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  • Saint-Nazaire 1943-1945 vu des états civils

    Saint-Nazaire, occupation, 1943-1945

    Acte de décès de Messaoud Belhir assassiné par l'occupant - 9 janvier 1945

     

    Dès mars 1943, 48 000 Nazairiens sont évacués peu à peu de la ville bombardée (les civils tués dans les bombardements des 28 février et 22 mars 1943 ont été déclarés « Mort pour la France »). A l’été 1943 il est dénombré 15 000 personnes présentent en ville le jour, dont 6000 demeurent la nuit, que ce soient dans la périphérie du centre-ville en ruines, à Méans ou dans la campagne où quelques fermiers maintenus avec leurs familles dans les fermes, dont les produits furent requestionnés par l’occupant, à l’exception de la Villa Nutshell à Saint-Marc qui est la succursale d’une maison close de Nantes, dont le propriétaire était un mafieux corse qui s’est fait incendié la voiture au printemps 1939 à La Baule (nous reparlerons de cet individu et de son commerce dans un prochain article sur la prostitution à Saint-Nazaire).

    Ajoutons que les habitants des maisons en bord d’estuaires ont été délogés dès le début de l’occupation par le haut commandement allemand pour faire place à ses troupes.

    Durant l’hiver 1943-1944, une soixantaine de personnes vécurent en permanence dans le centre-ville, et il faut en ajouter plusieurs centaines d’autres réparties surtout à Méan.

    Qui sont ces personnes ? On s’aperçoit à la lecture des registres d’état civil de 1943-44-45, que ce sont quelques pompiers et gardiens de la paix avec femmes et parfois enfants (comme le brigadier-chef René Nonsom à Villès-Martin), des agents municipaux, le maire Pierre Toscer[1] (avenue Ferdinand de Lesseps) et quelques agents municipaux, des membres du clergé rassemblés à la maison des religieuses de Saint Marc (centre pour fillettes pulmonaires depuis détruit), des personnes âgées isolées, telle Anna Moreau, veuve Auray, 26 rue de Plaisance qui passa la guerre chez elle et décéda le 20 août 1845 à l’âge de 70 ans). Citons parmi les Méanais Rosa Desmas, veuve de guerre tenant le bar-tabac devant l’église Saint-Joseph, avait refusé d’évacuer et tient tête aux Allemands, une femme admirable dont les plus de 80 ans se souviennent encore). Et puis il y avait des gens employés de gré ou de force par l’occupant : des ouvriers de chantier naval, des manœuvres, des cuisiniers et des femmes de ménage.

    Nous avons évoqué les prostituées. Il en y eut un certain nombre de contraintes par leur proxénète à rester à Saint-Marc, mais aussi des femmes établies avec des soldats allemands.

    Une légende raconte depuis la Libération que l’occupant avait pour habitude de déposer des cadavres de civil devant la mairie provisoire qui avait été établie rue Villebois-Mareuil, et que les cadavres étaient ensuite entreposés dans une morgue improvisée dans un garage plus loin. Les registres confirment que c’est une légende urbaine.

     

    Il n’y a pas de naissance enregistrée sur le territoire communal après juin 1943, mais l’on constate que les agents municipaux procédèrent à plusieurs dizaines de reconnaissance et légitimations, ainsi qu’à la retranscription d’un acte d’adoption. Les personnes concernées étant pour la plupart vivantes à cette date, nous ne pouvons donner plus de détails. On constate aussi la retranscription de nombreux jugements de divorce.

     

    Les actes ayant moins de 100 ans, nous nous limitons à étudier les actes de décès. Entre les retranscriptions d’acte concernant des Nazairiens morts loin de leur domicile, on trouve une série d’actes concernant des personnes décédées sur place, vivantes dans la ville en ruines ou venant y travailler pour l’occupant :

    Marie Chalony, femme de ménage, âgée de 70 ans, chez elle, route de Pornichet, le 16 novembre 1943 ; un sujet danois vivant à Saint — Joachin, Valdemir Kristian Andersen, employé comme scaphandrier, qui se noya dans l’entrée du port le 31 octobre 1943 ; des exécutés par l’occupant : Messaoud Belhir (inscrit avec inversion du prénom et du patronyme) le 9 janvier 1945, marocain âgé de 35 ans, domicilié à Pornichet, mais dont le cadavre fut retrouvé par un policier au lieu-dit Trégouët (à l’est de l’étant du Boisjoalland) ; Henri Mahé, retrouvé rue du Palais, partie alors totalement détruite, âgé de 22 ans, qui habitait au Grand Marsac, qui fut retrouvé par « un inspecteur de l’hygiène ». Avec la Libération, on s’aperçoit que la vie est maintenue dans les quartiers périphériques au centre-ville et quelle se mêle aux prisonniers allemands qui sont logés au Camp Franco de Montoire : Heinrich Harders, constructeur de navires, natif de Selles, 55 ans, est déclaré mort à la Ville au Sable le 5 juillet 1945, c’est à dire au Jardin des Plantes, or, le concernant, nous avons le témoignage d’une Nazairienne, Madame Le Breton, alors enfant, qui en vit le cadavre devant les grilles du jardin : il fut exécuté par les Français. Il fut aussi découvert deux cadavres de prisonnier allemand flottants dans le bassin de Penhoët le 7 juillet 1945 :    Alfred Wolf et Hans Eversmann, dont les décès remonteraient « au 10 avril 1945 ». Un peu plus loin, un prisonnier ayant tenté de s’enfuir le 5 juillet 1945, Fréderick Bicker, fut retrouvé décomposé dans le Grand Marais le 12 août. Les registres mentionnent comme maintenus comme habitants : Gautier Tacnet, 32 ans, ajusteur, dont l’épouse demeure à Ragon en Treillière. L’acte de décès de Miraille Lisa Moukoukenoff (orthographié faussement Moucoukinoff), née à Savenay le 12 mars 1944, fille naturelle de Berthe Moukoukenoff, « couturière » au 35 rue Edouard Vaillant à Méan, laisse à penser que le géniteur était un occupant… la déclaration a été faite par madame Henriette Mainguy, née Montfort, domiciliée au 187 rue de Trignac à Méan (Berthe Moukoukenoff fut unie à un monsieur Zebec Tchoulkine ont lui sait au moins quatre autres enfants).

    En juillet 1945 il y a aussi quelques Nazairiens qui ont obtenus, malgré l’administration militaire française, de retrouver leurs maisons, comme les acrobates Henri Durant et Marie Lapouge, dont le petit Alfred, né à Carquefou le 19 mai 1945, décéda au 21 rue de la Petite Usine le 25 juillet 1945.

     

    [1] A propos de Pierre Toscer : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/04/08/pierre-toscer-5342884.html