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  • Un explorateur à Saint-Nazaire

    - Allons saluer l’Explorateur !

    C’était immuable. Dès que nous passion dans la rue de La Paix, nous allions au cimetière de La Briandais nous recueillir sur la tombe de l’explorateur.

    L’explorateur, c’est Marie-Théophile Griffon du Bellay. Quand j’étais enfant, plus personne à Saint-Nazaire ne se souvenait de lui, sauf mon arrière-grand-père, né en 1891. Il l’avait connu, vieillard magnifique, toujours droit, et infatigable curieux.

     

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    Marie-Théophile Griffon du Bellay, portrait par Emile Furst, Nantes, 1883,

    (Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG PORTRAIT-1239)

     

    Issu d’une famille de Saint Jean d’Angély anoblie en 1441[1], il était né le 14 août 1829 à Rochefort, fil de Joseph-Jean-Baptiste-Alexandre Griffon du Bellay, (1788-1862), l’un des quinze rescapés du radeau de la Méduse qui avait survécu en pratiquant le régime anthropophagique cru, (ça n’a pas mauvais gout en fait), survivance qui lui a valu en 1831 La Légion d’Honneur, et de Marie Elisabeth Claire de Nesnomd.

     

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    Docteur en médecine, diplômé de la faculté de Montpellier, il entra dans les services de santé de la marine en 1834, devint officier de santé de 3ème classe le 1er décembre 1849, fut promu 2ème classe le 18 septembre 1853, puis 1ère classe le 25 mai 1861, il partit alors voir le banc d'Arguin où son père avait goûté de l’homme blanc, avant longé les côtes de Mauritanie, dépassé le Sénégal où son père avait vécu après son naufrage, traversa le Golfe de Guinée pour stationner entre les deux rives de l’Estuaire du Gabon à bord de l'hôpital flottant La Caravane.

    Il n’y avait alors sur la côte qu’un comptoir colonial, et Libreville n’était qu’un village fondé en 1849 par les Français et des esclaves libérés lors de la pris d’un navire négrier brésilien nommé l'Elizia.

    En juillet 1862, en compagnie de Paul Augustin Serval, (1832-1886), il alla explorer la basse vallée de l'Ogooué, douze ans avant Pierre Savorgnan de Brazza.

    Leur embarcation s’échoua dans le delta du fleuve. Ils décidèrent alors de poursuivre en pirogue. Mais la baisse des eaux et l'hostilité des tribus, dont celle des Pahouins, qui pratiquaient l’anthropophagie bien cuite et la libation rituelle en boîte crânienne, les deux européens furent contraints de faire demi-tour.

    En décembre suivant, ils décidèrent de remonter depuis l’Estuaire du Gabon le fleuve Rempolé, mais Marie-Théophile tomba malade et laissa Serval poursuivre seul et avec difficulté jusqu'au territoire des Enengas.

    Marie-Théophile rapporta de ses explorations un grand nombre d’observations géographiques et ethniques, observa la flore, étudia les légumineux, les connaraceae dont l’une des espèces découvertes par lui fut nommé Manotes Griffoniana, constitua un herbier fameux qui figura à l’Exposition Universelle de 1878, collecta des échantillons de racines d'Iboga dont il étudia les caractéristiques comme excitant du système nerveux et fut le premier à décrit la maladie du sommeil.

    Promu médecin principal de la Marine et chef du service de Santé de La Guadeloupe, il fut reçu chevalier de la Légion d'honneur le 13 août 1863 en raison de 20 ans de services effectifs, dont 10 en mer et aux colonies. Il fut élève au grade d’officier de l’Ordre de La Légion d’Honneur le 25 décembre 1869.

     

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    Signature en 1876.

    À la Guadeloupe il fit connaissance de Laurence-Joséphine-Valentine Monguy, (Fort-de-France 18 août 1847 - Saint-Nazaire en décembre 1931, inhumée au cimetière de La Briandais), fille de Clovis-Élis-Théobald Monguy, propriétaire à Saint-Pierre, et de Marie-Joséphine-Amélie Pinel-Rochu. Le couple s’établit à Basse-Terre. Il voyagea ensuite dans le Pacifique, jusqu'à Tahiti, où la reine Pōmare IV lui offrit l'une de ses robes, dont il fit don en 1902 au musée de Saint-Nazaire, accompagnée d'une lettre de la souveraine.

    En 1875 il partit vivre avec sa famille à Saint-Louis du Sénégal.

    Promu en février 1878 directeur des services de Santé à Saint-Nazaire et officier de l'Instruction publique, Marie-Théophile s’installa avec sa famille rue de Villès-Martin. C’est à cette adresse que Bon-bon-papa le connut, au milieu de sa collection de fétiches et de masques africains, dans un mobilier Restauration d’acajou hérité du père cannibale malgré lui, dont le portrait trônait au-dessus de la cheminée. C’est dans ce cabinet de curiosités qu’il recevait, souriant, Bon-bon-papa, et lui comptait ses voyages, lui décrivait les femmes Mpongwées aux seins nus sur lesquels se balançaient des colliers de perles ; le commerce de l’ébène, de l’ivoire, et du caoutchouc ; les rois Denis et Louis qui se partageaient les rives de l’Estuaire du Gabon avant de livrer leurs royaumes contre des uniformes de dompteur de cirque et des couronnes de fer doré ; la Montagne Pelée qui avait fini par ravager Saint-Pierre et envoyé par le fond tous les navires qui stationnaient dans la rade[2]

    Le médecin explorateur était encore actif, en plus de ses fonctions, il cultivait son herbier, rédigeait des mémoires, dissertait dans des revues à propos des fièvres et des côtes africaines, classait l’importante correspondance qu’il avait eu avec Louis Pasteur. Son épouse, plus jeune que lui de presque un quart de siècle, veillait sur lui. Elle était belle, avait gardé de sa Guadeloupe natale un accent charmant et le goût du sucré, (prenez une pâte de fruit). Leur plus jeune fille, Simone, avait trois ans de plus que Bon-bon-papa, et avait un minois charmant, mais, gâtée par sa mère, elle avait aussi un mauvais caractère. De leurs quatre enfants[3], la préférée de Marie-Théophile était Claire, qui ressemblait à une statue d’Athéna. Elle avait épousé 29 septembre 1900 à Saint-Nazaire, Louis-Auguste Laroque, né à Nantes le 10 décembre 1872, avocat et docteur en droit, nommé juge suppléant en mars 1898 à Vannes, et en novembre suivant à Saint-Nazaire, et déplacé à Nantes avant son mariage[4]. Le départ de Claire pour Nantes avait profondément contrarié Marie-Théophile, mais il y avait le train, et madame Laroque venait avec ses jumelles et leur nourrice tous les dimanches, (Papa il n’était utile de venir nous retrouver à la gare – Mais si, mais si ! Bonjour les petites !). Pierre Waldeck-Rousseau fit devenir Larocque substitut du procureur de Nantes en 1900, et lui obtint la place de secrétaire particulier du ministre des affaires étrangères, Théophile Delcassé. Il fut muté à Saint-Brieuc, et presque aussitôt à Saint-Malo en juillet 1904, éloignant plus encore de son père la fille chérie. La chose s’empira octobre suivant par nomination au tribunal de première instance de Foix[5]… Claire resta à Nantes, il était hors de question parti si loin. Marie-Théophile en fut soulagé.

    Le maire de Saint-Nazaire, Jean-Baptiste Lechat, lui confia en 1902 le projet de la section ethnographique du musée qu'il projetait de fonder. La Marine, elle, décida qu’après avoir fait 30 ans, 5 mois et 17 jours de services, il était temps de mettre Marie-Théophile en retraite, avec 2.566 francs de pensions. Il n'en fut pas content, mais s'y fit.

    La vie était douce… Hélas Claire décéda à l’âge de 33 ans le 21 février 1908. Marie-Théophile en fut brisé, et quand en novembre suivant on lui annonça que l'une des jumelles, elle aussi prénommée Claire, était atteinte d’une maladie incurable, son cœur ne le supporta pas. Il décéda le 10 novembre 1908 à Saint-Nazaire, dans sa demeure du 57 rue Villès-Martin. Sa petite-fille Claire décéda le 29 novembre. Elle fut inhumée avec sa mère et son grand-père au cimetière de La Briandais.

     

     

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    Bibliographie partielle :

    • Essai sur le Tétanos, 1856
    • Exploration du fleuve Ogo-Way, côte occidentale d'Afrique (juillet-août 1862), dans la Revue maritime et coloniale, 1863, p. 68-89 et 296-309
    • Lettre sur l'Ogooué, Bulletin de la Société de Géographie, 1864, p. 462
    • Le Gabon, dans Le Tour du monde II, 1865, p. 273-379
    • Exposition universelle de Paris en 1878. Notice sur la situation actuelle de la marine en Algérie comparée à celle de différentes époques depuis la conquête. Imprimerie de l’Association ouvrière V. Aillaud et C°, Algers, 1878
    • La fièvre jaune aux Antilles en 1881 et le Choléra d’Égypte en 1883, Mellinet, Nantes, 1884.

     

     

     

     

    [1] Elle porte : d'azur au griffon d'or.

     

    [2] Le Belem, ne pouvant stationner dans la rade qui était encombrée, échappa ainsi à la nuée ardente qui envoya par le fond tous les navires présents.

     

    [3]  1° Marie-Élie-Gabriel, (Basse-Terre 24 juillet 1872 – Paris 29 décembre 1957), Officier de la Légion d'honneur, licencié en droit, qui finit sa carrière inspecteur général des Finances et fut chef du service interallié de la Commission des réparation 1921-25, marier le 12 novembre 1906 à Paris avec Denise Germaine Simone Reynoird, (1883-1975), d’où trois fils ;

    2° Joséphine-Marie-Claire (Pointe-à-Pitre 22 octobre 1874 – Nantes 21 février 1908), épouse de Louis Auguste Larocque, d’où : Claire, (1901 - 29 novembre 1908), et Lise (Saint-Malo 3 novembre 1901 - Dôle 22 janvier 1996), mariée avec Michel Adam, d’où postérité ;

    3° Marie-Joséphine-Louise, (Saint-Louis du Sénégal 22 octobre 1877 - Dijon 1948), Religieuse chez les Dames Dominicaines de Dijon ;

    4° Valentine-Marie-Simone (Saint-Nazaire 25 février 1887 - Sainte-Reine de Bretagne 16 janvier 1978), mariée le 2 octobre 1920 avec Laurent Cuzon du Rest, (Nantes 21 août 1874 - Nantes 27 mars 1949).

     

    [4] Il était fils de Louis-Eugene Larocque, inspecteur d’Académie, directeur de la station de météorologie de Nantes, chevalier de la Légion d’Honneur en décembre 1900, et de Marie-Louise Deguit.

     

    [5] Il devint ensuite procureur de la République auprès du tribunal de Nantes le 24 mai 1924, puis procureur général auprès de la Cour d’appel de Caen le 10 décembre 1939, demanda la retraite à partir du 31 décembre 1940, et fut nommé premier-président honoraire.