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  • Tombe des Mort pour la France

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    L’approche de la Toussaint et de l’Armistice dans une commune labélisée « Ville et Pays d'art et d'histoire », amènent plusieurs d’entre nous à s’interroger sur les nombreuses sépultures des soldats mort pour la France durant la Première guerre mondiale se trouvant dans les différents cimetières nazairiens.

     

    Il existe trois types de tombes :

    Le premier type est celui des tombes familiales où furent ramenés les corps des soldats durant les différentes campagnes de rapatriement échelonnées entre 1920 et 1926. Ces sépultures sont privées, leur entretien dépend des familles concessionnaires ; elles sont susceptibles d’être reprises par la Ville en cas d’abandon manifeste, situation hélas majoritaires, la mort du soldat en question ayant souvent provoqué la fin de la lignée. Si ces tombes sont susceptibles d’être reprises, la Loi stipule cependant que le corps doit être objet d’une mise en reliquaire qui doit ensuite être déposé dans un ossuaire réservé aux morts pour la France. La Ville de Saint-Nazaire ne possédant pas un tel ossuaire, elle préfère pour l’heure ne pas procéder à des reprises quand un défunt est indiqué « Mort pour la France ».

     

    Le second type est celui des sépultures de ramenés inhumés sur terrain de concession de l’État, c’est-à-dire en carré militaire. Dans certains cas ces sépultures sont devenues les caveaux des épouses et des enfants du défunt. Si le monument a été financé par la famille, l’entretien relève de la Ville de Saint-Nazaire, suivant une convention avec l’État.

     

    Le troisième type est celui des militaires morts pour la France sur le territoire communal. Saint-Nazaire ne fut pas durant la Première Guerre mondiale, théâtre de combats, mais certains soldats chargés de travaux pour les corps d’armée ont été victimes d’accidents (exemple Constant Gouraud, un Vendéen qui se noya durant une manœuvre ; Apollon Théodore Cambrone, Guadeloupéen noyé à 19 ans durant le naufrage de la Champagne le 28 mai 1915 ; ou encore Tohami ben Larbi ben Bedaar, l’un des cent Algériens employés sur les voies ferrées dans les manœuvres et entretiens des trains sanitaires, qui décéda écrasé…) ; la majorité des soldats morts à Saint-Nazaire le furent cependant de maladie (tuberculose et pneumonie) ou de leurs blessures (tel Ben Allar Ammar ben Ahmed ben Rabah, héros d’Ypres et Dixmude dont les derniers jours furent mentionnés par la femme de lettres nazairienne Marc Hélys). Ces tombes figurées par des croix, des stèles musulmanes et juives relèvent de l’État et leur entretien est confié à la Ville. Elles sont au demeurant mélangées avec des sépultures de soldats allemands, prisonniers déportés à Saint-Nazaire qui sont sous la responsabilité elles aussi de la Ville. Seules les sépultures des soldats de l’Empire britannique sont l’objet d’un entretien sous la responsabilité du consulat, ce qui se voit immédiatement, tant elle tranche par leur propreté et l’aspect paysagé et fleuri de leur carré. Les visiteurs sont en effet surpris négativement quand ils voient la situation du carré militaire de Toutes Aides où plusieurs croix et stèles ont perdu leur plaque identifiant le défunt, et presque toutes se désagrègent lentement en raison d’un choix de matériaux malheureux. Cette situation heureusement ne va pas perdurer, et il sera procédé à moyen terme aux corrections des mentions inexactes, comme les erreurs de prénoms, de quantièmes (fréquent pour les jours), ou d’orthographe patronymique (Bouchaut faussement Bouchaud).

     

     

    Enfin, concernant la sépulture de Jean de Neyman dont vous êtes plusieurs à vous émouvoir, elle relève de la responsabilité de sa famille.

  • Tonton Jacques, le Sous des Ecoles

    Mon arrière-grand-père employa jusqu’à sa mort un jardinier prénommé Firmin, né entre 1895 et 1897, victime d’une maladie contractée à 15 ans avait nui au développement cérébral. C’était, selon la formule nazairienne « un simple ». Je m’en souviens comme un homme voûté, perclus de douleurs, ridé jusqu’au bout des doigts, et me faisait l’image d’un vieux cep de vigne à qui une fée aurait permis de se mouvoir, dont le visage s’illumina un soir parce que je lui avais offert un lapin en peluche avec un œuf en chocolat à Pâques. L’annonce du Christ ressuscité avaient eux moins d’effet que la vision de l’animal en peluche.

    A la fin de sa vie, Firmin était presque sans revenu, et ne pouvait plus faire grands mouvements. Il avait charge de faire des boutures, et le soir, il venait fermer les persiennes et les volets, poussant en gémissant les lourds venteaux qui grinçaient moins que lui. Après ce travail, il allait à la cuisine, en traînant ses savates à semelle de corde, et prenait le repas qui lui était réservé, sous le regard des employés de la maisonnée qui espéraient ne jamais finir comme lui.

    Je narre au lecteur une histoire d’un autre siècle, le 20e, où évoluaient encore des personnes du 19e. Firmin, né durant la Belle Époque, n’en avait pas connu les beautés et les facilités réservées à un autre milieu social. Il était le témoin d’un temps révolu, dans sa zone la plus sombre. Firmin était issu d’un milieu défavorisé, qui croupissait dans le Saint-Nazaire d’autrefois, aux abords de Méan. Ses récits d’enfance faisaient penser que les mésaventures de Causette chez les Thénardier étaient une semaine aux Club Mickey. Mais de cette accumulation de drames qu’avaient été ses premières années, il y avait eu une lumière quand il avait 8 ans : Tonton Jacques lui avait offert son premier pantalon.

     

    Tonton Jacques :

     

    Jacques Jollinier, surnommé Tonton Jacques, est né à Coulonge sur Lautize, dans les Deux-Sèvres, le 21 avril 1831. Son père, Etienne Nicolas Jollinier (1804-1854), était journalier dans le textile, sa mère, Suzanne Dupont (née en 1806), avait la même activité. Le couple eut plusieurs enfants, dont seuls Jacques et sa plus jeune sœur, Rose (née en 1837), atteignirent l’âge adulte. Suzanne décéda le 13 mai 1838, laissant désemparer Jacques qui avait 7 ans.

     

     

     

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    Acte de naissance de Jacques

     

    Etienne se remaria le 6 février 1839, avec Henriette Virginie Bourreau, née en 1811, qui lui donna plusieurs enfants, dont trois atteignirent l’âge adulte. Ce second mariage s’accompagna d’une dot qui lui permit de fonder un débit de boisson, dont il consomma avec son épouse une partie du stock.

     

    Jacques connut la misère durant son enfance, et subit une marâtre dont le patronyme traduisait l’esprit. Il en garda un dégoût total des femmes et de l’alcool.

    Entré au service d’un forgeron comme apprenti, Jacques Jollinier s’établit à Saint-Nazaire vers 1860, alors que la cité était un vaste chantier. Ouvrier forgeron, il fut victime d’un accident qui fit qu’on l’amputa d’une jambe. L’un des médecins de l’hôpital intercéda pour qu’on lui donne une place d’aide-cuisinier qu’il pouvait accomplir assis.

     

    Un jour, l’un de ses voisins tomba gravement malade. Condamné, il laissait sept enfants que Jacques adopta et qui devinrent « d’honnêtes ouvriers »[1].

     

    Confronté à la pauvreté de nombre d’écoliers, il décida de fonder en juin 1892 une société philanthropique, Le Sou des écoles, qui avait pour but de fournir aux enfants nécessiteux des sabots et des vêtements. Son œuvre de charité fut efficace en quelques mois, si bien que, le 27 décembre 1892, croisant un groupe  de trente-trois enfants de Méan à qui avaient été distribuer de quoi se chausser et se vêtir, ceux-ci l’acclamèrent, le laissant profondément ému.

     

    En mai 1893, Florent Louis Fouchereau, (né en 1864), comme lui originaire des Deux-Sèvres, alors premier garçon de La Compagnie Générale Transatlantique à bord de L’Amérique, fit des quêtes durant les bals durant les traversées[2].

     

    Il fut reproché à Jacques de ne pas avoir l’étoffe pour porter la charge dont il s’était chargé, reproche au combien nazairien quand on a le tort de briller plus que la bourgeoisie en place qui s’y partage le pouvoir. Aussi fut-il contraint d’abandonner en 1895 la présidence du Sou des Écoles à Gustave Gustave Lusseaud, négociant en sabots et chaussures place Marceau (futur maire de Saint-Brévin de 1905 à 1908, quoiqu’il n’y vivait pas à l’année !), secondé par le chaudronnier-contremaître Alfred Marie Cadiot (Indre 24 août 1844 - Saint-Nazaire 20 mai 1916). Ces messieurs consentirent cependant à lui accorder la fonction de président d’honneur.

     

    En aout 1896 ; la société faisait état d’aide porté à 620 enfants de maternelle et de primaire, suivant les détails suivants :

    Nombre d'enfants secourus : Écoles de filles, 189 ; écoles de garçons, 303 ; écoles maternelles, 128. Total : 620.

    A ces 630 petits déshérités, il a été distribué : Chaussures. 86 paires de sabots (garçons) ; 126 paires de sabots (filles). – Total : 212, ainsi que 123 paires de chaussons.

    Vêtements (filles). 84 camisoles, 56 jupons, 55 chemises, 48 sarraus, 52 paires de

    Vêtements (garçons). 99 pantalons, 144 tricots, 66 chemises, 49 sarraus, 32 paires de bas.

    Coiffures, don de Monsieur Delzieux, négocient :  96 chapeaux et casquettes (garçons) ; (garçons); 66 chapeaux et toques (filles); 42 bérets (garçons et filles). Total : 204.

    Exposé de la situation financière :  Le trésorier donne ensuite lecture de l'exposé suivant de la situation financière : Total des recettes, 2,398 fr. 85 ; total des dépenses, 1,305 fr. 30. Excédent des recettes sur les dépenses, 1,093 fr. 55. A ajouter 40 costumes complets (don de Monsieur Constant Joly possesseur du plus grand magasin de la ville), évalués au minimum, 300 fr. Vêtements en magasin évalués 42 fr. Actif total de la Société au 24 juillet 1896, 1,435 fr. 55.[3]

     

    En mai 1906, Jacques ne fut plus en capacité de vivre seul. Il entra à l’Hospice de Saint-Nazaire. C’est-là que le 19 mai 1906, il reçut la visite du vice-président de l’œuvre, Alfred Marie Cadiot, (le président, Gustave Lusseaud, s’étant fait excuser), entour d’enfants, pour lui remettre une médiale en argent, qui figurait d’un côté une crèche, et de l’autre une inscription à sa gloire.

    Un garçonnet, du nom de Raguideau, fut chargé de lui réciter un compliment au nom des Nazairiens. Jacques en fut fort ému. Il répondit « n’avoir jamais fait le bien pour en être récompensé»[4].

     

    Le bien ne fait jamais de bruit, et c’est dans le silence que Jacques rendit son âme, le 22 mai 1909, à 2 heures 30, à l’Hospice de Saint-Nazaire.

     

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    Acte de décès de Jacques.

     

    Son enterrement eut lieu le 24 mai 1909, en présence d’une foule nombreuse. Les cordons du poêle étaient tenus par le sous-préfet de Saint-Nazaire Adrien Martineau, le maire conseiller général de Saint Nazaire Etienne Lechat, le docteur Bachelot-Villeneuve (beau-père du romancier d’Alphonse van Bredenbeck de Châteaubriant), et par Gustave Lusseaud.[5]

     

    Il repose au cimetière de Toutes Aides, dans une sépulture au monument élevé par souscription.

     

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    [1] Le Phare de la Loire du 25 mai 1909.

    [2] Avenir de l’arrondissement de Saint-Nazaire du 7 mai 1893. Arrivé à Saint-Nazaire en février 1888, il quitta son emploi en 1905 et s’établit à Douarnenez.

    [3] Le Phare de la Loire du 3 août 1896.

    [4] Le Phare de la Loire du 20 mai 1906.

    [5] Le Phare de la Loire du 25 mai 1909.