les services de La Baule et ses restes déposés en ossuaire.

    [50] Pierre Norange, journaliste militant socialiste, de son vrai nom Georges Pierre, né le 25 avril 1871 à Bléneau, décédé le 9 février 1958 à Saint-Nazaire. En récompense de son aide à la fondation de l’école d’art du Groupe, il devint le secrétaire de l’association.

    [51] Georges-Alexandre Eveillard, (Nantes le 2 juillet 1879 - Nantes le 25 février 1965), était un peintre d’inspiration postimpressionniste, représente essentiellement des marines et paysages bretonnants de l’Estuaire de la Loire et quelques scènes de genre, décoré de la médaille d'Argent de l'Ecole d'Art des Batignolles, lauréat du Concours général de la ville de Paris en 1900, grande médaille d'argent de l'école d'Art de Montparnasse en 1901, premier prix de l'Ecole des Beaux-Arts de Nantes en 1902, premier prix de l'Ecole des Beaux Art de Rouen en 1903, il fut officier d'Académie en 1911. Affecté au service d'illustration des armées durant la guerre comme peintre militaire, il réalisa des aquarelles des soldats, et fut chargé de réaliser les portraits des officiers. Il devint alors le portraitiste des officiels, laïc, militaire ou religieux, du département, comme Aristide Briand ; le maire de Nantes, Paul Bellamy ; Brichaud, maire de Saint-Nazaire ; le père Ricodel, le chanoine Guillon. En 1923 il devient officier de l'Instruction publique en 1923, chevalier la Légion d'Honneur en 1936, puis officier en 1953. Marié à Nantes le 11 mai 1917 à Augustine Louise-Marie Carrière, décédé à Nantes le 25 février 1965, il fut le premier professeur de l'école des Beaux-Arts de Saint-Nazaire. En 1938 il devint directeur du musée municipal, et œuvra à reconstituer un nouveau musée à la Libération à la demande de la mairie. Le projet n'aboutit pas, mais il fit plusieurs acquisitions jusqu'en 1955 au nom de la ville. A sa mort, la municipalité Blancho fit acheter au nom de la ville plusieurs toiles de sa collection, mise aux enchères à Nantes, à la qualité discutable.

    [52] Remporté par monsieur Jean Boxas.

    [53] Lieudit à Guenrouet.

    [54] Gustave Olliveau, (1855-1936), héritier des chantiers disparus à Méan reconverti dans l’importation de bois de construction, signait Un catholique méanais, puis Un vieux méanais.

    [55] Soulignons ici un second fait amusant : Eugène-Alexandre Auffray, dit Alexandre Auffray, (Saint-Nazaire 14 mai 1869 - 18 juillet 1942 Paris), peintre à qui l’on doit les illustrations des tomes de Histoire de Saint-Nazaire, de Henri Moret, avait grandi au n°1 de la Grande-Rue qui correspondait à la maison faisant l’angle de la rue Neuve, et donc mitoyenne de celle d’enfance de Paul Bellaudeau. Henri-François-André Moret, (Nantes 13 février 1854 - 6 mai 1928 Saint-Nazaire), habitait quant à lui au 21 de la même rue.

    [56] Le 20 janvier 1934, à l'occasion du Salon du Groupe Artistique de Saint-Nazaire, c'est lui qui réalise l'article consacré à l'exposition dans Le Courrier de Saint-Nazaire, sous la signature d’Aristarque, (pseudonyme emprunté à un astronome de l'antiquité grecque), il dressa la liste de ce qui n'allait pas en matière de dessin, (seul art qu'il maîtrisait), dans l'ensemble des œuvres accrochées, allant chercher le moindre détail secondaire pour cela, démolissant finalement chaque travail, à l'exception de ceux d'Alexis de Broca et de Charles Beilvaire. Ecrit dans son style habituel et reconnaissable entre tous, il y distilla du fiel, et s'attaqua à Charles Perron, professeur aux Beaux-Arts de Nantes, deuxième Grand prix de Rome en 1921, et plus particulièrement à Madeleine Massonneau, artiste parisienne reconnue, deuxième Grand prix de Rome en 1928, qui avait à Saint-Nazaire réalisé deux ensembles de fresques, (dont il nous reste celles de l'ancienne école Jean Jaurès). A son propos, il écrivit : « Mlle Massonneau est-elle portraitiste ou caricaturiste ? Elle expose sur fond bleu charron une interprétation rappelant Mlle C… [Isabey Campredon] Un si charmant modèle méritait mieux. » Ce fut la seule participation de Madeleine au Salon de Saint-Nazaire, et elle ne renouvela pas son adhésion au Groupe !

    [57] Il fut illustrateur du Courrier de Saint-Nazaire de façon irrégulière du 2 mai 1931 au 5 juin 1942.

    [58] Fils ainé de Jules, Maurice-Ernest-Jules Beilvaire, né à Saint-Nazaire le 16 avril 1900 rue de Pornichet, lieutenant à bord du Caraïbe en 1918, croix de guerre pour sa conduite exemplaire durant le torpillage de ce bâtiment ; matelot sans spécialité au Havre le 23 septembre 1921, enseigne de première classe de réserve en novembre 1922, nommé capitaine au long cours en juin 1924 à la Compagnie Général Transatlantique sur la Ligne Le Havre-New-York, enseigne de vaisseau passé de première classe le 15 novembre 1926, professeur à bord du navire école Jacques-Cartier en 1927, où il enseigna l'anglais, le droit naval, et la construction navale. Promu capitaine de 3ème classe en janvier 1930, il participa à la construction du navire météorologique Carimaré qu'il commanda de 1937 à 1939, puis fut nommé commandant-adjoint du Normandie en juin 1939, il fut affecté à la suite de la réquisition de ce navire en 1942 à différentes missions aux Etats-Unis et aux Antilles, puis pris le commandement de l'Oregon en 1943, année où le gouvernement d'Alger l'envoya à Rome pour prendre les premières mesures concernant les navires français aux mains des Italiens ; nommé directeur de l'armement de la Compagnie Générale Transatlantique en 1945 ; domicilié au Havre à partir de 1924 jusqu'aux bombardements, puis à Cherbourg à la Libération, lieutenant de vaisseau le 30 juin 1946, il décéda le 10 mars 1951 à Argenteuil et fut inhumé au cimetière d’Asnières ; marié à Jeanne Avril le 16 juin 1930 à Paris II, il eut un fils, prénommé Jacques, née en 1932, décédé le 4 avril 1937 au Havre, et un second encore vivant en 1952, mais dont on ne sait rien, et qui semble avoir été déficient mental.

    [59] C’est monsieur Portais qui le remporta, cf. L’Ouest Eclair du 16 mars 1934.

    [60] Cf. L’Ouest-Eclair du 11 mars 1935 et Le Courrier de Saint-Nazaire du 16 mars 1935.

    [61] Durant l’entre-deux-guerres, 20% des hospitalisés en psychiatrie l’étaient pour neurosyphilis.

    [62] Cf. Le Courrier de Saint-Nazaire du 20 février 1937.

    [63] Rappelons qu’initialement tous les immeubles vénitiens étaient peints en rouge brique, et que ce n’est qu’au cours du 20ème siècle que l’on entreprit de changer la couleur des façades. On comprend, en sachant cela, les vers d’Alfred de Musset, composés en 1828 : « Dans Venise la rouge, Pas un bateau qui bouge, Pas un pêcheur dans l'eau, Pas un falot. Seul, assis à la Grève, Le grand lion soulève, Sur l'horizon serein, Son pied d'airain. […] »

    [64] Cf. Le Courrier de Saint-Nazaire du 4 février 1939.

    [65] Gagnée par monsieur Rivenale, cf. L’Ouest Eclair du 18 mars 1940.

    [66] Cf. Le Courrier de Saint-Nazaire du 13 décembre 1940.

    [67] Gagnée par madame Guyomard rue des Halles à Saint-Nazaire, cf. L’Ouest Eclair du 24 décembre 1940.

    [68] Note modifiée en 2017 et 2021 : Le 29 janvier 1943 Alex Bernard père quitta ses fonctions à la faveur de son fils. En première page il adressa un message aux lecteurs, expliquant son combat contre ses adversaires « francs-maçons, marxistes, démocrates, de toutes obédiences, et à cette masse de braves gens, crédules à l’excès et aveuglément confiants dans les bobards des Juifs de la radio de Londres, de Moscou et de Boston ». En mars 1943, les Bernard déménagèrent avec le matériel d’imprimerie à Sainte-Marie-sur-Mer, aujourd’hui commune de Pornic. Le journal paru jusqu’au 21 mai 1943. À la Libération, les Bernard furent arrêtés, internés à Nantes. Ils furent jugés, par la Cour de Justice de la Loire-Inférieure pour collaboration le 25 février 1946. Ils se défendirent en argumentant que, journal catholique, ils avaient suivi ce que le clergé propageait... mauvaise défense qui ne fit qu’aggraver leur situation. Alex père écopa de 5 mois de prison, Alex fils de 3 ans, et Rénée de 3 mois, condamnations accompagnées d’indignité nationale à vie et de la confiscation totale de l’ensemble de leurs biens, avec dissolution du Courrier de Saint-Nazaire. Par arrêt du 6 novembre 1946 et deux décrets en date du 9 novembre 1946, Le Courrier de Saint-Nazaire et de son imprimerie furent la saisis, et par arrêt du 124 janvier 1947 ils furent transférés et dévolus au profit de l’État. Le journal ne réapparu jamais, et l’entreprise fut définitivement démantelée en 1947. Oubliés de tous, retiré à Nantes, seul Fernand Guériff se risqua en 1962 à les contacter pour obtenir des d’eux des photographies pour illustration. Alex fils, peu avant sa mort, publia, à compte d’auteur, « La Vie A Saint-Nazaire Au 19eme Siècle », un livre contenant des illustrations de Charles Beilvaire sous le pseudonyme de « Marlex Mernard ». À sa sortie de prison en 1950, Alex fils retrouva sa sœur établie à Nantes. Renée vivait avec leur mère, Juliette-Joséphine-Marie-Renée Mahé (1875-1968), et s'occupait de sa nièce, Marie-Rose-Renée dite Mirène Bernard, (Saint-Nazaire 26 mars 1928 - Nantes 30 août 2017), qu'Alex avait eu de Joséphine-Marie-Rose Lucas (Roz-sur-Couesnon 25 août 1906 – 16 juin 1929 Saint-Nazaire), décédée de la tuberculose, fille d’un cultivateur qu’il avait épousé à Roz-sur-Couesnon le 17 septembre 1927. Regroupant une poignée de négatifs de photographies qu’ils avaient réalisées avant-guerre et qui avaient échappé à la saisie, ils éditèrent sous la forme d’un livre boite contenant des tirages, commentés à l’arrière à la main, de vues de Saint-Nazaire et de la Presqu’île. Paru sous le titre « Visages et reflets de mon pays, Saint-Nazaire, 1939 », avec une présentation un peu naïve écrite par Renée. Il fut non signé du fait de leur condamnation à l’indignité nationale. Il regroupe en réalité des vues prises durant une période s’étalant entre 1935 et 1939. Oubliés de tous, retiré à Nantes, seul Fernand Guériff se risqua en 1962 à les contacter pour obtenir d’eux des photographies pour illustration. Alex fils, peu avant sa mort, publia, à compte d’auteur, « La Vie A Saint-Nazaire Au 19eme Siècle », un livre contenant des illustrations de Charles Beilvaire sous le pseudonyme de « Marlex Mernard ». Sa fille, Marie-Rose, obtint du tribunal de grande-instance de Nantes, le 22 mai 1974, un jugement l’autorisant à faire ajouter à ses prénoms, celui de Mirèn, Mirèn Bernard ne se maria jamais et vécu toute sa vie avec son père et sa tante. Très catholique, elle fut organiste de l'église Saint-Clément de Nantes jusqu'en 2006, et légat ses biens au diocèse, dont les archives de son père et de sa tante. Les archives Bernard, rongées par l’humidité et les moisissures, furent transportées aux Archives diocésaines dans des sacs à ordure dans l’attente de pouvoir être traitées et être répertoriées. Le travail, long et couteux, et toujours en cours en septembre 2021. Le mobilier fut vendu, dont des dessins encadrés de Charles Beilvaire. Acquis par un marchand, certains se sont retrouvés en vente sur le site de vente aux enchère Ebay. Les Bernard sont inhumés au cimetière de Treillières.

    [69] Fille d’un percepteur, elle l’avait épousé à Saint-Nazaire, le 20 janvier 1923. En secondes noces elle épousa le demi-frère de Ferdinand, Prosper-August Pierre, (Valparaiso 8 juin 1878 – 22 février 1956 Nantes), ancien directeur de la compagnie Schifano en Algérie, le 22 octobre 1948 à Rezé. Lui-même était veuf de Hortense-Eugenie Racineux, (La 29 juin 1877 Renaudière - 21 janvier 1942 à Alger). Le couple eut postérité de leurs premières unions. Prosper s’était d’abord établit à Bordeaux en 1904, puis à Saint-Eugène en Algérie en 1910, et enfin à Alger en 1920, où passé le temps de l’Occupation à Alger.

    [70] Aujourd’hui Saint Gilles Croix de Vie.

    [71] Cf. déclaration dans le Courrier du Saint-Nazaire du 19 mars 1943.

    [72] Cf. lettre à Claude Dommée du 31 juillet 1943 et suivantes, Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [73] Cf. lettre du 28 septembre 1943, Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [74] Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [75] Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [76] Aujourd’hui Saint Gilles Croix de Vie.

    [77] Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [78] Cf. lettre du 13 février 1951 à Claude Dommée, Archives de Saint-Nazaire, Fonds Dommée, 5J/527.

    [79] Charles Leduc avait en 1880 peint un tableau sur le même angle.

  • Famille du Matz d'Armanjo  

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     Famille du Matz d'Armanjo  : D'argent frété de gueules ; au chef échiqueté d'or et d'azur. 

     

    Famille noble d'extraction chevaleresque maintenue à l'intendance en 1700 qui posséda les maisons nobles d'Armanjo, de Guindreff, et de Kerlédé.



     

     

    I° Denys-Guillaume du Matz de Keranvay, écuyer, seigneur de La Drouillay, seigneur de la maison noble d'Armanjo, pour laquelle il servit l'aveu en 1709, et qu'il vendit à Jacques Hégo, marié en la chapelle de La Motte-Alleman le 22 octobre 1686 avec Perrine Pasquette, dame de la maison noble d'Armanjo, d'où :

    1° Anne-Marquise, (vers 1689 - 7 avril 1746 Saint-Nazaire), mariée à Saint-Nazaire le 23 juillet 1708 avec Louis Le Guennec, seigneur de Kerlédé ;

    2° Marie, baptisée à Saint-Nazaire le 13 août 1690 ;

    3° Madeleine, baptisée à Saint-Nazaire le 25 septembre 1691 ;

    4° Geneviève, (Armanjo le 16 décembre 1692 – 27 octobre 1743 Kerlédé), dame de la maison noble de Guindreff, puis aussi de celle de Kerlédé ;

    5° Janne, (Saint-Nazaire 3 décembre 1694 – 20 mai 1756 Saint-Nazaire), dame des maisons nobles de Guindreff et de Kerlédé ;

    6° Renée-Clémence, ondoyée le 30 décembre 1694, baptisée à Saint-Nazaire le 5 avril 1695 ;

    7° Louis, baptisé le 11 décembre 1695 ;

    8° un petit enfant mort-né le 25 juin 1696 ;

    9° Esprit, (Saint-Nazaire 26 mai 1697 - 10 juillet 1702 Saint-Nazaire) ;

    10° Guillaume, baptisé le 8 septembre 1698 ;

    11° Jacques, (Saint-Nazaire 3 mars 1702 - 29 mai 1706 Saint-Nazaire).



    Autre branche :



    I° Claude du Matz, écuyer, sieur du Gléré, époux de Charlotte de Vaugiraud, vivant en la paroisse de Rieu, diocèse de Vannes, d'où :

    1° Louis-Gilles, écuyer, de la paroisse de Rieu, diocèse de Vannes, marié : 1° Jeanne de La Bourdonnaye, originaire de Montoire, publication de bans à Saint-Nazaire le 16 décembre 1692, avec la mention '' à présent demeurant à Saint-Nazaire '' ; 2° Monique de La Haye du Sable, née le 6 juillet 1675 à Saint-Nazaire, mariée le 2 mai 1707, mais ayant appris qu'ils étaient parents au 4e degré, leur union fut annulée ; ils durent obtenir une dispense et renouveler leurs vœux à Saint-Nazaire le 22 mai 1710 ;

    2° Julien-Joseph, marié en la chapelle de La Motte-Alleman le 7 avril 1698, avec Marie Michel, d'où :

    A° Marie-Françoise, baptisée à Saint-Nazaire le 13 mai 1704.

  • Une famille irlandaise à Saint-Nazaire : les Archbold

    La famille Archbold

     

    I° Walter Archbold, marchand irlandais, marié : 1° de Jeanne Hémery ; 2° Macée de Montluc, (vers 1632, inhumée dans le chœur de l'église de Saint-Nazaire la 29 novembre 1710), (veuve, elle épousa en seconde noce Thomas Walsh, irlandais, voyez article à ce nom) ; d'où :

    du premier lit :

    1° Pierre, baptisé Saint-Nazaire le 8 mai 1648 ;

    2° Jeanne, baptisée Saint-Nazaire le 1er septembre 1649 :

    3° Jan, baptisé Saint-Nazaire le 10 novembre 1650 ;

    4° René, baptisé Saint-Nazaire le 28 septembre 1651 ;

    du second lit :

    5° Charles, baptisé Saint-Nazaire le 25 septembre 1653 ;

    6° Madeleine, baptisée Saint-Nazaire le 21 juillet 1655 ;

    7° Perrine, baptisée Saint-Nazaire le 26 août 1656, mariée à Saint-Nazaire avec Guillaume Chanterel, sieur des Chesnot ;

    8° Macée, baptisée Saint-Nazaire le 28 février 1658.

     

    II° Jan Archbold, époux de Janne Mahiet, (morts avant octobre 1707), d'où :

    1° Renée baptisée le 7 décembre 1690 – 18 octobre 1694 ;

    2° Jan, qui suit.

    III° Jan, marié le 11 octobre 1707 avec Renée Martin, d'où :

    1° Janne, (Saint-Nazaire 6 janvier 1709 – 11 janvier 1709 Saint-Nazaire) ;

    2 Hélène, (Saint-Nazaire 23 décembre 1709 – 26 décembre 1709 Saint-Nazaire).

  • Famille Rouaud de Villemartin

    Famille Rouaud de La Villemartin, Olim. Rouaud, sieur de La Lande, et Rouad de la Villès-Martin

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    D'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croisettes pattées du même.

    Famille bourgeoise dont plusieurs membres ont été anoblies par ordonnance du 9 octobre 1814 ; (Cf. vicomte A. Révérend, " Les familles titrées et anoblies au XIXe siècle ").

    Éteinte au 19e siècle, connue à Saint-Nazaire depuis René Rouaud, sergent général des armées de Bretagne, époux de Julienne Bourdic, vivant en janvier 1597 à Saint-Nazaire. On trouve diverses branches dont la filiation est compliquée à établir, à Saint-Nazaire, Donges, et Saint-André-des-Eaux.

     



     

    I° René-Claude Rouaud, sieur de La Lande, notaire et procureur de la vicomté de Saint-Nazaire, puis procureur fiscal de La Motte Alleman, notaire et procureur au Siège royal de Guérande, mort à 68ans, inhumé le 9 décembre 1706 à Saint-Nazaire dans le chœur de l'église ; marié le 11 juillet 1673 à Saint-Nazaire, avec dispense de trois degrés de parenté, avec de Périnne Berthaud, d'où :

    1° Renée, baptisée à Saint-Nazaire le 3 octobre 1674, inhumé dans le chœur de l'église de Saint-Nazaire le 29 novembre 1676 ;

    2° René, baptisé à Saint-Nazaire le 13 août 1676, inhumé dans le chœur de l'église le 3 octobre 1679 ;

    3° Matthieu, qui suit.

    II° Mathieu Rouaud, sieur de La Lande, (Saint-Nazaire 5 janvier 1681 - 17 janvier 1743 Saint-Nazaire), avocat au Parlement, préfet-fiscale de la seigneurie du Boisjoalland et de Heinleix, sénéchal d'Escoublac et de La Ville-au-Févre ; marié, avec autorisation de son père, le 23 novembre 1706 à Saint-Nazaire avec Marie Chesnin, (Née à Saint-Viaud le 3 octobre 1684, baptisée le 11 - inhumée dans l'église de Saint-Nazaire le 26 janvier 1735), alors fille mineure de feu François Chesnin, sieur de La Touche, et de Françoise Bernard, mariage autorisé par décret de la Juridiction du Plessis-Mareil-en-Saint-Viaud ; elle était parente de Casard Chesnin, prêtre de Saint-Nazaire ; d'où :

    1° Marie, (Saint-Nazaire 4 décembre 1708 - 1er mars 1711 Saint-Nazaire, inhumée le lendemain dans le chœur de l'église) ;

    2° Renée, (Saint-Nazaire 11 mai 1709 - le 18 septembre 1712 Saint-Nazaire, inhumée le lendemain en l'église) ;

    3° Mathieu-André, qui suit ;

    4° Joseph-Vivant, né, baptisée, et inhumée le 30 décembre 1711 ;

    5° René-Mathieu, sieur de La Mode, avocat à la Cour, procureur fiscal de Saint-Nazaire, baptisé à Saint-Nazaire le 20 octobre 1713, décédé le 11 janvier 1739 et inhumé le lendemain en l'église de Saint-Nazaire ;

    6° Marie-Françoise, dite Marie, baptisée à Saint-Nazaire 22 février 1718, épouse de Jan Canuel, sieur de Maude (fief constitué de dunes et de prés situés au niveau de la rue Ferdinand Gasnier, acquis de la famille Boullet,), dont l'une des filles épousa un le Royer de la Poigniardière.

    III° Mathieu-André Rouaud, baptisé à Saint-Nazaire 22 août 1710 ; inhumé le 13 février 1752 Saint-Nazaire "dans le haut de l'église", sieur de la Ville-ès-Martin (par acquisition de la famille Boullet) ; marié le 18 avril 1741 à Saint-Nazaire avec Catherine Canuel, baptisée le 13 août 1713 à Saint-Nazaire, inhumée à Guérande le 21 octobre 1787, fille de feu Etienne Canuel, et de Catherine Gicquel, d'où :

    1° Mathieu, qui suit ;

    2° Une fille morte née le 14 février 1749 et inhumée dans l'église de Saint-Nazaire.

    IV° Mathieu (de) Rouaud, sieur de La Villemartin, (Saint-Nazaire 26 janvier 1743 – Guérande 5 juillet 1803), avocat au Parlement, conseiller du Roi et procureur au Siège royale de Guérande et sénéchaussée de Guérande, établi à Guérande en 1768, dont il était syndic et maire de Guérande de 1770 à 1771, puis à nouveau maire et député de Guérande quand il présenta le 12 novembre 1784 devant le Greffe des États de Bretagne les lettres-patentes de janvier 1784 accordées par Louis XVI, confirmant la pleine possession et jouissance de La Brière à ses habitants, que leurs avait accordé le duc François II par ordonnance du 8 aout 1461. Lettres enregistrées par arrêt du Conseil le 13 janvier, et arrêt du Parlement du 13 mai, et publiées à deux milles exemplaires. Il fut député du Tiers-état pour la ville de Guérande aux Etats généraux de 1789 ; en 1782 il fit un voyage à Paris accompagné de son épouse, du chevalier de Kerpoisson et son épouse, ses cousins, voyage durant lequel il rédigea un journal, dont le manuscrit tomba en 1900 dans main du comte Louis Remacle qui le publia en confondant avec une autre famille de Rouaud ; il se déclara comme étant domicilié depuis deux ans à Guérande que il se marié le 8 mai 1770 à Montoire avec Bonne Gallet, demoiselle de La Richardière, fille mineure de feu Claude Gallet, sieur de L'Aubinay, capitaine de navire de la rivière de Nantes et de Perrine-Rosalie Rothoux, dame de La Paquelais à Saint-Malo-de-Guersac, sur décret de justice de la vicomté de Donges, (elle avait pour oncle Cyprien-François Gallet, sénéchal de la seigneurie de Heinleix, et pour cousin au 3e degré René Lion, procureur de Guérande, qui furent présents à son mariage), d'où :

    1° René-Marie-Prudent, né à Guérande le 2 septembre 1772, baptisé le 4, décédé le 8 novembre 1772 à Montoir, inhumé le lendemain ;

    2° Matthieu, né et baptisé à Saint-Nazaire le 22 janvier 1771, anobli avec son frère Pachal-Auguste-Modeste par ordonnance du 9 octobre 1814, lettres patentes du 11 novembre 1815 avec règlement d’armoiries : " d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croix pattées du même, 2. 1." Receveur des Contributions Directes de Guérande, mariée le 9 juin 1806 au Croisic avec Reine-Renée Giraud des Landreaux, née le 20 octobre 1781 au Croisic, fille de Godefroy-Joseph-Martin Giraud de Landreaux, et de Renée-Marie Goupil de Meslé, d'où : 

    A° Athénaïs-Reine-Marie, née le 21 juillet 1807 à Guérande ;

    B° Nathalie-Marie, née le 18 novembre 1809 à Guérande.

    3° Pachal-Auguste-Modeste, qui suit ;

     

    4° une fille, épouse d'un Le Chauff de Kerguénec, fils du seigneur de La Motte-Allemand, qui légua son domaine de La Motte-Allemand à son neveu Charles-Evariste de Rouaud en 1840 ;

    5° Marie, épouse de Joachim Bouvais.

    V° Pachal-Auguste-Modeste Rouaud de Villemartin, né à Guérande le 17 avril 1778 et baptisé le même jour - décédé le 21 septembre 1814 à Guérande ; anobli avec son frère Mathieu par ordonnance du 9 octobre 1814 ; étant décédé avant délivrance des lettres de noblesses, ce furent ses fils qui en bénéficièrent par lettres du 24 février 1816, avec pour chacun un règlement d'armoiries particulier ; marié à Guérande le 28 janvier 1803 (8 pluviose an XI) avec Bonne Cady de Praderoy, fille de Charles Cady de Praderoy, et de Bonne-Jeanne-Carlotte de Jacquelot du Boisrouvray, d'où :

    1° Zoé-Bonne-Marie, née le 15 décembre 1803 à Guérande, épouse de Louis-Jacques Cornu, notaire à Guérande ;

    2° Pascal-Charles-Marie, né le 28 décembre 1805 à Guérande, anobli par lettres du 24 février 1816, avec pour armoiries : " d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croix pattées d'or, 2. 1." ; sans postérité ;

    3° Adolphe-Alexandre-Marie, né le 25 juillet 1808 à Guérande, anobli par lettres du 24 février 1816, avec pour armoiries : " d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croix pattées d'or, 2. 1. ; à la bordure d'or. " ; sans postérité ;

    4° Evariste-François-Régis-Charles-Marie dit Evariste-Charles, né le 3 décembre 1810 à Guérande ; décédé à Nantes le 3 décembre 1896, anobli par lettres du 24 février 1816, avec pour armoiries : " d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croix pattées d'or, 2. 1. ; à la bordure d'argent " ; fit modifier son patronymique en " de Rouaud " ; héritier de son oncle Le Chauff de Kerguénec du domaine de La Motte-Allemand qu'il vendit en 1844 ; marié à Nantes le 19 novembre 1838 avec Marie-Louise-Thérèse de Bruc de Vignac, (décédée à Nantes le 14 septembre 1879), fille de Joseph-Louis de Bruc, et de Marie-Catherine Le Chauff de Kerguénec, d'où :

    A1° Thérèse-Evariste de Rouaud. 

    5° Ange-René-Marie qui suit ;

    6° Nathalie, épouse de Joseph-Aimé comte de Bruc d'Esdrieux, fils de Joseph-Louis de Bruc, et de Catherine Le Chauff de La Motte-Allemand, sans postérité.

     

    VI° Ange-René-Marie Rouaud de Villemartin, né le 15 décembre 1812, anobli par lettres du 24 février 1816, avec pour armoiries : " d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois croix pattées d'or, 2. 1. ; à la bordure dentelée d'argent. " ; royaliste légitimiste, il s’exila au Pérou,  à la suite de sa participation à la chouanerie de 1832 ; il y épousa Josefa Paz-Soldán y Ureta, fille de Manuel Paz Soldán, ministre du Trésor royal à Arequipa, et de Gregoria de Ureta y Peralta y Araníbar, d'où :

    1° Manuel qui suit ;
    2° Maria Del Carmen-Ines-Tomasa, (Lima 15 septembre 1840-1877), épouse de José Luis Paz Sodan Martinez, (1834-1880), dont elle eu une fille, Luisa Paz Soldan Rouaud, (Lima 1867 - Lima 16 octobre 1941), d'où postérité postérité.

     

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    VII° Manuel Rouaud y Paz Soldán, né à Lima (Pérou) le 19 avril 1839 ; ingénieur en géodésie et explorateur de la jungle amazonienne; il fut mandé par le gouvernement péruvien pour aider son oncle maternel, Mariano Felipe Paz Soldan, pour la rédaction et l’édition des ouvrages de Mateo Paz Soldan mort en 1857. Pour cela, il se rendit en France en 1861, prenant en charge l'édition espagnole de la « Géographie du Pérou » et collabora avec Arsène Mouqueron dans la version française du livre. De retour au Pérou, il entreprit la campagne pour suivre le cours du fleuve Amazone depuis son embouchure, dans le but d'effectuer la reconnaissance scientifique de ses eaux et de son climat. À Tabatinga, il fut nommé secrétaire de la Commission mixte péruvienne-brésilienne qui devait déterminer les limites des deux pays. Après avoir fixé les premières bornes frontières, Manuel et Paz Soldán furent chargés en 1866 de réaliser la reconnaissance du fleuve Yaraví, ce qui lui permit de rectifier les erreurs de la cartographie existante, et détermina la navigabilité de ses principaux affluents. Durant cette expédition il fut attaqué par une tribu indigène et perdit sa jambe droite à la suite d’une blessure par flèche. En 1871, il fut nommé commissaire péruvien à la Commission mixte Pérou-Brésil afin de poursuivre le travail de délimitation des frontières. Il remonta le cours de l'Amazone depuis l'Atlantique, puis il navigua jusqu’à Caquetá où les fièvres malignes touchèrent l'équipage de son bateau, le « Napo », gravement malade, il décéda d’une hémorragie cérébrale à Tefé (Brésil) le 2 septembre 1872.







    Il convient de signaler ici que les oncles maternels du dernier des Rouaud de Villemartin, étaient tous des personnes importantes de l'histoire péruvienne :

    I° Manuel Paz Soldán, ministre du Trésor royal à Arequipa, et de Gregoria de Ureta y Peralta y Araníbar, d'où :

    1° Josefa Paz Soldán y Ureta, épouse d'Ange-René-Marie Rouaud de Villemartin ;

    2° José Gregorio Paz Soldán, (1808-1875), avocat, puis juge, sénateur, ministre des Affaires étrangères, et trois fois chancelier du Pérou ;

    3° Pedro Silverio Paz Soldán, président du cabinet du président Mariano Ignacio Prado, (lui-même père de Pedro Paz Soldán y Unanue, dit Juan de Arona, (1839-1895), fondateur de la lexicographie péruvien) ;

    4° Santiago José Paz Soldán, naturaliste et océanographe qui a travaillé avec le scientifique allemand Alexander von Humboldt ;

    5° Mateo Paz Soldán, géographe et astronome, auteur de l'ouvrage Géographie du Pérou ;

    6° Mariano Felipe Paz Soldán, géographe et historien, auteur du premier Atlas géographique du Pérou ;

    7° Mariano Domingo Paz Soldán, compagnon du Libérateur Bolivar, et fondateur de l'Université de Chuquisaca.

     

     

  • Famille Moyon des Bouexières

     

    Généalogie de la famille Moyon, sieurs de Trébondy, seigneurs des Bouexières, à Saint-Nazaire.

     

     

    I° Guillaume Moyon, sieur de La Rouaudière,notaire de la baronnie de Marsain, inhumé le 4 mai 1692, le capitaine de la milice bourgeoise de la paroisse de Saint-Nazaire, sénéchal de Heinleix et autres lieux, doyen des notaires, procureur de la vicomté de Donges, époux de Jacquette Deniaud :

    1° André, qui suit ;

    2° Catherine, (1683-1770) ;

    3° Jeanne, ( -1775), épouse de Jean-Olivier Kermasson de Kerisel ;

    5° Hellène, mariée le 29 aout 1701 à Pierre Brécard ;

    6° Jan, baptisé le 27 janvier 1675 ;

    7° Gille, baptisée le 11 décembre 1677 ;

    8° Marie, (1678-1765), épouse de Jean Pomier, sieur de la Durandry ;

    9° René, baptisé le 13 février 1680 ;

    10° François, baptisé le 20 juin 1681, sieur de Trebondy, époux de Juliette Rouaud, d'où :

    a° Françoise, morte le 20 juillet 1713.

    11° Jacquette, baptisée le 16 septembre 1682 ;

    12° Catherine, baptisée le 16 mars 1684 ;

    13° Charles, baptisé le 19 juillet 1685 ;

    14° Charles, baptisé le 15 novembre 1689.

    II° André Moyon, sieur de Trébondy, (1675-1731), notaire de la juridiction de La Motte-Alleman, marié le 19 avril 1695 de Jeanne Rouaud, fille de François Rouaud, et d'Anne Thuaud, d'où :

    1° André, baptisé le 20 mars 1696 ;

    2° Gilles, baptisé le 7 décembre 1697 ;

    3° Jean, qui suit ;

    4° Catherine-Renée, 

    5° Marie, (700-1718) :

    6° Jeanne, baptisée le  24 avril 1701, mariée le 7 janvier 1727 à Jean-Michaud, notaire à Saint-Nazaire.

    7° Jacquette, (6 août 1702- 26 août 1702). 

    III° Jean Moyon, baptisé le 23 janvier 1699,  notaire, acheta le fiefs des Bouexières à son parrain Jean Martin, seigneur des Bouexières, marié à Saint-Nazaire le 7 août 1724 avec Catherine Boullet, d'où :

    1° André, baptisé le 28 décembre 1725 ;

    2° Catherine-René Moyon, (1726-1795), mariée le 27 septembre 1746 Joseph du Bochet, (1722-1757) ;

    3° Jean, (1726-1731) ;

    4° Jeanne-Marie, baptisée le 15 avril 1729 ;

    5° Hellène, (1730-1776) ;

    6° Marie, baptisée le 14 juin 1731, mariée le 11 janvier 1752 à Jacques Le Bourdiec, officier de vaisseau de la marine marchande ;

    7°  Reine, baptisée le 23 avril 1734, mariée le 28 octobre 1755 à Saint-Nazaire avec Nicolas Charles.

     

    Devenue veuve, Catherine Moyon, née Boullet, revendis la seigneurie à François Le Chauff, écuyer, seigneur de La Motte-Allemand, (voyez les articles sur la seigneurie de La Motte-Allemand).

     

     Des informations supplémentaires au sujet de Trébondy sur le blog de Karrikell : http://karrikell.over-blog.com/article-trebondy-en-saint-nazaire-114362214.html

  • Pierre Toscer

    La période de l'occupation allemande durant la Seconde-Guerre-mondiale reste une période trouble, dont on n'a pas encore tout à fait tiré au clair tous les événements. Nombres de documents ayant trait à la collaboration et aux délations sont toujours sous le sceau du secret, car le Droit français tient comme non communicable les données ayant moins de cent-ans. Cela complique le travail des historiens, et concernant Saint-Nazaire l'on doit se référer essentiellement à l'ouvrage de Fernand Guériff, '' Saint-Nazaire sous l'occupation allemande '', ouvrage témoignage édité en 1971, aux éditions des Paludiers, La Baule. Les autres documents publiés à la suite, ne sont en majorité que des resucées plus ou moins illustrées, avec incorporation de lieux communs et étalage d'ignorance sur l'histoire de la commune. L'histoire de Saint-Nazaire à l'heure de l'occupation reste encore à étudier en profondeur.

     

    Depuis quelque temps il semble à la mode de dénoncer comme pétainiste celui qui fut maire de la commune durant l'occupation, Pierre Toscer. C'est allé vite en besogne. Pierre Toscer ne fut pas un pétainiste pur et dur, il ne le fut pas plus que les Français en général, qui même après le débarquement continuaient d'acclamer benoîtement Philippe Pétain. Soyons francs devant notre histoire, même si cela nous dérange : La France ne fut pas un pays de résistants, la majorité des gens se contentait de pourvoir à leurs besoins et d'éviter les ennuis en regardant leurs pieds et en se bouchant les oreilles. Aurions-nous fait autrement que nos grands-parents et arrières-grands-parents ? Nous ne pouvons pas répondre. Combien d'entre nous se sont restés face à une agression, ou une attitude immonde, immobiles et silencieux. La résistance, la révolte face à l'injustice, qu'il convient de louer et d'admirer, qu'il faut citer en exemple, n'est pas une chose innée, ce sont les événements qui par accident font d'une personne ordinaire un héros.

     

    Parlons donc de Pierre Toscer et rétablissons la vérité à son sujet :

     

    Pierre Joseph Marie Toscer est né à Brest le 11 juin 1893, 9 rue du Rempart . Il était fils de Joseph Henri Toscer , dessinateur au port de Brest, puis contremaître surveillant les travaux à la Marin, alors âgé de 24 ans, et de Jeanne Marie Briant. Son grand-père paternel, Jean-François Toscer, fut maître principal au port. Pierre eut deux sœurs :  Jeanne Marie Philomène, (1894-1971) et Anna Augustine Marie, (1897-1970). Élève de l'École Pratique, il sortit ingénieur des Arts et Métiers, et entra comme ingénieur aux Chantiers de la Loire, (turbines). Envoyé sur le front en 1914, il fut décoré de la Croix de guerre. Démobilisé, il se maria le 6 février 1917 à Trignac à Germaine-Jeanne-Clotilde Sirot, (Le Creusot  18 janvier 1893 - 15 octobre 1979 Orveault), fille d'un ingénieur établi à Saint-Nazaire. Le couple eut trois enfants : Henri-Lucien-Marie (Trignac 6 janvier 1918 - 1942), Huguette-Jeanne-Marie (Trignac  21 août 1921 - 2 juin 2011 Saint-Nazaire) et Jean-Paul-Claude (° Trignac 1924). Établi à Saint-Nazaire au 5 rue de Villebois Mareuil dans la maison de ses beaux-parents, Pierre Toscer partageait alors ses activités entre Saint-Denis, où il était directeur  des établissements ALC-Saint-Denis, et Saint-Nazaire où il enseignait aux apprentis des Chantiers. Sa sœur Anna vient s'établir à Saint-Nazaire, elle y épousa, le 5 août 1924, Paul Alfred Trouillard., elle habitait 15 avenue de Lesseps.

     

    Le 20 décembre 1940, François Blancho, maire de Saint-Nazaire, qui avait voté les plein pouvoir à Pétain, (ce qui lui valut de la part de Pierre Brossaud de se faire passer un savon), remit sa démission au Préfet, suivi par l'ensemble des conseillers socialistes de la commune. La Loi du 16 novembre 1940 modifia l'organisation de municipalités de plus de 2,000 habitants : maires et adjoints seraient à l'avenir nommé par le sous-préfet, le préfet et le ministre. François Blancho déclara alors : '' J'estime que la plus entière liberté doit être laissée à l'autorité préfectorale dans le choix de celui qui aura demain la charge d'administrer la Cité ''. En fait François Blancho anticipe sa révocation. Membre du parti SFIO, proche de Léon Blum, il savait pertinemment que Vichy voulait sa tête. Son choit fut de sortir avec un peu de dignité, et d'éviter des représailles. Étrangement, l'Amiral Darlan, devenu vice-président du Conseil, décréta le 3 mars 1941 que François Blancho devait rester en place à la tête de la municipalité. Aucune obligation ou contraints ayant été attachée à la nomination, François Blancho, mais fit savoir qu'il ne serait qu'un administrateur. Mais rapidement les décrets et ordres de Vichy sont insupportables pour lui, et il présenta sa démission le 19 mai 1941, (lettre rendue publique le 5 juillet 1941). Le 22 juin 1941 le sous-préfet Michel Douay, convoqua Pierre Toscer et, sous prétexte qu'il le savait proche des milieux de la droite conservatrice, lui signifia qu'il le désignait comme maire de Saint-Nazaire. Très surpris et un peu abasourdi, Pierre Toscer, refusa, argumentant qu'il n'était pas un homme politique. Qu'importe pour le Sous-préfet ! Celui-ci ne laisse pas le choix à Toscer, il se devait d'accepter et de présenter une liste de vingt personnes devant constituer le Conseil municipal. Pierre Toscer tenta de se soustraire à la nomination, en argumentant qu'il lui fallait l'aval de son employeur. Il se rendit à Saint-Denisle 29 juin 1941 pour expliquer la situation à la direction des établissements ALC, et à Paris auprès de celle des Chantiers. Les directions y trouvèrent avantage, et Pierre Toscer accepta contraint et forcé. Vichy procéda alors le 30 juin 1941 à la révocation de François Blancho, pourtant déjà parti. Geste absurde et inutile, typique du gouvernent collaborationniste. La nomination du nouveau maire fut officielle par arrêté ministériel du 16 septembre 1941. Afin de constituer le nouveau Conseil, Pierre Toscer sollicita toutes les franges politiques de Saint-Nazaire, demandant à François Blancho d'en faire partie, ce dernier refusa. Le nouveau Conseil se composa de Charles Garrec, président de la section locale du Parti Socialite, (qui intégrera le Parti Fasciste de Marcel Bucard, et replacé en 1943 par Paul Minot) ; Maurice Garrec, ancien leader local des " républicains de gauche ", qui comme beaucoup virait à droite pour complaire au régime ; Henri Georgelin, de l'URD, (parti conservateur), délégué du Secours National. Un arrêté préfectoral du 1er octobre 1941 nomma officiellement les 20 conseillers réunis par Toscer. L'entrée en fonction se fit le 6 octobre 1941. Dans son discours d’ouverture, il dit : « […] Si malgré mes efforts toutes les fractions de l’opinion nazairienne n’étaient pas présente, j’entends ne tenir personne à l’écart, administrer avec tous, sans préoccupation d’opinions, de confession, ni de personnes. […] »

    Ombre au tableau : Pierre Toscer soutiendra activement l'engagement dans la Légion des Volontaires Français, (LVF), contre le bolchevisme, organisation collaborationniste fierté de Pétain. 

    La nouvelle municipalité due faire face au ravitaillement, à l'organisation de la défense passive, l'organisation scolaire et l'évacuation des enfants, et surtout les relations avec l'occupant qui étaient plus que difficiles. Pierre Toscer s'illustra alors comme un grand négociateur, n'hésitant pas à discuter point par point. A chaque arrestation il se précipitait à la Kommandantur et mettait tout en œuvre pour obtenir la libération et n'hésitait pas à se présenter comme otage quand un citoyen était l'objet d'une arrestation.

    Le 9 janvier 1942, son fils, Henri, élève-officier, périt durant le naufrage du Lamoricière au large des Baléares.

     

    La situation à Saint-Nazaire empira à la suite de l'Opération Chariot, la nuit du 27 au 28 mars 1942.  Il logeait au 5 rue de Villebois Mareuil, rue où les services municipaux avaient été déplacés, (la mairie était alors au 15), mais en réalité il s'installa chez sa sœur Anna. C'est là que l'occupant alla le chercher la nuit du 30 mars 1942, pour le conduire au Collège Saint Louis avec les conseillers municipaux. Malgré sa bonne volonté, le maire ne put dissuader les Allemands de fusiller en représailles 41 personnes dont 16 moururent immédiatement, ou à la suite de leurs blessures, (les autres furent sauvés grâce aux soins prodigués à l'Hôpital de Saint-Nazaire)1. Le 31 mars 1942, la municipalité fut contrainte de placarder une affiche informant la population qu'à l'avenir à chaque acte de résistance constaté, un dixième de la population du quartier où auraient lieu les faits.

     

    Le 21 avril 1943, Pierre Toscer œuvra à la libération de onze otages retenus au camp de prisonniers de Ker Faouet, une villa située à la Villès-Martin. Les arrestations avaient été ordonnées en représailles à l'attentat perpétré contre local de la L.V.F. rue de l'Amiral Courbet. Les otages, dont Jean Guitton, qui fut par la suite maire, étaient tous notables de la ville. Entre le 1er et le 12 mars 1943, Pierre Toscer, aidé par le conseil municipal, procéda à l'évacuation des habitants de la ville. Lui-même trouva refuge à La Baule avec sa sœur, mais se rendait chaque matin à Saint-Nazaire, pour présider les services municipaux rassemblés rue de Villebois Mareuil. En 1944 il fit partie des membres désignés par Vichy à la commission provisoire du Syndicat patronal de la construction métallique et navale, avec son premier adjoint Minot, et 11 cadres et contremaîtres des Chantiers.

     

    Le 11 mai 1945, Pierre Toscer présenta la démission collective du Conseil municipal et remit officiellement ses pouvoirs le 12 mai 1945 à 9h à François Blancho. Il se retira de la vie publique. Quoiqu'il fut nommé par Vichy, et décoré en 1943 de la Francique à Vichy en présence du Pétain le même jour que la maire de Nantes, Henry Orrion, tous s'accordèrent à lui reconnaître sa droiture, son sens de la nation et du devoir. Jamais il ne se montra particulièrement attaché à Pétain. Il respectait l'homme comme maréchal de France et chef de l'État, mais sans plus.

     

    Jugement de ses contemporains :

    Maurice Grimaud, (1902-1977), nommé adjoint dans la municipalité Toscer, qui fut député de Loire-Inférieure du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955, (Groupe Républicains indépendant) : " Le Maire prit aussitôt pour lui-même la charge des constants pourparlers et adopta une attitude conforme à son caractère : discutant pied à pied les demandes qui lui étaient faites lorsqu'elles lui paraissaient excessives ou non-fondées, il exécutait loyalement les engagements qu'il avait cru devoir prendre. La netteté et la dignité de cette attitude furent assez vite comprises des chefs allemands et de la population et permit à certains moments d'appréciables résultats. " (Manuscrit de Maurice Grimaud, page 18A ; reproduit en parti par F. Guériff dans " Saint-Nazaire sous l'occupation allemande ".)

     

    Fernand Guériff : " En toutes circonstances, même les plus graves,Mr Toscer montra un courage physique et moral, " un cran "qui lui fond grandement honneur. " (F. Guériff : " Saint-Nazaire sous l'occupation allemande ".)

     

    Les Nazairiens doivent beaucoup à Pierre Toscer, car il se mit souvent en danger pour ses administrés. Il décéda le 6 avril 1967 à Saint-Nazaire, et repose au cimetière de La Briandais.

     

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    1 Furent tués sur le coup :

    Allaire Marie, (veuve), 27 janvier 1867 – 30 mars 1942
    Berlebeau Joseph, 3 mars 1909 – 30 mars 1942 
    Blanchard Fernand, 21 mars 1881 – 30 mars 1942
    Esnault Joseph, 12 janvier 1902 - 30 mars 1942
    Favannec Mathurin, 2 juillet 1902 - 30 mars 1942
    Fouquet Jules, 22 novembre 1906– 30 mars 1942
    Hoyet Pierre, 5 juillet 1874 - 30 mars 1942
    Niger Jean, 8 mai 1907 - 30 mars 1942
    Potin Louis, 7 août 1892 - 30 mars 1942
    Quéré Robert, 29 décembre 1921 - 30 mars 1942
    Stéphan Sébastien, 22 janvier 1912 - 30 mars 1942
    Zallio Angelo, 19 mars 1927 – 30 mars 1942

    Décédèrent à l'hôpital des suites de leurs blessures

    Allaire Clémentine, 9 mars 1902 – 8 avril 1942
    Giquel Henri, 23 octobre 1883 - 31 mars 1942
    Lemaitre Julien, 1er août 1885 – 31 mars 1942
    Pelven Bernard, 19 avril 1937 - 31 mars 1942 (enfant de 5ans!)

  • La villa Ker Louis à Bonne Anse

    L'un de nos lecteurs nous a interrogé au sujet de la villa qui domine la plage de Bonne Anse, située dans l'enceinte du Centre de loisirs et d'hébergement.

     

    Cette maison se nomme Ker Louis, (on trouve parfois la mention Saint Louis).

     

     

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    Première moitié du 20e siècle :

     

    Avant la Première-Guerre-mondiale Ker Louis était une pension de famille. Faute de documentation il est impossible de dater sa construction et d'en préciser le commanditaire.

     

    En 1933, elle fut mise en vente. La municipalité s'y intéressa, car elle cherchait un lieu où établir son École de plein air, mais le choix du Conseil se porta sur le château de Heinlex et son parc de 18ha. (Voyez l'article '' http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/14/le-chateau-de-heinlex-quatrieme-partie.html '').

     

    C'est finalement le Syndicat des Métallurgistes qui s'en porta acquéreur en 1936, pour en faire une maison de repos.

     

    En 1940, l'Armée allemande réquisitionna les lieux.

     

     

    Acquisition par la Municipalité :

     

    En 1946, la municipalité chercha dans l'urgence un bâtiment pouvant abriter l’École de plein air. Fermée depuis l'Occupation, l'école devait laisser le château de Heinlex, où elle était logée depuis 1934, au profit du nouvel hôpital de Saint-Nazaire,

     

    Le Conseil municipal décida, par délibération du 18 mai 1946, de faire l'acquisition de Ker Louis, un bâtiment comportant 18 pièces, avec une parcelle de 8.700m². Le prix en était de 1.200.000 francs, somme exorbitante justifiée par la rareté des bâtiments encore debout à Saint-Nazaire, et par l'inflation. L'Administration des Domaines, donna un avis favorable, et le Préfet délivra un arrêt d'utilité publique le 22 juillet 1946. Il fallut réaliser des travaux, l'hôtel avait été occupé par les Nazis, et la reconversion en école de plein air engendrait des transformations indispensables. Ce ne fut donc qu'un an plus tard que les enfants purent y être reçus. Ensuite la ^propriété devint une colonie de vacances laïque.

     

    2014 :

     

     

    Ker Louis est toujours propriété de la municipalité, on y accédé depuis le chemin de Porcé par une allée boisée. Devant sa façade Nord, très sobre, se trouve un petit jardin d'agrément, avec des jardinières en béton décoré d'une ligne en mosaïques bleu-roi, avec quelque éléments jaune-citron, dans le style épurée cubique  alors en vogue à la veille de la Première-guerre-mondiale. Le bâtiment est en parfait état, conserve encore l'ensemble de son ornementation extérieur : appareillage en briques et pierres blanches, murs cimentés de couleur coquille, balcons et balustrades en bois découpés, et, chose unique à Saint-Nazaire, des persiennes, éléments méditerranéens, qui permutaient de profiter de l'air marin tout en se protégeant du soleil. La couverture et en tuiles mécaniques. L'ensemble est construit sur un plan carré, en deux pavillons accolés, un carré de trois travées, avec loggia en trois arches côté Sud, face à l'océan, composé d'un rez-de-chaussée sur cave et d'un étage, le toit est à quatre versants à faibles pentes ; l'autre rectangulaire, de deux travées de large, composé d'un rez-de-chaussée sur cave et de deux étages, avec balcon au premier étage de la façade Sud, le toit est à quatre versants à faibles pentes. Devant l'arche centrale de la loggia, un escalier de quatre marche conduit à une étroite terrasse de laquelle descente un second escalier de cinq marches, situé dans l'axe du premier. L'intérieur n'offre aucune particularité, les transformations successives n'ont pas laissé trace d'un ornementation notable, de faux plafonds montés dans les années 1980, y donnent un sentiment d’écrasement dans les pièces. 

     

     

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    façade sur l'océan en 1957

     

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    1957, vue du parc depuis le perron côté rue ; le haut des murés est décoré de carreaux en verre jaune et bleu

     

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    1957, vue depuis l'entrée du parc, avec au bout la villa

     

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    1957, dortoir au premier étage

     

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    2014

     

  • De La Noë de Kerlédé aux HLM de Kerlédé

    Les '' HLM Kerlédé '' occupent l'emplacement de la ferme seigneuriale nommée '' La Noë de Kerlédé ''. L'histoire de cette ferme est liée à celle de la seigneurie et du manoir jusqu'au milieu du 19e siècle, (voir à ce sujet les deux articles sur la seigneurie et le manoir de Kerlédé). A partir de 1844, Adèle-Marie Corbineau, épouse de Nompère de Champagny, vendit les biens qu’elle avait hérités de son père, le baron de Corbineau, à Saint-Nazaire. La ferme de La Noë fut achetée avec le manoir de Kerlédé par Emile Lasson le 2 juillet 1846, en 1869 il la revendit à un notaire natif de Noyers, en Normandie, Pierre-Louis Harel, (1814-1887), établi à Saint-Brieuc. Sa position de notaire lui permit de prendre à l'état civil le nom de Harel de La Noë, c'est sous ce nom qu'il épousa en 1848 Marguerite Jeanne Louise le Verre, (1823-1852), dont il eut Marie Clotilde-Louise, (1848-1915), épouse d'Auguste-Marie-Eugène Guichon de Grandpont, et Louis-Auguste-Marie Harel de La Noë, (1852-1931), illustre ingénieur breton des Ponts et Chaussées, qui fut le dernier à porter le nom. Pierre-Louis Harel avait profité de l’existence d'une famille noble bretonne homonyme alors éteinte pour s'inventer une filiation noble. Ces prétentions trompèrent Pol Poitier de Courcy qui dans son Nobiliaire et armorial de Bretagne, attribua à cette famille les armes des Harel bretons : D'or au lion morné de gueules.

     

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    Cadastre de 1829

     

    La ferme était composée d'un long corps abritant étable, grange et écuries, et d'un bâtiment d'habitation. La disposition est semblable à la métairie du Bois-Joalland. Il y a avait à proximité le vivier seigneurial de Kerlédé, et une petite retenue d'eau constituée à l'aide d'une écluse sur le ruisseau de La Coulée du Bois, (qui sera avant 1914 le plan d'eau de la guinguette de Ker Brun).

     

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    Une vue de la ferme au début du 20e siècle, alors exploitée par la famille Freulon

    dont deux des fils figurent sur cette carte postale.

     

    La famille Freulon eu la ferme en métayage au début du 20ème sicle, puis après la Guerre d'Espagne, ce fut monsieur et madame Uzzataro, un couple basque qui possédait une trentaine de vaches. Après guerre le propriétaire de la ferme, qui vivait à Paris, vendit à la mairie une partie de ses terres pour y construire des baraquements pour le relogement de la population en attente de relogement. Les enfants des baraques de Kerlédé se souviennent encore qu'ils allaient voir les deux ânes, et qu'ils entraient dans le près pour aller au bord de la marre, au risque de se faire encorner par les vaches, et se faire poursuivre par monsieur Uzzataro armé de sa fourche. Beaucoup s'en souviennent comme le champ Pingo, parce que méchamment le métayer  était surnommé " l'Espago "abrégé en " Pingo ". Monsieur et madame Uzzataro fournissaient en lait, beurre et œuf les gens des baraquements, " La Crèmerie du Rocher du Lion ", mais aussi l'épicerie qu'ils possédaient à l'angle des rues du Bois Savary et du 28 février 1943, face au lycée Notre Dame d'Espérance.

     

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    Vue de Kerlédé dans les années 1960 : 1 le camping municipal devenu aujourd'hui parc ; 2 les baraquements ; 3 la ferme.

     

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    Le logis de la ferme de La Noë de Kerlédé avant destruction

     

    Un vaste programme de construction de 716 logements HLM fut entrepris en 1968 à la place des baraquements et de la ferme. Le chantier débuta en décembre 1968, il commença par le tracé des rues avec des voix courtes et non rectilignes afin d'empêcher les conducteurs de conduire trop rapidement. La construction s'acheva en décembre 1971, 324 logements avaient été livrés dès décembre 1970. Les 716 logements furent répartis comme suit :

     

    9 bâtiments linéaires, constitués d'un sous-sol, un rez-de-chaussée et 3 étages ;

    10 bâtiments ponctuels, constitués d'un sous-sol, un rez-de-chaussée et 4 étages ;

    5 tours, constitués d'un sous-sol, un rez-de-chaussée et 10 étages.

     

    logements

    Surfaces habitables

    types

    nombres

    Par types

    totales

    1-bis

    39

    33m²

    1287m²

    2 pièces

    129

    50m²

    6.450m²

    3 pièces

    291

    63m²

    1.8333m²

    4 pièces

    221

    77m²

    1.7017m²

    5 pièces

    36

    93m²

    3.348m²

    Totaux

    716

     

    46.435m²

     

    La construction fut rapide car réalisée avec des panneaux préfabriqués, isothermes, et '' revêtus de matériaux auto-lavable ''. Chaque appartement fut livré avec des volets roulants aux fenêtres, à l’exception de celles des salles-de-bain et des cuisines. Les salles-de-bain des types 1-bis et des deux pièces furent équipées de bacs de douches, celles des autres logements le furent de baignoires. Tous furent équipés pour la réception des deux chaînes de télévision qui existaient alors...

     

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    Plan d'un étage de l'une des tours

     

     

    L'ensemble bâti fut doté du chauffage collectif, alimenté par une chaufferie centrale, relayée par 8 sous-stations.

     

    On attribua les logements selon le canevas suivant :

     

    En 1970/71

     

    Équivalence de la somme en euros de 2014

    Types de familles

    avec enfants de moins de 10ans

    Type de logement accordé

    Loyer mensuel avec chauffage et charges diverses

    Un couple avec 3 enfants

    4 pièces

    288,62 Fr.

    305,80 €

    Un couple avec 2 enfants

    3 pièces

    252,19 Fr.

    267,20 €

  • Sous l'étang un village ?

    Il est des légendes tenaces et communes à tous les lieux. Là où il y un château, il y a un souterrain qui traverse la campagne sur des kilomètres, là où sont des ruines il y a forcément eu un crime et un trésor est caché, et chaque fois qu'il y a une retenue d'eau, il y a un village englouti...

     

    Forcément notre bon Saint-Nazaire ne pouvait vivre sans l'une de ces légendes, (la ville d'Is n'est-elle pas bretonne ?), l'étang artificiel du Bois Joalland s'y prête. On est régulièrement venu me demander ce qu'il en était. Il revient souvent dans la bouche des Nazairiens l'histoire d'un '' village noyé par les allemands durant l'occupation ''. Avec un peu plus de détails certains vous affirmeront que '' les nazis auraient inondé un village nommé l'Epine Blanche ''. On reste cependant toujours au conditionnel en faisant ces affirmations, car au fond de soi on se demande comment cela peut être possible dans une retenue d'eau aussi peu profonde, parce que on est surpris par de telles mesures alors que les nazis brûlaient ou rasaient à coup de bulldozer les maisons pour faire répression. Inonder un village dans le bocage nazairien cela demanderait une mise en œuvre complexe et coûteuse. Toute légende à cependant son fond de vérité, et il y a bien eu un '' village '' submergé au Bois Joalland. Remettons cependant quelques éléments '' à échelle '' : le terme '' village '' est mal approprié, à Saint-Nazaire, que se soit dans les dénombrements seigneuriaux et dans les rapports des arpenteurs qui firent le cadastre de 1829, on nommait '' village '' le moindre hameau, qu'il y ait vingt maisons ou seulement trois.

     

    Voici le cadastre de 1829 à l'emplacement de l'étang du Bois Joalland :

    cadastre1.jpg

     

    Et maintenant voici la superposition avec une vue aérienne de l'étang, avec la zone inondée :

    carte 3.jpg

     

    On observe donc la présence d'une métairie nommée Les Bélaudais, et d'un village, Quelmer (Kermel), qui était le siège d'une ancienne métairie de la seigneurie du Bois Joalland.

     

    Sur le cadastre de 1829, on distingue donc une dizaine de bâtiments à usage agricole et d'habitations qui constituaient le village de Quelmer. Le plus long sur l'axe nord-sud, à droite, était la ferme médiévale, seul bâtiment partiellement en pierre, les autres  bâtiments étaient en torchis. En 1850 ces bâtiments abritaient 3 ménages, soit 14 personnes.

    bois-joalland,l'immaculée,soldats-américain,1917s

    Les Bélaudais (ou La Bellaudais), qui n'est pas sans rappeler le nom de La Bellotière, (aujourd'hui La Belle-Hautière). La racine en est la même, c'est le patronyme de la famille Belliote fort nombreuse à Saint-Nazaire, et qui laissa son nom à plusieurs lieux-dits où elle vivait et possédait des fermes.

    Une vue plus détaillée du secteur, et remontée d'après les feuilles des sections R2, E1, et D2, (la zone se trouve dans une zone de coupe entre ces sections), du cadastre de 1829, nous montre la présence de trois bâtiments et d'une croix à un carrefour :

    belaudais.jpg

     

    La métairie des Bélaudais existait encore quand les troupes étasuniennes arrivèrent à Saint-Nazaire le 26 juin 1917, mais que cela n'était tout au plus qu'une ferme partiellement en torchis et à toit de chaume.

     

    Les Etasuniens établirent leur Camp N°1 dans notre ville. Ils investirent des baraquements construits par des prisonniers allemands qui avaient été expédiés par Paris dans le but de remplacer les ouvriers bretons envoyés sur le front. Les Américains furent confrontés au problème redondant de l’alimentation en eau de Saint-Nazaire. L’afflux de soldats provoqua rapidement une pénurie. Le commandement décida la création d'un réservoir de 2.000.000m², sous la forme d'un lac artificiel, en inondant le vallon situé au cœur de l'ancienne seigneurie du Bois-Joalland. Ils chargèrent les soldats noirs et les prisonniers allemands de couper les arbres, de détruire les quelques maisons qui étaient présentes dans la zone à inonder, de construire une digue de barrage, et une route permettant de contourner l'étang. Cette route passa à l'emplacement du manoir du Bois-Joalland, et juste devant les maisons d'un hameau nommé La Cavarderie, qui se situait entre la route du château de Beauregard et la rue Charles Garnier, comme on peut le voir sur la superposition suivante :

    la cavar.jpg

     C'est ainsi que disparurent la ferme des Bélaudais, le village de Quelmer, et la ferme médiévale  dont le ruines étaient encore visibles durant l'hiver 1933-34 suite à un été de sécheresse qui avait presque vidé l'étang, que fut aussi détruit le manoir du Bois-Joalland, (dont il reste la ferme), et que furent constitués les étangs du Bois-Jolland, de Guindreff, et de La Belle-Hautière. L'ensemble de ses retenues d'eau furent achetées par la commune sur cote du Conseil municipal du 18 mars 1920, au moment du départ des troupes américaines.

     

    bois-joalland,l'immaculée,soldats-américain,1917s

     

    Les ruines de la ferme médiévale de Quelmer durant l'hiver 1933-34, suite à la sécheresse qui vida l'étang, photographie parue dans Le courrier de Saint-Nazaire du 28 janvier 1934.

     

    Mais L’Épine Blanche ? On la retrouve dans le second tome de l'histoire de Saint-Nazaire de Fernand Guériff, publié en 1963, il mentionne sa destruction par les américains, ainsi que celui d'un autre village qu'il nomme '' Pengat ''. Henri Moret, pourtant pas avare en détails, et qui était présent sur les lieux à l'époque de la construction, ne mentionne aucun hameau à cet endroit. En fait il y a deux choses qui se superposent dans la mémoire des personnes interrogées entre 1957 et 1963 par Guériff : la mémoire de la création de l'étang, et celle de la destruction du village de L’Immaculée durant la Seconde Guerre mondiale. L'Epine Blanche est le nom du coteau qui se trouve au sommet de la rue du château de Beauregard. Deux hypothèses sur l'origine du nom : la plus vraisemblable : la présence d'un important massif d'épines blanches. La seconde serait que le nom vient d'un cépage nommé en Ile-de-France épinette blanche, qui est en fait le pineau blanc, et remonte au temps où Saint-Nazaire était un pays de vignobles. Il semble en effet qu'il y avait à cet endroit des vignes, mais le cépage à Saint-Nazaire était le " Congor ", (pineau d'Aunis). [Modification du texte en date du 28 décembre 2016] Jusqu'à un courriel de monsieur P.L. en date du 27 novembre 2016, nous pension qu'il y avait confusion entre le nom du coteau et celui oublié du village de La Cavarderie, qui perdit son patronymique au profit de celui de L'Immaculée qui est en réalité celui de l'église et de la paroisse fondées sous le Second-Empire. Mais monsieur P.L. nous a fourni les preuves de l’existence d'un lieudit " L'Epine Blanche, à l’intersection de la route de Nantes au Croisic et de la route reliant la Villez-Thomas à Beauregard. " Ce lieu-dit, composé d’au moins deux maisons, était au nord du village de Quelmer, sur la section des Carrois. Son existence trop courte, située entre 1850 et 1918, fait qu'il n'a jamais été cartographié, et n'est mentionné que dans le décret d’expropriation définitif de novembre 1921.

    bois-joalland,l'immaculée,soldats-américain,1917s

    Cadastre de 1829, le X marque l'emplacement du hameau de L'Epine Blanche.

    [fin de la modification du texte en date du 28 décembre 2017]

    Et '' Pengat '' ? Hélas, si Guériff avait su, il ne l'aurait pas mentionné ! Ce '' Pengat '' qu'on pourrait croire breton, est la déformation de '' penga '' sans '' T '' finale, mot d'origine espagnole, qui en argot des soldats étasuniens de la Première-Guerre-mondiale désigne le sexe de l'homme, et par extension un lieu écarté où les hommes peuvent avoir entre eux un rapport sexuel, et à nouveau par extension où ils pouvaient avoir un rapport sexuel avec une femme... La création de l'étang et la présence d'un grand nombre de soldats alors que la majorité des hommes étaient au front avaient aiguisé les appétits, (il y eut entre juin 1917 et octobre 1920, 174 mariages entre Nazairiennes et soldats étasuniens). Il y avait autour de l'étang des bosquets, des prairies, des champs que plus personne ne cultivait faute de bras. Aussi, la zone était devenue un lieu de badinage, et de sexe à la hussarde. L'expression '' penga '' ayant une consonance bretonne, le mot fit long feu, sans que les Nazairiens n'en comprissent le sens. Les soldats stationnés à Saint-Nazaire, préféraient ainsi faire des rencontres sexuelles sur les rives de l'étang que de se rendre dans l'une des maisons closes du camp ou de la ville. Le souci fut qu'il y eut des débordements. Le secteur de l'étang était devenu un lieu de balade pour les curieux, plusieurs familles furent offusquées de ce qu'elles virent. Plus grave, la route reliant Saint-Nazaire à l'Immaculée, avait été détournée pour contourner l'étang, en logeant directement ses rives, et quelques jeunes femmes et jeunes hommes se trouvèrent harcelés par des soldats dont ils ne partageaient pas la langue. Les soldats demandaient '' Hey, wanna grab hold of my penga ? '', ('' Salut, tu veux t'occuper de ma b... ? ''), et les pauvres nazairiens pensaient qu'ils leur demandaient où étaient le lieu que les étasuniens nommaient Pengat. Plusieurs se risquèrent à faire les guides, et cela tourna mal. Au-delà du souci de langue, les intentions n'étaient pas toujours compréhensibles pour des jeunes-gens de 1917-1920 ignorant des choses de la chaire. Il y eut des agressions, des attouchements, des viols. Le haut-commandement étouffa les affaires, la presse locale finie par s'en faire l'écho au début de l'année 1920, à la suite d'une bagarre dans le bourg de l'Immaculée entre soldats alcoolisés et gens du voisinage. Les troupes étasuniens partirent en octobre 1920 et le calme revint.

     

  • Maisons et métairies nobles de Saint-Nazaire

    Nous avons déjà parlé de plusieurs fiefs, maisons et métairies nobles de Saint-Nazaire. L'histoire de certaines nous sont connues en détails, d'autres n'ont laissé que des mentions dans les actes notariés et paroissiaux. Voici quelques informations que nous avons pu glaner.



    Maison noble d'Armenjo :



    Hémery, famille noble: D'argent à trois chouettes de sable, becquées et membrées de gueules, accompagnée d'un annelet du même en abîme.

     

    I° Jan Hémery, seigneur de la maison noble d'Armanjo, (vivant en 1618), époux de Françoise Diron, dame d'Armanjo, d'où :

    1°Pétronille, baptisée le 26 mai 1599 ;

    2° Jacques, qui suit.

     

    II° Jacques Hémery, époux de Jacquotte de Boisbrassu, seigneur et dame de la maison noble d'Armanjo, d'où :

     

    1° Marguerite née entre le 14 et le 25 juillet 1638.

     

     

    Matz (du), Famille noble d'extraction chevaleresque maintenu à l'intendance en 1700 qui posséda les maisons nobles d'Armanjo, de Guindreff, et de Kerlédé (voyez ces articles) : D'argent frété de gueules ; au chef échiqueté d'or et d'azur.

     

     

    I° Denys-Guillaume du Matz de Keranvay, seigneur de La Drouillay, et de la maison noble d'Armanjo pour laquelle il servit l'aveu en 1709, époux de Perrine Paquet. Il la vendit à Jacques Hégo.

     

    Hégo, famille de laboureurs

     

    I° Jacques Hégo, mort avant 1747, seigneur de la maison noble d'Armanjot, père de :

    II° Elisabeth Hégo, dame de la maison noble d'Armanjot en 1747, décédée en 1748, épouse de Pierre Bonneau, capitaine de navires.

     

    En 1850 le domaine d'Armanjot était propriété de la famille Morel.



     

    Maison noble d'Avalix

     

     

    Chotard, famille de la bourgeoisie de la paroisse de Donges : D'or à la croix ancrée de sable.



    I° Pierre Chotard rendit aveu à Gabriel de Goulaine au nom des enfants mineur du sieur d'Avalix en 1638.

     

    La maison noble d'Avalix se nomme en fait manoir du Pez, elle est devenue bien des viconte de Saint-Nazaire en 1709. Fortement modifiée à la fin du 19e siècle, c'est aujourd'hui la maison située au 77 boulevard Jean de Neyman.

     

    Maison noble du Lin (ou Lain)

     

     

    I° Jean Le Baud, sieur du Lain, époux d'Anne de la Chenaye, aveux du 2 février 1647.

     

    Située au niveaux de la rue de L'Ile du Lin, le domaine était propriété de la famille de Kermasson en 1850, il comportait alors un manoir.

     

     

    Métairie de La Ville-ès-Molle : Terre franche constituée en faveur de 1484 en faveur de Pierre Mole. Par la suite le domaine devient hameau.

     

     

    Métairie de Grandpré



    I° Charles Bernard, (1650-1700), sieur de Grandpré, notaire royale à Saint-Nazaire, époux de Madeleine Belliotte, (1645-1735), d'où :

    II° Renée Bernard, (Saint-Nazaire 1684 - Saint-Nazaire 1735), sieur de Grandpré,, mariée le 23 janvier 1720 à Saint-Nazaire avec Ambroise Lorieux, sieur de La Mainguisserye, seigneur de Tréballe, (voyez le chapitre sur cette seigneurie)



    Fief d'Issignac, aujourd'hui Dissignac.



    I° David Belliote, décédé à Montoir-de-Bretagne le 13 décembre 1680, inhumé dans le cœur de l'église ; greffier de la vicomté de Donges.

     

     

    Fief de La Ville-Halluard, dit aussi de La Vieille-Ville.

     

    I° ?? Hemery, écuyer, sieur de La Vieille-Ville, époux de Claude Tavat, d'où :

     

    1° Françoise, baptisée le 9 juillet 1609 à Saint-Nazaire.



  • La Belle-Hautière

    La Bellotière, ou Blotière, orthographié depuis 1829 '' La Belle-Hautière '', était un village tenu en fief noble qui appartenait Jégo, famille guérandaise qui fut anoblie en 1460, mais qui est tombée en roture après la réformation de 1513.



    Jégo de La Fleuriays : D'argent à trois chevrons de gueules besantés d'or.

     

     

    I° François Jégo de La Fleuriays, sieur de La Bellotière, inhumé en la chapelle du Rosaire de l'église de Saint-Nazaire le 15 octobre 1704 ; avocat au parlement, sénéchal seul juge de la vicomté de Saint-Nazaire et de la baronnie de Marcein, par achat de la charge de Jean Coquard en 1672, puis de celle de Guillaumes des ailleurs en 1686, et greffe de la baronnie de Marcein par achat en 1690, époux de Jeanne Bertho, d'où :

    1° Jan-François, (Saint-Nazaire le 15 octobre 1671 - baptisé à Guérande le 22 octobre 1671 – 13 décembre 1674 Saint-Nazaire) ;

    2° Perrinne, baptisée à Saint-Nazaire le 16 février 1676, mariée à Saint-Nazaire le 5 septembre 1701 avec Jacques Thomas, sieur de Trémondu ;

    3° Francois, (Saint-Nazaire le 18 septembre 1677 – 15 octobre 1707 Saint-Nazaire) ;

    4° une fille, baptisée à Saint-Nzaire le 18 décembre 1679 :

    5° Jan, né à Saint-Nazaire le 25 janvier 1682

    6° René, (Saint-Nazaire 3 septembre 1684 - 16 décembre 1684) ;

    7° René, qui suit ;

    7° André, (Saint-Nazaire 28 octobre 1686 – 14 octobre 1705 Saint-Nazaire) ;

    8° Pierre, né et baptisé à Saint-Nazaire le 22 septembre 1691

    9° Janne, (Saint-Nazaire 2 décembre 1695 – 12 mai 1743 Saint-Nazaire), mariée à Saint-nazaire, après dispense du 3e degré de parenté, le 3 novembre 1710 avec Joseph Belliotte, né le 28 février 1714, sieur de La Ville-Allain,puis seigneur de Heinlex-Pommeraye, conseiller du Roi, commissaire vérificateur des fourrages au département de Guérande, avocat à la Cour, procureur du Roi à Guérande en 1742, procureur fiscale puis sénéchal de la vicomté de Donges.



    II° René Jégo, sieur de La Bellotière, époux de Jeanne Jégo, d'où :

    1° Jeanne, (Saint-Nazaire le 30 avril 1713 – 2 décembre 1713 Saint-Nazaire) ;



     

     

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    Cadastre de 1829

  • Frais de voyage du prince Jérôme Bonaparte, de Saint-Nazaire à Nantes.

     Le 7 août 1852, le prince Jérôme Bonaparte, (1784-1860), prince de Montfort, ex-roi de Westphalie, plus jeune-frère de Napoléon Ier, et oncle de Napoléon III, débarqua à Saint-Nazaire. La visite d'un si haut personnage du régime alors en place engendra des dépenses que le préfet de la Loire-Inférieure eut quelque mal à se faire rembourser :

     

     

     

    Lettre de M. de Mentque, préfet de la Loire-Inférieure, au ministère de l'Intérieur.

     

     

    Nantes, août 1852.

     

    MONSIEUR LE MINISTRE,

     

    A la date du 6 août, j'ai reçu de Votre Excellence une dépêche télégraphique ainsi conçue :

     

    '' Le Prince Jérôme arrive, selon toute probabilité, demain samedi, 7 courant, à Saint-Nazaire. Veuillez prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour assurer convenablement le transport de Son Altesse et de sa suite de Saint-Nazaire à Nantes. Mon département se chargera des frais. ''

     

    Par une autre dépêche, Votre Excellence me recommandait de recevoir S.A. le Prince Jérôme avec tout l'éclat dû à son rang.

    Je pris mes dispositions ; un bateau à vapeur fut frété à prix débattu. Je fis marcher avec un restaurateur pour que le Prince et sa suite trouvassent à bord un dîner convenable.

    Désirant que la présence du Prince fût environnée d'un certain éclat, comme vous l'aviez ordonné, j'ai fait un arrangement avec un chef d'orchestre pour que vingt musiciens fussent placés sur le bateau; enfin, j'ai fait élever des arcs de triomphe sur plusieurs points.

    Le total de ces dépenses, faites uniquement pour le voyage du Prince, de Saint-Nazaire à Nantes, s'est élevé à la somme de 1,828 francs, que j'ai soldée aux différents fournisseurs.

     

    J'ose espérer, Monsieur le Ministre, que vous voudrez bien m'en faire tenir le montant.

     

    Ci-joint les quittances, sauf celles relatives aux arcs de triomphe, qui se répartissent sur un trop grand nombre d'individus.

     

    Je suis avec un profond respect, Monsieur le Ministre, de Votre Excellence le très-humble et très-obéissant serviteur.

     

    Le Préfet de la Loire-Inférieure,

    E. DE MENTQUE.

     

     

    P. S. Votre Excellence voudra bien remarquer qu'il ne s'agit ici que des dépenses du voyage du Prince, de Saint-Nazaire à Nantes, selon les prescriptions de la dépêche télégraphique. Quant à la réception qui a eu lieu à la préfecture, il ne peut question ici ; c'est un grand honneur, dont je resterai toujours profondément reconnaissant.

     

     

     

     

    État des dépenses du voyage de S. A. le Prince Jérôme, de Saint-Nazaire à Nantes.

    (En exécution de la dépêche télégraphique du Ministre de l'Intérieur, du 6 août 1832.).

    Location d'un bateau à vapeur

    500 fr

    Ornementation de ce bateau par le tapissier .

    125 fr.

    Orchestre sur le bateau

    0,58 fr.

    Au maître de poste de Guérande, pour chevaux conservés pour le Prince

    51 fr.

    Au sous-préfet de Paimboeuf, chargé d'une mission pour le Prince, déboursés en frais de poste

    87 fr.

    Plusieurs arcs de triomphe élevés sur les deux rives du fleuve.

    555 fr.

    Repas de vingt personnes, à bord du bateau à vapeur, pour le Prince et sa suite

    550 fr.

    Total

    1.828 fr.

     

     

    jeromexo5.jpg

    Le prince Jérôme vers 1860