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  • Le registre de correspondance départ de 1815-1820 retrouvé

    Le 11 janvier 2019, les Archives de Saint-Nazaire informèrent qu’un registre contenant la correspondance au départ de la ville de Saint-Nazaire entre le 5 septembre 1815 et le 31 mai 1820, leur avait été remis par les Archives départementales de Loire-Atlantique, qui l’ont reçu de la famille de l’homme qui l’avait ramassé dans les décombres de l’Hôtel de Ville détruit durant les bombardements, et conservé par lui depuis.

     

    Qu’apporte aux Nazairiens ce cahier dont seulement 42 feuillets sur les 125 qui le composent sont manuscrites ? Beaucoup et peu à la fois. S’il est effectivement très cours, et ne contient que des résumés d’échanges administratifs presque exclusivement avec le sous-préfet de Savenay à propos de la gestion ordinaire de la ville, (j’insiste sur le mot ville, car il est employé par l’administration, et parce que je l’ai répété plusieurs fois, Saint-Nazaire à statut de ville depuis le 14ème siècle), ce registre nous procure à la fois la confirmation d’élément qui nous étaient connus par la publication de l’Histoire de la ville de Saint-Nazaire par Henri Moret, nous les détails, et nous en apporte des complémentaires.

    Le problème essentiel quand on raconte l’histoire nazairienne, et j'y suis confronté en permanence pour la rédaction de ce blog, c’est la nature lacunaire et éparpillée des sources. J’ai retrouvé nombre d’éléments en passant par les manuscrits de la BNF, des Archives nationales, Archives départementales, archives privées de Nazairiens, ou de descendant de Nazairiens, celles archives de quotidiens, et enfin des publications anciennes à compte d’auteur et d’éditeur de livres et de revues qui regroupent des témoignages d’époque où font état de la consultation d’archives aujourd’hui perdues. Parmi ces publications à compte d’éditeur, la plus complète demeure l’Histoire de la ville de Saint-Nazaire par Henri Moret, ancien secrétaire général de marie en charge des archivistes de la Ville, qui avait pu consulter et étudier durant des années, les archives municipales d’avant les bombardements, mais aussi d’avant l’incendie criminel du 14 février 1895 qui avait pour but de faire disparaître les malversations de la municipalité Gasnier, et dans lequel Henri Moret manqua de trouver la mort en voulant en sauver les documents les plus anciens.

    Le travail d’Henri Moret est à la limite de l’excellence, même si, comme tous ceux qui rédigent une monographie monumentale, il a fait des choix en écartant des éléments qui lui semblèrent anodins ou anecdotiques, et que, ne se concentrant que sur le contenu des archives municipales, il est passé à côté de sources extérieures, omettant des points intéressants pouvant aider à la compréhension de ce qu’il avait trouvé, et ceux malgré une mise en abyme dans l’histoire de la Bretagne de celle de Saint-Nazaire. Maître Galibourg, qui était jaloux du travail de Moret, et qui ne publia jamais rien d’autre que quelques notices, n’étant jamais parvenu à faire un livre de ses connaissances, avait raillé Moret dans la dernière interview qu’il accorda en 1930 à Ouest Éclair, disant qu’il avait omis l’incendie de l’église en 1371, (élément écarté par Moret car sourcé uniquement aux Archives vaticanes, mais publiée depuis 1903 par les pères G. de Lesquen et Guillaume Mollat, chapelains de Saint-Louis-des-Français à Rome, avaient consulté pour la rédaction de leur livre « Mesures fiscales exercées en Bretagne par les Papes d'Avignon à l'époque du Grand Schisme d'Occident ») ; qu’il n’avait pas parlé de la Conspiration de Pontcallec, qui avait impliqué un nombre important de Nazairiens, et dont les interrogatoires des suspects de la Presqu’île guérandaise c’étaient tenus essentiellement à Saint-Nazaire, (documents à la Bibliothèque de l'Arsenal). Galibourg avait enfoncé le clou en parlant d’Hector Berlioz qui avait séjourné à la fin de sa vie deux fois dans l’un des immeubles que Galibourg possédait rue de Villès-Martin, car son fils, Louis Berlioz, naviguait pour le compte de la Compagnie générale transatlantique. Mais, ce clou est planté dans le vide, car Hector Berlioz quand il séjourna à Saint-Nazaire, n’était plus que l’ombre de lui-même, il ne composait plus depuis des années, ne dirigeait plus d’orchestre ; ses biographes retracent les cinq dernières années de sa vie en trois pages, car il n’y a rien à raconter. On pourrait même ajouter que si Moret avait parler des séjours de Berlioz, il aurait été aussi obligé de parler de ceux Camille Saint-Saëns au Grand-Hôtel, venu pour rendre visite à un cousin, et qui s’amusait à faire des tours de chevaux de bois sur le manège Guilleux, et enfin de faire le tour de tous les registres des hôtels pour avoir quelles personnalités avaient séjourné à titre privé à Saint-Nazaire ! Moret était archiviste, pas détective.

    Henri Moret demeure la seule source fiable concernant l’histoire de Saint-Nazaire, et tous ceux qui sont venus après lui, n’ont fait que se baser sur ses travaux et les ont complétés parfois, déformés souvent. Faute d’archives encore existantes ou accessibles, on se contente de le mentionner comme source unique. Or, avec la réapparition d’un registre comme celui remis en janvier 2019 aux Archives de Saint-Nazaire, on peut vérifier et compléter la source Moret. J’écris « vérifier et compléter », et non pas « corriger », car mes observations m’ont à l’heure actuelle prouvé que Moret ne déforme jamais la vérité, mais comme je l’ai écrit plus haut, il lui est arrivé dans son travail d’omettre des éléments qui peuvent avoir pour nous aujourd’hui de l’importance. Or, à la lecture du registre retrouvé, je me suis aperçu que Henri Moret avait écarté ledit registre, passant ainsi à côté d’éléments qui n’avaient pas laissés de trace dans les autres registres et liasses qu’il avait consultés.

     

    Ce que le registre retrouvé nous apprend en particulier :

     

    Où l’on apprend qu’il manque un maire dans la liste officielle des maires de Saint-Nazaire :

    À la chute de Napoléon en 1815, l’intérim de la fonction de maire n’est pas, comme Moret l’a écrit, assurée par Jean-Pierre Mahé, notaire, le premier adjoint du maire Guillaume Durand démis et parti avec les sceaux communaux aux armes impériales et que l’on dut aller rechercher chez lui pour les envoyer en préfecture le 14 mars 1816, jusqu’à la nomination Julien-Maurice Tahier de Kervaret[1], mais en réalité il y avait eu désignation d’un maire provisoire par le Préfet avec Mahé pour adjoint. En effet, c’est Nicolas Delange, un normand établit à Saint-Nazaire vers 1806 comme marchand, qui fut désigné, à titre provisoire, par Arrêt du 24 août 1815, reçu en mairie le 29. Celui-ci refusa dans une lettre du 5 septembre 1815, et qui constitue la première retranscription du cahier, prétextant ses affaires, et proposa Julien-Maurice Tahier de Kervaret, en argumentant qu’il était espéré à la fonction par les habitants, et  quoiqu’en voyage à Lorient, il s’était déclaré favorable à devenir mairie. Celui-ci devant être secondé par Honoré Dumont, le receveur des douanes de la commune, ancien conseiller municipal, lui aussi normand, natif de Coutances dans la Manche, et marié à une Nazairienne.

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    Retranscription de lettre de Delange au Sous-Préfet dans le registre

     

    Le registre nous informe que Delange assura cependant l’intérim, et ne laissa la place de maire à Tahier de Kervaret qu'à son retour le 13 septembre 1815, date à laquelle Dumond fut nommé officiellement 1er adjoint par Arrêt du préfet en remplacement de Pierre Mahé. Un second Arrêt en date du 20 septembre nomma Delange second adjoint. Le 15 juin 1816, Dumont donna sa démission, le Maire demande son remplacement par le percepteur des contributions et syndic des gens de mer de Saint-Nazaire, Henry Bernard de La Peccaudière Turmelière, (Nantes 1788 – Cayenne 1832).

     

    Les Prussiens stationnant à Saint-Nazaire :

    Henri Moret cite la présence de 200 Brandebourgeois stationnés à Saint-Nazaire, sans plus de détail, et mentionne qu’à Saint-Etienne-de-Monluc les soldats donne des coups avec le plat de leur sabre aux habitants qui n’exécutent pas les ordres. Or, le registre nous informe que ce n’étaient pas des Brandebourgeois, mais des Prussiens-orientaux, de la 4ème compagnie du 1er bataillon du 2ème régiment d’infanterie Landwher de la Prusse-Orientale, commandée par le baron von Schauroth. Le terme Landwher désigne en vocabulaire miliaire allemand un type de milice permanente coordonnée par l’armée ; celle qui fut cantonnée à Saint-Nazaire du 12 septembre au 22 septembre 1815 avait été formée à la suite du décret du roi de Prusse du 17 mars 1813. Elle se distinguait par des uniformes à veste bleue, pantalon blanc, bretelles jaunes, et couvre-chef noir. L’arrivée de cette troupe avait été annoncée dès la première semaine de septembre. Le Sous-Préfet avait convoqué le 9 septembre des commerçants nazairiens pour conclure des marchés pour la subsistance des soldats des troupes Alliées qui venaient rétablir l’ordre en replaçant Louis XVIII sur son trône et réprimer les derniers Bonapartistes. Se rendirent à Savenay : Jean Benoiton, (1782-1865), le boulanger qui vivait dans la Grand-Rue ; Honoré Tartoué, (1774-1854), le boucher qui devaient fournir les vivres (il est le grand-père de monseigneur Laborde, et l'arrière-grand-père de l'écrivain Marc Hélys) ; et Touplain, le loueur de chevaux qui devait en fournir huit de remplacement pour les officiers qui accompagnaient la troupe et les charrettes de matériel. Le marchand de vin, François-Nicolas Lancelot, (natif de Rezé mais marié à une Nazairienne), était alors en voyage à Nantes. Le maire provisoire, Delange, demanda au préfet d’avance de l’argent aux marchands nazairiens, et que les Prussiens soient répartis sur les communes de Saint-Nazaire, de Montoire et de Donges, ce qui lui fut refusé. Le 10 septembre Delange informa la population, par placards et crieur, qu’il fallait qu’elle se prépare à loger les militaires et qu’il fallait leur faire bon accueil, « de même je me persuade qu’ils se comporteront en véritables alliés ». Il n’y eut pas d’incident entre les Prussiens et les Nazairiens, à leur départ le 22 septembre 1815, le maire, Tahier de Kervaret, leur délivra un certificat de bonne conduite qui disait qu’ils s'etaient « très bien comportés et emport[aient] l’estime des habitants ». Il y avait cependant eu une rumeur à Paimboeuf où l’on affirma que les Prussiens stationnés à Saint-Nazaire avaient empêché les marchands venus du sud du département de venir vendre leurs bêtes et produits à la foire de Saint-Nazaire, ce qui fut démenti par le Maire de Saint-Nazaire par une lettre datée du 13 septembre 1815. Le 18 septembre le Préfet informât du départ du régiment prussien le 22, et de son remplacement le même jour par une troupe de 100 hommes dont il fallait assurer les frais. La municipalité avait charge d’avancer les sommes pour l’entretien ordinaire du régiment prussien, qui coûtaient avec leurs huit chevaux, 400 fr par jour, mais les caisses étaient vides, le maire argumentant qu’il avait déjà dépensé pour 3.600 fr et que le major de Cambon, qui avait été chargé par le Préfet d’assurer le ravitaillement, n’avait rien délivré. Donges et Montoire, qui avaient été obligés aussi de participer aux frais, n’avaient pourvu qu’à hauteur de 700 ou 800 fr de fournitures. La dette nazairienne était au 18 septembre de 2.800 fr. La Préfecture ne voulant pas avancer les sommes, il fut répondu le 21 septembre au maire de Saint-Nazaire de procéder à une augmentation de 50 centimes par franc la contribution foncière. Tahier de Kervaret informa que c’était impossible, la commune était trop pauvre. Elle avait un arriéré de 12.000 fr et ne pouvait pas donner les 15.000 fr espérés par la Préfecture, car elle ne savait pas comment elle va payer sa dette présente, (le gouvernement royal n’avait d’ailleurs pas remboursé les 96 fr des six tonneaux de froment fourni le 19 juillet 1815 sur réquisition du comte de Coislin commande de l’Armée royale, pour un détachement de cavalerie demeuré trois jours à Saint-Nazaire). Les récoltes avaient été mauvaises, le grain n’avait même pas rendu une quantité égale à ce qui avait été semé, (le 9 novembre 1817, les récoltes étaient encore déclarées insuffisantes). Guérande, qui était aussi endettée, avait fait procéder à un recouvrement de la dette qui avait manqué de tourner à l’émeute. Tahier de Kervaret répondit auprès du Sous-préfet : « Je ne répondrais pas qu’une semblable chose n’aboutit à les aigrir et à soulever la masse de la population, car quand on demande au peuple des sacrifices au-dessus de ses forces on peut s’attendre à le voir se révolter contre ce qui cause son malheur. »

    Le 22 septembre le régiment prussien parti de Saint-Nazaire alla stationner deux jours à Montoire, dont le maire demanda à celui de Saint-Nazaire 60 bouteilles d’eau de vie et 2 barriques de vin. La réponse de Tahier de Kervaret fut lapidaire.

    La nouvelle troupe de 100 Prussiens arrivée le 22 septembre repartie le 24. La ville respira, mais ce fut très compliqué pour le Conseil de récupérer l’argent avancé. La préfecture demanda que le maire de Saint-Nazaire fournisse le détail de ses dépenses, ainsi que celles de Montoir et Donges, dont les deux maires ne se montrèrent pas très coopératifs pour fournir leurs factures détaillées et justifiées.

    Tahier de Kervaret commença par faire rembourser sa mairie en revendant les denrées acquises et non consommées durant une vente publique. Sur le grain requestionné à Donges et Saint-Nazaire il restait 10 setiers moins un quarteraux, c’est à dire 10 hectolitres moins 12 litres environ, qui furent acquis par Benoiston le boulanger, à 34 fr l’hectolitre, et donc payer 336 fr. Sur le vin fourni par Donges et Montoir et qu’il fallut payer à prix d’argent, il restait 300 l, vendu publiquement et adjugé aux sieurs Feralle et Goyon, aubergistes à Saint-Nazaire, pour 84 fr. L’excédent de pommes-de-terre fut vendu à différents personne pour 10 fr 50 c, et on tira 4 fr du fumier et la paille. La Mairie avait 1194 fr 99 c en caisse. Seul le tabac ne fut pas revendu, car il était un dépôt des entrepôts de Savenay : 60 kg avaient été fournis ; 17 kg furent consommés pour 108 fr et 80 c. On renvoya les restes avec la somme correspondant à la quantité consommée.

    Ce furent au total 6.338 fr et 65 centimes qui furent dépensés par Saint-Nazaire, Montoir et Donges : 2.918 fr 50 Pour Saint-Nazaire ; 746 fr 55 par Donges ; 2.673 fr 60 par Montoir. La facture fut adressée au préfet le 26 octobre les trois communes avaient demandé le recouvrement optionnel des impôts fonciers et avait obtenu 3678 fr 99. Il restait une ardoise de 760 fr 49 et les caisses étaient vident[2] ; le remboursement des sommes pour les troupes prussiennes était encore réclamé par le Maire au Préfet le 29 juillet 1818 !

    Cette habitude de la Préfecture de faire avancer aux communes les frais de bouche se retrouve aussi quand le 22 avril 1816, le lieutenant de gendarmerie de Massabiau, résident à Savenay, informa le maire de Saint-Nazaire qu’il escorterait le Préfet se rendant à Guérande, et que passant par la commune, il faudrait le nourrir avec les chevaux. Le Maire réclama à le 17 mai les 17 fr avancés à pour le règlement de l’aubergiste.

     

     3° Création de la Gendarmerie et la Prison de Saint-Nazaire :

     

    Saint-Nazaire dépendait des gendarmeries de Guérande et de Savenay. La sécurité quotidienne sur le territoire communale était assurée par les gardes champêtres qui s’occupaient essentiellement de tuer les corbeaux s’attaquant aux récoltes, et de confisquer les fusils aux chasseurs qui n’avaient pas de permis, (l’un d’entre eux, confisqué à Denis Hervé, de La Ville Bertho, après lui avoir été rendu par le nouveau Maire, dut être à nouveau confisqué le 2 décembre 1815 car il en menaçait ses voisins) ; au 15 novembre 1815 ceux-ci n’avaient pas été payés depuis le troisième trimestre de l’année et la Municipalité réclama des subsistes à la Préfecture. Or, depuis la seconde abdication de Napoléon, la situation politique était tendue. Beaucoup de gens qui s’étaient ralliés à l’Empereur durant les Cents Jours avaient tout intérêt à quitter le pays pour échapper aux tribunaux. La Haute-Police demanda le 27 septembre 1815 aux douanes de Saint-Nazaire d’arrêter un « personnage important, voyageant sous le nom de Bertrand, qui veut embarquer pour l’Amérique ». Ordre fut d’arrêter systématiquement toute personne désireuse de s’embarquer pour l’Amérique. Cet ordre justifia la requête de l'établissement à Saint-Nazaire de 4 gendarmes à pied et d’un brigadier, avec pour argumentation qu’il fallait surveiller les gens qui étaient sur les bateaux ancrés dans la rade et l’estuaire plusieurs jours avant de partir en mer, que le canton avait besoin d’une police, et que parce que situe entre Guérande et Savenay une caserne  à Saint-Nazaire ferait le relais. Les tentions politiques étaient telles, ou du moins les peurs du Gouvernement de résurgences de complots bonapartistes de la part des militaires qui demandaient congé, et plus encore les déserteurs.  À Saint-Nazaire, 14 militaires demandèrent leur congé le 25 octobre 1815. Paul Martin, un déserteur du 2ème Régiment d’artillerie de Marine, fut conduit par deux gendarmes de Nantes devant l’adjoint Honoré Dumont, (le maire étant absent), le 7 novembre 1815, afin de retrouver son acte de naissance dans les registres. On ne l’y trouva pas. Paul Martin affirmait avoir quitter la ville à l’âge de 4 ans pour Orléans, mais aucun habitant n’avait souvenir de sa famille, il était probable qu’il soit en réalité natif d’une autre commune autour de Saint-Nazaire, mais cela ne put être déterminé avant de le conduire devant le procureur du Roi à Savenay le lendemain. Il en profita pour renouveler la demande d’une gendarmerie. La seule réponse de la Préfecture fut une enquête sur l’éventuelle présence de bonapartistes sur la commune, que le vagabond Martin aurait voulu rencontrer. Julien-Maurice Tahier de Kervaret obtempéra, mais on imagine son embarra, car son neveu, Jacques-François Tahier, syndic des gens de mer à Saint-Nazaire et maître de port, chevalier de la Légion d'Honneur, ne cachait pas son attachement pour Napoléon, (il fut d’ailleurs médaillé de Sainte-Hélène durant le Second Empire). Nombre d’anciens militaires nazairiens partageaient son opinion, mais Julien-Maurice Tahier de Kervaret assura, après enquête auprès des chefs de section municipale, dans une lettre à la préfecture le 23 novembre l’attachement des Nazairiens au Gouvernement royal. La Préfecture demanda qu’on fit le dénombrement des fusils possédés par les habitants, ce qui fut fait le 25 décembre 1815. Le 16 janvier 1816, il fut ordonné par le Préfet d’arrêter de toute personne n’ayant pas de passeport qui voyageait sur la commune. Un homme dont le passeport sembla vieux et suspect en fit les frais le 13 février. Le 5 mai 1816, Pierre Germevois, du 6ème régiment d’artillerie, fut arrête le 24 avril 1816, par la gendarmerie en possession d’une permission illimité et fut placé en détention à la prison à Paimboeuf. Il était natif de Saint-André-des-Eaux, mais son père habitait depuis longtemps Saint-Nazaire, où il était laboureur. Le Maire de Saint-Nazaire intervint en sa faveur auprès du Procureur de Paimboeuf en le déclarant « parfait honnête homme, passible et tranquille et dans de bons principes ». Il fut relâché. Le 10 juillet 1816, redemanda l’établissement d’une gendarmerie à Saint-Nazaire, argumentant que le port était le point d’embarquement et de débarquement entre Nantes, le pays de Retz, et le nord de la Bretagne, et la nécessité de garantir la paix des habitants face aux débordement des marins ivres. la Préfecture donna son accord à la condition de trouver un logement pouvant faire caserne. Tahier de Kervaret proposa à la location, pour 225 fr l’an, comme future caserne, l’ancien presbytère de la Chapelle du Grand-Cimetière, (Notre-Dame d’Espérance[3]), appartenant à la paroisse. La maison comportait cinq chambres avec cheminée, deux cabinets, trois greniers, deux caves, un magasin pour le chauffage, une petite buanderie et un petit poulailler, des latrines, deux cours, un petit jardin. Pour écurie et magasin de fourrage et la chapelle désaffectée en question, appartenant à la Commune, pour la transformer en écurie et magasin, à un loyer annuel de 150 fr. La Préfecture retint uniquement la maison, et fit le choix d’y monter une écurie dans l’une des cours.

    Les gendarmes s’installèrent le 19 septembre 1816 dans leur caserne, au nombre de deux, ils furent adjoints par trois autres et un brigadier.

    Une prison, d’une seule cellule, fut créée à la même date dans la caserne, ce qui entraîna la nomination de François Bidard comme gardien, (et pour qui on mit six mois pour demander au Préfet combien il fallait le payer[4] !), et l’établissement d’un contrat avec Jean Benoitons pour fournir la nourriture aux prisonniers. On y enferma à la moindre personne arrêtée. Le 29 août 1817, Laurent Lematelot, pilote de Belle-Île, qui était en sa qualité à bord du Jefferson, un bâtiment anglais, fit couler par une erreur de manœuvre une chaloupe de pilote de Saint-Nazaire. Les pilotes n’eurent que le temps de sauter à bord du navire anglais. Le syndic maritime, Dubochet, dressa un procès-verbal. On demanda au commissaire de marine du Croisic quoi faire de Laurent Lematelot. Il renvoya l’affaire le 22 juillet devant le commissaire de Nantes, et Lematelot fut maintenu en prison, c’est le seul prisonnier qui resta plus de 24 h à de la prison de Saint-Nazaire sur les 66 qui y furent incarcérées entre septembre 1816 et novembre 1817. La première femme à y avoir été incarcérée le fut le 25 juin 1818. Son nom n’est pas mentionné, mais l’on sait qu’un certificat médical fut délivré stipulant qu’elle ne pouvait se rendre devant le procureur de Savenay qu’à cheval.

     

    4 Naufrage et sauvetages, les pilotes :

    Henri Moret mentionne sans plus d’exactitude que l’an 1820, le naufrage du Charles et le sauvetage de son équipage par les pilotes de Saint-Nazaire, pour qui le Maire demanda au Sous-préfet une récompense. Le registre restitué nous donne la date du 5 janvier 1820. Le brick nantais Le Charles, dont le capitaine se nommait Mandré, de l’Ile d'Yeu, sortie le matin de la Loire, fut échoué sur les Charpentiers par son pilote dès les 11 h 30, et chavira vers midi. Louis Ollivier, pilote lamaneur se trouvant en vigie à Chef-Moulin, débarqua immédiatement sa chaloupe et avec Mathieu Haspot, pilote, Yves Durand, aspirant pilote, René Loiseau, mousse, et malgré le grand vent et la mer agité, ils sauvèrent l’équipage. Le 12 janvier suivant, vers midi par Louis Prin, Toussaint Chaperon, pilotes de rivière demeurant à Basse-Indre, Mathieu Blanchard, pilote, et Joseph Bertho, marins, demeurant à Saint-Nazaire, ayant aperçu au milieu de la Loire vis-à-vis de Saint-Nazaire un chaland à la dérive au milieu des glaces. Au moyen de la barge du premier, ils partirent au secours d’un enfant de 11 ans qui depuis deux jours dérivait sans nourriture. Le maire demanda récompense aussi pour eux pour s’être exposés au danger.

     

    Les intérêts des Pilotes étaient importants pour la Mairie de Saint-Nazaire. En février 1817 il fut question des barges non patentées qui faisaient concurrence au batelier et pilotes, problème pour lequel le Maire demanda l’intervention du Préfet.

     

    5 Enquêtes à propos des institutrices non agréées :

     

    L’enseignement était une préoccupation de l’État, non par désir d’instruire, mais par désir de contrôler. Il était projeté d’instaurer l’enseignement mutuel dans l’ensemble du Royaume. En août 1819, la Préfecture demanda s’il y avait des institutrices à Saint-Nazaire prodiguant l’enseignement sans autorisation, il fut répondu non, mais il courut en janvier 1819 une rumeur qu’il y en avait. Le maire dut démentir, et expliquer que ces « institutrices » n’étaient qu’une quinzaine de femmes charitables qui enseignaient le catéchisme et dont la majorité savait à peine lire, le faisaient cela gratuitement, et qu’il avait semblé ridicule d’en informer le Préfet. C’est ce que nous apprend le registre, mais Henri Moret écrit qu’en novembre 1820 le Conseil déclara conserver le statu quo ante entre l’enseignement officiel, et les « institutrices », ce qui laisse deviner que l’affaire n’était en réalité pas si simple et que la réponse de Tahier de Kervaret au préfet en janvier 1819 n’était probablement pas très honnête.

     

    6 Les paludiers et porteuses de sel :

     

    Le registre fait état à la date du 7 septembre 1819 du rôle des paludier et porteuses de sel de Saint-Nazaire[5]  avec nom et famille. C’est particulièrement intéressant, car cela nous permet de connaître plus exactement les paludiers de Saint-Nazaire, qui encore aujourd'hui sont très mal connus. 

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    Les paludiers, (cliquer pour agrandir)

     

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    Les porteuses de sel, (cliquer pour agrandir)

     

     

    7 Legs, bureau de bienfaisance, santé publique, âge de la population et conscription :

    Le registre informe que chaque année en février, il était pratiquée la vaccination contre la petite-vérole. Il informe aussi du passage le 9 octobre 1816 de l’ingénieur Cruci venu à Saint-Nazaire pour chercher où établir un lazaret pour les équipages et bâtiments qui seraient mis en quarantaine avec un lieu de stockage des marchandises. Il jeta ses vues sur la chapelle Notre Dame d’Espérance. Le Maire s’insurgea auprès du Préfet en argumentant que le projet pouvait compromettre la santé de la ville, car les maisons étaient à 70 ou 80 pas, et séparée uniquement par un petit mur.

    Le 16 février 1816 la veuve Bernard, (née Marie-Anne Gennevois[6]) légua à la Commune différent biens pour les pauvres (d’un montant de 978 fr[7]), et le maire demanda l’autorisation d’accepter ce legs le 15 juin, l’autorisation ne fut accordée que le 13 août 1817 !

    Ce legs leva le désire de la Préfecture de connaitre le nombre d’indigents (chiffre non reporté dans le registre), et d’établir à Saint-Nazaire un bureau de bienfaisance. Le projet fit long feu, en juin 1818 les membres du bureau n’avaient toujours pas été désigné par la préfecture. Un second legs, en mai 1819, par la veuve Pégard, née Étiennette Bertho, fut fait à la Commune pour ses pauvres.

    En réponse à une enquête à propos de l’âge des hommes de Saint-Nazaire diligentée par la Préfecture le 26 août 1816, il fut répondu que le nombre d’hommes vivant dans la ville, âgés de 20 à 40 ans était de 50, et celui de ceux de 40 à 60 ans, de 300, (la population était sur l’ensemble de la commune de 3.204 âmes en 1821). Cette demande avait pour but de renseigner l’Armée pour des campagnes de recrutement, mais après les campagnes napoléoniennes, aucun Nazairien ne voulut entre dans l’armée volontairement. Le Bureau de bienfaisances malgré les relances pour nomination de ses responsables, retranscrites dans le registre, ne fut constitué qu’en 1825…

     

    Détail amusant, le 12 mai 1819 le Maire demanda au Préfet quelles sont les formalités à prendre concernant un sourd-muet ne sachant pas écrire, qui se fait comprendre de son entourage par des signes « dont d'autres ne pourraient entendre les sens ». Il interrogea le Préfet sur la possibilité de cet homme à avoir le droit à s’engager comme il le veut  avec une jeune fille « dans le mariage dont il ne peut concevoir les obligations », faisant ici allusion à l’audition de la lecture des articles de lois au moment de la cérémonie, et que le Marie ne savait comment lui faire comprendre.

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    8 Stabilisation des dunes :

    En novembre 1815, le maire de Saint-Nazaire demanda au Préfet qu’on établisse des concessions des dunes afin de les stabiliser par la plantation de vignes, argumentant qu’outre la protection que cela apporterait aux champs voisins, on pouvait espérer au bout de cinq années un très bon vin qui rapporterait en impôts fonciers. Le préfet ne daigna pas répondre. En novembre 1817 il fut adressé au Sous-Préfet la demande d’une concession faite par le meunier Orain, pour établir un moulin. Le lieu de construction n’est pas désigné, et il n’est pas indiqué s’il y eu une réponse, mais nos différentes recherches nous ont fait découvrir la réalisation de divers projets de ce type jusqu’en 1830 entre la Villès-Martin et Saint-Marc, qui n’aboutirent pas, et ne laissèrent que des bases de tour éparpillées et jamais mise en activité. Le Conseil municipal s’était pourtant intéressé à ce projet, comme il a porté de l’intérêt dans la concession des dunes d’Escoublac faite au comte de Sesmaisons par ordonnance royale du 26 août 1818. Le comte possédait plusieurs fermes et des centaines d’hectares à Saint-Nazaire, hérité des Le Pennec du Bois-Joalland[8]. Tahier de Kervaret ne sut pas défendre un seul projet pour la fixation des dunes, et ce ne fut que durant le Second-Empire que cela commença a être entrepris.

     

    9 Entretient des bâtiments et route, urbanisme :

     

    Le registre mentionne une lettre du Maire adressée au Préfet, le 19 janvier 1820, demanda l’envoi d’un ingénieur pour vérifier le clocher qui était en mauvais état et dont Julien-Maurice Tahier de Kervaret craignait qu’il ne tombe un jour de grand vent. C’est un détail intéressant, car il précise les connaissances que l’on avait à propos de l’ancienne église. Les échanges avec la Préfecture se font aussi à propos de l’entretien de la route qui va de Savenay à Guérande, dont le tracé correspond aux rues Henri Gautier et de Pornichet, et qui était la voie d’accès à la ville. Cette route est dite « impraticable dans son état » le 16 novembre 1815.

    Le 15 juin 1816 le Maire informe le Préfet du bon état des petits bâtiments dépendants des Batteries de la côte, à Chefmoulin, la Pointe de Lêve, et la Villez-Martin. De celui des « pistes » (chemins côtiers). On apprend dans cette lettre que les bâtiments devaient être tous murés, et que leur surveillance était assurée par le vétéran des Garde-côtes faisait le tour pour inspecter régulièrement.

     

    Julien-Maurice Tahier de Kervaret se trouva confronté en 1817 à un Nazairien ayant agrandit sa maison en empiétant sur la Rue-Neuve. Le contrevenant est désigné dans le registre sous l’identité « Hervé Beaulieu » ; il faut le comprendre comme un nom de famille et non comme un prénom et un nom de famille. En effet, ce monsieur Hervé-Beaulieu est le descendant du couple Jean-Baptiste Hervé de Beaulieu et Marie-Jeanne Dufrexou. Leur descendance, restée à Saint-Nazaire, mais ayant perdue particule à la Révolution, habitait une demeure héritée des Dufrexou dans la ville, rue Neuve, du côté terre, sur une parcelle qui relevait de l’autorité de la seigneurie d’Heinlex-Pommerais, (on les retrouve dans l’aveu de 1769).

    Tahier de Kervaret obligea Hervé-Beaulieu à faire abattre ce qu’il avait construit en sus à sa maison et qui avait pris sur la rue Neuve, « afin que rien en soi saillant sur la partie la plus étroite de la rue ». Hervé-Beaulieu se vengea en faisant jeter à la mer les fumiers appartenant au Fermier du curage et des boues de la ville, malgré l’interdit du Maire, qui en référa au Préfet le 2 juillet 1817.

     

    [1] Julien-Maurice Tahier, sieur de Kervaret, (La Roche-Bernard le 20 septembre 1749 – Saint-Nazaire 6 décembre 1832) ; fut nommé lieutenant de Frégate en 1778, puis de de Vaisseau 1786, et à nouveau en 1792, et le 18 Floréal'an II ; il partit à Philadelphie conduire un ambassadeur et toute sa suite, en l'an V (1796) comme commandant de la corvette « Mercury » et fut à son retour nommé capitaine de la station navale de Mindin ; nommé capitaine de Frégate en 1814, il fut mis en retraite le 1er novembre 1817. Il avait été nommé maire de Saint- Nazaire le 13 septembre 1815, et resta en place jusqu'en 1823, date à laquelle il démissionna en raison de son âge et de ses infirmités ; chevalier de Saint-Louis 1821 ; propriétaire du domaine du Parc à l'Eau (situé à l'emplacement des anciens frigos, une rue située plus loin porte le nom de ce domaine en souvenir) ; marié à Saint-Nazaire le 18 juillet 1799 à Françoise Thomas, d'où postérité. (Voir article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/29/le-maire-chouan-de-saint-nazaire.html )

    [2] Il faut ajouter que dans le cadre des indemnités de guerre napoléonienne réclamées à la France, Saint-Nazaire du contribuer à hauteur de 3.678 fr 99.

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/04/ancien-chapelle-notre-dame-d-esperance.html

    [4] Lettre du 17 janvier 1817.

    [5] Les œillets se trouvaient à Pornichet, là où est aujourd’hui le centre-ville de cette commune.

    [6] D’après Henri Moret.

    [7] Henri Moret déjà cite.

    [8] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/28/la-seigneurie-du-bois-joalland.html

  • L’Hippodrome de Saint-Nazaire

    Nombre de nouveaux venus s’étonnent de voir une « rue de l’Hippodrome », longeant l’arrière du quartier de la caserne de La Briandais, alors qu’il n’y a pas d’hippodrome à Saint-Nazaire.

    Les Nazairiens sont d’ailleurs bien souvent incapables de parler de ce lieu, car il a disparu durant la Reconstruction, qu’on en possède que de rares vues, que les archives de la Société hippique de Saint-Nazaire ont disparu, et que les familles qui y avaient leurs habitudes sont pour la plupart jamais revenues dans une ville dont l’identité a été bouleversée par la Reconstruction urbaine, autant que par une politique économique qui a voulu faire de Saint-Nazaire une cité uniquement à vocation industrielle, balayant à la fois les identités portuaire, de commerce international, intellectuelles et artistique, et la mixité sociale.

     

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    Dimanche de Courses à l’Hippodrome du Grand-Marais en 1903, (collection David Silvestre)

     

    Situons géographiquement cet hippodrome : il était au débouché de l’actuelle rue de l’Hippodrome, à l’emplacement du Parc paysagé, et occupait la prairie inondable du Grand-Marais, d’où son nom d’Hippodrome du Grand Marais. Précisons ici que le Grand-Marais, était trois fois plus grand que le Parc Paysagé, et rejoignait au nord de Sautron le Petit-Marais.

     

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    L’hippodrome sur un plan du Guide Michelin de 1926.

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    L’hippodrome sur une vue aérienne du 10 août 1932, (cliquer pour agrandir).

     

    L’Hippodrome de Saint-Nazaire n’était pas une structure pérenne comme l’est aujourd’hui celui de Pornichet. Il se constituait d’une prairie, était clôturé à lattis, au milieu des hautes herbes et des joncs. La piste herbeuse était délimitée par des piquets et des cordons, et mesurait à sa création 2.600 m. La tribune, concave, était en bois, dépourvue d’auvent, en bout de piste, et non sur le côté le plus long en raison de la nature du terrain et de son accessibilité par route. On payait un droit d’entrée pour venir assister aux courses et s’asseoir dans la tribune, ainsi que pour accéder à la buvette, mais le fait que les lattis étaient bas et disposés presque au bord de la piste, faisait que nombre de nazairiens et de marins venaient assister aux courses sans payer, en logeant les barrières. Cet hippodrome était cependant réputé pour être le mieux réalisé de la région. Les tribunes étaient démontées en fin de saison. La piste refaite à chaque nouvelle ouverture. La société de course ne possédait pas le terrain ; il appartenait à la famille Denier. Cette famille avait convenu avec les autres qui se partageaient les abords du marais  d'un règlement des prairies inondables, et des opérations d'entretien des rives, mais aussi qu'en cas de vente, celle-ci devait se faire à l'un des voisins. Cet accord fit que, quand la municipalité Vivian Lacour espéra acquérir le terrain de l'hippodrome pour pérenniser les installations, les autres propriétaires firent opposition.

     

    L’hippodrome du Grand-Marais fut constitué à la fondation de la Société Hippique de Saint-Nazaire, en 1864, que l’on devait à messieurs Jules Leroux, Pierre-François-René de Brégeot, (ancien conseiller général de la Loire-Inférieure), et Gandouard de Magny, qui avaient titre de commissaire. Le vétérinaire était monsieur Frangeul. Les autres membres étaient souscripteurs.

    C’était une petite société dont les courses étaient primitivement identiques à celles de Savenay fondée en 1863 : trot attelé et steeple-chase (type de saut d’obstacle). Herbert de Vigier de Mirabal, dans son « Manuel des courses. Dictionnaire du turf » écrivit en 1868 que les courses plates de Saint-Nazaire étaient « insignifiantes », et qu’il aurait été plus raisonnable de reverser sur les steeple-chases les petites sommes données pour les deux prix de la Société (gentlemen-riders[1] et steeple-chase), et le prix du département[2].

    Au 19ème siècle, les courses hippiques étaient le sport qui attirait le plus de spectateurs quelque soit la catégorie sociale, et était celui sur lequel on prenait le plus de paris, mais c’était aussi le sport des gens riches qui avaient le moyen de s’offrir un cheval de selle, (en 1880 cela coûtait 2.000 fr alors qu’un ouvrier gagnait 1.450 fr en un an), ou un cheval d’attelage avec un sulky. Les propriétaires de chevaux dans ces courses de province généralement montaient ou conduisaient eux-mêmes. Être bon cavalier, bon driver, était, pour l’ensemble de la société, le signe d’une éducation supérieure, autant que celui d’un accomplissement sportif. Ces compétitions regroupaient des amateurs et des éleveurs professionnels présentant des bêtes de moins de trois ans encore en dressage.

    Les courses de Saint-Nazaire n’avaient lieu qu’une fois l’an, le quatrième dimanche d’août. À leur inauguration en 1864, monsieur Vallée, sur Miss-Ariel, gagna le Prix de la Société, catégorie gentlemen-riders, dont le montant était de 500 fr ; monsieur Caillard gagna le prix de la Société, catégorie steeple-chase avec Biribi, dont le montant était de 1 ;500 fr ; et monsieur de La Haye-Jousselin, lieutenant au 1er hussard, arriva premier dans le Prix du Chemin de fer en montant lui-même Semper-Idem, dont le montant était de 500 fr.

    En 1868 fut instituée Prix de La Ville, steeple-chase, au montant de 1.500 Fr, qui fut remporté alors par Perinette, appartenant à monsieur Lourdais.

    Dès 1870 les courses de steeple-chase furent remplacées par des courses de trot attelé.

     

    En 1877 la Société Hippique de Saint-Nazaire annonça que ses deux courses auraient lieu le second dimanche d’août afin de ne plus être en concurrence avec les régates[3]. Cette annonce causa un grand émoi à Guérande dont la Société hippique, fondée en 1858, avait l’habitude depuis plusieurs décennies de faire concourir ce jour-là au plat. Guérande voulut faire changer Saint-Nazaire de date, mais les sociétaires ne voulurent rien entendre. Les courses de guérandaises étaient précédées d’un défilé de paludiers à cheval, et de gens en habit breton, c’était une grande fête populaire et touristique. La Société Hippique de Guérande finit par céder et ses courses de plat eurent lieu le premier dimanche d’août, « afin que les habitants des deux villes puissent assister aux deux réunions ».

    En 1880 la Société d'encouragement à l'élevage du cheval français offrit un prix pour le trot attelé d’un montant de 3.000 fr. Cela relança une institution qui était un peu moribonde. On vit dès lors de grands propriétaires faire concourir plusieurs de leurs chevaux par course : Le Gualès de Mézaubran, de La Jousselandière, Edouard Meyer, J. de Romans, Le Lasseur de Ranzay, V. de Lastic, L. Thibault, Le Bec, G. de Valroger, G. Le François, F. Dutech, Le Rodellec du Parzic, H. Andrews.

    En 1888 les commissaires de la Société Hippique de Saint-Nazaire étaient messieurs Jules Benoit ; monsieur Genti-Corp, vétérinaire originaire de La Martinique ; monsieur Espivient de Perran, remplacé en 1896 par Roger de Villebois-Mareuil, qui était aussi vice-président. Le président était monsieur Croiset, qui fut replacé en 1899 par le comte de Parceau du Plessis, maire de Montoir, (qui fut ensuite aussi président des régates).

    Les souscriptions se faisaient rares malgré une augmentation des adhérents. Le Courrier de Saint-Nazaire, dans un article du 12 août 1899, publia : « Il est regrettable – et ce n’est pas la première fois que nous le faisons cette remarque – que certains négociants, certains industriels intéressés plus que d’autres au succès de cette réunion hippique, se soient refusés à souscrire ; ils ont aussi manqué non seulement à leur devoir le plus élémentaire, mais ils ont oublié qu’étant les premiers bénéficiaires des fêtes, ils se devaient être les premiers à les encourager. » En fait, il y avait plusieurs autres courses organisées le même jour, ce qui faisait qu’on avait aussi moins de chevaux en compétition. Le nombre de parieur aussi tomba au plus bas, ce qui fit que les paris mutuels rapportèrent très peu.

    Les courses étaient devenues surtout une entrevue mondaine pour laquelle les femmes revêtaient leur plus belle tenue d’été sous la canicule. On y croisait les comtes de Goulaine et de Rochechouart, les député Anthime Ménard et le comte de Montaigu, les conseillers généraux Gouze et Guiho, Gustave Bord, le châtelain de Porcé et homme le plus riche du canton, René de Kerviler, le juge Marion de Porcé, etc., au son des flonflons de l’Harmonie de Saint-Nazaire, et les démonstrations de la Société de gymnastique, associées aux réjouissances.

     

    Le 8 septembre 1905, Buffalo Bill, dans le cadre de sa tournée française dans cent villes, y vient avec son cirque. Il arriva avec de La Roche-sur-Yon avec trois trains de 17 et 18 wagons en gare de Saint-Nazaire le matin à 6h03, 7h05 et 8h45. Le matériel avait été placé le long du boulevard Leferme, suscitant un attroupement derrière des barrières de sécurité, jusqu'au-delà de la caserne des douanes. On arrivait à peine à se frayer un chemin sur la place entre la gare et l'agence Transatlantique et la police fut mobilisée et il n'y eut aucun incident. Il fallut bloquer la circulation des rues Amirale Courbet, Thiers et Villès-Martin pour permettre au convoi de gagner le Grand Marais, offrant aux Nazairiens un défilé de cavaliers Russes, Japonais, Amérindiens, Mexicains, et de femmes montées en amazones, le Phare de la Loire du 10 septembre 1905 souligna que ce furent surtout les Cosaques qui suscitèrent le plus de curiosité, il est vrai que voir ces cavaliers défiler à toute allure en tête debout sur leur selle fut un spectacle unique. Le campement fut monté derrière la Caserne de La Briandais. Le chapiteau fut rapidement monté sur l'hippodrome ; à 14h il eut une première représentation, et une seconde à 20h.  L'événement était si considérable, que plusieurs administrations et commerçants fermèrent tout l'après-midi. Outre les centaines de chevaux, Buffalo Bill arriva avec une troupe " de peaux rouges " qui jouèrent une attaque de diligence, un homme " à la peau bleue ", des " Chinoises à petits pieds ", " un géant nègre ", " un enfant colosse ", un couple de tatoués, une charmeuse de serpents, des lapins musiciens, des singes boxeurs, et des kakatoès. Toute la journée, des gens affluèrent à Saint-Nazaire et les représentations cumulèrent 8.000 et 10.000 spectateurs !

     

    C'est de l'Hippodrome du Grand Marais, qu'en 1910, le coureur cycliste Gabriel Poulain, (1884-1953), fit les premiers tests de vol du monoplan qu’il avait construit. Cet avion en toile, bois et acier, doté d’un moteur Anzani, 10 cylindres, de 100 HP, avec circulation d’eau, laissa les Nazairiens bouche bée qu’en il prit son envol.

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    (On distingue dans le fond la Caserne de la Briandais)

     

     

    Après la Première-guerre-mondiale les courses hippiques de Saint-Nazaire se déroulèrent sur deux jours le premier weekend d’août, et eurent pour épreuves : Prix de La Loire, trot monté ou attelé, en deux épreuves en partie liées, sur 1.700 m, avec gain de 1.700 fr ; Prix de la Marne, trot monté ou attelé sur 3.000 m, 1.800 fr ; Prix de la Plage, steeple-chase sur 3.500 m, 2.000 fr ; Prix du département, de la Société d’Encouragement pour l’amélioration du cheval français de demi-sang et du Pari Mutuel, trot monté ou attelé, 3.000 m, 1.900 fr ; Course de haies de la Société Sportive d’Encouragement et de la Société de Courses, en deux séries, 2.800 m, 2.000 fr ; Prix du Gouvernement de la République et de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, trot monté, 2.800 m, 2.000 fr ; Prix des Chemins de Fer et de la Ville de Saint-Nazaire, steeple-chase,, 3.500 m, 3.500 fr ; Prix de la Société des Steeple-chases de France, steeple-chases militaires, 2 séries, 3.500 m, 1.800 fr ; Prix de la Société de course, 3.000 m, 500 fr.

    À l’occasion de la seconde journée de course, le 6 août 1923, le jockey Bersihand, qui avait pris part au Prix des Chemins de Fer et de la Ville de Saint-Nazaire, montant Dobroudja, appartenant à la baronne de Franck, se fit huer à la pesée puis bastonné à coups de canne par la foule qui lui reprochait d’avoir bloquer l’un des concourants, le cheval Monza, appartenant à monsieur Eknayan, pour l’empêcher de prendre la première place, afin de favoriser un autre jockey, Barreau, qui montait Ingouville, appartenant à monsieur Bodolec. Voulant se dégager, Bersihand renversa deux femmes qui furent blessées. Le Jury décida de donner la victoire à Monza, et l’affaire fut portée devant la Société des Steeple-chases de France. Cet incident fit tellement de bruit, qu’il fut mentionné à la Radio, et se retrouva dans les entrefilets des journaux parisiens.

    À  partir de 1928, l’Union Colombophilie de Saint-Nazaire fut associée aux courses pour des lâchés de pigeons, mais cela provoquât la perte d’un pigeon anglais porteur d’un message destiné au colonel du 8e régiment de Tour, et il fallut demandé par voix de presse qu’on rapporta à la Caserne de La Briandais l’animal et son message !

    Cependant, les courses de Saint-Nazaire perdirent en qualité, au point d’être rétrogradées en troisième catégorie. Jacqueline Bruno[4], commenta avec son ton habituel de vieille-fille-snob, dans La Courrier de Saint-Nazaire du 10 août 1929 : « Samedi et dimanche derniers a eu lieu, à Saint-Nazaire, la manifestation sportive, qu’on appelle pompeusement : courses, qui, à la vérité, n’en est qu’une parodie. O Puissance de l’habitude : chaque année ramène sur le champ de courses, ceux-là mêmes qui s’étaient promis de n’y plus mettre les pieds. On y revient, non plus pour les courses elles-mêmes, mais parce que l’on sait retrouver là des amis ; parce que c’est un but agréable de promenade ; parce que le temps incertain de la matinée a détruit les projets d’excursions lointaines, parce que… c’est l’habitude enfin ! Dimanche, j’ai pris, moi aussi tout naturellement, la route directe qui conduit jusqu’à la limite du Grand-Marais. J’ai vu beaucoup de monde, quelques toilettes originales et… très peux de chevaux. J’ai vu ces rares chevaux excités par la voix et la cravache de leurs jockeys galoper pendant de rate et courts moments sur l’herbe rase rendue glissante par la récente pluie. Entre deux courses, j’ai songé. J’ai songé à tout le parti qu’on pourrait tirer de ces terrains immenses, presque improductifs à longueur d’année, en vue de deux seuls jours de pitoyable épreuves hippiques. J’ai songé que, à part la plage, insuffisante pour la population ; à part le jardin public dont ne pas jouir sans contrainte, Saint-Nazaire ne possède rien pour le repos et les jeux en toute liberté des habitants. Et, en rêve, le Grand-marais m’est apparu transformé. À deux pas de la ville il offre, et un asile riant et frais. Des travaux d’assèchement, de nivellement, d’irrigation ont accompli la première partie du miracle. Suivant des plants, soigneusement établis par des artistes, la route de Plaisance, des ronds-points, des sentiers ont été tracés dans la profondeur des arbres planté à profusion. Enfin, le temps à magnifiquement parachevé l’œuvre des hommes. Dans ce terrain neuf, fertilisé par les alluvions, apportés au cours des siècles par les ruisseaux qui le traversent, une végétation luxuriante et vigoureuse s’épanouit. Et chaque dimanche, étendus sur le gazon, à l’ombre protectrice des grands arbres, les nazairiens respirent à pleins poumons, l’air saturés de parfums sylvestres, sans un regret pour le marais désertique et les courses d’antan. Cela, d’autant moins, qu’il a été loisible d’aménager un nouvel hippodrome dans els terrains vagues de Penhoët. Rêves que tout cela. Oui, mais rêves qui peuvent, avec l’argent et le temps, devenir merveilleuse réalité. Le Bois de Boulogne, le Bois de La Chayse, le Bois d’Amour – pour ne parler que de ceux là – ne sont pas les moindres attraits de Paris, de Noirmoutier, de La Baule. Le Bois de… Plaisance serait en attirant chez nous de nombreux touristes, une source de gain pour le commerce local. Il ajouterait à la beauté de Saint-Nazaire et au bien être des habitants. »

    Cet article de Jacqueline Bruno, fort dur envers la Société Hippique de Saint-Nazaire, ne faisait en réalité que coucher sur le papier les avis de nombres de Nazairiens, et se faire l’écho d’un projet municipal d’assèchement et de boisement du Grand-Marais.

    En 1931 la Société Hippique de Saint-Nazaire fut déclarée « en reconstruction ». Les prix étaient les suivants : Prix de la Loire, en deux épreuves de trot attelé ou monté sur 1.693 m ; Prix du Gouvernement de la Côte d’Amour, trot monté sur 2.300 m ; prix de la Société d’Encouragement et du département sur 2.600 m ; Course de haies de la société d’encouragement, trot monté sur 2.600 m ; Prix des amateurs, en deux épreuves, trot monté ou attelé, sur 2.600 m ; Prix du Gouvernement de la République et de la Chambre de commerce, trot monté sur 1.800 m ; prix de l’Océan et du pari mutuel, plat au galop sur 2.000 m ; Prix de la Marne et du Chemin de Fer, deux épreuve en trot monté ou attelé, sur 2.500 m ; Prix de la plage, steeple-chase, sur 3.500 m ; Deuxième Prix de la Société d’Encouragement, trot monté sur 2.800 m ; Prix des steeple-chases militaires, sur 3.000 m ; Prix des Nénuphares, trot attelé sur 2.800 m.

    La Seconde-guerre-mondiale enterra la Société Hippique de Saint-Nazaire. L’Hippodrome de Pornichet, qui s’était doté de structures en dure dès 1924, regroupa sur son terrain toutes les sociétés de la Presqu’île guérandaise. Le Grand-Marais fut asséché avec les gravas non réemployables ou revendables de la ville déblayée, modelé de collines et de bosse à l'aide de sable pompé directement dans la rade, nivelé, et enfin recouvert d’une couche fine de terre fertile pouvant supporter gazon et buisson, et quelques résineux. On draina les eaux en constituant un étang. Une partie des terrains ainsi gagnés reçue des installations sportives, ce qui resta de libre fut associé aux pelouses de l’ancien hippodrome, amène de recevoir des plantations d’essences plus variées, pour constituer le Parc paysager, d’une surface de 50 hectares, réalisant le souhait émis dès 1929 d’un espace vert pour la population.

     

    [1] Propriétaire et cavalier concourant.

    [2] Il mentionne aussi le prix d’Hautpoul, mais confond avec une course particulière qui avait lieu à Saint-Nazaire de l’Aude.

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/22/yachting-nazairien-regates-et-semaines-maritimes-6145600.html?fbclid=IwAR028_BBk9zDTRZrVXv0YIhRuTFH95ArXLjIZM8pk02JPtrZBz7D63niAwE.

    [4] L’un des pseudonymes de Renée Bernard, fille du directeur du Courrier de Saint-Nazaire, voir : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/25/la-presse-nazairienne-1857-1944-6138789.html.

  • La villa art-déco « Mektoub » ne sera pas détruite

    Dans mon article à propos de la tenue ce samedi 27 avril 2019 au Garage d’une journée « d’ateliers-découverte animés », consacrée à l’Inventaire du patrimoine nazairien[1], j’avais exprimé mon regret de la destruction annoncée de la Villa Mektoub. Or, mademoiselle Stéphanie Le Lu, chargée d’études Inventaire du Patrimoine, à la Direction de la Culture à la Ville de Saint-Nazaire, m’a écrit ce jour à propos de la villa Mektoub : « Je l’ai repérée au titre de l’Inventaire dès l’instant où je l’ai vue. Je l’ai présentée à de nombreuses reprises aux élus pour les alerter sur son intérêt patrimonial. […] la maison ne fait pas l’objet d’un permis de destruction. […] Effectivement, un collectif sera prochainement construit mais uniquement sur une partie de la parcelle. La maison sera préservée. »

    Après la perte de la longère de la ferme seigneuriale de Kerlédé, repère identitaire et géographique des Nazairiens, cette nouvelle ne pourra que réjouir les amoureux du patrimoine local.

     

    Profitons de cette heureuse nouvelle pour expliquer un peu plus amplement le travail de mademoiselle Stéphanie Le Lu dont je reproduis ici les mots :

    « L’opération d’Inventaire entreprise sur Saint-Nazaire depuis mai 2014, en partenariat avec la Région, répond à une méthodologie scientifique. Elle consiste, non pas à « faire » que du terrain d’un côté ou à ne consulter que des archives de l’autre, mais bien à croiser ces deux sources afin d’être au plus près de la vérité et à s’affranchir des nombreuses idées qui « collent à la peau » de Saint-Nazaire (et des nombreuses rumeurs qui circulent…).

    Cet inventaire ne se limite pas au « façadisme » mais consiste à aller voir ce qui se passe derrière les portes et donc à entrer chez les Nazairiens (chez qui je suis très bien reçue d’ailleurs).

    Ainsi pendant plus de deux ans, j’ai arpenté la totalité de la commune, emprunté chaque rues, avenues, ruelles, menées, chemin côtier, etc… du nord au sud, de l’est à l’ouest. Je suis entrée chez de nombreux particuliers, de Saint-Marc à Méan, de l’Immaculée au centre-ville. Cet arpentage du terrain a débouché sur de nombreuses découvertes ou redécouvertes. La fresque de l’ancienne école Jean Jaurès illustrant le port de Saint-Nazaire en 1932 par Madeleine Massonneau, en est un exemple.

    Les fonds d’archives sont éclatés et lacunaires. Je n’ai pas toujours la possibilité de pousser les recherches aussi loin que je le souhaiterais mais sachez que chaque information est vérifiée. »

     

    Comme je l’ai écrit précédemment, je suis heureux pour ma part que monsieur Samzun ait mis en œuvre ce recensement. Mon sentiment est que cela va permettre à tous de mieux connaitre, apprécier, découvrir et redécouvrir Saint-Nazaire, à en défendre les trésors et l’identité, à l’aimer encore plus, et j’attends avec impatience les résultats des recherches de mademoiselle Le Lu.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/17/inventaire-du-patrimoine-batit-nazairien-6144653.html

  • Yachting nazairien, régates et semaines maritimes

    À l’heure où Saint-Nazaire se prépare à la réalisation d’un bassin pour les plaisanciers, et à un mois des festivités « Débord de Loire », il convient de faire souvenir aux Nazairiens que cela ne sera pas la première fois que notre port s’ouvre à la navigation de plaisance et qu’il y eut durant des décennies des régates à Saint-Nazaire.

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    Pavillon des marins de Saint-Nazaire photographié en août 1908 :

    un sautoir de sable cantonné de quatre mouchetures d'hermine du même,

    Détail d'une carte postale publiée plus bas.

     

     

    En effet, dès 1870, Saint-Nazaire fut le lieu de régates de yachting : Les régates internationales de Saint-Nazaire.

     

     

    La Société des Régates internationales fut fondée en 1870. Elle était rattachée à l’Union des yachts français du Yacht-Club de France. En 1881 elle fut refondée par René de Kerviler, et devint Société des Régates internationales de l'Ouest, afin de ne pas être confondue avec ses nombreuses homonymes.

    À l’époque le port abritait des yachts, mais ceux-ci étaient inscrits sur les registres de Nantes ou d’autres ports. C’est Pierre de Montaigu, (1844-1927), membre, entre autres, des conseils d’administration de la Compagnie des chemins de fer d'Orléans et la Compagnie nantaise des chargeurs de l'Ouest, député monarchiste de la Loire-Inférieure de 1898 à 1910, qui inscrivit le premier un yacht au registre de Saint-Nazaire, l’Hermine, goélette à hélice de 265 tonneaux.

     

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    Pierre de Montaigu

     

    Membre du Yacht-Club de France, où il occupait les fonctions de conseiller de l’union, et aussi membre de la Commission de la navigation à vapeur, Pierre de Montaigu œuvra au développement des Régates de Saint-Nazaire. Ce n’est cependant qu’à partir de 1891 que deux autres yachts furent inscrits à Saint-Nazaire au sein du Yacht-Club de France, la Mélita, goélette de 50,3 tonneaux, appartenant à Edouard Chevreux, (1846-1931), spécialiste des amphipodes, qui explora avec son navire nazairien les côtes françaises, mais aussi celles des Canaries et du Sénégal en 1890, et devient en 1918 président de la Société zoologique de France ; et et La Berceuse, stream-yacht à Henri Duval, (1834-1905), directeur du Gaz de Saint-Nazaire, président de la Chambre de Commerce, construite par les Favre à Nantes, de 50 tonneaux, long de 18,50 m, 17 m de flottaison et 3,50 m de bau, tirant d’eau arrière d’1 ,60 m, mais qui ne reçut jamais de guidon particulier.

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    Emblème de l'Union des yachts français

     

    Dès 1894, d’autres yachts furent inscrits à Saint-Nazaire : le Chiquita, cotre, 17 tonneaux, appartenant à André Proust, membre d’une vieille famille nantaise dont un parent fut seigneur de Cleuz-le-Propre en Saint-Nazaire à la fin du 17e siècle[1] ; en 1894 la Lola, propriété de Gustave Bord, (1852-1934), le châtelain de Porcé[2], goélette à hélice, (ex Olivia), construite en 1883 à Glasgow par A. & J. Inglis, 105 tonnes, longueur totale 35 m, bau de 4,35 m, creux de 2,90 m, tirant d'eau 1,5 m, et faisant 100 chevaux ; la Alyette, cotre de 10 tonneaux, à Jules Baillardel de Lareint, marquis de Tholozan, (1852-1900) ; la M’Aza, goélette construite en 1872, de 118 tonneaux, à Jules Suser, (1817-1899), industriel nantais de la chaussure qui par la suite acquit le Zampa appartenant à monsieur Delaunay de Bordeaux ; le Set, yawl de 2 tonneaux, à Joseph-Etienne Gautier ; en 1897 Pierre de Montaigu changea de yacht, ce fut la Caroline (il avait possédé un houari à hélice du même nom de 30 tonneaux, inscrit au Pouliguen à en 1895), cette goélette mesurait 27,53 de long, avec un bau de 4,2 m, un creux de 2,50 m, et un tirant d’eau de 1,90 m ; en 1897 La Perle, 45 tonneaux, longue de 24,79 m, bau de 3,45 m, creux 1,95 m, appartenant à Charles Thurneyssen, banquier parisien administrateur de sociétés ; etc.

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    La Caroline, à Pierre de Montaigu

     

     

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    Pavillons des yachtmans nazairiens

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    La Lola, à Gustave Bord

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    Les yachts nazairiennes à quai dans le Vieux Bassin

     

    Les régates internationales de Saint-Nazaire :

     

    Les régates internationales de Saint-Nazaire furent donc fondées en 1870.

     

    A l’occasion de la troisième régate, un article paru dans Le Monde illustré du 30 août 1873 relata : « Notre correspondant, M. Ch. Leduc, nous apprend que le départ s'est effectué avec beaucoup d'ensembles, et que les concurrents, favorisés par une jolie brise de N.-O., ont facilement doublé une bouée mouillée à 10 milles marins dans le S.-O. du point de départ. Ce virage, effectué avec une adresse qui fait les plus grands éloges de ces intrépides amateurs de navigation, offrait un coup d'œil des plus intéressants, car, à partir de ce moment, la course a pris des proportions sérieuses. La lutte, tout en restant légale, a été des plus acharnées, et, deux heures après cette manœuvre, les vainqueurs passaient devant les tribunes, aux acclamations des spectateurs et au bruit du canon. Voici l'ordre d'arrivée : Papillon, cotre de Bordeaux, qui, quoique premier, est obligé, par son rendement de quelques minutes, d'abandonner son premier prix à l'Armorique, de Nantes, et ne se trouve classé que second ; troisième, Claire, cotre de Nantes, et, quatrième prix, Béatris, aussi de Nantes. Les autres embarcations non classées sont arrivées dans des conditions très-satisfaisantes. »

     

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    La troisième régate, illustration parue dans Le Monde illustré, 30 août 1873.

     

    Les régates avaient lieu initialement en août. La régate des 13 et 14 août 1879 fut une catastrophe. Il n’y avait que deux bateaux pour trois prix ! Le Zampa, de monsieur Demay, qui était de Bordeaux, et la Stella de monsieur Jousset, de Paris. L’Union-Bretonne du 16 août 1879 commenta : « Très-peu de monde dans la tribune, pas de toilettes, pas d’entrain, et pour comble , peu de bateaux de plaisance. » Et le journal de rajouter « qu'au lieu de distribuer des prix à des étrangers », les organisateurs feraient mieux d’organiser des régates locales pour les petits plaisanciers. Hasard de l'histoire, Pierre Loti assista à cette régate dont qu'il mentionne dans son journal, sans donné de détail. Il est vrai que son esprit était préoccupé par l'enterrement de Jules-Augustin Delœuvre, jeune matelot de 3ème classe à bord du  transporteur de l'Etat La Moselle, que Loti commandait, et qui s'était noyé le 12 au soir en se baignant dans le bassin à flot.

     

    Devenues en 1888 Société des Régates Internationales de l'Ouest à Saint-Nazaire, les compétitions avaient alors lieu la dernière semaine de juillet, se composaient de plusieurs épreuves réparties sur une semaine. La première épreuve avait lieu en milieu de semaine. Partant toutes du port, la première épreuve consistait à doubler la bouée Nord-Ouest de ma Banche ; la seconde épreuve était consacrée aux amateurs, (sans l’aide d’un marin professionnel, sauf un pilote facultatif qui n’avait pas le droit de toucher aux instruments de manœuvrer), avec même parcours ; la troisième affectée aux régates dites locales, (c'est-à-dire les membres des clubs locaux exclusivement), son parcourt s’arrêtait à la bouée de Bonne-Anse. On revenait en Loire, pour doubler devant Donges, puis on rentrait au port. La compétition était divisée en quatre catégories de tonnage : 20 à 15 tonneaux ; 10 à 5 tonneaux ; 5 à 3 tonneaux ; et une compétition de canaux.

    Les chantiers français construisaient principalement des cruisers, qu’on transformait en racers. Quelques régatiers achetaient des racers aux chantiers britanniques qui étaient presque tous du même modèle, surnommés « couloirs de plombs », en raison d’un lest consistant en une quille de plomb accompagnée de gueuses de fonte réparties sur le petit-fond.

    Les présidents se succédèrent : René de Kerviler[3] ; J.-Emile-Adrien Daguzan, (1867-1941), négocient en chaussons ; l’industriel importateur de charbon, Louis Brichaux, (1871-1945), qui fut maire de Saint-Nazaire de 1909 à 1919.

     

    En 1892 les compétitions évoluèrent. La principale épreuve était divisée en trois :

    • La première était destinée aux yachts de 2 à 5 tonneaux et était divisée en deux séries. Le 1er prix était de 200 fr, offerts par le Yacht-Club de France avec une médaille vermeil : le 2ème, de 100 fr, était le prix Alcide Bord, (initié par cet ingénieur du port, (1826-1888), père de Gustave[4]), et était accompagné d’une médaille d'argent ; 3ème prix : une médaille de bronze offerte par le Yacht-Club de France ; 4ème prix : une médaille de bronze.

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    • La seconde pour les yachts au-dessus de 5 tonneaux et n'excédant pas 10 tonneaux : 1er prix : 400 fr et une médaille de vermeil offerts par le Yacht-Club de France ; 2ème prix : 200 fr et une médaille d'argent offerts par le Yacht-Club de France ; 3ème prix : 100 fr et une médaille de bronze offerts par le Yacht-Club de France ; 4ème prix : une médaille de bronze offerte par le Yacht-Club de France et 50 fr ;
    • La troisième, divisées en trois séries pour les yachts au-dessus de 10 tonneaux : 1er prix : 500 fr et une médaille d'or offerts par le Yacht-Club de France ; 2ème prix : 200 fr et une médaille de vermeil offerte par le Yacht-Club de France ; 3ème prix : 100 fr et une médaille d'argent offerte par le Yacht-Club de France.

    Un prix d'honneur réunissant toutes les séries et consistait en un objet de la manufacture de Sèvres, don du Ministre des beaux-arts au Yacht-Club de France.

    Il y avait aussi un prix de construction française réunissant les yachts de toutes les séries construits en France divisé en trois : 1er prix : un objet d'art offert par le Président de la République ; 2ème prix: un objet d'art offert par le Maire de Saint-Nazaire ; 3ème prix : une médaille de bronze offerte par le Yacht-Club de France.

    Le prix de la Coupe, en trois épreuves successives, dans trois localités différentes :

    • 1ère épreuve : 1er prix : une bourse de 400 fr offerte par le Yacht-Club de France ; 2ème prix : une bourse de 200 fr offerte par le Yacht-Club de France ; le prix de la Coupe donné par le Yacht-Club de France consiste en une coupe en argent ciselée accompagnée de la somme de 1.800 fr, attribuée par bourse de 400 fr. et de 200 fr. au premier et au second yacht gagnant dans chaque épreuve ; la coupe était acquise au propriétaire du yacht arrivé trois fois de suite premier, soit dans la même année, soit dans deux années consécutives, si ce yacht était de construction française, il recevait en plus une somme de 4.000 fc accordée par le Yacht-Club de France.

    Venait ensuite la course d'amateurs pour yachts de plus de 2 tonneaux : 1er prix : un plateau d'argent et une médaille vermeil offerts par le Yacht-Club de France ; 2ème prix : un compas et une médaille d'argent offerts par le Yacht-Club de France ; 3ème prix : une médaille d'argent ; les amateurs formant l'équipage du yacht' gagnant, recevaient chacun une médaille.

    Les courses étaient suivies à la longue-vue depuis le Vieux-Môle. En 1899 les sociétaires embarquaient sur le remorqueur à roue Belle-Île mis à disposition par la Compagnie Général Transatlantique. Il fut ensuite remplacé par l’Athlète. Ces navires gitaient beaucoup, et il fallait avoir l’estomac solide et le pied marin.

    En parallèle des compétitions d’aviron avaient lieu sur les bassins et dans la Loire, et une compétition destinée aux pécheurs en mer qui poussaient leurs chaloupes jusqu’à la Banche. Le dernier soir, après la remise des prix, avaient lieu dans les salons de l’hôtel de ville une grande soirée avec buffet et bal où la bonne société nazairienne se devaient de se rendre, ce qui permettait de mélanger la bourgeoisie aux marins et pécheurs professionnels du port.

    Les Régates internationales de Saint-Nazaire n’étaient pas les seules de l’estuaire, il y en avait aussi à Pornic, Paimboeuf, et au Croisic, ainsi qu’une course-croisière entre Saint-Nazaire et Port-Navalo fondée en 1894 et organisée par la Société des Régates de Vannes.

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    Au départ pour une course dans le Vieux Bassin

     

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    La Semaine maritime de 1908 :

     

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    Affiche pour La Semaine Maritime de 1908, par J. Pohier ; on y distingue une autre erreur sur le chef des armoiries de la ville de Saint-Nazaire où la clef n'est ici pas d'or, mais aussi un second pavillon, tranché d'azur sur gueules, au losange d'argent chargé des armes de Saint-Nazaire. Notons aussi que le pavillon au sautoir rouge est celui de la Société de Sports Nautiques de Nantes, et n'est donc pas le pavillon nazairienne.

     

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    Saint-Nazaire fut le port choisi par la Ligue Maritime pour recevoir la « Semaine maritime » qui se déroula du 23 août au 1er septembre 1908. En plus des régates annuelles, il y eut parades de yachts, de navires de guerre, (les croiseurs Dupetit-Touard, Leon-Gambetta, Amiral-Aube ; l’aviso-torpilleur Lance ; l’aviso Chamois, et quatre torpilleurs), de navires écoles, sous la présidence du ministre de la Marine, Gaston Thomson, venu avec sa fille. Parmi les célébrités présentes, il y eu le prince Axel de Danemark, cadet de la marine danoise à bord du Hendal ; l’amiral Alfred Gervais, (1837–1921), promoteur de l’Alliance Franco-Russe ; le vice-amiral Horace Jauréguiberry, (1849-1919) ; le vice-amiral François Leygue, (1846- 1925), préfet maritime de Lorient ; le sénateur du Finistère Louis Pichon, (1849-1916) ; le député Seine-Inférieure Louis Brindeau, (1856-1936), qui était aussi président du Congrès de sauvetage ; le directeur de la Navigation et des Pêches maritimes au Ministère de la Marine, E. Trefeu ; etc.

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    Le ministre de la Marine Thomson à Saint-Nazaire.

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    L'ouverture se fit le 23 août, par une brise fraîche d'Ouest, obligeant les racers des dernières séries à rouler des ris. La rade présentait néanmoins une animation extraordinaire avec les innombrables yachts de tout tonnage, à voiles, à vapeur, à moteur, qui la sillonnaient en tous sens, se croisant et se dépassant tour à tour, couchés par instant à plat sous les rafales violentes. Durant la course des yachts, dont un des participants, le Chocolat, coula avant le départ dans le port, les vainqueurs de la course des yachts furent : pour ceux de 6 m 50, monsieur Fiteau, de Nantes, 1er prix avec le Rozvenn ; monsieur, Mahot, de Nantes ; second prix avec le Triplepatte ; troisième le Mistoufle à monsieur Marly, de Bordeaux. Course des yachts de 6 mètres : 1er Madame-Poulet, à monsieur Savoye-Mazureau, de Paris ; 2ème Retourne, à monsieur Guillet, de Nantes ; 3ème Enia, à monsieur Dours, de Bordeaux ; 4ème Verveine, à monsieur Thube, de Nantes. Yachts de 8 m : 1er Yannic, à monsieur Letot-Cointet, de Nantes ; 2ème Loisir, à monsieur Teste, de Bordeaux ; 3ème Joyeux, à monsieur Peyrelongue, de Bordeaux ; 4ème Triton, à monsieur Penan-Pergeline, de Nantes. Yachts de 10 m : 1er Saint-Cadoc-III, à monsieur de Malherbe de La Bouexière, de Quimper ; 2ème Titave, à monsieur Picon, de Bordeaux ; 3ème Zigzag, à M. Delecluze, de Concarneau…

     

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    Il y eu une course en barque des marins de l’État.

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    Les festivités furent somptueuses, on en fit des cartes postales. Toute la ville était pavoisée, il y avait des guirlandes et des lampions dans toutes les rues, une estrade pour les musiciens fut dressée sur la place des Quatre-z-horloges (alors place Carnot), chaque soir il y avait banquet et bal officiels au Casino, au Grand-Hôtel, à la mairie, au Yacht Club, à la Chambre de commerce, les restaurants et les bars ne désemplissaient pas.

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    (Le Sport universel illustré, septembre 1908)

    Les festivités furent étendues aux ports environnants : 24 août réunion au Pouliguen et à La Baule ; le 25 excursion à Noirmoutier et régate à Pornic, où le temps dut inégal et désagréable, forçant les concurrents à changer plusieurs fois de voilure pendant le parcours. La journée du 27 août fut le jour des Régates en mer, mais alors que le temps avait été jusque-là magnifique, une tempête se leva du Sud-Ouest, obligeant le report des épreuves au 31. L’orage fut tel que les lampions et les guirlandes furent réduits en une bouillie de papier. On blâma le Ciel, mais nombre d’habitants du centre-ville furent heureux de ce lessivage qui permit de rendre propres des rues où s’étaient soulagés nombre de marins imbibés… Le 28 fut consacré à la montée de la Loire par les torpilleurs d'escadre et de l'école de pilotage, les avisos-torpilleurs, les navires-écoles Bougainville, Chamois, le croiseur danois Heimdal, etc., escortant le Cassini, à bord duquel avait pris place le Ministre de la Marine qui fit escale à Nantes, où pendant les trois jours suivants, fêtes et régates continuèrent et donnèrent à la ville la même animation qu’à Saint-Nazaire.

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    Le filet de sardines, (Le Sport universel illustré, septembre 1908)

     

     

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    (Le Sport universel illustré, septembre 1911)

     

     

     Le première guerre-mondiale stoppa les régates ; elle reprirent en 1920 sous parrainage du lieutenant de marine Jacques-Cyr Le Merdy (1893-1966)[5]. Elles eurent lieu la première semaine d’août sous la gérance du Syndicat d’initiative. Le comte Raymond-Pierre de Parscau du Plessix, (1859-1943), maire de Donges, fut élu président de la Société des régates. Il fallut cependant l’organisation une nouvelle fois à Saint-Nazaire de la Grande Semaine Maritime du 13 au 20 juillet 1924 pour relancer véritablement les régates nazairiennes. La guerre avait tué massivement les anciens compétiteurs, et la dévaluation du Franc ruiné une grande partie des survivants.

    Le dimanche 13 juillet eurent lieu régates et fête nocturne sur le boulevard de l’Océan. Le 14 revue officielle, dépose de palme sur le monument aux Morts, championnat de natation, jeux nautiques, après-midi dansante à bord du transatlantique. Le 15 inauguration du port de Pornichet, et fête vénitienne sur le vieux-bassin à Saint-Nazaire. Le 16 fête à Noirmoutier. Le 17 juillet 1924, Jacques-Louis Dumesnil, (1882-1956), ministre de la Marine, accompagné de Léon Mayer, le sous-secrétaire d’État à la Marine, arriva à 8 h en gare de Saint-Nazaire, où il fut accueilli le vice-amiral Jules-Théophile Docteur, (1868- 1966) ; le sous-préfet François Gaux. Ils le conduisirent à la Chambre de Commerce, où l’attendaient le président de Louis Brichaux ; le vice-président Louis Joubert ; le président de la Ligne maritime et ministre de la Marine, Charles Chaumet, (1866-1932) ; le sénateur de la Loire-Inférieur Louis Brindeau. Jacques-Louis Dumesnil rappela dans son premier discours l’importance du port de Saint-Nazaire durant la guerre, notamment pour l’accueil des troupes étasuniennes. Ils embarquèrent ensuite à bord du Paul-Leferme pour visiter le port, puis ils embarquèrent sur le Diderot, accompagné des amiraux, et de l’attaché naval d’Espagne. Après un banquet organisé par la Ville et la Chambre de commerce, et un concert de musique de la Flotte, le ministre et le sous-secrétaire repartir par le train de nuit pour Paris, alors que la flotte remontait la Loire et que les festivités continuèrent en partie à Nantes. Le 18, réunion du Congrès, nouveau concert et exposition. Le 19 clôture du Congrès, divers spectacles, bal populaire. Le 20 régates, concours de natation, régate des modèles réduits, concert de clôture par les Équipages des navires venues pour les festivités. C’est à l’occasion de cette Grande Semaine Maritime, que furent institués des courses pour les pêcheurs qui devinrent annuelles à partir de 1926. Cette première régate des bateaux de pêche fut divisée en deux séries : 26 pieds et en-dessous ; de 21 à 27 pieds. Ce furent les pêcheurs de Méan qui se distinguèrent.

     

    En 1926 il y eut l’instauration d’une Coupe de la ville de Saint-Nazaire pour les plus de 8m50, sur 11 milles , 1er prix une coupe offerte par la ville ; 2ème un médaille d’argent offerte par la société des régates : 3ème une médaille de bronze offerte par le Ministère de la Marine marchande ; le prix du Yacht Club de France, pour les 6 m 50 à 8 h 50 sur 11 milles ; les monotype nationaux sur 7 milles ; Le Coupe de Bretagne du Moyen-handicape Nationale divisée en deux séries : 1ère de les 7 m à 12 m sur 11 mille ; au-dessous de 7 m sur 11 milles ; les extra-réglementaires au-dessous de 5 m 50 corrigée sur 11 milles : les extra-réglementaires au-dessus de 5 m 50 sur 11 milles ; les bateaux de pêches de Saint-Nazaire de 28 pieds et au-dessus; de 21 à 27 pieds ; les 20 pieds et en dessous ; sur parcours de 7 milles ; Séries des canots de Méan ; série des bateaux de pêche étrangers de 21 pied et au-dessus.

    Alignement du départ était une ligne entre le Vieux-Môle et le débarcadère de Mindin.

    S’il y eut la création d’épreuve à destination des pécheurs, on pratiqua une ségrégation sociale pour la remise des prix : au café Prévot 8 rue de Villès-Martin pour les yachtmans ; au café de l’Atlantique pour les pêcheurs. La Marie organisa un vin d’honneur dans ses salons en présence du Préfet, mais le maire, François Blancho, qui ne prisait pas ces événements, délégua son second-adjoint, Mausion.

     

    En 1929, les Nazairiens vexés que le Duquesne, un croiseur soit confié aux régates de La Baule, dont le capitaine était le nazairien Gabriel Brohan, (1881-1966)[6], futur amiral, demandèrent au ministre de la Marine qu’on leurs attribue l’aviso Arras. On lança l’épreuve croisière Saint-Nazaire La Baule en organisant un bal au salon du Grand-Hôtel, décoré de pavillons et de plantes vertes

     

    En 1931 fut institué une Coupe de la marine marchande.

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    (Ouest Éclair 11 août 1931)

     

    En 1932 fut créé le Prix du Comte de Parscau du Plessix, dont le 1er prix était une médaille dorée offerte par la Société des Régates ; le 2ème une médaille de bronze offerte par le Ministère Marine marchande ; le 3ème une médaille de bronze offerte par la Société des Régates ; le 4ème une médaille de bronze offerte par la Société des Régates ; avec en plus, 80 francs par bateau prenant part à la course avec un maximum de 500 francs, offert par le comte de Parscau du Plessix, à répartir, moitié entre les partants, moitié en temps primé.

     

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    Le Comité des Régates, (Ouest Éclair du 19 juillet 1932)

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    yachts des régates, (Ouest éclair du 15 juillet 1933)

     

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    Le Courrier de Saint-Nazaire du 23 juillet 1938 (cliquer pour agrandir).

     

     

     

    La Second-guerre-mondiale mit fin aux régates nazairiennes.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/30/la-seigneurie-de-cleuz-premiere-partie.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] Il eut pour vice-président le docteur Charles Baudet, (1852-1933), maire de Caulnes de 1896 à 1933 ; il fut aussi conseiller d'arrondissement de 1880 à 1889, et député des Côtes-du-Nord de 1903 à 1921 ; puis à partir de 1889 le Nantais Georges-Philippe-Marie Biré.

    [4] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [5] http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers_lemerdy.htm

    [6] http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers_brohan_gabriel.htm

  • Notes sur la famille Benoist et la maison du 5 rue du Bois Savary

    Au n°5 de la Rue du Bois Savary[1] est une demeure à la façade de pierre sculptée de mascarons. Cette maison, qui intrigue beaucoup les Nazairiens, fut construite pour le docteur Alcide Benoist, qui a laissé son nom à une rue de notre ville[2].

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    La maison Benoist (à gauche) en 1870. Elle faisait face au grand calvaire détruit en 1873. On voit sur l’illustration que le quartier peinait à se lotir. La maison à droite appartenait au Lechat, et fut un temps la gendarmerie.

    Le docteur Alcide Benoist fut désigné en 1867 pour diriger l’une des salles du nouvel hôpital. Il milita pour l’amélioration des logements, et fonda une société de secours mutuel des ouvriers et employés de la Compagnie Générale Transatlantique. C’est lui qui veilla à la cicatrisation des scarifications rituelles que Narcisse Pelletier avait sur la poitrine et le ventre, et dont il fit mention dans un article, (non signé mais assurément de sa main), du Gaulois en date du 13 mai 1877.

    Mais la docteur Benoist avait le démon du jeu, et s’endetta au point de devoir vendre la maison qu’il avait fait construire au n°5 de la rue du Bois Savary, il emménagea alors rue de La Villès-Martin (avenue du Général de Gaulle). Sa tombe, au cimetière de La Briandais, comporte une plaque avec l’inscription : « A la mémoire du docteur Alcide Benoist, ses concitoyens, ses amis ».

    La maison fut en 1887 la résidence d’Abel Gallet, receveur principal des Contributions indirectes, et entreposeur des tabacs[3] ; en 1931 elle était résidence de maître Clément, huissier de justice ; dans les années 1950, elle abritait le cabinet du docteur Michel Harrivelle ; elle fut ensuite le cabinet des avocats Vautier et Bellec durant plus de 20ans avant d’être mis en vente en 2011/12.

     

     

    La famille Benoist[4]

     

    La famille Benoist à Saint-Nazaire est originaire du Poitou, de Benassay et plus exactement de son hameau de Lavausseau (un temps commune). Elle est issue de :

     

    I° Augustin Benoist, (Benassay-Lavausseau 7 octobre 1799 - Benassay-Lavausseau 24 août 1857), négociant, et d’Annette Habrioux, (Aslonnes 18 avril 1799 - Benassay-Lavausseau 29 mai 1854), fille de Jean-Louis Habrioux, juge de Paix et maire d'Aslonnes. Le couple eut :

    1° Augustin-Jean-Charlemagne-Ernest, (Lavausseau 28 janvier 1825 - Saint-Nazaire 23 août 1883), conseil juridique, époux d’Agathe Clémentine Mestais, (Marnay 12 août 1832 - Granville 27 juin 1910), d’où :

    a1° Augustin-Ernest-Léon, (Benassay-Lavausseau 6 août 1855 – Orléans 25 février 1940), marin, marié le 31 janvier 1883 à Chabanais avec Gabrielle Anne Brunet, d’où postérité ;

    b1° Clément-Alcide-Henry, (Benassay 24 février 1859 - Toulon en 1908), greffier du juge de paix, agent d'assurances, marié le 21 octobre 1890 à Sancoins avec Louise-Marie-Céline Pautre, d’où postérité :

    c1° Marie-Amélie-Léontine, (Poitiers 8 avril 1868 - Mortagne-au-Perche 6 juin 1962), mariée le 25 janvier 1897 à Montargis avec Henri Coste, né le 30 mars 1869 à Saint-Nazaire, fils de Simon Coste, consul de Belgique et de Colombie[5],

    2° Alcide-Henry-Hilaire, (Benassais-Lavausseau 13 janvier 1829 – Saint Nazaire 3 janvier 1889), docteur en médecine, dévoué et très aimé de la population nazarienne qui lui éleva un monument au cimetière de La Briandais avec son profil en médaillon de bronze, (41 cm de diamètre), réalisé par le sculpteur Georges Bareau, dont la ville possède une seconde version dans ses collections, don de Gabriel Benoist.

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    il se maria le 22 février 1854 à Poitiers avec Émilie-Françoise-Virginie Fradin, (Poitiers 26 juillet 1832 - Saint-Nazaire 25 juillet 1885), fille du député Charles Pierre, d’où :

    a2° Gabriel-Henri, (Saint-Nazaire 4 février 1859 – Vannes 12 avril 1912), docteur en médecin qui débuta dans le cabinet du docteur Charles Durant[6]. Il est parfois confondu avec son oncle prénommé comme lui. Il quitta Saint-Nazaire et devint inspecteur de l'assistance publique à Dieppe, puis à Privas en 1895, et Vannes ; marié le 16 juin 1889 à Grandes-Ventes avec Roseline-Antoinette Beaurain, (née le 28 octobre 1865 à Grandes-Ventes), dont il eut deux filles : Marcelle-Thérèse, (1895-1990), et Yvonne ;

    b2° Renée-Marie-Émilie, (Saint-Nazaire 7 août 1862 - Loroux-Bottereau 27 mars 1944), mariée le 3 juin 1882 à Saint-Nazaire avec Jules Dubois de Mont-Marin[7], (Alger 20 décembre 1859 - Rennes 4 juin 1931), dont elle eut : René-Gabriel-Alexandre-Alcide-Marie, (Saint Nazaire 10 juillet 1890 – Nantes le 12 janvier 1952), et Jean-Pol , (Nantes 7 mars 1897 – Paris 9 mars 1965) ; veuve, elle revint vivre à Saint-Nazaire dont elle fut chassée par les bombardements ; elle trouva refuge à Loroux-Bottereau où elle décéda.

    3° Gabriel, avocat, dit « Benoist Vermouth » en raison de son alcoolisme, parfois confondu avec son neveu et homonyme. Il était un ami de jeunesse d'Aristide Briand, et fut envoyé par lui comme témoin avec Hippolyte Durand, (fils du docteur Hippolyte Durant), comme témoins, le 8 septembre 1884, pour un duel de réparation exigé par Briand au conseiller municipal Esseul, (marchand de plâtre, individu sans instruction et d'une rare grossièreté et arrogance, décédé le 14 septembre 1930 à l'age de 94 ans), pour l'avoir traité de « saltimbanque ». Esseul qui ne savait pas manier une arme, déclina, et l'affaire en resta là.

     

     Il y eut aussi à Saint-Nazaire, un assureur durant plus de 40 ans rue du Traict, René Benoist, et qui était réputé être le neveu du docteur Alcide Benoist. En réalité c’était un cousin éloigné. Louis-René Benoist était né le 25 août 1857 à Neuville-du-Poitou, fils de Ferdinand-Louis-Clément Benoist, natif de Benassay-Lavausseau, cousin-germain d’Augustin Benoist, docteur en médecine, et d’Éloïse-Augustine Humequin. René Benoist avait été durant 22 ans journaliste à paris avant de s’établir à Saint-Nazaire, où il fut en plus de son activité d’assureur qu’il n’abandonna, malgré son grand âge, qu’à la suite des bombardements, correspondant de l’Agence Havas. Pratiquant l’aéronautique en ballon, il était, à l’occasion du tour de France, survolé en avion la ville le 14 juillet 1939. Il eut une fille, veuve en 1915 avec deux enfants.

     

     

     

     

     

    [1] Pour connaitre l’histoire du Bois Savary, consultez notre article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2016/03/04/le-bois-savary-5769406.html

    [2] Il y avait aussi un square à son nom, mais il fut remplacé par le parking de la rue Louis Lumière.

    [3] Renseignements fournis par madame Mathilde Pateyron Gallet.

    [4] Sans lien avec les Benoît de La Baule-Escoublac.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/08/consuls-et-vice-consuls-nazairiens-6142257.html

    [6] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/31/notes-sur-la-famille-durand.html

    [7] Issu d’une famille malouine, il hérita du château de Montmarin qu’il vendit.

     

     

     

  • Cette Nazairienne que l’on chante

    Non, je ne vais pas vous parler de la créatrice de la marque de ticheurte, mais d’une autre Nazairienne qui fut exhumée et mise en musique par Fernand Guériff et audible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wB4tWBhprHA

     

    Cette chanson est née en 1879. Elle fait partie de la longue liste de ces canzonettes citadines, relatant la vie locale, ses travers, crimes, et événements cocasses, que l’on entonnait dans les cafés, guinguettes et aux banquets. À la fin du 19ème siècle on composait ainsi sur un air connu facilement interprétable au piano ou l’accordéon, (très rarement composés pour), quelques couplets faciles à retenir et qui vous restaient dans la tête des heures. Il en eut beaucoup à Saint-Nazaire, certaines dues à Atys Goy, la majorité aux différentes philharmoniques, L'Harmonie de Saint-Nazaire, La Lire de la Loire à Penhouët[1], Le Trait d’Union à Saint-Marc[2], Les Tambourds et Clairons du 4e bataillon du 64e de Saint-Nazaire, parfois à des clients ou des tenanciers de beuglants.

    On trouve ainsi de temps à autre dans les brocantes des textes à chanter anonymes, imprimés, mais sans partition. C’est le cas de « Ma Nazairienne » que Fernand Guériff redécouvrit et mis en musique.

     

    Mais cette chanson, nombre de Nazairiens n’en comprennent pas les paroles, et j’ai eu, je dois l’avouer, un rire flaubertien qui a dû retentir dans tous Naples quand un professeur m’a écrit hier vouloir la faire chanter à ses élèves. Si les paroles finales sont, il me semble, plus explicites que celles de Il court le furet, Mon ami Pierrot, où Ce petit chemin, je dois accorder que sans une vraie connaissance de l’histoire nazairienne, et j’ose l’écrire, sans une ascendance pluricentenaire à Saint-Nazaire, on a du mal à comprendre toutes les subtilités du texte.

     

    Décortiquons donc notre Nazairienne. La chanson commence ainsi :

    « L'autre jour rue d'la gare, tout seul j'arpentais le trottoir

    Quand dans la rue de Nantes, je vis un'femme des plus charmantes

    J'me mis à la pister jusqu'à la rue du Prieuré

    Enfin je la suivis dans la rue du bois Savary

    Mais elle a pris une autre rue et c'est là que je l'ai perdu »

     

    Resituons nous avant la Première guerre mondiale : les rues décrites sont celle qui forment la périphérie de la place Marceau, et qui est plus loin citée, « Tous les soirs place Marceau pendant une heure j'fais le poireau », avec la rue de Paris qui longeait la place, «  L'autre jour rue de Paris sans la chercher je la revis ».

     

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    Dans notre Saint-Nazaire d’aujourd’hui la place Marceau correspond à l’emplacement du site occupée par la Ruban bleu, la rue de Nantes est depuis 1919 la rue Henri Gautier, la rue du Prieuré, qui partait en biais a disparu en partie et est devenue rue de la Petite-Californie, mais la rue du Bois Savary demeure, la rue de Paris est devenue Roger Salengro, la rue de la gare est devenue Stalingrad. Il manque deux rues dans la description, volontairement omises par l’auteur de la chanson, les rues de La Ville Aubry, actuelle rue de Saintonge, et la rue de Méan, autre rue en biais, disparue à la Reconstruction.

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    Les rues de la Ville Aubry et de Méan avaient la particularité d’être les rues où étaient les deux maisons closes de Saint-Nazaire.

    Celle de la Ville Aubry était fréquentée par les officiers de marine et la gentry locale. Elle était tenue par le couple Etienne Médan et Françoise Peytoureau qui exploitaient en 1861 sept filles : Marie Rocher, Françoise Retz, Mathurine Guillernait, Jeanne Lession, Josephine Lacly, Marie-Anne Leguenec, et Eugénie Brunian. Cette maison connut un moment de panique quand on apprit que le premier a avoir été porteur de la fièvre-jaune à Saint-Nazaire y avait passé le 25 juillet 1861 sa première soirée à terre.

    Celle de la rue de Méan était réservée aux marins et aux ouvriers. La tenancière, Véronique Maisonneuve, femme Martin, se présentait comme la propriétaire d’une pension, mais où les raccrocheuses de trottoir conduisaient leurs clients pour une passe. En plus d’une cuisinière, il y avait là en 1861 sept« pensionnaires », qui faisaient le tour du quartier entre le port et les cafés, pour rameuter le client : Julie Lebecret, Marie Bompré, Marie Mironnet, François Legac, Hortence Picard, Marie Cattana, Hélène Gouesmat.

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    Notre Nazairienne est donc l’une des filles de la « pension » de la rue de Méan.

    Elle suivait les demandes de la clientèle pour son commerce :

    « Ma Nazairienne gironde était devenue subitement blonde

    Et devant mon air baba elle me dit tu ne sais donc pas

    Qu'les blondes sont recherchées je m'suis teinté à l'oxygénée

    Mais n't'en fais pas mon gros chéri, tout ça n's'aperçoit pas dans l'lit ».

     

    Notre Nazairienne n’était pas la seule à faire commerce de ses charmes entre la place Marceau et le port, et il n’y avait pas que des femmes, nombre de marins, de garçons des chantiers, et de militaires à la Briandais arrondissaient leur fin de mois en se montrant du côté de la société de gymnastique et de tir « La Nazairienne », club sportif réservé aux hommes, avant de se rendre dans les buissons du parc de l’entrepôt des douanes (emplacement de l’ancien VIP).

    Tous les cafés avaient au moins une fille qui faisait entraîneuse. Les parents d’Aristide Briand en avaient deux en permanence, qui gardaient le petit Aristide quand madame Briand faisait le ménage et les courses. Il y avait aussi les filles employées par les hôtels…

     

    Cette présence des maisons closes dérangea certains commerçants dès 1879. Ainsi, le restaurateur Verbois, qui avait commerce rue de Nantes, écrivit une lettre au Maire, le 22 juillet 1879 ; lettre qui fut reproduite dans le Courrier de Saint-Nazaire du 27 juillet 1879 :

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    Cette lettre fit grand bruit, est-ce en réponse que fut créée la chanson Ma Nazairienne ? Possible, mais nous nos recherches actuelles ne nous permettent pas de définir l'année de la création de la chanson.

     

    Durant le stationnement des troupes étasuniennes, le haut-commandement établis deux bordels à L’Immaculé car les trois de Saint-Nazaire étaient saturés, (fille d'attente sir les trotoires, jusqu'à 30 passes par fille chaque jours), et que la prostition libre, (professionnelle ou occasionnel), entrainait debordements et propageait des maladies.

     

    Dans les années 1930, la tenancière de la plus grosse maison close de Nantes et son époux (officiellement seule une femme pouvait alors posseder une maison close), ouvrirent chaque année à la belle saison une succursale à Saint-Marc dans la villa Nutshell, demeure qui existe encore.

    Durant l’Occupation, les pauvres femmes contraintes à abattage dans ces maisons se retrouvèrent à devoir assouvir les envies des troupes allemandes. Vers la fin de la guerre, un certain nombre d’elles furent enfermées dans la base sous-marine. Quand l’une tombait enceinte, elle « mourrait subitement », et les militaires allemands déposaient son corps dans la morgue improvisée dans l’un des garages de la rue Villebois-Mareuil, laissant aux derniers nazairiens encore présents dans les ruines de les inhumer. Celles qui survécurent à ces traitements furent interrogées par les troupes alliées, et livrées à des énergumènes qui n’avaient rien fait de brave durant 4 ans mais se trouvèrent héroïques de les tondre et/ou de les violer. On peut donc n’avoir qu’une pensée à Marthe Richard, à qui le docteur Poussié sauva la vie en sa clinique nazairienne en 1913[3], et qui œuvra la fermeture des maisons closes, et qui souligna l’hypocrisie de l’État en matière de prostitution durant la guerre.

     

    La prostitution a donc toujours été un fait à un Saint-Nazaire, (deux de nos notables actuels sont au demeurant issus de filles ayant fait commerce de leur corps). Depuis plusieurs années l’activité s’est concentré sur l’avenue de la République, côté gare, du fait de la mort des commerces classiques, même si internet a étendu géographiquement les pratiques.

     

    Enfin, terminons en mentionnant que la Villa Ker Souveraine à Pornichet, construite certes après la séparation de cette fraction de Saint-Nazaire, mais à propos de laquelle je reçois régulièrement des demandes d’information, villa inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 19 septembre 2002, fut elle aussi la succursale d’un bordel Parisien situé à proximité de l’Arc de Triomphe, propriété de Suzanne Lanoue, dite la comtesse de La Noue, amante de l’industriel Lucien Rosengart, dont elle utilisait l’emblème de la marque automobile comme armoiries : «  d’argent à la rose au naturel de gueule, tigée de sinople ». C’est ce qui explique le décor criard de la maison, ainsi que le fait que les chambres donnant sur les salons au premier étage, et aujourd’hui transformées en cuisines, soient dotées de vitre à l’emplacement des têtes de lit, pour le plaisir des voyeurs.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/16/un-comte-polonais-a-saint-marc.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/01/18/l-allee-du-chateau-a-saint-marc-6121661.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/13/notes-sur-les-familles-poussie-et-thomas-de-closmadeuc-6143587.html

  • Notes sur les familles Poussié et Thomas de Closmadeuc

    La famille Poussié est originaire de Lozère, elle s’est illustrée à Saint-Nazaire avec deux chirurgiens, et laissa son nom à une clinique située à l’angle des rues de Pornichet et François Madiot, (bâtiment actuellement muré en attente d’un avenir).

     

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    La clinique Poussié en 1905

     

    I°  Antonin-Clément-Julien Poussié, (Marvejols 5 mars 1848 - Saint-Nazaire 4 juin 1923), Conservateur des Hypothèques à Saint-Nazaire, marié le 2 octobre 1876, à Saint-Flour, avec Andrée-Claire-Alix Reynard, (Clermont-Ferrand 7 août 1855- Saint-Nazaire 4 décembre 1928), d’où :

    1° Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913), épouse de Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (voyez après) ;

    2° Marc-Joseph-Raoul, qui suit.

    II° Marc-Joseph-Raoul Poussié, dit Marc-Raoul, (Châtillon-Coligny 9 octobre 1879- La Baule-Escoublac 20 mai 1947), docteur en médecine, chirurgien à Saint-Nazaire. Il passa sa médecine à Montpellier, fit deux années d’internat à l’Hôpital civil de Tunis, fit des voyages d’études en Angleterre, en Suisse, et à Vienne. Il fonda le centre de chirurgie de Saint-Nazaire en 1907, et ouvrit sa clinique en 1909, et obtint en 1911 que la Compagnie Générale Transatlantique y hospitalisa son personnel navigant, « ouvrant ainsi la voie à ces moyens puissant de solidarité sociale qui montre qu’une grande compagnie se doit d’assurer le maximum de sécurité et de confort à ceux qui la servent ». Il soigna en sa clinique l’aventurière Marthe Richard, (celle qui ferma les maisons closes en France), après son accident d’avion survenue le 31 août 1913 à La Roche-Bernard. Réformé en 1914 pour tuberculose contractée en signant les malades des hôpitaux, il offrit, à la mobilisation, tous les lits dont il disposait en sa clinique au Service de Santé de la IIème région et reçu, au début des hostilités, un fort contingent de blessés. Une réforme de l’organisation hospitalière ordonna l’évacuation de ses blessés sur l’hôpital de complément. Il affecta dix lits en sa clinique à l’hospitalisation des blessés graves de l’hôpital auxiliaire n°6 dont il était le chirurgien chef, n’acceptant comme indemnité que la somme strictement allouée à la S.S.B.M. Maintenu reformé, il continua à l’hôpital civil dans les formations militaire de la Compagnie Générale Transatlantique, et aux Usines métallurgiques de la basse-Loire. >En décembre 1916 il contracté une fièvre typhoïde grave, par suite d’un surmenage. Récupéré en avril 1917, il eu un congé de trois mois, puis fut réformé de nouveau en décembre. Il ne pu reprendre sn travail qu’en juillet 1918. Durant sa maladie et sa convalescence, il assura à ses frais le service des miliaires blessés. Encouragé par les succès de la Compagne Générale Transatlantique, diverses compagnies de navigation sollicitèrent qu’il prennent sa clinique leurs marins, et son établissement fut cité en modèle. Le préfet lui reconnu au moment. Il obtint que la riche patientèle ne soit pas la seule à bénéficier de services de pointes, et rendit de grands services à la marine marchande et aux Nazairiens. En novembre 1927 le président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, monsieur Joubert, demanda que lui soit attribué la Légion d’Honneur. Le Sous-préfet envoya au Préfet un rapport élogieux le 3 décembre 1927, aujourd’hui consultable aux Archives de Loire-Atlantique, mais il n’y eu pas de suite à cette demande. Le docteur Poussié avait épousé Alice Labourdette, (1884-1972), d’où :

    1° Marthe Poussié, (Saint-Nazaire 14 mars 1911 – Paris 28 septembre 2004), épouse de : 1er 29 mars 1932 à Saint-Nazaire avec Pierre-Marie Blondeau, (né le 2 avril 1905 à Auch), chirurgien, divorcée le 2 décembre 1935 ; 2ème le 25 juin 1938 à Paris avec John Linton, (Paris 2 mars 1911 – Paris 20 janvier 1948), d’où postérité du second lit ;

    2° Henry Poussié, (Saint-Nazaire 16 novembre 1914 – Saint-Nazaire 29 mars 1935) ;

    3° Louis-Raoul Poussié, (Saint-Nazaire 5 juin 1917 - La Baule-Escoublac 28 mars 1958), chirurgien, s’illustra en opérant à l’hôpital durant 48 h avec les docteurs Allaire, Jacquerod, Gentin, Avril et Jégo, les blessés du bombardement du 17 novembre 1947, qui laissa postérité.

     

    La famille Thomas de Closmadeuc est une famille de la bourgeoisie bretonne dont la filiation remonte à l’an 1598.

    Armoiries : D'azur au mât de navire, gréé d’or, pavillonne d'argent ; broché d’une fasce d'argent, chargée de trois taus de gueules.

     

    I° Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (La Roche-Bernard 25 mai 1874 - 10 mai 1952), pharmacien à Saint-Nazaire, fils d’Eugène-Hyacinthe Thomas de Closmadeuc, notaire à La Roche Bernard, (1832-1915), et de Marie Langloit, (1833-1926) ; marié : 1er le 10février 1903 à Clamecy avec Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913) ; 2ème le 12 février 1920 avec Marcelle Léonard ; d’où :

    Du premier lit :

    1° Geneviève-Andrée, (Saint-Nazaire 30 mars 1907 - Le Chambon-Feugerolles 31 mars 2007) ;

    2° Simone-Antoinette, (Saint-Nazaire 10 août 1909 - Les Pavillons-sous-Bois 12 août 2000) ;

    Du second lit :

    3° Armelle

    4° Jean-Yves, époux de Marguerite Louboutin, d’où postérité ;

    5° Nicole

    6° Nicole, épouse de Roger Peyrot, d’où postérité ;

    7° Rozenn, épouse de Roger Mandement, d’où postérité ;

    8° Soizick, épouse de 1er Jacques Guy ; 2ème Jean Fréour.

     

     

    Les membres des familles Poussier et Thomas de Closmadeux sont inhumés au cimetière de La Briandais.

  • Consuls et vice-consuls nazairiens

    Plusieurs de nos lecteurs ont été surpris, à la lecture de nos articles consacrés aux Protestants de Saint-Nazaire[1], à Marc Hélys[2], et à la Villa Victor[3], furent surpris, donc, d’apprendre qu’il y avait eu des représentations diplomatiques à Saint-Nazaire.

    Les Nazairiens sont tellement habitués à ne voir barboter dans les bassins du port que des géants d’acier en construction ou en réparation qu’ils ont occulté le fait que le port a été initialement construit pour le trafic maritime, et qu’il y avait, outre les voyageurs et marins en provenance du continent américain et du Nord de l’Europe, différentes communautés étrangères résidentes.

    Il est vrai qu’après la seconde-guerre-mondiale le Gouvernement décida de favoriser le Havre en matière de transport, et ne laissa à Saint-Nazaire « que » la construction navale, avec un projet de port industriel qui ne vit finalement jamais le jour, et pour lequel on avait poussé les murs des bâtiments du Vieux Saint Nazaire, de la rue Henri Gautier, et justifié le déplacement de la gare au bout d’un terre plain nouvellement gagné sur les marais de Prézégat. Projet qui, précisons-le, avait été organisé dès le bombardement de mars 1943 en s’appuyant sur un plus ancien qui voulait déjà envoyer la gare à Méan dans le but de dégager les terrains le long du bassin de Penhoët.

    Tout cela fit que tous ces ressortissants étrangers ne revinrent jamais à Saint-Nazaire, et que les représentations diplomatiques nazairiennes disparurent. Il ne reste que quelques portes drapeaux fixés à des balcons et bowwindows de demeures bordant le boulevard Wilson pour rappeler ce temps où les pavillons de pays lointains émaillaient nos rues.

     

    Le sujet des délégations diplomatiques à Saint-Nazaire a été écarté par nos deux grands historiens locaux, Henri Moret et Fernand Guériff, et nous n’avons pas trouvé de publication consacrée à ce sujet. Notre approche semble donc inédite, et nous la livrons après avoir consulté le Moniteur Universel, le Journal Officiel, les almanachs commerciaux et du Gotha, et puisé dans la mémoire nazairienne.

     

    Les dates indiquées sont celles des exequatur accordés par la France.

     

    1857, la Prusse et le Royaume de Suède-et-Norvège :

    Les royaumes de Prusse et de Suède-et-Norvège furent les premiers états à se faire représenter à Saint-Nazaire dès janvier 1857 avec la même personne : Gustave Boucard, vice-consul du Royaume de Suède-et-Norvège, et agent consulaire pour la Prusse, mais aussi consul de Danemark en 1861. En 1869 les représentations furent séparées :

     

    Suède-et-Norvège, (rue Villès-Martin) : Thierry Smits, vice-consul en mars 1869 ; remplacé par le vice-consul de Danemark Joos van Ameyden van Duym agent consulaire en 1871, promu vice-consul en février 1874, (il fut aussi représentant des Etats-Unis d’Amérique et du Danemark)[4] ; Quirouhard, vice-consul en 1894 ; Schanche, consul au Havre avec juridiction du le département de la Loire-Inférieure en août 1900.

     

    Suède (1 puis 6 place de la Vieille Eglise) Le royaume de Suède désigna A. Gautier comme vice-consul en 1907 ; H.P. Mosesson vice-consul en 1919 ; .Joseph Dousset, vice consul en 1933.

     

    Norvège : À la suite de l’indépendance du royaume de Norvége en 1905, Joos van Ameyden van Duym devint vice-consul de ce pays en juin 1906 ; Victor Dupin (1854-1916), directeur de la succursale nazairienne de Hailaust et Fils, vice-consul en juillet 1908, dont nous avons déjà parlé, son état de santé l'obligea cependant à laisser la gestion des affaires au secrétaire S.H. Evain ; monsieur Auguste J. M Bellan vice-consul en 1919 jusqu'en 1942, sous directeur, puis directeur de Hailaust, secrétaire des corps consulaire nazairien en 1935, membre du Bureau d'Administration du Collège de Garçons ; le consulat était en 1934 à l'adresse de l'entreprise Haillaust quai des Frégates.

     

     

    L’empire allemand ayant été proclamé le 18 janvier 1871, la représentation de la Prusse devient celle de l’Allemagne : L.-R.-Th. Quirouard, agent consulaire en octobre 1872, puis vice-consul en 1877 ; H. Zelling, vice-consul en 1882 ; J. O’Hagan vice-consul en 1884 (rue de Nantes) ; René Le Bozec, vice-consul en juin 1892 (place des Bassins).

     

    1859, L’Espagne, (Rue de Villès-Martin en 1890, rue du Prieuré en 1893 ; puis 28 rue de l'amiral Courbet durant l'entre-deux-guerres) :

    Luis Genú y Regio, vice-consul en juin 1859 ; Francisco Carpi, vice-consul en 1887 ; Damaso Ruis de Lazurriaga en avril 1870 ; Federico Moreno y Albareda, vice-consul en décembre 1874 ; José-Maria-Fernandez Quiros, vice-consul en 1876, puis consul en mars 1877 ; Mariano Brusola y Tellez en décembre 1881[5] ; Emilio de Pereira 1889, qui fut suppléé, ainsi que ses suivants, par un vice-consul ; Rafael Acquaroni en décembre 1893 avec Léopold Gabard vice-consul (toujours en poste en 1924) ; Juan Manuel Bel y Serrano consul en décembre 1902 ; Ferez del Pulgar consul en 1913 ; I. Plana en 1919 ; Antonio Bauzale vice-consul, puis consul en mars 1920, (il avait possédait le Restaurent Espagnol à l'angle des rues des Chantiers et de Penhoët, face au bassin) ; T. de La Guarda consul en 1922 ; Luis Temes y Fernandez consul en mai 1926 ; Guy Aveneau vicomte de La Grancière,  (Malguénac 12 mai 1889 -  Savenay 11 septembre 1959), agent consulaire en juin 1929, vice-consul en 1938.

     

     

    1860, l’Uruguay et les États-Unis d’Amérique :

     

    Si le consulat des États-Unis d’Amérique n’eut qu’une existence éphémère, et fut rapidement remplacé par des agents consulaires, et l’Uruguay avec un vice-consulat, fut constamment présent jusqu’à l’entre-deux-guerres.

    L’Uruguay fit succéder deux membres de la même famille, Edouard Gallès père, et Edouard Gallès fils. Les Gallès ont été aussi les deux premières personnalités de confession juives qui se sont distinguées à Saint-Nazaire. Edouard Gallès père, (1801-1868), qui faisait du commerce maritime, avait débuté comme vice-consul du Brésil à Bordeaux, et s’était distingué par sa personnalité autant que par ses poésies et odes, qui ont mal vieillies mais qui eurent leur temps un certain succès[6]. Son poème « Hommage à LL. MM. L’empereur Faustin et à l’impératrice d’Haïti, le Nègre esclave dans le Brésil élevant son âme vers l’empire haïtien », publié chez Dubuisson et C° à Paris en octobre 1858, quelque mois avant la chute du dictateur, lui valut une décoration. Il en possédait d’ailleurs un certain nombre, dont la plus importante était celle d'Officier de l’Ordre de Charles III d’Espagne. Il était aussi membre de l’Institut Historique de France[7]. C'est en grande partie à Edouard Gallès père que Saint-Nazaire doit d'avoir obtenu l'exclusivité des lignes Transatlantiques vers l'Amérique-Centrale, dite Ligne des Petites et Grandes Antilles. Consulté en 1857 par la Commission parlementaire  qui devait attribuer les lignes maritimes, il défendit bec-et-ongle Saint-Nazaire, alors que les journaux de Bordeaux et du Havre lancèrent contre lui des attaques. (il est regrettable qu'on ait pas à Saint-Nazaire donné son nom à une rue.) 

    Âgé et malade, était reparti à Bordeaux en 1867, où Charles Ceylis, mirliton local, lui écrivit une ode en martyrisant Calliope. Edouard Gallès père avait laissé ses affaires nazairiennes à son fils, qui reçut à son tour l’exequatur de l’Uruguay, et conserva cette fonction jusqu’à son décès. En 1888 B. Lagrange devint vice-consul, puis ce fut E.-Louis Bernard en octobre 1903 jusqu'en 1914. En 1914 le consulat fut déplacé à Nantes.

     

    Les États-Unis d’Amérique, (6 rue du Traict en 1888 ; Boulevard de l'Océan en 1899) : le nom de leur premier consul était Routrée. Il fut remplacé par Joos van Ameyden van Duym, (déjà cité) agent consulaire en octobre 1867 ; Henri-Prince Sutton, le vice-consul britannique, fut agent commercial en 1882 ; Jean-Pierre Aubré, délégué consulaire, en 1888 ; Henri-Prince Sutton, consul en 1890 ; Thomas Saukey en juin 1899. En raison du débarquement des troupes étasuniennes en 1917, qui multiplièrent par deux le nombre d’habitants à Saint-Nazaire, Gabriel Bie Ravndal reçut l'exequatur de consul général en janvier 1918 ; par la suite le consulat fut déplacé à Nantes.

     

    1861, le Danemark, (chez Latouche place du Bassin à partir de 1900) :

     

    Gustave Boucard, vice-consul en 1861, (aussi vice-consul du Royaume de Suède-et-Norvège, et agent consulaire pour la Prusse) ; François-Clément-Constant Boudet, vice-consul en janvier 1873 ; Joos van Ameyden van Duym, vice-consul en 1881, (déjà cité comme représentants des Etats-Unis d’Amérique) ; M.A. Bourcard en 1898 ; Appolon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, vice-consul, (fut aussi consul du Guatemala) ; Max La Touche, (° Saint-Nazaire 26 juillet 1885 - 18 juillet 1963 La Baule-Escoublac), fils du précédent, vice-consul en 1910, (aussi consul du Guatemala en 1911 et du Portugal en 1917, puis de la République dominicaine en 1922).

     

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    Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche durant la semaine maritime de 1908. Ce fut pour lui l'occasion de réceptionner le prince Axel de Danemark, cadet de la marine danoise à bord du Hendal.

     

    Les La Touche, père et fils, négociants, place des Bassins, dont les entrepôts portaient le long des quais le nom Latouche et Fils en grandes lettres, étaient moqués, en raison de leur accumulation de titres consulaires et leur course aux décorations, par la méchante formule : « La Touche et la prend ». Fils d'un sabotier, Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, né Touche le 12 avril 1848 à Saint-Jean-des-Mauvrets, avait une entreprise florissante de négociant commissionnaire d'importation, exportation, transitaire, avec succursale à Nantes, ce qui lui attirait des jalousies, mais que son attitude « un peu parvenue » exacerbait. Il avait aussi le tort d'avoir épousé une femme de religion juive, cousine du fondateur du Phare de La Loire. Il était agent de la Société navale de l'Ouest, membre de la Chambre de Commerce, président des hospitaliers sauveteurs bretons, pour la sous-section de Saint-Nazaire. Il était officier de l'Ordre du Libérateur de Venezuela. Il était le neveu de Joseph-François Latouche, devenu de La Touche, sous-chef de division de la préfecture à Nantes et qui avait épousé une fille du baron de Verteuil de Feuillas.

     

    1862 l’El Salvador, (24 rue des Caboteurs ; puis 11 rue de Nantes en 1910) :

     

    Eugène Rozier, vice-consul en avril 1862 ; Francisco de Paolo Calcaño, vice-consul en 1879, (aussi consul du Chili) ; Charles Robert vice-consul en juillet 1892 (aussi consul du Honduras) ; Auguste Evain, consul en 1895, supplée d’un vice-consul. Entre 1895 et 1898 le pays fut réuni à la Grande république d’Amérique centrale (avec le Nicaragua et le Honduras), Eugène Carré en fut nommé consul en octobre 1896 ; à nouveau indépendant : Eugène Grouhand, officier d'Académie, consul en 1902, (il fut aussi président de l'Association des Employés de Commerce) ; F.-T. Laurent consul en 1921 ; Joseph Laurent consul en 1933.

     

    1864, le Pérou et l’Italie :

     

    Le Pérou fut présent dès 1864 avec un consulat partagé avec Nantes, (25 rue Villès-Martin, puis de 1938 à 1939 à La Virées Bel-Air ; au établissement Latouche en 1939) : Abertini consul ; Jean-Baptiste Bourbeau, (1814-1878), surnommé « Batista », consul en 1868, (il fut aussi représentant du Chili, du Venezuela, et du Guatemala)[8]; M. O. Rojas en 1870 ; E. Patron, consul 1877 ; Alexandre-K. Coney, consul du Mexique, fut désigné co-gérant du consulat en 1881 avec Aníbal Le Blanc Balbontin  du Chili ; Jules-César Le Blanc, consul en 1887 ; Gustave Laganry vice-consul en 1890 pour Nantes et Saint-Nazaire ; Manuel Uscategui Toro consul en décembre 1882 ; C. Arosemena y Jofré consul général en 1893, secondé de Albert Lepré vice-consul (aussi à Nantes) ; Edouard de Patron consul en 1894 ; C. Arosemena y Jofré à nouveau en 1896 avec Gustave Laganry vice-consul ; A. Lepré consul pour Nantes et Saint-Nazaire en 1898 ; C. Arosemena y Jofré à nouveau en septembre 1903 ; Elie Creston consul pour Nantes et Saint-Nazaire en novembre 1906 ; J. Araoz, consul en 1913 ; Gaillermo de Heredia, consul avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne en août 1917 ; Manuel-Angel Velarde, consul avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne en septembre 1918 ; Carlos Anderson comme vice-consul en janvier 1920 ; E. Althaus, vice-consul en 1922 avec F. Urgate comme chancelier ;  Emilio Althaus consul à Nantes et Saint-Nazaire en octobre 1923 ; Argimbaud, consul en 1929 ; Pierre Le Duc, chargé de consulat, en 1935 (domicilié Virées Bel-Air) ; Max Latouche vice-consul en mars 1939 avec juridiction sur les départements de Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Morbihan, et Mayenne.

    Italie : Jean-Pierre Aubré, délégué consulaire du royaume d’Italie en 1864 toujours en fonction en 1890 ; Adrien Baudet agent consulaire en 1895 ; Apollon-Aimé-Charles La Touche agent consulaire en juillet 1899,  Adolphe Cotton agent consulaire en novembre 1920

     

     

    1866, le Mexique, le Guatemala et le Nicaragua, la Colombie, et la Russie :

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    Tampon du consulat du Mexique à Saint-Nazaire en 1899, collection privée.

     

    Mexique, (rue Villès Martin en 1879 ; 27 rue de l'Océan en 1902 (face au Grand Café) ; 45 rue Henri Gautier durant l'entre deux guerres) : Thomas Vial. Lui succédèrent : M. Maneyro, désigné comme agent commercial en 1873 ; Maneyro consul en 1875 ; Alexandre-K. Coney fut nommé consul en 1879, et assura aussi la représentation péruvienne, qui, ayant été promu à Paris, fut remplacé par Carlo Americo Lera (1855-1926), dont nous avons retracé la carrière dans l’article consacré à son épouse Marie, femme de lettres sous le nom de Marc Hélys. Promu secrétaire d'ambassade de première classe au Guatemala le 6 novembre 1890 Carlos Americo Lera fut replacé par le général Platón Roa (Guadalajara 1837 - 20 février 1908 Saint-Nazaire), consul général en décembre 1890, secondé par E. Carvalo nommé chancelier, puis par monsieur Bernard, officier de l’ordre du Buste du Libérateur du Vénezuela , chancelier ; docteur Salvador Quevedo y Zubieta consul général en mai 1908 ; Federico L. de La Barra en novembre 1911 ; G. de Heredia en 1918 ; Ramón Lera, (fils de Carlo Amicano), consul en mars 1923 avec pour vice-consul L.F. Castro, puis Ernesto Mercker  (décédé en janvier 1924) ; Jose Arguimbeau en novembre 1927 ; à nouveau Ramón Lera en 1935, avec Fidel Ugarde comme chancelier ; Max Latouche en 1939 avec domiciliation du consulat aux établissement Latouche place des bassins.

     

    Le Guatemala et le Nicaragua furent représenté conjointement par : Adolphe Bouret, consul en août 1866.

     

    Puis le Guatemala seul : Jean-Baptiste (Batista) Bourbeau, (déjà cité), vice-consul en mai 1867 ; Battendier consul en 1872 ; Etienne-Guillaume Robert consul en décembre 1882, (il le sera aussi d’Haïti) ; puis Appolon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, consul décembre en 1886, (déjà comme vice-consul du Danemark) ; Max La Touche, fils du précédent, (déjà cité comme vice-consul du Danemark et du Portugal), consul en août 1911, le consulat était alors domicilier aux établissement La Touche place des Bassins.

     

    Nicaragua seul : Auguste Saint-Ange-Bossière consul en décembre 1881 ; François (dit Francisco) Barbier consul en 1913, (aussi consul du Honduras) ; Emile Crénaud, consul en 1938, (24 rue des Caboteurs dans le même immeuble que le consulat du Costa-Rica).

     

    La Colombie, (sous les différentes formes de son nom, (Nouvelle-Grenade, Etats-Unis de Colombie, Colombie), (Rue de Paris ; rue de Nantes en 1902 ; 5 rue du Palais en 1920 ; 6 rue Waldeck-Rousseau en 1938) : Simon Coste[9], consul en mars 1866, (il le sera ensuite de Belgique) ; Proto Gornez, consul en février 1867, suppléé d’un vice-consul ; Sallustien Villar consul en mai 1868 ; Fernando Conde consul en novembre 1868 ; A. Paez consul en 1871 ; Nicolas Perdra Gamba, consul en novembre 1871 ; Rodrio S Pereira consul en janvier 1873 ; Gutierrez consul nommé fin 1873 ; Guzman consul en 1874 ; L. G. Rivas consul en 1875 ; P. Flore consul en 1876 ; L. Angulo consul en 1881 ; M. Uscategui Toro consul en 1883 ; Domingo Cajiao Caldas consul en août 1884 ; Ramon Gœnaga en novembre 1884 ; J. Laborde consul en 1886 ; Carlos Benedetti consul en novembre 1890 ; Nicolas J. Casas consul en juillet 1895 ; Nicolas Casas consul en octobre 1901 ; François Moreau consul en 1902 ; Rafael Osorio consul en janvier 1903 ; Francisco Vergara Baros consul en 1905 ; Luis Enrique Bonilla, consul en janvier 1907 ; Rufino Cuervo Marques consul en mars 1908 ; Ricardo Sanchez Ramirez consul en novembre 1910 ; Jorge Moya Vasquez consul en 1912 ; Carlos Arbelaez Urdaneta en décembre 1914 ; Julio-M. Ferandez consul en juillet 1919 ; C. Tamayo consul en 1922 qui assurait aussi la représentation du Costa Rica ; Nassier, vice-consul en 1924, secrétaire de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire ; Carlos Sanz de Santa Maria en juillet 1928 ; Alfredo Villamil Fajardo, (°Bogota 1889), en 1930, (qui vivait rue Pelloutier avec son épouse, née Viginia Fajardo Alonso à Bogota en 1901, leurs trois enfant, son frère et son neveux Luis-Edouardo Villamil Valencia né en 1931 à Saint-Nazaire) ; désigner comme intendant national de l'Amazonie), il fut remplacé en 1933 par A. Vaca, avec pour vice-consul Edouard Lamand, qui resta en post jusqu'à la guerre. Les consuls de ce pays changeaient tellement souvent que les invitations étaient rédigées au seul « monsieur le consul », sans mention du patronyme, et on les identifiait dans les salons à leurs décorations à la boutonnière ! 

     

    La Russie eut dès 1866 un agent consulaire et commercial pour la représenter à Saint-Nazaire (rue Thiers, puis place des Bassins) : Lucas (dit aussi Lucien) Huette, qui fut promu vice-consul en 1881, et vit ses fonctions être étendues à Nantes en 1884 ; Jean-Adrien-Eugène Daguzan, vice-consul en septembre 1915. Ce vice-consulat fut supprimé par le régime soviétique en 1922.

     

     

    1868, la Belgique, des Pays-Bas, du Chili et du Venezuela :

     

    Belgique, (rue Thiers, puis quai Demange) : Simon Coste, (déjà cité), consul en 1868 ; Henri-Urbain Gustin-Stoll, (1826-1890), en septembre 1886 ; Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, (1860-1935), consul en novembre 1890[10] ; secondé par Maurice Carré vice-consul en 1929 ; Adrien Daguzan, (1867-1941), consul en septembre 1935 à la suite de Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, qui était aussi vice-consul Pays-Bas, (consulat alors domicilier au siège de son entreprise quai Demange).

     

    Pays-Bas, (rue du Parc à l'Eau, puis en 1894 ) : Thiery Smits, vice-consul en mai 1868, Luppo-Everliadus Zelling vice-consul en février 1874[11] ; Georges Fourchon vice-consul en février 1883 ; Adrien Daguzan, vice-consul en juillet 1895 jusqu’à son décès en 1941.

     

    Le Chili et le Venezuela eurent pour vice-consul en commun de 1868 à 1872 Jean-Baptiste Bourbeau, (déjà cité), promu consul du Venezuela en août 1870, avec Screiber comme vice-consul ; .

     

    Puis le Venezuela seul (4 rue Thiers en 1933 ; 11 rue Charles Brunelier en 1938) : Bermudez consul et Bergeaud comme vice-consul en 1876 ; Francisco de Paolo Calcaño consul en 1880, (aussi vice-consul de l’El Salvador) ; Louis Docteur vice-consul en février 1886, (natif de Moselle, il était publiciste et avait collaboré à plusieurs journaux parisiens et avait dirigé un journal à Nice) ; Juan Pablo Diez, consul en 1887 ; Benjamin Lagrange consul en février 1888, secondé d’un vice-consul en 1890 ; Rosendo-Appolinaire Blanco, (Tapia provine d'Oviédo en Espagne 1842 - Saint-Nazaire 10 juillet 1903), consul en juillet 1895, veuf d'une demoiselle Flores épousa en secondes noces Philomène-Françoise Joly, il est inhumé dans le caveau de la famille Joly au cimetière de la Briandais ; Lagrange en 1896 ; R. Hurtaldo consul en 1913 ; P.E. Cardenas consul en 1915 ; Asejivlo Negretti consul en juillet 1916 ; Avendado Losada consul jusqu'en en 1935, doyen du corps consulaire en 1933 ; Maurice Carré vice-consul en 1933 ; Hector Pietri consul avec juridiction sur les départements de Loire-Inférieure, Côtes-du-Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Morbihan, Mayenne, Sarthe, Deux-Sèvres, Viennes, et Vendée en octobre 1938 ; Francisco Navarette consul en décembre 1939.

     

    Le Chili seul (rue du Croisic en 1902 ; rue Amiral Coubet en 1930, rue de l'Océan (actuelle avenue Vincent Auriol) en 1935) : Nicolas Pereira-Gamba consul en 1872 ; Aníbal Le Blanc Balbontin  consul en 1880, (nommé cogérant du consulat du Pérou et consul de Bolivie en 1887) ; Aníbal Le Blanc Balbontin  chargé en 1890 ; Rosendo-Appolinaire Blanco consule en 1902 ; Césars Flores Blanco, (né à Riyadeo en Espagne en 1870), fils du précédent, consul en janvier 1904, aussi vice-consul du Paname, du Costa-Rica, du Pérou et du Brésil, (il eut deux enfants nés à Saint-Nazaire nés en 1922 et 1924, et était propriétaire de sa maison au 25 rue du Croisic à partir de 1902) ; L. E. Femandez consul en 1917 ; César Flórès Blânco, renommé en 1923 jusqu'à la guerre.

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    Le consulat du Chili vers 1905, la maison fut remplacée à la fin des années 1930 par l’immeuble actuel situé au 49 boulevard du Président Wilson.

     

     

    En 1869 la République dominicaine, le Brésil et Haïti :

     

    République dominicaine, (rue du Dolmen) : Auguste Chérot, consul en mars 1869 ; Alfred Mercier, consul en 1884 ; François-M. L’Houen, consul en 1891 ; François L'Honen, consul en 1902, (rue des Caboteurs) ; François Moreau consul en juillet 1907 ; Gaston-Charles La Touche en 1910, aussi consul du Portugal, mobilité en 1914, mort pour la France[12] ; Max La Touche, son frère, réformé en raison de son asthme, le remplaça.

     

    Brésil : Émile Chevalier, vice-consul en juin 1869 ; nous ignorons les noms des représentants suivants jusqu’à celui de César Flórès Blânco, vice-consul en 1904 qui à partir de 1914 fut aussi vice-consul du Paname, du Costa-Rica, du Chili, et du Pérou.

     

    Haïti : Paul-Charles-Théodore Eudel consul octobre 1869, personnalité oubliée des Nazairiens mais bien connue à Nantes où une rue porte son nom, il était né au Crotoy (Somme) le 20 octobre 1837 ; armateur et négociant d’abord à Nantes, puis à Saint-Nazaire. Célébre collectionneur et chroniqueur d'art en son temps, sous différents pseudonymes il produisit différents ouvrages traitant d’art et de voyages, l’opuscule « Locutions nantaises » en 1884, collabora à l’écriture de plusieurs pièces. En 1884 il fut remplacé comme consul par Etienne-Guillaume Robert, mais repris ses fonctions en 1890. Il décéda le 18 novembre 1911 à Cellettes. Guillouët, chancelier en 1902 ; Coahour en 1894.

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    Paul Eudel

     

    En 1870 le Honduras :

     

    Atys Goy consul en juin 1870[13] ; Charles Robert consul en 1887, (aussi vice-consul de l’El Salvador) ; entre 1895 et 1898, le pays fut réuni à la Grande république d’Amérique centrale (avec le Nicaragua et l’El Salvador), Eugène Carré fut nommé consul en octobre 1896 ; redevenu indépendant, sa représentation nazairienne resté à Eugène Carré ; François (dit Francisco) Barbier consul en 1914 ; E.J. Crenaud consul en 1919 ; à nouveau François (dit Francisco) Barbier consul en 1923 ; Léon Rotte, consul en juin 1926 jusqu'à la guerre.

     

     

    1873, le Portugal :

     

     Damaso Ruiz Lazuriaga vice-consul du Portugal en janvier 1873 ; Gaston-Charles La Touche, déjà cité, en 1911, remplacé à sa mort, en 1917, par son frère Max La Touche.

     

     

    1874, le Royaume-Uni, (boulevard de l'Océan en 1902 ; place Marceau en 1908 ; 31 rue de Méan en 1935) :

    L’ouverture de la ligne  de la Cie West India Royal Mail avec la France par Saint-Nazaire, (Ligne Anglaise des Antilles depuis Southampton), fit que le Royaume-Uni nomma Henri-Prince Sutten vice-consul, qui fut aussi agent commercial des U.S.A.. Lui succédèrent : Harry Elford Dickie vice-consul en mai 1889 ; Emile Mary, vice-consul en 1895 ; Harry Elford Dickie, vice-consul en 1902 ; Alfred Triollot vice-consul en janvier 1908 ; vice Cecil William Cove agent consulaire août 1914 ; W. Cove, vice-consul en 1915 ; G.W. Huggins vice-consul en 1919 ; S.A. Mac-Intosh vice-consul en 1920, mors en mars 1927, inhumé au cimetière de La Briandais ; Arthur Raffin en 1929 et jusqu'à la guerre.

     

     

    1877 l’Équateur,(rue de l'amiral Courbet) :

     

    Enrique Gaspard vice-consul en 1877 ; E. Dorn y Alsua, vice-consul en 1887 ; C. Rendon Perez, vice-consul en 1894 ; Antonio E. Calderón, vice-consul en 1898 ; Angel Tola Carbo vice-consul en 1901 ; Mario B. Espinel consul en novembre 1902 ; Vicanor Cuellar del Bio Guarderas, consul en 1912 ; Alberto Arrate, consul en juillet 1920 ; B. Esinet, consul en janvier 1923; Fernando Maidonado, consul en août 1926 jusqu'à la guerre.

     

    1892, la Grèce et l’Autriche-Hongrie :

     

    Grèce,  : La représentation diplomatique de ce pays nous est mal connue. Citons cependant : Émile Mary, vice-consul 1892, (il le fut aussi du Royaume-Uni en 1895) ; Emile Mary, vice-consul en 1902 (rue de Paris) ;  ; Duc, vice-consul en 1929 ; E.-J. Ducan, vice-consul en 1933, (4 avenue Villebois-Mareuil) ; Demetrius Amira, (Directeur général de l'Énergie électrique de la Basse-Loire), vice-consul en avril 1938, (66 bis boulevard Wilson).

     

    L’Autriche-Hongrie eu un représentant commercial en 1892.

     

     

    1897, le Monténégro :

    Barbier, consul en 1897 de la principauté puis du royaume de Monténégro. Consulat disparu avec l’annexion du Monténégro par la Serbie en 1918.

     

     

    1900, l’Argentine, (1 rue de l'amiral Courbet en 1933) :

    De Nion, consul en 1900 ; puis rattachement au consulat de Nantes ; Garcia-Mellès consul en 1930 ; Joachin Pourtale en 1933 jusqu'à la guerre.

     

     

    1904, Cuba, (24 rue de l'Océan ; 47 rue de Villès-Martin en 1933 ; 24 rue de l'Océan  en 1938) :

    Tejedor, vice-consul en 1904 ; Auguste Guillouet, vice-consul en août 1906 ; A.G. Garcini, vice-consul en 1908 ; Alfredo Lopez Trigo, vice-consul en décembre 1909 ; Garcin en 1910 avec César Flórès Blânco comme consul suppléant ; Prospero Pichardo y Arredondo, vice-consul en octobre 1911 ; Alfredo Zayas y Arrieta, vice-consul en novembre 1912 ; Luis Valdes Roigt, (°La Havanne 1881), vice-consul en avril 1915, puis consul, doyen des consuls de Saint-Nazaire en 1924, resta en poste jusqu'au 4 octobre 1933, date de sa nomination à Santander (Espagne) (chevalier de la Légion d'Honneur en juillet 1928), son épouse était née à Montoire de Bretagne ; avec pour chancelier Estefano ; José Carballal y González  consul en 1938, président des corps consulaire de Saint-Nazaire, (il semble qu'il fut un espion à la solde de Franco pour renseigner le Gouvernement espagnol à propos des Républicains et des Basques réfugiés à Saint-Nazaire).

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    Luis Valdes Roigt, Le Courrier de Saint-Nazaire, 6 janvier 1934

     

     

    1906 ; le Panama, (5 rue du Four de Marsain juqu'en 1935, puis 28 rue de l'amiral Courbet) :

    José Paredes, consul en 1906 ; A. Uribe, consul en 1908 ; Fabio Rios, consul en 1910 ; Julis Valdès, consul en juillet 1911 ; Carlos Zachrisson, consul en février 1912 ; Fabio Rios, consul en avril 1913 ; César Flórès Blânco, vice-consul à partir de 1914 consul en 1920, qui fut aussi vice-consul du Chili, du Costa-Rica jusqu'en 1924, Pérou. et du Brésil ; Evenor Ilay, consul en avril 1937, avec pour vice-consul Guy Aveneau vicomte de La Grancière qui était vice-consul d'Espagne.

     

     

    1907, la Bolivie :

    Aníbal Le Blanc Balbontin consul en 1887 ; Edouard (dit Edouardo) Wolff, (Guichen 1er septembre 1844 - 1er février 1933 Saint-Nazaire), chevalier de l'ordre National du Condor de Los Andes, combattant médaillé de 1870-1871, consul de Bolivie en mai 1907, inhumé au cimetière de La Briandais avec ses deux épouses, Jeanne Guiton et Jeanne-Marie Guyonvarh. Propriétaire du Café Américain, président du Comité des fêtes de la place Marceau, il fut, avec Fernand Salomon, dit Salmon, l'un des propriétaires créateurs du théâtre L'Athénée, concessionnaire par la municipalité pour quinze ans, 

     

     

    1914, le Costa Rica, (24 rue des Caboteurs) :

     

    César Flórès Blânco, vice-consul en 1904 qui à partir de 1914 fut aussi vice-consul du Paname, du Pérou, du Chili et du Brésil ; Auguste Richard, consul en septembre 1924 jusqu'à la guerre.

     

     

    1921, la Roumanie :

     

    de Rouard, consul pour Nantes et Saint-Nazaire en 1921.

     

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/08/les-protestants-de-saint-nazaire-6134427.html 

     

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/04/mari-lera-saint-nazaire-iyi-ak%C5%9Famlar-6141565.html 

     

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/06/21/la-villa-victor-a-porce-6061203.html

     

    [4] Né en 1843, il était le fils d’Abraham van Ameyden van Duym et d’Anna Dorothea Julia Nissen. Il avait épousé Jeanne-Marie Laurent, dont il eut une fille, Reine-Gabrielle, née en 1866, qui épousa le 7 octobre 1885, à Saint Nazaire, Louis-Auguste-Raymond Robinet de Plas, agent des postes et télégraphe à Saint-Nazaire (1859-1944) qui succéda à son beau-père dans le négoce.

     

    [5] Il fut ensuite envoyé en juin 1889 à Sète, puis à Paris en 1900.

     

    [6] L'Univers israélite : journal des principes conservateurs du judaïsme, de septembre 1868 lui consacra une courte nécrologie.

     

    [7] Société savante fondée en 1833 et disparue en 1957 qui avait pour but de propager et de perfectionner les études historiques.

     

    [8] Né à Poitiers le 26 octobre 1814, issu d’une famille notaire dont la filiation suivie est à Poitiers depuis 1516, fut capitaine de frégate, agent de la Compagnie Générale Transatlantique à Saint-Nazaire, chevalier de la Légion d’Honneur. Il avait épousé le 30 juin 1845 Laure Oseli (décédée à Paris le 9 juin 1881), dont il eut :

    1° Marie-Joseph-Ravmond, (24 juin 1848 - à Saint- Nazaire 3 mars 1867) ;

    2° Eugénie-Marie-Thérèse, née le 4 juin 1850 ;

    3° Marcel-Jean-Baptiste-Julien, né à Toulon, le 10 mars 1834, marié à Paris, le 7 juillet 1887, à Eugénie

    Mein ;

    4" Marie-Louise-Georgette-Eugénie, née à Toulon le 14 juillet 1861.

     

    [9] Représentant de la maison Haentjen à Saint-Nazaire, mort à Bourguenais le 22 mars 1895. Il était originaire du Croisic, et avait épousé Amélie-Louis-Marie Béatrix, dont il eu pour fils Henri, marié avec Marie-Amélie-Léontine Benoist, nièce du docteur Alcide Benoist. - Il était le cousin des frère Émile-Joseph Coste, (1814-1878), sauveteur en mer fameux, Jules Coste, (1826-1897), supérieur du Petit-Séminaire de Valognes, et Yves-Edouard Coste, (1824-1895), maire d’Auray de 1888 à 1896.

     

    [10] Henri-Urbain Gustin-Stoll, (Chantenay juillet 1826  – 7 septembre 1890 Saint-Nazaire ), fils de Nicaise-Urbain Gustin, et de Françoise Stoll ; fournisseur de navires au quai de la Fosse à Nantes, puis à Saint-Nazaire à l’angle des quais Wattier et du Commerce. Il habitait rue Thiers. Époux de Clémentine Fraisse, (Nantes 18 août 1826 – 2 décembre 1910 Saint-Nazaire ), tous deux enterrés au cimetière de La Briandais ; d'où :

    1° Henri-Joseph-Alfred Gustin-Stoll, (Saint-Nazaire le 6 octobre 1860 -  11 février 1935 Nantes ; enterré au cimetière de La Briandais), chevalier de l'Ordre de Léopold, Officier de l'Ordre de la Couronne, Médaille Civique de 1ère classe, négocient et agent maritime, agent maritime et négocient, associé à Adrien Daguzan, chevalier de la Légion d’Honneur en 1905 ; époux de Louise Sentis, (1862- Laplume en Lot-et-Garonne le 19 février 1944), d'où 9 enfants et 22 petits-enfants ;

    2° Nancy, (1863-1909) épouse de Gabriel Houis, (†1909).

     

    [11] Propriétaire de la compagnie de transport maritime Zelling et C° à Saint-Nazaire.

     

    [12] Fils d’Apollon-Aimé-Charles-Joseph La Touche, (°Saint-Jean-des-Mauvrets 12 avril 1848), et de Rose-Blanche Schwob, (°1856), né le 2 mai 1881 à Saint-Nazaire, en 1914 sous-lieutenant au 62ème régiment d'infanterie, mort de ses blessures le 26 janvier 1916 à Somme-Suippe (Marne).

     

    [13] Atys, courtier, consul du Honduras, conseiller municipal, (il provoqua la démission du maire Auguste Desanges le 18 mai 1884), chansonnier qui publia en 1869, chez l’éditeur nazairien Fronteau, « Hilariter. Les Chants de La Vécrie » un recueil de chanson à boire, il fut d’ailleurs le grand ami de Gustave Nadaud, chansonnier célèbre en son temps. À Propos de sa famille voyez : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/19/titre-de-la-note.html

  • Un explorateur à Saint-Nazaire

    - Allons saluer l’Explorateur !

    C’était immuable. Dès que nous passion dans la rue de La Paix, nous allions au cimetière de La Briandais nous recueillir sur la tombe de l’explorateur.

    L’explorateur, c’est Marie-Théophile Griffon du Bellay. Quand j’étais enfant, plus personne à Saint-Nazaire ne se souvenait de lui, sauf mon arrière-grand-père, né en 1891. Il l’avait connu, vieillard magnifique, toujours droit, et infatigable curieux.

     

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    Marie-Théophile Griffon du Bellay, portrait par Emile Furst, Nantes, 1883,

    (Bibliothèque nationale de France, département Société de Géographie, SG PORTRAIT-1239)

     

    Issu d’une famille de Saint Jean d’Angély anoblie en 1441[1], il était né le 14 août 1829 à Rochefort, fil de Joseph-Jean-Baptiste-Alexandre Griffon du Bellay, (1788-1862), l’un des quinze rescapés du radeau de la Méduse qui avait survécu en pratiquant le régime anthropophagique cru, (ça n’a pas mauvais gout en fait), survivance qui lui a valu en 1831 La Légion d’Honneur, et de Marie Elisabeth Claire de Nesnomd.

     

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    Docteur en médecine, diplômé de la faculté de Montpellier, il entra dans les services de santé de la marine en 1834, devint officier de santé de 3ème classe le 1er décembre 1849, fut promu 2ème classe le 18 septembre 1853, puis 1ère classe le 25 mai 1861, il partit alors voir le banc d'Arguin où son père avait goûté de l’homme blanc, avant longé les côtes de Mauritanie, dépassé le Sénégal où son père avait vécu après son naufrage, traversa le Golfe de Guinée pour stationner entre les deux rives de l’Estuaire du Gabon à bord de l'hôpital flottant La Caravane.

    Il n’y avait alors sur la côte qu’un comptoir colonial, et Libreville n’était qu’un village fondé en 1849 par les Français et des esclaves libérés lors de la pris d’un navire négrier brésilien nommé l'Elizia.

    En juillet 1862, en compagnie de Paul Augustin Serval, (1832-1886), il alla explorer la basse vallée de l'Ogooué, douze ans avant Pierre Savorgnan de Brazza.

    Leur embarcation s’échoua dans le delta du fleuve. Ils décidèrent alors de poursuivre en pirogue. Mais la baisse des eaux et l'hostilité des tribus, dont celle des Pahouins, qui pratiquaient l’anthropophagie bien cuite et la libation rituelle en boîte crânienne, les deux européens furent contraints de faire demi-tour.

    En décembre suivant, ils décidèrent de remonter depuis l’Estuaire du Gabon le fleuve Rempolé, mais Marie-Théophile tomba malade et laissa Serval poursuivre seul et avec difficulté jusqu'au territoire des Enengas.

    Marie-Théophile rapporta de ses explorations un grand nombre d’observations géographiques et ethniques, observa la flore, étudia les légumineux, les connaraceae dont l’une des espèces découvertes par lui fut nommé Manotes Griffoniana, constitua un herbier fameux qui figura à l’Exposition Universelle de 1878, collecta des échantillons de racines d'Iboga dont il étudia les caractéristiques comme excitant du système nerveux et fut le premier à décrit la maladie du sommeil.

    Promu médecin principal de la Marine et chef du service de Santé de La Guadeloupe, il fut reçu chevalier de la Légion d'honneur le 13 août 1863 en raison de 20 ans de services effectifs, dont 10 en mer et aux colonies. Il fut élève au grade d’officier de l’Ordre de La Légion d’Honneur le 25 décembre 1869.

     

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    Signature en 1876.

    À la Guadeloupe il fit connaissance de Laurence-Joséphine-Valentine Monguy, (Fort-de-France 18 août 1847 - Saint-Nazaire en décembre 1931, inhumée au cimetière de La Briandais), fille de Clovis-Élis-Théobald Monguy, propriétaire à Saint-Pierre, et de Marie-Joséphine-Amélie Pinel-Rochu. Le couple s’établit à Basse-Terre. Il voyagea ensuite dans le Pacifique, jusqu'à Tahiti, où la reine Pōmare IV lui offrit l'une de ses robes, dont il fit don en 1902 au musée de Saint-Nazaire, accompagnée d'une lettre de la souveraine.

    En 1875 il partit vivre avec sa famille à Saint-Louis du Sénégal.

    Promu en février 1878 directeur des services de Santé à Saint-Nazaire et officier de l'Instruction publique, Marie-Théophile s’installa avec sa famille rue de Villès-Martin. C’est à cette adresse que Bon-bon-papa le connut, au milieu de sa collection de fétiches et de masques africains, dans un mobilier Restauration d’acajou hérité du père cannibale malgré lui, dont le portrait trônait au-dessus de la cheminée. C’est dans ce cabinet de curiosités qu’il recevait, souriant, Bon-bon-papa, et lui comptait ses voyages, lui décrivait les femmes Mpongwées aux seins nus sur lesquels se balançaient des colliers de perles ; le commerce de l’ébène, de l’ivoire, et du caoutchouc ; les rois Denis et Louis qui se partageaient les rives de l’Estuaire du Gabon avant de livrer leurs royaumes contre des uniformes de dompteur de cirque et des couronnes de fer doré ; la Montagne Pelée qui avait fini par ravager Saint-Pierre et envoyé par le fond tous les navires qui stationnaient dans la rade[2]

    Le médecin explorateur était encore actif, en plus de ses fonctions, il cultivait son herbier, rédigeait des mémoires, dissertait dans des revues à propos des fièvres et des côtes africaines, classait l’importante correspondance qu’il avait eu avec Louis Pasteur. Son épouse, plus jeune que lui de presque un quart de siècle, veillait sur lui. Elle était belle, avait gardé de sa Guadeloupe natale un accent charmant et le goût du sucré, (prenez une pâte de fruit). Leur plus jeune fille, Simone, avait trois ans de plus que Bon-bon-papa, et avait un minois charmant, mais, gâtée par sa mère, elle avait aussi un mauvais caractère. De leurs quatre enfants[3], la préférée de Marie-Théophile était Claire, qui ressemblait à une statue d’Athéna. Elle avait épousé 29 septembre 1900 à Saint-Nazaire, Louis-Auguste Laroque, né à Nantes le 10 décembre 1872, avocat et docteur en droit, nommé juge suppléant en mars 1898 à Vannes, et en novembre suivant à Saint-Nazaire, et déplacé à Nantes avant son mariage[4]. Le départ de Claire pour Nantes avait profondément contrarié Marie-Théophile, mais il y avait le train, et madame Laroque venait avec ses jumelles et leur nourrice tous les dimanches, (Papa il n’était utile de venir nous retrouver à la gare – Mais si, mais si ! Bonjour les petites !). Pierre Waldeck-Rousseau fit devenir Larocque substitut du procureur de Nantes en 1900, et lui obtint la place de secrétaire particulier du ministre des affaires étrangères, Théophile Delcassé. Il fut muté à Saint-Brieuc, et presque aussitôt à Saint-Malo en juillet 1904, éloignant plus encore de son père la fille chérie. La chose s’empira octobre suivant par nomination au tribunal de première instance de Foix[5]… Claire resta à Nantes, il était hors de question parti si loin. Marie-Théophile en fut soulagé.

    Le maire de Saint-Nazaire, Jean-Baptiste Lechat, lui confia en 1902 le projet de la section ethnographique du musée qu'il projetait de fonder. La Marine, elle, décida qu’après avoir fait 30 ans, 5 mois et 17 jours de services, il était temps de mettre Marie-Théophile en retraite, avec 2.566 francs de pensions. Il n'en fut pas content, mais s'y fit.

    La vie était douce… Hélas Claire décéda à l’âge de 33 ans le 21 février 1908. Marie-Théophile en fut brisé, et quand en novembre suivant on lui annonça que l'une des jumelles, elle aussi prénommée Claire, était atteinte d’une maladie incurable, son cœur ne le supporta pas. Il décéda le 10 novembre 1908 à Saint-Nazaire, dans sa demeure du 57 rue Villès-Martin. Sa petite-fille Claire décéda le 29 novembre. Elle fut inhumée avec sa mère et son grand-père au cimetière de La Briandais.

     

     

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    Bibliographie partielle :

    • Essai sur le Tétanos, 1856
    • Exploration du fleuve Ogo-Way, côte occidentale d'Afrique (juillet-août 1862), dans la Revue maritime et coloniale, 1863, p. 68-89 et 296-309
    • Lettre sur l'Ogooué, Bulletin de la Société de Géographie, 1864, p. 462
    • Le Gabon, dans Le Tour du monde II, 1865, p. 273-379
    • Exposition universelle de Paris en 1878. Notice sur la situation actuelle de la marine en Algérie comparée à celle de différentes époques depuis la conquête. Imprimerie de l’Association ouvrière V. Aillaud et C°, Algers, 1878
    • La fièvre jaune aux Antilles en 1881 et le Choléra d’Égypte en 1883, Mellinet, Nantes, 1884.

     

     

     

     

    [1] Elle porte : d'azur au griffon d'or.

     

    [2] Le Belem, ne pouvant stationner dans la rade qui était encombrée, échappa ainsi à la nuée ardente qui envoya par le fond tous les navires présents.

     

    [3]  1° Marie-Élie-Gabriel, (Basse-Terre 24 juillet 1872 – Paris 29 décembre 1957), Officier de la Légion d'honneur, licencié en droit, qui finit sa carrière inspecteur général des Finances et fut chef du service interallié de la Commission des réparation 1921-25, marier le 12 novembre 1906 à Paris avec Denise Germaine Simone Reynoird, (1883-1975), d’où trois fils ;

    2° Joséphine-Marie-Claire (Pointe-à-Pitre 22 octobre 1874 – Nantes 21 février 1908), épouse de Louis Auguste Larocque, d’où : Claire, (1901 - 29 novembre 1908), et Lise (Saint-Malo 3 novembre 1901 - Dôle 22 janvier 1996), mariée avec Michel Adam, d’où postérité ;

    3° Marie-Joséphine-Louise, (Saint-Louis du Sénégal 22 octobre 1877 - Dijon 1948), Religieuse chez les Dames Dominicaines de Dijon ;

    4° Valentine-Marie-Simone (Saint-Nazaire 25 février 1887 - Sainte-Reine de Bretagne 16 janvier 1978), mariée le 2 octobre 1920 avec Laurent Cuzon du Rest, (Nantes 21 août 1874 - Nantes 27 mars 1949).

     

    [4] Il était fils de Louis-Eugene Larocque, inspecteur d’Académie, directeur de la station de météorologie de Nantes, chevalier de la Légion d’Honneur en décembre 1900, et de Marie-Louise Deguit.

     

    [5] Il devint ensuite procureur de la République auprès du tribunal de Nantes le 24 mai 1924, puis procureur général auprès de la Cour d’appel de Caen le 10 décembre 1939, demanda la retraite à partir du 31 décembre 1940, et fut nommé premier-président honoraire.

  • Marc Hélys, Marie Lera, Saint-Nazaire, iyi akşamlar

    Souper à İstanbul, conversation avec la jeune-femme à ma gauche :

    « D’où venez-vous ?

     - Je suis d’une cité qui se nomme Saint-Nazaire.

    - Comme Marc Hélys ! »

    J'ai été stupéfait quelques secondes, non du fait qu’elle ait connaissance de l’existence de Saint-Nazaire, dans tous les grands ports du monde j’ai rencontré des gens qui savent le situer sur le globe ; non, j'ai été surpris que cette Stanbouliote connaisse Marc Hélys que les Nazairiens ont oublié.

    À İstanbul ma voisine de table s’avéra lettrée, elle a lu « Kapali Bahçe », traduction turque du livre de Marc Hélys « Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie », publié en 1908 en France, republié en Turquie en 2011, et, comme toutes les filles de la bourgeoisie kémaliste, elle a lu de Pierre Loti « Les Désenchantées », publié en 1906 en France, en Turquie en 1940, roman qui se voulait être le témoignage de la condition des femmes dans les harems à travers la correspondance de l’auteur avec une Turque.

    Or, ce livre, « Les Désenchantées », est né d’une supercherie orchestrée par une Nazairienne dont fut victime Pierre Loti en 1904…

    Pierre Loti[1], auteur français adoré en Turquie, et dont le premier roman, « Aziyadé »[2], se déroule en partie à Istanbul[3], séjournait en 1904 dans la capitale ottomane quand un jour se présentèrent trois femmes voilées disant vivre dans un harem. Loti, trop heureux de pouvoir converser en français avec des doubles de sa première héroïne, les reçue, discuta longuement avec elles de la condition des femmes dans les harems, entama une correspondance durant tout son séjour stambouliote.

    En réalité ces trois femmes étaient Hadidjé-Zennour et Nouryé, deux des filles de Mehmed Noury Bey, secrétaire général du ministre des Affaires étrangères, et madame Marie Lera, une écrivaine-journaliste nazairienne connue sous le pseudonyme de Marc Hélys.

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    Marie Lera naquit Hortense-Marie Héliard, le 2 juin 1864 à Saint-Nazaire, rue de Montoir, une rue aujourd'hui disparu qui faisait face au bassin. Dans sa famille elle fut toujours désignée sous son second prénom. Fille de François Héliard, (Granville 26 juillet 1829 – Saint-Nazaire 16 mars 1901, sa tombe est au cimetière de La Briandais), capitaine au long cours, commandant à la Compagnie Générale Transatlantique sur la ligne des Antilles dès 1857, puis du Mexique à partir de 1864, chevalier de la Légion d'Honneur, et de Marie-Philomène Laborde, (Saint-Nazaire 15 août 1836 - Saint-Nazaire 2 mars 1918), une des cofondatrices de la section nazairienne de L'Union des femmes de France, sœur de monseigneur Laborde[4] et d'Anthanase Laborde, et aussi la nièce de Désirée Tartoué, religieuse, cousine par alliance du maire René Guilouzo, quatre personnalités nazairiennes qui ont laissé leur nom à des rues de la Ville.  Le couple, uni à Saint-Nazaire le 8 juillet 1863, eut pour autres enfants :

    2° Charles-François Helliard, (Saint-Nazaire 23 juin 1866 – Saint-Nazaire 30 août 1884) ;

    3° Paul-Marie, (Saint-Nazaire 17 mai 1868 - Saint-Nazaire 23 juillet 1868) ;

    4° Marie Amélie, (Saint-Nazaire 23 août 1869 – Lorris 6 décembre 1964) ;

    5° Paul-Marie-Alphonse, dit Athanase, (Saint-Nazaire 21 décembre 1870 – Berchères-sur-Vesgre 16 janvier 1948), ingénieur, puis industriel, marié le 4 décembre 1905 à Tour avec Madeleine-Marie Zwierkowski, (Paris 17e 4 janvier 1882- 1er janvier 1963 Boulogne-Billancourt) ;

    6° Pauline Marie, (Saint-Nazaire 30 avril 1872 - Le Conquet 11 décembre 1971), mariée à Saint-Nazaire le 5 septembre 1904 avec Jules-Alexandre Ruel, (Choisy-Le-Roi 6 décembre 1864 - Le Conquet 22 février 1949), inspecteur principal adjoint des chemins de fer PO ;

    7° Alphonse-Marie-Paul, (Saint-Nazaire 30 avril 1872 – Paris 7ème 18 octobre 1951), directeur de succursale de la banque Société Général ; marié 1er avec Elise-Madeleine-Charlotte Tachard, (d'où postérité) ; 2ème avec Yvonne-Louise-Amélie Mauplin.

     

    En 1870 la famille vivait au 34 de rue Villes-Martin, (aujourd'hui avenue du Général de Gaulle), à proximité de la Place Carnot, (Quatre Horloges), dans un appartement doté d'un jardin qui occupait tout rez-de-chaussée. L'immeuble avait pour autres résidents la famille Guillet, une famille de notaire dont le plus jeune fils, Léon, (Saint-Nazaire 11 juillet 1873 - 9 mai 1946 Paris), futur membre l’Académie des sciences.

     

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    L'immeuble Héliard rue de Villès-Martin avant 1914

     

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    Plan d'alignement de 1899, Archives départementales de Loire-Atlantique

     

    Si le père de Marie était Normand, d'une famille originaire de Carantilly, connue depuis 1642, et son grand-père Charles Laborde, pilote major et capitaine, basque, son arrière-grand-père-maternel Honoré Tartoué, (Saint-Nazaire 3 décembre 1774 - 5 janvier 1854 Saint-Nazaire), boucher de profession, était d'une très ancienne famille nazairienne de meuniers, laboureurs et charpentiers de marine, connue depuis 1678. Honoré Tartoué fut chargé du ravitaillement des troupes prussiennes cantonnées à Saint-Nazaire du 12 septembre au 22 septembre 1815.

    Marie, née dans une famille fortunée et en vue, qui avait un rang à Saint-Nazaire, reçut une éducation soignée, baignant dans le respect de la religion catholique. On lui enseigna l’anglais et l’italien, et sa gouvernante suédoise lui apprit sa langue. Plus tard elle apprit l'espagnol et eut des notions de polonais.

    A Saint-Nazaire, on l’a oublié avec la Reconstruction et une politique d’État qui a voulu en faire une ville uniquement habitée d’ouvriers de chantier naval, fut aussi un grand port de voyage et de commerce, à la vie culturelle et artistique non négligeable, et possédant une mixité sociale importante, ainsi qu’une population cosmopolite. Quand Marie fit son entrée dans le monde, elle fréquenta les bals et réceptions de la Compagnie Général Transatlantiques, de la mairie, et ceux organisés par les représentants des dix-huit corps consulaires établis à Saint-Nazaire. Parmi ces diplomates, était Carlos Americo Lera Macias, avocat nommé consul du Mexique à Saint-Nazaire en 1883. Il était né espagnol à La Havane le 4 novembre 1855, d'une famille originaire de Valladolid, devenu mexicain en 1880, époux, en 1878, d'une Mexicaine, Edelmira Borrel Borrá, née à Guanajuato en 1855, fille de Ramón Borrell Can, entrepreneur en fournitures militaires, et d'Edelmira Borrás Many, dont il avait trois fils, Carlos Américo, (La Havane 8 novembre 1878 - Paris 18 juin 1915), Ramón Federico, (Mexico le 3 mai 1880 - Zimepa 15 novembre 1943), Fernando (Mexico 11 février 1882 - Mexico 14 août 1935), et une fille, Edelmira-Delfina-Amelia, (Saint-Nazaire 26 mai 1885 - New Bedford 1961). Carlos a laissé la réputation d’un homme brun aux yeux bleu myosotis, magnétique, qui ne se privait pas de séduire toutes les femmes, d’autant que son épouse était gravement malade depuis qu’ils s’étaient installés à Saint-Nazaire. Marie, châtain aux yeux noisette, menue, ne mesurant qu'1 m 50, était elle-même considérée comme étant la plus belle-jeune femme de Saint-Nazaire, et avait une foule de prétendants. Subjugués mutuellement l’un par l’autre, ils commencèrent à se fréquenter, avec le consentement des parents de Marie qui pariaient sur la mort prochaine de l’épouse d’un si bon parti pour leur fille. Edelmira Lera décéda à Saint-Nazaire le 26 juin 1885, épuisée par son accouchement. Son état de santé avait tellement préoccupé Carlos Americo, que celui-ci oublia de déclarer la naissance de sa fille, qui ne fut réalisée qu'à la suite d'un jugement du tribunal civil de Saint-Nazaire en date du 28 juin 1901, en marge du registre entre les naissances déclarées en mai 1885, avec retranscription dans le registre de 1901 de la constatation de naissance !

    En juillet 1886, Marie, avec son amie Henriette Van den Brouk, fille de l'architecte et future mère d'Odette du Puygodeau, fut reçue au brevet de capacité, l'examen pour devenir institutrice en primaire. Le 10 août 1886, Marie épousa Carlos. Leur couple fut le plus en vue de la ville.

    Établis ensuite à Nantes, rue Gigant c'est là que naquit leur fille, (elle dira dans les années 1950 avoir eu des jumelles, mais c'est l'un de ses nombreux mensonges). Marguerite-Marie-Amélie, le 5 novembre 1888. Marie n'eut jamais la fibre maternelle, mais à cette époque-là les mères de la bourgeoisie ne s'occupaient pas de leurs enfants.

    Le 6 novembre 1890, Carlos Americo Lera fut promu secrétaire d'ambassade de première classe au Guatemala. L’arrivée dans ce pays, avec sa famille, manqua de tourner au drame. Débarqués au port de Puerto Barrios, en étant mis dans des filets de cordes tels des bagages afin d’atteindre le quai, ils furent attaqués sur la route qui les conduisait à Nueva Guatemala de la Asunción, la capitale, par une bande armée qui se disait nationaliste, et qui cultivait cette haine envers les Mexicains, née de l’annexion que ce pays avait fait du Guatemala de 1821 à 1839. Ils ne durent leur salut qu’à l’arrivée de la troupe d’honneur venue de la capitale à leur rencontre. Marguerite, qui n’avait que deux ans, fut si marquée par l’événement, qu’à plus de 90 ans, elle se souvenait avec exactitude et émotion de la chaleur du corps de sa mère contre laquelle elle s’était réfugiée.

    Carlos Americo fut ensuite nommé chargé d'affaires du Mexique pour l'Amérique centrale le 6 septembre 1891. Le 12 août 1893 il devint secrétaire d'ambassade de première classe et chargé d'affaires à Rome. Le 14 novembre 1894, il fut rappelé de son poste à Rome pour devenir député le 14 décembre 1894 au Parlement mexicain. Le couple partit à Mexico avec Marguerite et Edelmira, accompagné en plus de la plus jeune sœur de Marie, Amélie Héliard, qui, (nous raconte le manuscrit de la chronique familiale des Héliard), ne s'entendait plus avec sa mère. Etaient aussi du voyage les trois fils de Carlos, mais dès le 24 novembre il fut annoncé dans le Populaire que ceux-ci retourneraient, à bord du Normandie, à Saint-Nazaire pour y poursuivre leurs études.

    Alors que Carlos Americo devint secrétaire privé du ministre des Affaires étrangères, Ignacio Mariscal, le 18 décembre 1895. Marie le quitta en janvier 1896, lui laissant leur fille, conservant cependant le passeport diplomatique que la position de son époux lui conférait, et avec une belle pension qui lui permit de prendre un appartement à Paris. Le couple ne divorça jamais.

    Il faut dire que Marie s’était aperçue être attirée par les jeunes-femmes, ce qu'elle ne l'avoua jamais, mais qui transparaît dans ses écrits publiés et personnels, ainsi que par son comportement et ses relations. Elle raconta à sa secrétaire (bénévole) à Paris en 1951, Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, (citée dans « Évadées du harem », d'Alain Quella-Villéger qui nous a remis une copie du manuscrit témoignage de cette dame), que Carlos avait eu une aventure avec « sa sœur cadette », qu'ils avaient tenté de la supprimer par le poison, et qu'elle s'était réfugiée à l'ambassade de France avec sa fille, que l'ambassadeur l'avait fait quitter de pays de nuit à bord d'un bateau... ce qui nous le savons est totalement faux ! La Chronique familiale des Héliard, prudente, met chaque protagoniste de l'histoire dos à dos, ne voulant pas prendre parti et expliquant qu'il y avait plusieurs versions. Elle mentionne que le couple Lera n'allait plus, et qu'il y eut un rapprochement mal défini entre Amélie et Carlos. Selon toute vraisemblance, ce rapprochement affectif, mais certainement pas sensuel, servit de prétexte à Marie pour rompre. Marie fit à sa sœur une réputation épouvantable, ce qui la fâcha avec leur mère qui ne s'entait déjà plus avec Amélie. Cette dernière ne revit sa mère qu'au moment de ses dernières heures. Amélie vécut coupée de sa famille, salie par sa sœur.

    Libérée de son époux et de sa fille, Marie choisit de voyager à travers le monde, se fit journaliste, traductrice, écrivain, s'engagea dans le féminisme. Elle débuta modestement avec un ouvrage pour enfant, dédié à propos de la guerre du Transvaal, « Les Petits Boërs » en 1900, édité par la Librairie Gedalge à Paris, illustré par Valerie Rottembourg. Marie laissa entendre être allé en Afrique du Sud, mais il semble qu'en réalité elle se soit uniquement inspirée de journaux et de revues géographiques. A la même époque, elle aurait prodigué des cours de langue dans une école religieuse. Cependant la publication de ce livre lui permis de collaborer dès cette année-là à la revue Le Mois Littéraire et Pittoresque, (et jusqu’à la disparition de celle-ci en décembre 1916), avec des textes qualifiés alors de féministes, des observations de voyages, personnels ou justifiés par des visites à sa fille qui suivait Carlos Americo au gré de ses affectations, (Pologne, Guatemala, Mexique, Inde, Suède, Italie, Japon), ainsi qu'à la revue Le Correspondant, d'abord sous le nom de M. Lera en 1901, puis de M. Héliard en 1902, et, dès août 1904, sous le pseudonyme de Marc Hélys, formé de la racine du nom Héliard, le prénom Elis, associé au lys virginal. C'est donc sous ce pseudonyme qu'elle fut publiée à partir de 1904, avec des observations de voyages, puis des traductions d'anglais, de suédois, d'espagnol, et d'italien sa langue de prédilection, des portraits de femmes publiques, puis activement avec des extraits de ses livres à partir de 1914 ; elle collabora à cette revue jusqu'à son entrée au Figaro en 1929. Elle s’essaya au roman avec « Laquelle ? », en 1903, publié sous le pseudonyme de Jean d'Anin, aux éditions Plon. Ce roman, initialement publié en feuilletons dans la revue Le Correspondant, est une bluette racontant les recherches amoureuses de deux jeunes filles, l'une éduquée aux Etats-Unis, l'autre en France, le première, indépendante, trouvant le mari idéal sans tenir compte de sa fortune pour indice de valeur, la seconde restant toujours en quête. Ce roman devait avoir une suite, qui ne fut jamais écrite.

    Au début de l’année 1904, elle vivait dans la capitale ottomane, ville où elle avait déjà séjourné avec sa fille Marguerite en 1901 sur invitation de Mehmed Noury Bey, secrétaire général du Département des Affaires étrangères, rencontré à la Conférence de La Haye en 1899, alors qu’utilisant son passeport diplomatique, elle espérait y composer des articles à revendre aux journaux. Mehmed Noury Bey était surnommé à Constantinople « Le Français », car il était le fils de l'ingénieur métallurgique français, Hyacinthe Ulysse de Blosset de Grand de Chateauneuf, dit le comte de Chateauneuf, (Blosset était le nom de sa mère, son père était Grand de Chateauneuf), directeur des fonderies de Samalat, devenu sujet du Sultan et musulman sous le nom de Mehemed Réchad Bey, et d'une circassienne née à Tbilissi, prénommée Safyé, fille d'un notable de la cour impériale d'après des chercheurs turcs, mais que la famille désigne comme une parente du chef guerre d'origine avare, et troisième imam du Daghestan et imam de Tchétchénie, Şeyx Şamil (1797-1871). Mehmed Noury Bey avait achevé ses études à Paris, devenant, selon les mots de Marie dans son article consacré à la chapelle de l'Ambassade de France à Constantinople, paru en décembre 1901 dans Le Correspondant, un « parisien oriental ».

    Mehmed Noury Bey logea Marie et sa fille durant un peu plus de trois mois en 1901, de septembre au 13 novembre, (Marguerite et Marie laissèrent chacune à cette date un mot dans le liber amicorum de Nouryé, cahier conservé par la famille). Elles rencontrèrent ainsi l'épouse de Noury Bey, Safye Melmed, son fils Rechad (Istanbul 1892 - 28 avril 1962 Istanbul), (plus tard Reşat Nuri Darago à la suite de la réforme des états civils), et ses trois filles, Hadidjé-Zennour (née en 1884), Nouryé (née le 25 juin 1886), et Mihrinour (1897-1961). Il détermina finalement qu’elle n’était pas une personnalité très fiable ; trouva qu'elle avait trop d'ascendance sur ses deux filles aînées, cependant, il ne les empêcha pas de maintenir avec elles une correspondance, conservée par la famille, qui comprendre aussi les copies des lettres envoyées. On y lit par exemple que les sœurs se plaignaient régulièrement à Marie de ne pas donner de nouvelles de Marguerite. Mais comment marie aura-t-elle pu en donner alors qu'elle n'avait qu'un intérêt limité envers sa fille ? Quand Marie revint à Constantinople en avril 1904, elle avait pris ses quartiers chez une dame française, et renoua avec les deux filles aînées de Noury Bey avec lesquelles elle avait entretenu une correspondance soutenue. Hadidjé-Zennour avait épousé le 12 novembre 1903 Abdüllatif Safa Bey, (1868- 1931), de 16 ans plus âgé, dont la mère était albanaise, sœurs des trois frères Frashëri pionniers du nationalisme albanais, et cousin germain de plusieurs personnalités ottomanes et albanaises, (lire à ce sujet « Ottoman Imperial Diplomacy : A Political, Social and Cultural History », de Doğan Gürpınar, Editions Bloomsbury Publishing, Londres, 25 octobre 2013). Abdüllatif Safa Bey était alors secrétaire interprète du grand vizirat. Le couple vivait dans une demeure de conception européenne, meublée en style Louis XVI, mitoyenne de celle de Noury-Bey et de la délégation de Belgique, au quartier neuf de Taksim. Zennour raconta plus tard l'avoir le menaça du divorce s’il n’obtenait pas immédiatement un poste de consul en Europe ou un secrétariat d’ambassade. Elle avait alors les symptômes qu'on attribuait à la tuberculose, mais qui pourraient avoir été feints. Sa cadette, Nouryé, célibataire, passait ses journées chez elle. Dotées d’une bonne éducation, quoique superficielle, à l'image de toutes les jeunes-filles de bonne famille, elles parlaient parfaitement le français, l'anglais, le grec, le perse, et l'arabe, et s'étaient nourries de tous les romans qu’on éditait à Paris et des idées du mouvement des Jeunes-Turcs auquel la jeunesse dorée Constantinople adhérait aveuglément. Précisons ici que, même si les sœurs s'affirmèrent comme de pures Turques par la suite auprès des journaux européens, mais leur père, Noury-Bey répétait son orgueil de son ascendance française, et que ses filles et lui n'avaient presque pas une goutte de sang turc, attendu que leurs ascendants ottomans étaient tous issus de femmes circassiennes. Les deux jeunes femmes s’ennuyaient beaucoup, Marie en profita, les manipula et les poussa à la révolte autant qu’aux bêtises, mais sans avoir conscience que ce qu'elle faisait par jeu allait avoir des conséquences graves.

     

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    De gauche à droite, Marie Lera, Hadidjé-Zennour, et Nouryé, photographie prise par Valentine de Dudzeele, en 1904, qui servit de couverture au livre « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées »

     

    Comme toutes les bourgeoises de Constantinople, Hadidjé-Zennour et Nouryé avaient adoré « Aziyadé » et rêvaient de rencontrer Loti, elles lui avaient écrit en 1901, mais il n’avait pas fait de réponse. Le rêve prit réalité quand elles apprirent en avril la présence du Romancier en ville. Il commandait alors le Vautour, avisor-torpilleur de la marine française, comme attaché naval de l'ambassade.

     

    Pierre Loti, considéré par les Turcs comme l’ami de la Turquie, était un écrivain mondialement connu. Ses romans, dont les actions ses déroulent au Japon, à Tahiti, en Bretagne, en Afrique du Nord et au Proche-Orient, ont aujourd’hui très mal vieilli, et ne sont presque plus lus. De son vivant, il inspira des vocations de voyageurs et d’aventuriers, (c’est après avoir lu ses romans qu’Isabelle Eberhardt, encore mineure, partit vivre dans le Sahara Algérien et se convertit à l’Islam). Mais l’œuvre de Loti est orientaliste, et non une peinture réelle des pays où il situait l’action de ses romans, encore moins de leurs mœurs. Loti, officier de marine, l’un des pères de l’autofiction, était avant tout un rêveur qui inventait des histoires avec une vision des pays où il séjournait recomposée pour lui plaire, qui se plaignait dans son journal de l’occidentalisation du monde, (ses lignes à propos des souks de Beyrouth sont édifiantes). La Bretagne de Loti est considérée par les Bretons comme une « bignouserie », et l'on peut dire tout autant que sa vision de l’empire Ottoman et des Turcs plus qu'une « turquerie », elle est « loukoumesque », car il niait le fait que l’Empire était cosmopolite, que Constantinople et Smyrne, (aujourd’hui İzmir), villes où il séjourna, étaient surtout peuplées de Chrétiens hellènes et arméniens, que les Turcs qu’ils fréquentaient appartenaient à l’élite, non au peuple réel, et que tous vivaient à l’occidentale, sauf les plus pauvres. Les gens qui connaissaient les pays où Loti situait l’action de ses romans ne manquaient de critiquer et de dénoncer les incohérences, mais Loti vivait dans un nuage de gloire, et ses lecteurs étaient essentiellement des gens qui n’avaient jamais voyagé hors d’Europe. Loti inventait un Orient de théâtre inspiré d’époques révolues, tout autant qu'il s'inventait lui-même. En Louis II de Bavière de la littérature, il écartait la réalité qui tuait ses rêves. Pourtant, Loti connaissait très bien les affaires politiques et diplomatiques ottomanes, et maîtrisait les bases de l’Islam classique.

    Pierre Loti était réputé comme étant inaccessible. Il était surtout très occupé par ses fonctions à Constantinople. Marie imagina un stratagème pour le rencontrer. Une lettre en français fut déposée à son intention : « Avez-vous oublié Aziyadé, et ses sœurs ne vous intéressent-elles donc plus ? ». Elle était signée « Nour el Nissa », ce qui n'est pas anodin, car il signifie « Lumière des femmes », le mot lumière étant ici à comprendre au sens divin de guide. Loti fit répondre, en poste restante, dans l’un des bureaux d’une poste étrangère qui avait une succursale à Constantinople, par son secrétaire. Il exprima dans ce courrier tapé un doute quant à une possible mystification. Marier Lera lui répondit par une lettre courte qu'il n'y avait pas à s'inquiéter tout en employant un ton outré. Loti, piqué dans sa vanité, se laissa fléchir par curiosité. Les écrivains sont des insectes qui se nourrissent de la vie des autres plus que de la leur.

    Les harems, tel que les Occidentaux l’imaginent, (comme la polygamie interdite en 1926), était privilège de riche, qui ne se perpétuait alors que dans une minorité de vieux messieurs qui avaient encore chez eux des odalisques, c'est à dire des esclaves chrétiennes ou juives, converties ensuite à l'Islam, (on ne pouvait rendre esclave une personne musulmane), formées à servir la famille, ou à la distraction intellectuelle et sexuelle du maître. En 1897 l’esclavagisme fut définitivement interdit, mais les esclaves ne furent pas tous libérés. Le mot harem désignait en réalité la partie privée des demeures des riches ottomans, où vivait la famille, et où les femmes recevaient leurs amies. Les parties de la maison réservées aux hommes et aux réceptions étaient le selamlik. Dans les familles de hauts-fonctionnaires dont étaient issues Hadidjé-Zennour et Nouryé, les femmes vivaient et s’habillaient à l’Européenne, profitaient comme toutes celles de leur milieu social d’une voiture attelée avec un cocher, pouvaient se déplacer à leur guise sans porter l’habit traditionnel et se voiler, même s’il était convenu de porter le yashmak, un léger voile de gaze, semblable aux voilettes des européennes, couvrant le nez et la bouche. Elles avaient des professeurs occidentaux, pouvaient suivre des cours dans les lycées et universités étrangères implantées dans les grandes villes, y passer un baccalauréat, ce qui était encouragé par le sultan-calife Abdülhamid II. Certes les pères voulaient les unir, sans qu’elles puissent donner leur avis, à des hommes de la même caste, mais c’était une chose commune aussi dans les familles riches des pays chrétiens. En 1904, la ségrégation entre hommes et femmes perdurait dans l’espace public ottoman : les femmes ne pouvaient se rendre seules au grand bazar, où dans tout autre espace de négoce ; les navires faisant la navette sur le Bosphore, et les trains avaient des espaces réservés exclusivement aux femmes voyageant seules ; elles n’avaient pas les mêmes droits que les hommes, l’exemple le plus courant étant le fait qu’un témoignage d’homme valait celui de deux femmes. Mais la femme musulmane dans l'Empire avait droit au divorce, à la jouissance entière de ses biens sa vie durant, devait être entretenue par son époux, droits que les femmes d'Occident n'avaient pas. On ne peut juger en fait si des femmes de l'Occident et de l'Orient d'alors, lesquelles étaient les plus avantagées, ces deux mondes étaient différents et aussi contraignants de l'autre sur des points totalement différents. Si la condition des femmes musulmanes du peuple n’était pas enviable matériellement et humainement, qu'elles avaient la contrainte dans les villages et les bas quartiers de se voiler et de fuir les hommes, les filles de Noury Bey, qui vivaient dans une bulle occidentalisée, n'avaient aucune connaissance de la réalité du peuple, et Marie Lera n'eut jamais de contact direct avec ces femmes du peuple dont elle ignorait la langue, et qui n'auraient jamais pu discuter directement avec elle, non par interdit, mais par principe communautaire. Ce que Marie en rapporta était filtré par les gens de la haute société qu'elle côtoyait et qui ne s'intéressaient pas en réalité aux groupes sociaux qu'ils jugeaient inférieurs.

     

    Le samedi 16 avril 1904, les trois complices prirent le vapeur en direction de la côte asiatique pour aller pique-niquer dans un parc, au milieu des violettes dont elles se firent des bouquets, puis elles dissimulèrent leurs visages sous deux longs voiles noirs superposés nommés tcharchafs, et des feradjes robes noires couvrant le vêtement, élimés, car elles n’en avaient pas trouvé d’autres, laissant paraître leurs gants blancs neufs, leurs fins souliers et bas de soie, et sentant des parfums français. Un accoutrement dont Marie Lera dira que « le contraste augmentait le mystère ». Elles retrouvèrent Loti à proximité d'un café. Le romancier était accompagné du mécanicien du Vautour, Auguste-Laurent Masméjean.

     

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    Pierre Loti et Auguste-Laurent Masméjean à la fumerie de Beïcos dans le quartier d'Eyüp à Constantinople, réserves muséographiques de la ville de Rochefort.

     

    L’écrivain, qui revêtait une tenue semblable aux bourgeois de la ville, (complet gris et tarbouche écarlate sur la tête), fut surpris de leur accoutrement qui lui sembla fantaisiste, autant que de la perfection du français de ces trois femmes qu'il pensa être âgées d'une vingtaine d'années. Marie Lera se fit prénommée Leyla (Crépuscule) pour l’occasion. Elles racontèrent vivre dans un harem, en mêlant à leur discours des balivernes que ceux qui connaissait la vie ottomane n’aurait cru, et des potins de la bourgeoisie du quartier de Péra.

    Durant l’entrevue, l’Écrivain fut peu loquace, décevant les trois femmes, mais se laissa tromper, trop heureux d’alimenter son écriture et de vivre un rêve dont il envisagea immédiatement d’en faire un roman. Il leur dédicaça les exemplaires de ses livres qu'elles avaient apportés.

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    Dédicace de Loti à Leyla, personnage interprété par Marc Hélys, (ancienne collection Marc Hélys)

     

    Cette première rencontre fut écourtée par l’apparition de policiers turcs. Loti était en effet surveillé en permanence, et tout ottoman s’entretenant avec lui devenait suspect. Henri de Régnier relatera la visite sur le Vautour d’une autre jeune femme, surnommée par Loti Balkis, (prénom de la Reine de Saba), qui venait en caïque, (en turc « kayık », petit bateau à rames servant à circuler sur le Bosphore, à bord du Vautour, musulmane non voilée et en robe de soirée à la mode parisienne, qui dut écourter sa visite parce que la police avait arrêté son batelier stationné à côté du navire, (lire : Henri de Régnier, « Escales en Méditerranée », Ernest Flammarion, Paris, 1931). 

    Sur le bateau du retour, elles décidèrent de pousser la supercherie plus loin encore. Des entrevues de loin furent organisées autour de mosquées, histoire de toujours fournir un décor de carte postale, puis ce fut un second rendez-vous, le 1er mai 1904, dans une maison modeste louée quelques heures à une veuve et redécoré dans un style pseudo oriental, pour l’essentiel composé d'objets d’origines européennes, comme des verres de Venise et de vieilles porcelaines anglaises, de quelques soieries sorties d’un fond d’armoire, apportés dans des paniers par les domestiques de sœurs Noury Bey, et d’une table à thé arabe, car le décor, composé de presque rien, comme dans toutes les maisons authentiquement ottomanes, ne faisait pas suffisamment exotique, et ne pouvait coller à l'image que Loti se faisait de l'Empire.

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    Message de Loti confirmant le rendez-vous dans la maison louée, ancienne collection de Marie Lera

     

    À cette occasion, trois photographies d’elles voilées entourant successivement Loti furent prises avec le Folding Pocket Kodak, 13x18, de Marie.

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    Pierre Loti entre Hadidjé-Zennour et Nouryé.

    Photographie prise par Marie Lera et publiée dans « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées ».

     

    Durant ce rendez-vous, qui dura deux heures, elles jouèrent à faire croire à Loti qu'elles étaient amoureuses de lui, et lui dirent des expressions en argot, qu'elles affirmèrent avoir appris via leur institutrice dont le frère était « au régiment chez les chasseurs d'Afrique »... On reste surpris, tout autant que les trois femmes, que Loti accepta de se mystifier lui-même. Une correspondance riche, composée de nombreuses lettres et de très nombreux billets, s’établit entre lui et Marie/Leyla, dont 24 lettres qui servirent à Loti pour illustrer son roman. Marie pasticha le style de Loti, s’épanchant dans des états d’âme artificiels théâtraux. Cette correspondance s’entremêlait avec celles de Hadidjé-Zennour et Nouryé dans une longue plainte de la condition des femmes musulmanes qu’elles exagéraient malgré une réalité qui se suffisait à elle-même. Marie avoua plus tard qu'une personne attentive aurait dû voir que les lettres des trois femmes à Loti se contredisaient et qu’elles étaient invraisemblables, tout autant que les visites organisées étaient absurdes et impossibles dans leurs formes. Si l’on écarte la méconnaissance entretenue de Loti de la société ottomane, il semble que le romancier ne lisait que les lettres de Marie, les deux sœurs étant trop immatures et bien incapables de susciter une stimulation cérébrale et d'entretenir son fantasme oriental, tout comme son besoin de vivre une relation à la fois pure, car privée du contacte charnelle, et impossible, qui ne l'obligeait pas à s'investir réellement, lui qui était un officier de marine marié, protestant, et dont l'homosexualité n'était pas un mystère dans les milieux littéraire et mondain. A la lecture des échanges entre Marie, elle aussi homosexuelle, et lui, on peut affirmer qu'elle-même prenait plaisir à ce jeu d'auteurs. Un écrivain honnête reconnaîtra que les plus belles aventures amoureuses qu'il a vécues, étaient des relations épistolières, et donc masturbatoires, du moins moralement, car leurs échanges restèrent chastes. En annexe de cette excitation cérébrale, il ne faut cependant pas perdre de vue que Marie, tout au long des échanges, a toujours sollicité de la part de Loti qu'il dénonce la condition de la femme musulmane dont le statue dépendait, malgré les lois instaurées par les Sultans Califes, successifs, telle la Charia. Il y a toujours eu de la part de marie une volonté de manipulation politique qu'elle n'a jamais niée, même si elle a minimisé plus tard ses intentions véritables.

    Ajoutons ici qu'elles ne sont pas les seules ottomanes à rendre visite à Loti. Il y a aussi une demoiselle Balkis, qui vient le soir en barque, porte des tenues parisiennes à la dernière mode, et se sauve quand la police passe. Cette femme, Henry de Régnier et son épouse la rencontrent à cette même période à bord du Vautour. Henri de Reignier relatera les entrevues auxquelles il assista en 1931 dans ' « Escales en Méditerranée», édité chez Flammarion.

    Les deux filles de l'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Belgique, Gaston Errembault de Dudzeele et d'Orroir, (1847-1929), Germaine, (1874-1952) et Valentine, (1875-1969), (qui épousa le Carlo comte Sforza en 1911), furent bientôt associées à la supercherie. Elles réalisèrent des photographies des sœurs Noury Bey et de Marie déguisées, caricatures d'odalisques à voiles blancs et collier de fleurs de soie, et acceptèrent de jouer les cautions morales en prêtant la maison de leur père un après-midi pour une visite de Loti, durant laquelle Marie resta seule avec l'écrivain dans un salon à se jouer de lui, alors que Hadidjé-Zennour et Nouryé poussaient la chansonnette au piano à côté !

    Loti invita « ses trois fantômes noires » un après-midi à bord du Vautour, leur envoyant un canot pour l'occasion. A bord elles eurent la surprise d'y voir la pierre tombale de Hatice Hanım, la femme qui inspira au romancier « Aziyadé », dont Loti avait obtenu du Sultan-Calif de pouvoir la ramener à Rochefort, (le Sultan avait exigé que cela se fasse de nuit, on il court depuis la légende que ce fut un vol), et se plaignirent après que Loti ne vivait pas à bord dans un luxe de nabab, malgré la vaisselle fine et les photographies dédicacées de monarques qui emplissait les trois pièces de ses quartiers ; qu'il n'avait pas pensé à leur offrir des fleurs ou un souvenir de lui, ni entrepris de leur offrir une traversée en mer. Le personnel de bord estima qu’elles étaient trois aventurières qui n'avaient pas de bonnes manières, et que Loti devait s'en méfier.

     

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    Salle à manger du Vautour avec Choukri le domestique garde du corps de Loti

     

    L’écrivain les informa qu’il allait faire un roman de leurs lettres, et livra alors deux textes à La Revue des Deux Mondes, amorce du roman qui sera « Les Désenchantées ».

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    Photographie dédicacée de Loti à « Leïla » ; ancienne collection de Marie Léra

     

    Par deux fois Marie dut faire des retours à Paris ; elle dit que son personnage devait se rendre à Smyrne, ou « où vivait son vieux mari », ce qui justifia des temps longs de circulation des courriers, car il fallait les refaire passer par des intermédiaires. C'est durant l'un de ses séjours parisiens, que Hadidjé-Zennour et Nouryé se rendirent au vieux cimetière de Topkapı, où Loti, qui devait quitter Constantinople au printemps, demanda aux sœurs de veiller sur la tombe de Hatice Hanım.

    Marie était très petite, très fine, elle fut parfois remplacée dans d'autres entrevues par une jeune cousine des sœurs, qui garda le silence à chaque fois, élément d'étonnement dont Loti fit part dans son roman.

     

    En février 1905, Marie Lera était alors à Paris, et s’apprêtait à partir en Suède, à Upsal, quand Loti lui annonça se rendre à Smyrne dans les premiers jours de mars, et vouloir l'y voir avant son départ le 24 pour la France. Il avait organisé une équipée pour qu'ils puissent se rencontrer à l'extérieur de la ville. Elle eut toutes les peines du monde pour justifier l'impossibilité de cette rencontre, et lui adressa un portrait photographique (très retouché) d'elle en tenue ottomane.

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    Marie Léra en Leyla en en costume de dame ottomane musulmane de haut rang, photographie prise à Istanbul en 1904, Fonds et Collections Odoevsky Maslov. Une photographie similaire, plus petite et dédicacée, fut adressée à Pierre Loti en mars 1905.

     

    Les échanges par intermédiaires postaux devenant impossibles à gérer, et parce qu'elle était aussi lasse de ce jeu, tout comme elle était probablement lassée de Hadidjé-Zennour et Nouryé, (elle ignora du jour au lendemain ses amis comme un enfant abandonne un jouet, et parlait habituellement des choses advenues deux ans au paravent comme si elles avaient eu lieu il y a 20 ans parce qu'elle les avait classées dans sa mémoire), Marie annonça dans une lettre datée du 15 décembre 1905 le suicide de son personnage à Loti, poussant le culot en donnant du « mon amour », de quoi alimenter l’ego démesuré de Loti. Cette lettre de huit feuillets commence avec une écriture très serrée, puis se délie pour mimer l’effet du poison ingéré. Elle adressa aussi une lettre à Auguste-Laurent Masméjean, dont elle s’était aussi amusée à exciter les sens, et à l'épouse de Loti qui lui avait écrit à l'occasion. Ces trois lettres furent adressées par Nouryé à Loti, avec une lettre de sa part racontant qu'un domestique les avait apportées à l'aube, et en concluant que c'était « une lettre de folle ». Loti fut très affecté par la lecture de la lettre de suicide... mais l'écrivain prend toujours le pas sur l'homme, et Loti demanda s’il pouvait continuer la rédaction de son ouvrage à partir des faits et des lettres de Leyla/Marie, renommée « Djenane » dans le roman. Hadidjé-Zennour et Nouryé lui dirent que les lettres de leur « défunte cousine » devaient être publiées dans leur intégralité. Loti les modifia à peine et l'on peut affirmer que son roman Les Désenchantées est pour moitié l'œuvre de Marie Lera.

     

    De Suède Marie Lera envoya à La Croix des articles, collabora toujours au Correspondant et au Mois littéraire, revenue où elle signait sous son nom, puis rapidement sous le pseudonyme de Marc Hélys, employé jusque-là uniquement dans Le Correspondant, annonçant toujours qu’elle était une femme. Cette pratique était alors courante, depuis George Sand, en Occident, une femme qui ne voulait pas être cantonnée aux romans pour enfant où jeune-fille devait employer un pseudonyme masculin. Carlos-Americo ayant été nommé le 19 février 1899, Marie fit son premier séjour au japon au prétexte d’y voir sa fille, et publia un article à propos de la Croix Rouge au Japon dans Le Correspondant du 25 juillet.

     

    Marie se fit aussi morte que Leyla quand elle apprit que Hadidjé-Zennour et Nouryé affolèrent l’Empire et l’Europe en fuguant le soir du 8 janvier 1906 pour Paris. Vêtues à l’européenne, munies de passeports français fournis Marcelle Weissen, dite Szumlanska-Weissen, née à Annecy le 19 octobre 1886, une amie française d'origine suisse et polonaise, fille d'Afred-François-Xavier Weissen, professeur de langue du lycée lazariste qui rêve depuis toujours d'avoir un haut poste administratif, dont la réputation est fort mauvaise, et d'Emilie-Marguerite Szumlanska, professeure de chant chez qui les filles de Noury Bey prenaient des cours, issue de la noblesse polonaise, vivant dans le regret d'avoir déchu en épousant un roturier sans carrière. A Marcelle, il faut ajouter un jeune employé du bureau de la Poste allemande à Constantinople, nommé Hensel, qui s'était fait tourner la tête par Nouryé. Conduite à la gare par madame Weissen, qui s'était risquée à leur donner un passeport collectif devant leur permettre l'entrée en France, et d'Yvonne, la sœur Marcelle, elles aussi embarquées dans l'affaire, la tête tournée par la promesse d'une carrière en Egypte sous la protection de deux princesses amies des sœurs. Marcelle accompagna Hadidjé-Zennour et Nouryé dans leur fuite. Elles prirent le train à la gare de Sirkeci pour un périple de soixante heures de voyage à bord du Conventionnel, (train concurrent de l’Orient-Express). Le voyage s’arrêta le lendemain en gare de Belgrade où un diplomate ottoman et deux policiers serbes les attendaient pour les reconduire à Constantinople. Le grand-vizir, Avlonyali Mehmed Ferid Pacha, avait écrit en personne au gouvernement Serbe. Son inquiétude était que les filles de Noury Bey ne se rendent en Suisse pour rejoindre les nationalistes Jeunes-Turcs en exil qui cherchaient par tous les moyens à provoquer une révolution. Le Sultan, informé, demanda que l'on ramène les filles de Noury Bey et qu'on punisse ceux qui les avaient aidées. L'ambassadeur de France, Jean-Antoine-Ernest Constans se vit demander de punir les Weissen. On frisa l'affaire d'état ! Mais l'arrestation, en réalité une mise en résidence surveillée dans un luxueux hôtel, par la police serbe reposait sur le fait qu'elles étaient entrées sur le territoire serbe sous de fausses identités, avec les passeports d'autres.

    Hadidjé-Zennour et Nouryé contactèrent le Consul de France à Belgrade qui se dit impuissant, et une amie serbe connue à Constantinople, Nathalie Georgevitch, sœur d’un diplomate, qui, devant les menaces de suicide à l'aide de poison et d'un revolver de voyage, les aidèrent à fuir du Grand-Hôtel où elles avaient été assignées pendant que la presse serbe s’empara de l’affaire en criant au joug ottoman revenu ! Hensel voulait prévenir l'ambassade d'Allemagne, mais les trois femmes l'en dissuadèrent, et dès le lendemain il fut expulsé de Belgrade. Noury Bey envoya une lettre de supplique pleine de tendresse à ses filles pour qu'elles reviennent. Comme elles refusèrent de revenir, il dut promettre à son gendre de prendre en charge le divorce d'avec Hadidjé-Zennour, et annonça son arrivée. Affolée à l'idée de voir Noury Bey, suivies par les journalistes à qui elles racontaient s’être évadées d’un harem, passèrent en Autriche, gagnèrent Venise, Milan, Nice où Hadidjé-Zennour fit un séjour dans un sanatorium en raison de sa tuberculose qui s'est empirée dans le froid serbe et l'humidité vénitienne. C'est alors que Marcelle réalisa s'être fait bernée par celles qu'elle pensait être ses amies. Ses parents étaient arrivés au Caire avec la certitude donnée par Hadidjé-Zennour et Nouryé que des princesses égyptiennes les accueilleraient. Mais ces princesses n'existaient pas, et la famille Weissen se retrouva dans une situation catastrophique, perdant toute crédibilité et son peu de fortune. Marcelle demanda des explications. Nouryé montra alors son vrai visage, assumant sans ciller son mensonge et se moquant ouvertement de la naïveté de Marcelle et des siens. Marcelle resta cependant avec les deux sœurs jusqu'en juin 1906, s'occupant de Hadidjé-Zennour dont l'état de santé était alors catastrophique, avant d'être chassée par Nouryé. Marie ne se manifestât pas, et Loti accusé par la presse ottomane, qui parla de l‘affaire à mot couvert, d’avoir organisé et financé l’aventure, envoya Masméjean à Nice. La Sublime Porte imposa alors la censure. Un lointain cousin, le diplomate Jean-Louis-Marie Allard de Chateauneuf, (1864-1937), qui avait relevé en parti le patronyme de sa mère, intervint un temps financièrement pour les aider, et les introduit auprès de quelques personnes de la bonne-société. C'est alors qu'apparut à Nice la poétesse Renée Vivien, qui crut voir dans les deux sœurs et les récits de leur fuite qu'en faisaient la presse, deux héroïnes à qui il fallait apporter une aide financière. Renée Vivien vivait depuis l'été 1904 une relation amoureuse épistolière avec une ottomane prénommée Kérimée, (1874-1948), épouse d'Arnavut Turhan Pacha (plus tard nommé Përmeti), (1839-1927). Subtilisant Kérimiée par les deux sœurs, elle surnomma Hadidjé-Zennour « Fleure-Fragile » et Nouryé « Messagère-Lumineuse ». Renée dit intervenir au titre de la solidarité féminine en leur prêtant sa maison de Nice, mais cette lesbienne assumée commença à sortir dans les restaurants, au théâtre et au casino de Nice avec Nouryé, qui se rajeunit de sept ans en lui disant être née en 1896... Masméjean observa tout cela avec un certain dégoût, mais resta à Nice pour veiller sur Hadidjé-Zennour jusqu'à ce que Nouryé le chasse.

     

    Tous les journaux d’Europe parlaient de deux sœurs, racontant des absurdités et grossissant l'histoire. Le Petit Journal publia le 4 février 1906 une couverture illustrée complètement fausse et ridicule, intitulée « Un Scandale à Constantinople, deux musulmanes s’évadent d’une harem ».

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    Quand elles arrivent à Paris, logée dans un appartement loué pour elles par Renée Vivien, Loti les aida discrètement, et finit par les recevoir chez lui à Rochefort.

    Nouryé vendit deux articles en mai 1906 au Figaro, qui les fit paraître dans son supplément littéraire, dans lesquels elle prétendit être issue des khans de Kiziltépé et avoir passé son enfance dans la région d’Éphèse, ce qui était des inventions. Elle signa ses lignes Neyr-el-Nissa.

    Loti acheva son roman qui parut en feuilletons dans La Revue des Deux Mondes avant de paraître chez Calman-Levy en juillet 1906. On fit le rapport entre les deux sœurs et les héroïnes des Désenchantées. Bon coup de publicité pour tout le monde… sauf pour Marie Lera qui n’alla pas à leur rencontre, ne pouvant dévoiler le mensonge qu’elle avait en grande partie bâti. Elle ne reprit jamais contact avec les deux sœurs, qui pourtant lui avaient envoyé une lettre depuis Belgrade. Mais Marie était madame Lera, épouse d'un diplomate qu'elle avait quitté en s'enfuyant un jour en abandonnant sa fille, mais qui continuait de lui verser une pension et à lui accorder des largesses que d'autres n'auraient jamais accordées. On aurait pu l'accuser d'avoir incité les sœurs à fuir, on aurait dénoncé la supercherie faite à Loti, et cela aurait détruit la vie de Marie qui construisait sa carrière d'écrivain en devenant Marc Hélys.

    Certains critiques jugèrent que les lettres retranscrites par Loti dans son roman, avaient un style trop proche du sien pour sembler véritables sans avoir été passablement retouchées. Un fonctionnaire ottoman en poste à Paris dira dans la presse : « nos femmes ne sont pas ainsi ». Jehan d'Ivray, (1861- 1940), écrivaine épouse d’un médecin égyptien et vivant au Caire, rapporta dans La Revue illustrée les témoignages très critiques de femmes de l’aristocratie et de la bourgeoisie égyptienne musulmane, qui estimaient que Loti avait imaginé plus qu’il n’avait retranscrit ; elle rédigea ses observations sur la vie des femmes en Égypte, et joignit à son article des photographies de femmes du Caire. Le romancier breton Charles Géniaux, (1870-1931), habitué de l’Algérie et la Tunisie, et qui connaissait Marie Lera, lâcha que « ce n’est pas du tout cela, et Loti a dû se faire mystifier par des Européennes déguisées ». En réalité tout le monde littéraire parisien savait la supercherie. Marie Lera avait été comme toutes les mondaines : trop bavardes. Elle n’avait pu se priver pour se rendre brillante en racontant aux Françaises qu'elle rencontrait à Constantinople, puis à son petit cercle parisien, le mauvais tour qu’elle avait joué à Loti, ce vieillard fardé dont disait depuis des décennies que sa véritable « Aziyadé » devait être un Köèek, c'est à dire un esclave travesti vivant dans un harem, et dont on vomissait les amitiés viriles trop caressantes en public. Au fur et à mesure de la parution des extraits du roman de Loti dans la Revue des Deux Mondes, une amie, la comtesse de Custine, (c'est ici un nom usurpé, la famille de Custine étant éteinte depuis le milieu du 19ème siècle, cette dame, née Elisabeth-Alix Treugue, était l'épouse d'Antoine-Constant Custine, trésorier-paveur des Postes à Tananarive, d'origine belge, qui se faisait appeler comte de Custine ; elle vivait séparée de son époux à Verneuil-sur-Avré), et de l'écrivain et traductrice Anglaise, Alys Hallard, qui était informée de la supercherie, écrivit dans une lettre du 26 août 1906, conservée à la BNF, que le livre de Loti était presque intégralement un plagia de ses lettres, et qu'on y reconnaissait bien son style, tout en s'étonnant que Loti donna comme nom à son personnage celui d'André Lhéry, qui semblait un mixage entre Léra et Hélys. Elle lui proposa de dévoiler le pot aux roses, et de l'aider à obtenir de la part de Calman-Lévy que son nom figurât sur la couverture du roman (et donc la moitié des bénéfices). Marie refusa, cela l'aurait mise dans une situation grave, on moquait Loti, mais si elle était découverte, c'est sur elle que tout serait retombé, Loti aurait été plaint et elle définitivement perdue de réputation. Un après-midi de juin en 1906, Marie trouva devant sa porte de son petit appartement au sixième étage du 33 de la rue de Tocqueville dans le 17ème arrondissement, Marcelle, à qui Hadidjé-Zennour partie pour Fontainebleau, avait demandé qu’elle prenne contact pour elle. Marie se fit raconter par Marcelle l'intégralité de la fuite, puis entra dans une colère noire, lui disant qu'elles avaient toutes été insensées et ne plus vouloir les voir. Elle savait que les sœurs n'avaient pas vécu ce qu'elles affirmaient avoir été leur vie dans les journaux. Marcelle avait espéré de l'aide de sa part, elle s'était inscrite à une école d'infirmière. Marie la jugea incapable de suivre des cours, voulut la faire entrer comme domestique dans une institution catholique, lui proposa un prêt. Marcelle refusa ; Marie la traita de paresseuse.

    Hadidjé-Zennour finit sa convalescence à Fontainebleau, dans une maisonnette mise à sa disposition par des amies de Renée Vivien. C'est là que le mystère prend alors de l'épaisseur, une lettre adressée à Marc Hélys après la publication de son livre révélation sur Les Désenchantées, conservée à la BNF, elle y aurait accouché d'une petite fille qui fut confiée à madame Fernande Mouchaniny. Dans les « Évadées du harem », monsieur Alain Quella-Villéger relate qu'il a trouvé une fillette née le 14 août 1906 de parents inconnus à Fontainebleau au moment de la convalescence de Hadidjé-Zennour, et l'identifie comme la fille de cette dernière. La source de monsieur Quella-Villéger est la descendance de Nouryé qui connut cette tante éduquée sous un autre nom, mais qui savait tout de ses origines et voyait régulièrement sa tante et ses cousins. De qui Hadidjé-Zennour était-elle enceinte quand elle fuit Constantinople ? Pas de son époux c'est certain. Cette grossesse est donc la véritable raison de la fuite des sœurs. Explique-t-elle pourquoi Marcelle Szumlanska-Weissen resta à soigner Hadidjé-Zennour malgré la prise de conscience de l'escroquerie dont elle avait été victime avec sa famille ? Pas sûr, en effet Marcelle était vraiment naïve à cette époque, sans connaissance du corps humain, et il était facile de cacher sous les vêtements de l'époque une grossesse jusqu'au cinquième mois. Il semble plus probable que Nouryé se dépêcha de la chasser dans les premiers jours de juin quand il ne fut plus possible de lui cacher la vérité. La fille de Zennour eut une vie heureuse, et décéda il y a plusieurs décennies.

    Marc Hélys publia « À travers le féminisme suédois » en septembre 1906, qui fut son premier succès en librairie.

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    Marc Hélys en 1906, portrait paru dans La Vie Heureuse du 15 novembre 1906

     

    Loti revit en privé les deux sœurs qui lui parlèrent encore et toujours de l'imaginaire Leyla, il les invita chez lui à Rochefort, et elles lui soutirèrent régulièrement de l'argent pour finance leur logement à Paris, rue du Midi, puis rue Klebert.

    Craignant finalement les importuns et le scandale des sœurs qui faisaient régulièrement les entrefilets de la presse, Marc Hélys fit publier dans Le Petit Journal, du 8 février 1907, qu'elle partait séjourner au Maroc où elle resta plusieurs mois.

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    Le 27 juillet 1907, le supplément littéraire Figaro publia à nouveau un texte de Nouryé à propos du voile que l’on lui aurait imposé, avec ode à la France qui rendait libre les femmes, liberté relative quand on sait comment était le pays en 1907, d’ailleurs elles finirent par désenchanter véritablement en découvrant peu à peu la réalité de la phallocratie européenne. Valentine de Dudzeele écrivit de Constantinople à une de ses amies que les deux sœurs chargeaient leur père de fautes inexistantes dans le Figaro, alors que celui-ci était en disgrâce et que le calme que le scandale venait à peine de dissiper.

     

    En décembre 1907, Marie Lera participa à la fondation orchestrée par la duchesse d’Uzès de la section française du Lyceum-Club, un cercle britannique réservé aux femmes, fondé à Londres en 1902, dont la secrétaire fut son amie Alys Hallard, déjà citée comme amie commune avec la fausse comtesse de Custine. C'est probablement à cette période qu'elle fit la connaissance de la poétesse guatémaltèque María Cruz, née en 1876. María Cruz, était fille du diplomate et poète Fernando Cruz, (1845-1902). Elle avait suivi son père aux États Unis, en Espagne et puis en France. C'était une brune potelée à la peau mate, tout à fait le genre de jeune fille intéressant Marc Hélys (pour reprendre l'une de ses expressions).

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    María Cruz...

     

    Les filles de Nouri Bey décidèrent de rester en France et prirent le patronyme de Blosset de Châteauneuf de leur grand-père. Nouryé se fit faire la cour par Rodin, (qui fit d'elle et de Hadidjé-Zennour, des esquisses rehaussées à l'aquarelle, conservées au Musée Rodin), et fréquenta les salons littéraires.

    A Constantinople Nouri Bey mourut de chagrin et de honte le 15 février 1908 ; son épouse décéda en mars 1909.

    Paris 16 , Nouryé épousa en grande pompe à Nice, le 28 avril 1908, où elle s'établit, un comte russo-polonais, Ladislas-Eugène-Joseph Rohoziński, (Saint-Pétersbourg 7 novembre 1898 - 4 septembre 1938 Paris 16e), rentier et musicien réputé, dont la famille jouait un rôle important à Nice, considéré par le frère de Nouryé comme un « chenapan d'aventurier ». Elle se convertit au catholicisme à cette occasion, recevant les prénoms Marie-Lucie à son baptême. Ils eurent deux garçons et deux filles. Ruinés par la Révolution de 1917, Nouryé vendit tout ce que Rodin lui avait offert, ainsi que les lettres de Loti lui avait adressé à elle et sa sœur. Elle travailla dans deux boutiques de modes, puis vers 1932 dans une librairie à Paris, elle y décéda le 25 juin 1965 et fut inhumée à Nice. Seul un journaliste du Jour la retrouva en août 1934, elle lui répondit que « les Désenchantées ont été un péché de jeunesse ». Vieille dame respectable et intimidante, distante avec ses enfants et peu intéressée à ses petits-enfants. Elle donna quelques conférences à propos de Loti à la fin de sa vie.

     

    Malgré une attitude discrète en surface, Marc Hélys profita cependant du ramdam des filles de Nouri Bey pour publier en 1908 « Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie », édité chez Perrin, qui devint son éditeur pour le reste de sa carrière. Le livre est un ramassis de on-dit et d’anecdotes pas vérifiables, datées, de choses piochées au Maroc et non à Constantinople, et d'inventions grossières qui ne collent pas avec la réalité ottomane et l'Islam, mais a surtout la particularité dans son premier chapitre de contre dire le discours qu'elle avait tenu à Loti sous son déguisement de Leyla ; ignorant ou minimisant les inconvénients de la vie féminine musulmane ottomane, et en faisant la réclame des droits et libertés que ne possédaient pas les Occidentales. Marcelle Szumlanska-Weissen publia au même moment « Hors du Harem, histoire vraie », (Librairie Felix Jouven, Paris, 1908), où elle dénonça à mot couvert la supercherie de Leyla, mais le reste du texte est en fait une continuité du mensonge de sœurs Nourri Bey, attendu qu'elle était ignorante de la vérité. Elle avait espéré récupérer de l'argent, mais son livre se vendit peu. Cependant, contrairement à ce que Marie répétera à son sujet, Marguerite-Adèle-Marcelle Szumlanska-Weissen, n'était pas une paresseuse, elle suivit des cours d'infirmière, complétés par d'autres à la Sorbonne, puis rejoignit sa famille au Caire, devint institutrice, fit carrière comme anthropologue, voyagea de par le monde, se spécialisa après 1945 dans l'étude de la société préhistorique ; auteure de plusieurs ouvrages, elle reçut pour celui intitulé L'âme archaïque de l'Afrique du Nord le prix Montyon en 1935. Marie deux fois, (à Paris 7e le 14 décembre 1912 à Georges-Louis Carle, (1879-1947), ingénieur en chef au service de la colonisation ; puis en 1922 à Constantine à Georges Vicrey, (né à Constantine le 2 août 1894) topographe), et deux fois divorcée, elle décéda à Bayonne 30 août 1965.

    Dans la revue L’Opinion du 31 octobre 1908, dans la rubrique Les gens de lettres, le chroniqueur anonyme faisant réclame du Jardin fermé, la dénonça Marc Hélys comme étant celle qui avait trompé Loti en se faisant passer pour femme de harem. On retrouve cet élément en 1923 à la fin du Secret des désenchanté, où Marc Hélys fit la mention d'un journaliste venu l'interroger, mais auquel elle avait fait « des réponses évasives ». Heureusement pour elles, l'article passa inaperçu, autrement la colère de Loti aurait été terrible.

    Charles Géniaux publia « Les Musulmanes » en 1909, qui participa à rectifier le discours.

    La polémique reprit avec un extrait d'un livre de Marcelle Tinayre, écrivaine qui avait ses habitudes à Constantinople, dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1909, intitulé Notes d'une voyageuse en Turquie, dans lequel elle dénonça qu'à Constantinople personne ne croyait à l'existence de l’héroïne de Loti, ajoutant, à travers la bouche d'une dame ottomane de haut rang, que « Des Désenchantées ? Il y en avait quelques-unes à Stamboul, et ce n'étaient pas les plus intéressantes parmi mes compatriotes. Le livre de Loti en a fait éclore des douzaines. Oui, beaucoup de dames ont appris qu'elles étaient fort malheureuses. Elles ne s'en doutaient pas, avant d'avoir lu le roman. Pour moi, je me contente de ma destinée... Chacune de nous porte son bonheur en elle-même. » Dans son livre elle ajouta que pour les Turcs, Loti inventait des situations fantaisistes, ne connaissait pas réellement le pays. Marcelle Tinayre était par ailleurs informée de la supercherie, car Marie la lui avait racontée, et elle n'hésitait pas à rapporter l'histoire sans nommer les protagonistes, s'amusant du mauvais tour joué à Loti. Le Romancier, furieux, demanda des comptes. On prétendit que l'ambassadeur Constans cherchait à lui nuire. Hadidjé-Zennour récusa toutes les accusations auprès de Loti, et prit à son tour la plume dans le supplément littéraire du Figaro du 21 décembre 1909, pour affirmer que Loti avait retranscrit la réalité, qu’elle était « Zyneb » dans le roman « Les Désenchantées », et sa sœur « Mélek ». Elle mentit cependant en disant que le personnage de Loti, « Djedane », était Leyla une cousine « reposant au cimetière d’Eyoub ». Entre deux compliments à Loti, trop obséquieux pour être honnêtes, elle lui reprocha de ne pas avoir été plus critique à propos de la condition des femmes musulmanes. Hadidjé-Zennour en rajouta en écrivant à propos de cette cousine imaginaire qu’« Elle n’avait point d’atavisme français, elle, et c’est peut-être pour cela qu’elle n’a jamais voulu quitter notre pays : elle était purement Circassienne ». Elle s’attaqua à nouveau aux critiques de 1906, dénonçant, avec toute la xénophobie et le racisme des adhérents au mouvement des Jeunes-Turcs, le fonctionnaire ottoman insurgé comme étant « un Arménien enquête d’avancement », se prit les pieds dans le tapis en le disant ensuite être un « orthodoxe géorgien qui n’a jamais dû adresser la parole à une Turque » et qu’elle jugeait avoir eu le tort de s’exprimer au nom des musulmanes. Elle récusa aussi les critiques de Jehan d'Ivray l’accusant de ne pas avoir mis un pied à Constantinople, affirma qu’en Égypte les femmes y étaient plus libres que dans l’Empire. Hadidjé-Zennour s’insurgea aussi contre Charles Géniaux qu’elle accusa de parler d’un sujet qu’il ne connaissait pas, puis s’en prit à un Stanbouliote critique, en le désignant lui aussi comme étant un Arménien. Au milieu de ces règlements de compte tardifs, dans le désordre de son esprit et de ses idées, elle affirma que Loti avait reproduit dans son roman les lettres qu’elles lui avaient envoyé toutes trois, n’ayant retouché que légèrement les siennes et celles de sa sœur, « mais aucunement celles de [sa] cousine » Leyla/Marie Lera. Elle osa commenter qu’« il n’ a jamais voulu toucher celles de « Djenane » qui écrivaient mieux que nous toutes », et justifia que le style de leurs lettres avait des similitudes avec celui de Loti parce qu’elles avaient été habituées à travailler leur français à partir de ses romans. Elle finit enfin disant ne pas vouloir parler de la mort de « Leyla », tombant dans le grotesque en décrivant de son imaginèrent cousine comme un modèle de femme musulmane opprimée poussée au désespoir par la souffrance de sa condition, et finit en affirmant que la Révolution Jeune-Turque avait délivré la femme musulmane, ce qui était totalement faux.

     

    Loti se rendit à Constantinople, chercha en vain la tombe de Leyla durant son séjour à Constantinople en 1910, on lui dit qu'il s'était fait duper, mais il ne voulut pas y croire. Des rumeurs disaient que Leyla était encore vivante, mariée à un bey ou un pacha. Louis de Robert, amant de Marcelle Tinayre, ramena le calme chez Loti en lui disant que son amante s'était faite mystifiée par une madame « Hera » alors qu'elle était à Constantinople ! Marcelle Tinayre écrivit à Loti le 7 décembre 1911 pour dire qu'elle avait été trompée par une dame française, sans jamais en citer le nom.

    Jehan d'Ivray publia « Au cœur du harem », en 1910, corrigeant bien des absurdités.

    Hadidjé-Zennour, se déclara inadaptée à la société occidentale et décida en 1912 de retourner à Constantinople. Son époux, Abdüllatif Safa Bey, devenu en août 1908 ambassadeur à Bucarest, avait obtenu le divorce[5]. Devenue Zenep Hanoum, elle publia à Londres « A Turkish woman's European impressions », regroupant des lettres envoyées à la journaliste Grace Ellison,(1880-1935), qui était venue la rencontrer à Fontainebleau, le dernier dimanche d'août 1906, alors que Zennour était toujours au plus mal physiquement et psychologiquement. Elle fut reçue par Nouryé, dont Grace a écrit dans la préface du livre des lettres de Zennour, qu'elle comprit immédiatement les allusions sexuelles qu'elle lui fit. Les lettres publiées, étalées entre septembre 1906 et mars 1912, sont des courriers d'impressions entrecoupées de souvenirs d'enfance, d'avis sur la société européenne comparés à sa vie à Constantinople, dans un long discours transpirant la tristesse. Marc Hélys, longtemps après les faits, blâmera Grace Ellison, un texte conservé dans ses papiers remis à la BNF nous donne sa vision des faits : « Elles se sont liées aussi avec une Anglaise un peu louche, miss Grace Ellison, une sorte de journaliste mêlée à beaucoup de choses. Cette personne les a accaparées et les a certainement éloignées de moi. J'en ai eu du chagrin d'abord. Ensuite, j'ai compris que cela était mieux ainsi. » On voit ici un autre exemple de déformation de la réalité par Marc Hélys qui cherchait toujours à se donner le bon rôle et celui de la pauvre victime de la méchanceté des autres ! Si Marc Hélys ment en disant que c'est Grace qui l'a éloignée des sœurs, il faut cependant confirmer que Grace Ellison est un personnage trouble, vraisemblablement un temps employée par les services secrets britanniques, qui avouait se moquer de la véracité des propos des deux sœurs, du moment que cela faisait «  vendre du papier ». Grace n'aura aucune considération pour Nouryé, mais de la tendresse pour Zennour.

    Réinstallée dans sa maison de Taksim, Hadidjé-Zennour se remaria en 1920 avec un Mouhoud Bey, le médecin en chef de l'Hôpital de la Marine. Devenue très dépendante de médicaments la soulageant de ses douleurs, elle commença à avoir des troubles mentaux graves après une opération en 1921. Les sources turques, (plus exactement l'écrivain Taha Toros qui publia plusieurs fois en Turquie à propose de Loti), disent qu'elle se suicida par pendaison en avril 1923, ce que confirme Grace Ellison, dans un passage de son ouvrage « Turkey Today », publié en 1928 ; Marc Hélys commenta : « Zennour c'est détraquée à prendre des drogues, cocaïne ou morphine. Lorsque la guerre éclata, elle se hâta de quitter la France. Retournée en Turquie, elle se remaria avec un médecin. On a dû la soigner, la désintoxiquer. Enfin, après avoir donné plusieurs preuves de déséquilibre mental, elle s'est suicidée lamentablement. » Notons ici que, outre que Marc Hélys ne se fait que l'écho de ouï-dire, certes bien renseignés, la consommation de morphine était liée à soulager Hadidjé-Zennour des douleurs de sa maladie, et qu'à l'époque, la cocaïne était considérée comme un fortifiant que les médecins prescrivaient même aux impératrices d'Autriche et de Russie. 

    Après un séjour à Copenhague, Marie Lera publia « La famille royale de Danemark » en 1911, et participa un temps à la Revue Bleue, avec quelques articles pro-colonialisme et pro-évangélisation. Elle décida en 1912 d’aller voir sa fille à Saint-Pétersbourg, où son mari était ambassadeur depuis le 20 juin 1907. Il était devenu durant leur séparation successivement chargé d'affaires pour l'Amérique centrale en septembre 1896 à Guatemala, (une aventure avec une femme mariée fit que gouvernement guatémaltèque demanda au gouvernement mexicain de le rappeler, ce qui ne fut pas exécuté), le 24 Décembre 1897, il avait été promu ministre résidant au Guatemala ; le 19 février 1899, il devint ministre à Tokyo, puis à partir de mai 1904 ministre plénipotentiaire, il fut aussi ministre plénipotentiaire auprès de l’empereur Yixin à Pékin en août 1904, mais resté en résidence à Tokio, jusqu'en octobre 1905, (la légation avait été confiée au chargé d'affaires Moricio Wolheim), il quitta sa fonction de ministre au Japon le 1er février 1907, étant nommé ambassadeur auprès de sa majesté l’empereur Nicolas II de Russie à Saint-Pétersbourg et y resta jusqu'au 26 juillet 1912, et négocia en août 1909 l’accord commercial et maritime entre le Mexique et la Russie, qui fut signée le 2 octobre 1909 (dates du calendrier grégorien). 

     

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    Lettre du président du Mexique Porfirio Díaz à l'empereur Nicolas II à l'occasion de la commission de l'ambassadeur du Mexique en Russie Carlos Americo Lera pour exprimer sa gratitude au gouvernement russe pour sa participation aux célébrations à l'occasion du 100e anniversaire de l'indépendance du Mexique le 7 décembre 1910. (Archives du Ministère des Affaires étrangères de Russie)

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    Signature de Carlos Lera sur la Convention entre la Russie et le Mexique sur le commerce et la navigation,

    le 2 octobre 1909 à Saint-Pétersbourg, (Archives du Ministère des Affaires étagères de Russie)

     

    Durant cette visite faite à sa fille en 1912 à Saint-Pétersbourg, Marie voulu d'extirper à son époux des informations à propos de l'Empereur et de sa famille pour composer un article. Mais Carlos Americo, qui allait prendre sa retraite, ne lui dit rien, à la fois par volonté de respecter sa fonction, mais aussi parce qu'il ne savait rien de l'Empereur qui vivait reclus et qui ne communiquait pas au sujet de ses enfants et de son épouse. Il l'informa de son intention de s'établir à Paris. Il y eut alors une tentative de Marie de se rapprocher de sa fille durant un peu plus d'un an, période qui correspond à une période d'inactivité littéraire.

    María Cruz séjournait alors en Inde ; elle était devenue membre de la Société de Théosophie, sorte de secte fondée par une aventurière russe, prêchant le développement de soi en utilisant l’ésotérisme européen et le brahmanisme en les mélangeant avec la franc-maçonnerie et le martinisme. La société avait fixé son quartier général à Adyar, en banlieue de Chennai. María Cruz avait traîné Marc Hélys à la conférence qu'Annie Besant, la chef de ce mouvement, avait donné à Paris, le 14 juin 1911 à Paris. María Cruz resta en Inde de 1912 à 1914, échangeant de nombreuses lettres avec son amante, faisant état de sa vie quotidienne et de ses avancées en Théosophie ; point qui n’intéressait pas sa correspondante repliée dans son catholicisme de principe, si bien qu’elle finit par lui écrire ironiquement qu'elle lui détaillait les tenues d'Annie Besant car cela seul l’intéressait ! María Cruz revint à Paris atteinte d'une maladie tropicale qui détruisit peu à peu son organisme.

    En 1914, Pierre Loti donna une conférence à Paris, à la rédaction de La Vie Feminine, à propos des femmes turques, où fut lu la lettre de suicide de Lyla que Loti écouta le front entre les mains, pour le grand plaisir de Marc Hélys, présente dans la salle, (cf. Istanbul du 20 mars 1926).

    Durant le Première-guerre-mondiale, Marc Hélys s'engagea comme nombre de femmes de la bourgeoisie à la Croix-Rouge, elle fut chargée de diriger d'un ouvroir et d'une cantine au Quartier Latin, puis en 1915 affectée à la direction des cantines en province ce qui lui permis de voyager à travers la France jusqu'en juin 1917. Elle fit de ses observations des articles publiés dans Le Correspondant, puis rassemblés sous forme d’ouvrages intitulés : Cantinière de la Croix-Rouge 1914-1916, publié en 1917, et Les Provinces françaises pendant la guerre publié en 1918.

    María Cruz s'était engagée elle aussi dans un ouvroir, mais sa santé déclina et elle décéda le 22 décembre 1915 à la clinique du Docteur Blanche. Par testament elle laissa à Marc Hélys de l'argent, ses vêtements, divers objets personnels, et l'usufruit de cinq villas situées dans la banlieue de Saint-Pétersbourg, qui devaient lui fournir des revenus, et qui devaient après devenir la propriété de la Société de Théosophie. Marc Hélys rassembla les lettres de María Cruz et en édita à ses frais une partie chez un imprimeur d'Evreux, dans un recueil intitulé Lettres de l'Inde, 1912-1914. Elle quitta les cantines en juin 1917 pour séjourner à Londres où elle attendit la fin de la guerre.

    La Révolution russe la priva de l'usufruit des villas, puis la chute du Franc, firent que ce que María Cruz lui avait légué partit en fumée en quelques années.

    Loti, très affaibli par une attaque cérébrale depuis 1919, rendit son âme le 10 juin 1923. Le 26 juin, Marie fit paraître en feuilletons dans la Revue Française les extraits d'un livre qu’elle avait sous le coude depuis des années : « L’envers d’un roman, le secret des « Désenchantées », révélé par celle qui fut Djenane », revue dont elle assurait une chronique sous le pseudonyme de « Chantal », puis « Chantal-Marc Hélys ».

    Bombe dans le monde littéraire, scandale, Loti à peine enterré trompé, bafoué. Seul Jacques Evrard en Belgique, dans La Liberté du 25 juin 1923, fit une critique positive du premier chapitre parue. Le 3 juillet la pseudo comtesse de Custine écrivit à Marc Hélys : « Enfin la vérité sort du puits où vous la tenez enfermée depuis longtemps, ma chère amie. »

    On n’en fit pas publicité en France de l'ouvrage paru en septembre, mais il se vendit très bien, et fut réédité tous les ans jusqu’à la Seconde-guerre-mondiale ; à 57 ans Marie connut enfin un énorme succès en librairie. Claude Farrère, qui avait été l'enseigne de Loti à bord du Vautour, sera le seul à s’exprimer, pour défendre le souvenir de Loti, dans le Gaulois du 18 septembre 1923. Sans jamais nommer Marc Hélys, ni le titre de son ouvrage, il assura que Loti avait agi en toute honnêteté, et s’il commenta que le roman qu’il en fit était « médiocre », il conclut son article par « Mais je m’étonne qu’aujourd’hui, « celle qui fut Djenane » nous fasse sa confession publique, non seulement sans contrition aucune, mais avec une espèce d’extraordinaire vanité ».

    Nicolas Serban[6], vengea Loti dans la biographie qu’il lui consacra en 1924, « Pierre Loti, sa vie et son œuvre », en faisant ce portrait mi-figue, mi-raisin, de Marie Lera tout en évitant de faire passer Loti pour un idiot : « Marc Hélys est la femme de lettres la moins femme de lettres qui soit. C’est une de ses Parisiennes simples et gracieuses qui sont, dans le monde, la plus charmante expression de la féminité. Elle a voyagé dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique où elle a particulièrement étudié les conditions de vie féminine. Elle a rapporté de ses voyages quelques livres bien documentés et écrits avec beaucoup de charme, notamment un livre sur les femmes turques. Se trouvait à Constantinople lors du séjour qu'y fit Pierre Loti. Elle avait parmi les jeunes femmes musulmanes des amies qu'elle aimait et plaignait : le désir de leur faire du bien à toutes, inspira l'aventure d'où allait sortir les Désenchantées. À travers le voile qu'elle ne releva jamais, de peur d'être reconnue par la suite, Pierre Loti ne put distinguer que vaguement son fin profil, ses yeux et ses sourcils sombres. L'héroïne des Désenchantées, aux cheveux dorés et aux yeux d'aigue marine, est une créature de l'auteur et peut être la personnification de l'idéal de beauté que tout artiste porte en lui. Mais si Marc Hélys n'a point les yeux verts pointillés d'or de Djénane, elle possède ce timbre de voix qui émouvait si étrangement Pierre Loti, et qu'il évoque à plusieurs reprises dans les DÉSENCHANTÉES. »

     

    Le 15 juillet 1926, après avoir longtemps souffert d'un cancer de l'estomac, dont ses enfants lui avaient caché la gravité, Carlos Americo Lera décéda à Paris, sans laisser d'argent à se partager, sa fortune ayant totalement fondue et ses dernières ressources ayant servi à payer ses soins. Son corps fut ramené à Saint-Nazaire pour être déposé le 19 juillet au cimetière de La Briandais avec sa première épouse, (sa plaque mortuaire mentionne qu'il était grand officier de la Légion d'Honneur, mais il était aussi grand cordon de Sainte-Anne de Russie, grand cordon de l'Ordre du Soleil Levant, et du Double Dragon de Chine, et Officier de l'Instruction public (Palmes académiques). Seul sa fille Marguerite, qui l'assista jusqu'à la fin, son fils Ramón avec sa femme et son fils[7], furent présents. Fernando était alors chef du protocole au Ministère des Affaires étrangères à Mexico où Edelmira l’avait rejoint et Carlos Americo "junior" était décédé en 1915[8]. Marie fut invitée à rester chez elle. A partir de ce jours, elle dut subvenir seule à ses besoins financiers, redoublant les traductions de romans feuilletons à paraître dans les quotidiens, dont L'Ouest Éclair. L’argent que lui avait laissé sa mère avait fondu avec les chamboulements économiques de la guerre et la dévaluation du Franc. Elle fut contrainte de déménagea de la rue de Tocqueville au 10 rue de Cadix, dans le 15ème arrondissement, dans un trois pièces dont elle sous-louait une chambre, pour payer l'intégralité de son loyer, à de jeunes personnes qu'elle présentait au propriétaire comme étant des « neveux et nièces » . Le logement était sombre et ne comportait que très peu de meubles. Elle avait aux murs une photographie de la Joconde, au-dessus de la cheminée, un cadre contenant une lettre de remerciement adressée au grand-père Charles Laborde pour l'avoir aidé à monter à bord du navire anglais Bellerophon à Oléron, et la photographie dédicacée de Pierre Loti.

    A 65 ans, en 1929, elle donnait des conférences sur la condition et les revendications des femmes à Paris et en province à Ligue patriotique des Françaises, plus importante association féminine de l'époque, dont le but était « la défense de la religion catholique », et qui se déclarer « ennemie du jacobinisme, du socialisme et de la juiverie » et se disait  « républicaine ». Elle devint cette même année chroniqueuse pour le Figaro, journal qui faisait depuis plusieurs années écho de ses articles dans Le Correspondant, et abandonna la Revue Française. Elle y débuta en faisait les traductions de brèves de journaux hispanophones, puis eut sa rubrique, La Vie féminine contemporaine, ce qui consistait essentiellement à relater des expositions d'aquarelles, de peintures sur soie ou porcelaine, de travaux d'aiguille, et autres activités où l'on cantonnait les femmes, avec parfois des critiques littéraires de livre écrit par des femmes, un commentaire des revendications politiques féminines, tel que le droit de vote, ou le compte-rendu d'une conférence donnée par une femme. Cette chronique était plutôt superficielle, Marie n'ayant pas de formation de journaliste d'investigation, et se cantonnant à poser des questions d'une convention bourgeoise relativement consternante, même pour l'époque. S'éloigna de plus en plus du féminisme, elle poursuivit sa carrière au Figaro de façon plus ponctuelle à partir de 1932 ; elle avait alors 68 ans et aspirait à prendre sa retraite. Au Figaro, Marie fut dès son embauche un soutien actif des œuvres catholiques des Sœurs Blanches, et de la Maison du Missionnaire fondée à Vichy par le père Wathé, dont le président d'honneur était le président Paul Doumergue.

     

    À l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Loti, on inaugura une plaque sur la maison de Saint-Pierre-d’Oléron en septembre 1933, la presse alla rechercher les trois mystificatrices et ne trouva que Marie. Elle raconta le souvenir de sa rencontre déguisée avec Loti, dans lequel repris mot à mot l’argumentaire qu’elle avait donné dans Le secret des Désenchantées pour se justifier :

    « […] Ah! nous nous amusions bien devant le désarroi du prestigieux écrivain dont les yeux erraient de l'un à l'autre de ces sombres fantômes, et qui s'écria: « C'est terrible de parler sans voir les visages ! »

     Et voilà que quelque chose d'inattendu se produisit. Au moment de nous quitter, Pierre Loti fut pris d'une vive émotion. Il changea de couleur, ses yeux s'embuèrent.

     « Ne vous reverrai-je plus ? », demanda-t-il. Notre gaieté s'éteignit...

    Dans la cabine-harem du bateau qui nous ramenait à Constantinople, nous restions silencieuses. Il était sincère et nous ne voulions que nous amuser, pensai-je tout haut avec des remords. Eh bien ! faisons- lui vivre un roman, et préparons-lui de jolis souvenirs de ce séjour -peut-être son dernier- à Constantinople.

    Mes deux amies m'approuvèrent avec enthousiasme.

    […]

    Nos lettres furent écrites avec ferveur, avec sincérité, parfois avec des larmes. Car si nous avons fait vivre à Loti un roman, nous l'avons aussi vécu. »

    Marie Lera se dédouana en assurant avoir éprouvé de la douleur lorsqu’elle fit écrire à Loti « Leyla/Djedane » la lettre d’adieu de son personnage, commentant que « l’encre était délayée de [ses] larmes », mais la lettre en question, conservée dans aux Archives de Rochefort, ne comporte aucune trace de pleurs. Les commentaires de la presse furent durs, on ne lui pardonnait pas d'avoir trahi Loti ; certains n'y croyaient pas, défendant le souvenir de Loti, tel l'écrivain Roger Vercel, (1894-1957), qui dans L'Ouest Éclair du 22 juillet 1933, présenta Marie comme une femme qui s'ennuyait dans les représentations consulaires et les ambassades, et affirma : « Quand un écrivain, un poète, se nomme Loti, il peut se permettre de prendre ses personnages où il les trouve, comme le statuaire prend son argile dans le premier trou venu Madame Marc Helys ne fut que l’argile, si elle veut nous faire croire aujourd’hui qu’elle fut, de surcroît, une des émouvantes statues des Désenchantées, personne ne la croira. » 

    Marie donna en 1935 son manuscrits du Secret des désenchantées à la Bibliothèque Nationale, livre qui fut son best-seller. Aucun des autres ouvrages dont elle fut l'auteur n'eut autant de succès, elle commenta qu'elle n'avait jamais eu le temps d'écrire comme elle aurait voulu le faire, étant obligée de gagner sa vie en faisant des articles. En réalité Marie Lera, nous l'avons écrit plus haut, n'a été obligé de gagner sa vie qu'à partir de 1926, entre son premier livre en 1900 et l'arrêt de sa carrière à la veille de la Seconde-guerre-mondiale, elle fut trop occupée à faire de son existence un roman, et malgré son talent d'écriture, sa seule idée littéraire fut le personnage de Leyla. Elle avoua en 1952 à Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais que « que cette liaison, absolument platonique et surtout épistolaire, avait été la grande aventure de sa vie, et que si elle pouvait le revivre, elle voudrait qu’elle fût la même ». Et quand on l'interrogea à cette époque à propos de son engagement pour le féminisme, elle nia l’avoir été, se désignant comme « une traditionaliste » qui n'avait appartenu à « aucun mouvement ou groupe ».

    Dans son rapport sur les prix de vertu devant l’Académie, le 19 décembre 1935, André Chaumeix, dont on disait qu’il faisait et défaisait les élections des académiciens, dit à propos de Marie : « Il existe une littérature comparée des œuvres, qui a été heureusement portée à la connaissance du public par une femme écrivain. Mme Marc Hélys a une grande expérience des problèmes sociaux et une rare science des littératures étrangères. Depuis trente ans, elle s’est intéressée à toutes les causes qui touchent l’éducation des femmes, l’apprentissage, les métiers. Par ses articles de revue, par ses livres documentaires, elle a manifesté un dévouement qui s’est étendu à toutes les œuvres. Les Sœurs Blanches d’abord, la Maison du Missionnaire ensuite ont eu en elle une amie active qui a travaillé au rayonnement de la charité française. »

    Marie s'était alors énormément rapprochée du clergé catholique dans une quête mystique qui traduisait un certain mal être.

     

    Financièrement dans le besoin durant l'Occupation, elle reçut en 1942 un prix de 5.000 fr de l'Académie, grâce à ses relations, (équivalence de 1350 euros de 2019). Puis Marc Hélys disparut de la scène. Elle songea revenir à Saint-Nazaire… Su gibi git su gibi gel, (soit comme l’eau, va et reviens)… mais la ville était en reconstruction et qu'il n'y restait rien du passé. Devenue aveugle vers 1950, elle avait uniquement les visites deux fois par semaine d'Anne-Marie Chiaramonti-Beauvais, (1904-1997), employée comme secrétaire, qu'elle ne payait pas et à qui elle racontait une version réinventée de sa vie, et d'une voisine, madame Boutet-Lagrée, qui avait commis un roman pour oriental enfant et quelques poèmes, veuve d'un officier devenu illustrateur à sa retraite, Paul Boutet-Lagrée. Sa fille faisait parfois le déplacement depuis Genève, depuis qu’elle y avait épousé le 6 septembre 1930 le baron helvétiquo-saxon Camille Aloys Eynard[9], (Dresde 2 juillet 1864 - Genève 27 août 1942). Les visites étaient éclaires, la baronne ne voulait pas avoir trop près d’elle cette mère égoïste, fantasque et mythomane qui lui infligeait une caresse et trois coups de griffes dès qu’elle passait plus d’une heure avec elle, et qui ne revenait vers elle que parce qu'elle ne savait plus se débrouiller seule. La ville de Bron, à côté de Lyon, fut décrétée comme lieu idéal de retraite pour Marie, (Marguerite rendait visite régulièrement à ses nièces Lera qui habitaient non loin). Marie s'y installa à la Pension Jésus Marie, une maison religieuse pour personnes âgées, sous le nom de Hortense Héliard, effaçant son passé de femme, et c'est au lieu-dit Le Mas des Tours, le 9 octobre 1958, qu'elle décéda, dont le joli nom cache en réalité celui du l'Asile départemental d'aliénés de Bron, où l'on avait fini par se débarrasser d'elle.

    Inhumée à Bron, dans une concession pour quinze ans, qui ne fut renouvelée une fois, il semble que sa tombe fut reprise et que ses restes sont aujourd'hui en l'ossuaire du cimetière.

    Durant des années elle avait tenu un journal intime, remplissant plusieurs cahiers qui furent détruits ou perdus en 1989 dans la confusion que laissa la succession de sa fille.

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    Acte de décès de Marie Lera.

     

    À Saint-Nazaire il ne reste rien d’elle, seule la famille de son époux y subsiste. À İstanbul Mack Hélys est encore parfois cité. Atatürk, le père de la Nation a donné l’égalité des droits aux femmes, les a toutes revêtues à l’occidentale et les a poussées à étudier, mais la condition de la femme en Turquie reste très fragile.

     

     

    Bibliographie :

    ‎Sous le nom de Marie Lera :

    Les Petits Boërs : épisode de la guerre du Transvaal en 1900‎, Paris, Librairie Gedalge ;

    Sous le pseudonyme de Jean d'Anin :

    1903 - Laquelle ?, Editions Plon, Collection Stella n°107,  ;

     

    Sous le pseudonyme de Marc Helys :

    1906 - À travers le féminisme suédois, Plon-Nourrit et Cie, Paris, 1906 ;

    1908 - Le jardin fermé, Scènes de la vie féminine en Turquie, Perrin et Cie, Paris, 1908 ;

    Cantinière de la Croix-Rouge 1914-1916, Perrin et Cie, Paris, 1917 ;

    1921 - Aimé pour lui-même, Collection Stella, Petit Echo de la Mode, Paris ;

    1923 - Le secret des désenchantées, Perrin et Cie, Paris ;

     

    Il faut ajouter à cette liste de nombreux articles, ainsi que les traductions suivantes :

     

    1911 - Le Vieux Manoir, Selma Lagerlöf, Perrin, Paris ;

    1912 - Dans le désert, Grazia Deledda, Hachette, Paris ;

    1914 - Une héroïne de la Renaissance italienne, Caterina Sforza, 1463-1509, traduction partielle de l'ouvrage historique en trois volumes de Pier Desiderio Pasolini, Perrin, Paris ;

    1917 - En mission secrète ; Par Celui qui a dîné avec le Kaiser, Perrin, Paris, mais qui pourrait être en réalité une supercherie de Marie Lera réalisée à partir de ragots d'ambassades ;

    1919 - Les fautes des autres,  réédité sous le titre Des roseaux sous le vent, Grazia Deledda, Paris, Grasset ;

    1922 - La Colline ensoleillée, Maria Albanesi, Petit Echo de la Mode

    1925 - Une étrange veuve, Gertrude Wentworth-James, Perrin, Paris

    1926  - Béatrice Cenci, Bruno Brunelli, Perrin, Paris ;

    1927 - Kar-Chat ou la Première Neige, Ferdynand Goetel, La Renaissance du Livre, Paris ;

    1928 - Polichinelle, François-Martin Salvat ;

    1928 - Tout se paye, Ruben et Ivy Sen ;

    1928 - Une Amie de Casanova, Bruno Brunelli, Perrin, Paris ;

    1929 - Vu par des yeux orientaux, Ernest Poole ;

    1933 - Les collines ensoleillées, Maria Albanesin, Stella, Paris ;

    1936 - Betty et ses amoureux, Hachette, Paris ;

    1938 - La gloire de frère Antoine, Nello Vian, Librairie Académique Perrin, Paris

     

     

     

     

    [1] Pierre Loti séjourna à Saint-Nazaire en mars 1878, il écrivit notamment dans son journal intime à la date du 15 : « Longue promenade sur la plage du Porcet. […] Dévalisé les jardins pour remplir une caisse de camélias destinée à Sarah Bernhardt ». Une rue de la ville a été baptisée à son nom.

    [2] Une histoire d’amour entre un officier de la marine britannique et une femme du harem d’un vieillard.

    [3] Il orthographiait ainsi le nom de la ville que tout le monde nommait encore Constantinople.

    [4] A propos de monseigneur Laborde et d'Athanase Laborde : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/06/26/notes-sur-la-famille-laborde-6062599.html

    [5] En octobre 1916, il fut nommé ambassadeur à Copenhague, en décembre 1917 à Sofia où il resta en fonction jusqu'en novembre 1918. Puis, entre février et avril 1920 et octobre 1920 et juin 1921, il fut deux fois ministre des Affaires étrangères, et enfin ministre du commerce de juin 1921 à novembre 1922.

    [6] Critique littéraire et professeur de littérature française à l'Université de Jassy en Roumanie, il se nommait en réalité Nicolas Serbanesco.

    [7] Ramón Lera Borrell fut consul du Mexique à Kobé, à Yokohama, à Brême de 1909 à 1915, puis à Saint-Nazaire de mars 1923 à novembre 1927, puis à nouveau de 1935 à 1939. Il habitait au 27 rue de l’Océan, (Vincent Auriol), à l'angle de la place Carno (Quatre z'Horloge). Il avait épousé Suzanne Buchy (1889 – Saint-Nazaire 27 octobre 1932) dont il eut :

    Enrique Lera Buchy, (Brême 19 octobre 1910 - Saint-Nazaire 1997), docteur en médecine à Mexico, puis à Saint-Nazaire, marié 5 fois ; il eut une fille de sa première union avec Marie-Georgette Moret (Saint-Nazaire 22 septembre 1911 - Lorient 9 mai 1978) ; sa cinquième épouse fut Marion Frey, (1945-1982), d’où : une fille et un fils : Enrique Rodolfo Lera Frey, (Mexico 18 mars 1968 – Saint-Nazaire 4 mai 2018).

    [8] Fernando fut secrétaire de la légation du Mexique à Tokio en 1907, puis, vers 1915, à Oslo, promu ministre du Mexique à Stockholm de 1918 à 1919, puis chef du protocole au Ministère des Affaires étrangères à Mexico : Edelmira s'établit aux Etats Unis d'Amérique avant la déclaration de guerre, elle fut professeur de français à New-York, puis elle épousa Ernest E. Beauvais, capitaine dans la marine marchande des U.S.A., avec qui elle alla vivre à New Bedford au Massachusetts, dont elle fut veuve en avril/mai 1959 ; elle décéda après le 17 mars 1971 ; Carlos Americo Lera Borrell, avocat, officier de l'Ordre du Nichan Iftikhar (Tunisie), officier de l'Instruction Publique (palmes académiques), fut consul à Lyon de 1904 à 1908, il s’y maria, et décéda jeune de la tuberculose le 18 juin 1915 à Paris. Il laissa de son union avec Henriette-Alphonsine Lavenir, (Lyon 12 décembre 1888 - Lyon 16 septembre 1969), un fils, Roberto Lera-Lavenir, (Lyon 20 août 1909 - Lozanne (du Rhone) le 10 avril 1992), se maria avec Gabrielle Versaud, dont il eut Danielle, épouse Dubault Lera-Versaud, (Villefranche sur Saône, 27 octobre 1939 - 4 juin 2015), dont il divorça en 1954, puis se maria avec Odette-Simone Violet, (Lyon 10 juin 1925 - Chambéry 8 septembre 1985), dont il eut deux filles.

    [9] Marguerite Lera fut la quatrième épouse du baron Camille Alois Eynard, (titre de freiherr accordé par le roi de Saxe à son père ; armoiries : d'argent, au lion de gueules) ; il était l'arrière-petit-neveu du banquier et philanthrope Jean-Gabriel Eynard qui participa activement à l'indépendance grecque, et avait été chef d'escadron du roi de Saxe, et avait deux enfants de son second mariage. Marguerite décéda à Genève le 22 janvier 1989, elle n'eut pas d'enfant.

  • Notes sur la famille Albanel de La Sablière

    Famille anoblie par l’élection à l’échevinage de Lyon en 1716, présente aux État généraux de 1789, établit en Bretagne vers 1850.

    Armes : D’azur au chevron d’argent, accompagné de deux étoiles et d’un croissant du même.

     

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    Cette famille s'établie en Bretagne avec Louis-Victore Albanel de La Sablière, (Cayenne 1768 - Muzillac, 21 août 1853), douanier, qui laissa une nombreuse descendance en Morbihan et Loire-Atlantique. 

     

    I° Armand-Pierre-Marie Albanel de La Sablière, né à Ploermel en 1856, chaudronnier, domicilier rue de la Trinité à Saint-Nazaire, puis au 15 rue de La Ville-Étable, époux de Marie-Joséphine-Françoise Le Sousse, (1858 - Saint-Nazaire janvier 1931), d'où :

    1° Marie-Marguerite, (Saint-Nazaire 21 mars 1884 - Saint-Nazaire 22 mars 1957), 

    2° Louis-Médéric, qui suit ;

    Louis-Médéric Albanel de La Sablière, né à Saint-Nazaire le 4 avril 1885, chaudronnier, sous-chef atelier tuyauterie, médaille d'argent d'Honneur du Travail en août 1934, (remise en janvier 1935), pour 31ans de service, domicilié d’abord au 33 rue Alcide Benoît, puis 52 rue Jean Jaurès, décédé à Saint-Nazaire en avril 1935, inhumé le 19 avril 1935 à 15 h 45 au cimetière de La Briandais ou sa tombe existe toujours (cf. Ouest éclaire du 19 avril 1935) ; marié à Saint-Nazaire le 14 avril 1916 avec Gabrielle-Berte-Julie-François Daumer, née à Dol en 1893, d’où :

    II° Maurice-Robert-Louis, (Saint-Nazaire 9 février 1917 - Paris 5° 16 mai 1983), bachelier à Rennes en juillet 1935, puis employé à la Direction générale de l'aviation civile ; Service des personnels et de la gestion ; Sous-direction des personnels et des affaires juridiques ; Bureau des personnels.

     

  • Une figure nazairienne : Louis Campredon

    Au cimetière de la Briandais est une tombe noire, parmi celles d’autres personnalités locales. C’est celle de Louis Campredon, de son vivant grande figure de Saint-Nazaire, et de son épouse.

     

    Louis-Campredon, Saint-Nazaire

    Louis-Léon Campredon, naquit le 1er juin 1863 dans une famille protestante à Saumane dans le Gard. Il fit ses études au Collège d'Alès, puis à Paris au Collège Chaptal. Il suivit les cours de Frémy au Muséum et débuta comme chimiste à l'usine Dessignole qui s'occupait de l'extraction de l'or.

    Successivement sous-chef du Laboratoire de la station agronomique de Seine et Marne, chef du laboratoire des Usines métallurgiques de Fourchambault et Imphy, directeur de la fabrique de platines Chapuis, chimiste-expert au Laboratoire municipal de la Ville de Paris et, enfin, chef de laboratoire des Usines de Trignac en 1892.

    En 1897, il fonda son propre laboratoire d'analyses métallurgiques à Saint-Nazaire, rue de Villès-Martin, qu'il dirigeait encore au moment de sa mort et qui avait un renom mondial[1].

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    L'Ouest-Éclair des 31 octobre 1938 et  8 novembre 1938 donnent du laboratoire les descriptions suivantes : 

    « Rue Villès-Marin, dans sa partie la plus paisible, éloignée du centre, un immeuble de modeste apparence porte, à l’une des ses entrées, un petit panneau émaillé sur lequel on lit ces mots : R. Campredon, chimiste, Laboratoire, s’adresser, etc ... Ce n'est certes pas cette courte inscription qui permet au profane de deviner qu'il s'agit là de l'un des premiers laboratoires industriels existant en Europe. » (31/10/1938)

     

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    L'Ouest-Éclair du 31 octobre 1938

     

    « L'établissement, en dehors des bureaux, comprend six pièces et un pavillon où sont rangés les échantillons de minerai déjà soumis à l'analyse et qui sont classés suivant leur nature ou leur destination et usage. La première pièce comprend des mortiers et des fours permettant de donner aux échantillons une forme telle qu’ils puissent ensuite être réduits en leurs éléments composants. Ceci est obtenu grâce à l’action d’acides ou par la distilla1on dans les autres pièces qui font suite à la première salle. […] Une chose qui frappe le visiteur, c'est l'odeur très pénétrante des acides. Ceux-ci ne se manifestent pas qu'à l'odorat. On remarque que le matériel est attaqué par les vapeurs acides. […]

    En dehors du laboratoire proprement dit, M. Campredon a créé une collection de minéralogie, pétrographie, paléontologie, conchyliologie, etc., qui est fort appréciée par les spécialistes. On y trouve des échantillons remarquables, dont certains proviennent des endroits les plus reculés de l'Univers et qui ont été envoyés par des entreprises d'exploitation de mines, par des prospecteurs ou par des savants en mission. […] du cuivre du Lac Supérieur, du nickel de la Nouvelle Calédonie, des terres radioactives de Madagascar, etc. Une ébauche magnifique de Chaudron décore cette salle. » (08/11/1938)

     

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    L'Ouest-Éclair du 8 novembre 1938

     

    Il avait aussi fondé en 1918 la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire, organe rattachée à la Ligue nationale, qui luttait contre l'alcoolisme et gérait des kiosques de tempérance décimés autour du port. Ces kiosques, qui avaient pour enseigne une étoile bleue, vendaient du café et autres boissons non alcoolisées, mais ne rendaient pas la monnaie, ou du moins la rendaient sous forme de jetons utilisable uniquement chez eux, et qui furent rapidement imité par la coopérative de vin de Vallée, semant une certaine confusion.

     

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    Exemples de jetons de la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire

     

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    Kiosque devant les bâtiments des douanes

     

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    Kiosque du pont des frégates

     

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    Kiosque de la nouvelle entrée rue de Guérande

     

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    Buvette improvisée au parc des Sports

     

     

     

    Louis Campredon collabora avec le docteur Méloche[2] à l’Œuvre Antituberculeuse ; fut président du comité général des fêtes de Saint-Nazaire, inspecteur départemental de l’enseignement technique ; président de la Société d’Aviculture de Saint-Nazaire ; de la société de sport nautique Les Goélands Nazairiens[3] ; qui a appris à nager à des centaines de Nazairiens dans le Bassin de Penouët ; il fut nommé en novembre 1923 par le Préfet au Comité de patronage des Habitations à bon marché et de la prévoyance sociale, dont il fut le trésorier ; et fut membres des conseils d’administration d’une vingtaine de sociétés privées.

     

    Il avait épousé à Rouen, le 31 octobre 1891, Berthe-Anne-Marguerite-Marie Decazes, dite Marie, (Fargues en Gironde 14 février 1872 - Saint-Nazaire 1829), à  fille de  Jacques-Léon Decazes, (décédé à l'âge de 43 ans à Macau en Gironde le 16 octobre 1876), et d’ Augustine Marie-Suzanne de Coquerel, (décédée à l'âge de 34 ans à Fargues, le 7 juin 1872)[4], dont il eut un fils, Roger, et une fille Isabey.

     

    Le samedi 22 décembre 1928, Louis Campredon partit de la gare de Saint -Nazaire à 7 h du matin, par le train de Nantes, pour y retrouver monsieur Ménoreau, industriel à Chantenay, avec qui il devait minéraliser en Vendée. Monsieur Ménnoreau possédait une torpédo fermée. Venant de quitter Montaigu où ils avaient fait un arrêt pour y boire des boissons chaudes, en passant le pont de Saint-Georges-de-Montaigu, qui domine la Maine à 9 m de hauteur, la voiture dérapa sur une plaque de verglas, fit une embardée, et tomba à l’eau de la rivière en crue, qui engloutit tout entière l’auto. L’accident fut observé par un paysan dans son champ qui alerta immédiatement les secours.

    Il fut plusieurs heures pour les secours à l’aide de chevaux et de bœufs pour sortir la voiture. Ménoteau n’avait pas lâché son volant, mais en sortant la voiture de l’eau, le corps de Campredon fut emporté par les flots. Il fut retrouvé le lendemain vers 17 h à 40 km en aval. On rapporta immédiatement le corps à Saint-Nazaire dans la nuit, et on fit venir le Pasteur Jospin pour le service funèbre[5].

    Une première longue nécrologie fut publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 29 décembre 1928.

    Le 31 janvier 1928, une cérémonie fut célébrée au Temple de Saint-Nazaire, pour lequel Louis Campredon  contribuait à l’entretient et au financement des œuvres sociales.

    À 10 h le corps de Louis Campredon fut conduit au cimetière de La Briandais. Le défunt avait exigé « ni fleur, ni couronne, ni discours », mais le corbillard fut suivi par une foule nombreuse. Les cordons furent tenus par monsieurs Guillou, le docteur Méloche, Guillouet, Le Moine, Lemesle et Solignac.

     

    Le 5 janvier 1929, Le Courrier de Saint-Nazaire publia une seconde longue nécrologie.

    Louis-Campredon, Saint-Nazaire

     

    La Revue de la métallurgie, n° 2, de février 1929, en publia, elle aussi, une.

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    Son épouse ne lui survécut que quelques mois, elle décéda de chagrin en 1929, et fut inhumée avec lui au cimetière de La Briandais. Son fils, Roger, reprit la direction du laboratoire, (détruit dans les bombardements), et participa à la Ligue anti-alcoolique ; il s'illustra comme directeur de la Défense passive. 

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    Roger Campredon dans son bureau au Laboratoire, L'Ouest-Éclair du 8 novembre 1938

     

    Louis Campredon publia un grand nombre d’articles et de plaquettes consacrés à la métallurgie. Citons :

     

    • L'Acier. — Historique, fabrication, emploi. — B. Tignol, éditeur, Paris 1890.
    • La Métallurgie du fer à l'Exposition de 1889. —Ouvrage en collaboration avec M. Hallopeau, professeur à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. — Bernard et Cie, éditeurs, Paris 1891.
    • Les Moulages d'acier. — Edition de la Société de Publications industrielles, Paris 1892.
    • Notes et Formules de l'Ingénieur, du Construcieur-Mécanicien, du Métallurgiste et de l'Electricien. — En collaboration avec MM. Barré, Vigreux et Bouquet. — Bernard et Cie, éditeurs, Pans 1896.
    • Dosage du soufre dans les produits de la sidérurgie. — Monographie éditée par Ch. Béranger, Paris 1897.
    • Essais des minerais par la voie sèche. — Editions de la Société de Publications industrielles, Paris 1897.
    • Guide pratique du Chimiste-Métallurgiste et de l'Essayeur. — Ouvrage honoré d'une récompense par la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale. — Ch. Béranger, éditeur. (Resté une référence durant quarante ans, il fut couronné par Le Comité des Arts chimiques).
    • Analyse chimique et essais des combustibles. — Conférence faite le 26 octobre 1897, à la réunion de l'Association des Anciens Elèves de M. Frémy. — Ch. Béranger, éditeur.
    • Analyse rapide des fers, des aciers et des fontes. — Brochure éditée par la Société de Publications industrielles, Paris 1900.
    • Dosage de l'argent et de l'or, par la voie sèche, dans les minerais. — En collaboration avec M. G. Campredon. — Ch. Béranger, éditeur, Paris 1904.
    • Détermination expérimentale du pouvoir agglutinant des houilles (Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 2 décembre 1895).
    • Dosage du phosphore dans les cendres de houille et de coke (Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 7 décembre 1896).
    • En outre, il collabora au Dictionnaire des Arts industriels, publié par M. E.-O. Lami.

     

    [1] Revue de la métallurgie n° 2, février 1929, p. 115 ; et L'Ouest Éclair du 31 octobre 1938.

    [2] Il en était l'un des vices présidents, avec monsieur Gorel. Le docteur Pierre-Ernest Méloche, (1860-1946), ancien interne des hôpitaux de Nantes, avait son cabinet 24 rue Henri Gautier à Saint-Nazaire. Il fut la risée de la ville et de la profession à la suite d’une erreur de diagnostic : le 18 mars 1896 le juge d’instruction de Saint-Nazaire, Jules Batillat, (père de l'architecte André-Laurent Batillat), convoqua le docteur Méloche pour examiner une prévenue, la veuve Billy, arrêtée sous l'inculpation d'infanticide. La femme nia l’accusation, et affirma être toujours enceinte. Le docteur Méloche se déplaça, examina, et dit que la femme avait déjà accouchée. Deux jours plus tard, la veuve Billy accoucha en prison d'un enfant de cinq mois qui ne vécut que quelques minutes. Elle porta plainte conte le médecin, et lui réclama 1.000 frs de dédommagement, (la consultation qui avait coûté 6 frs au Tribunal de Saint-Nazaire). Le tribunal de Saint-Nazaire condamna le docteur Méloche le 26 février 1897. Il gagna en appel à Rennes le 2 juin 1898. Son honneur étant lavé, il reprit sa place à Saint-Nazaire, et la ville fit comme si rien ne s’était passé, tout en ricanant dans son dos. Appuyé par ses confrères, et ses relations politiques et maçonniques, il fut promu en 1911 médecin chef du comité de la Croix Rouge de Saint-Nazaire. Durant la première-guerre il fut médecin chef de l’hôpital bénévole des sœurs de Saint-Vincent de Paul, puis il dirigea l’Œuvre Antituberculeuse de Saint-Nazaire, et fut nommé président du syndicat des médecins de Saint-Nazaire le 28 septembre 1930.. Durant l'entre-deux-guerres il fut aussi président du Conseil d’Administration de l’École de musique, et était de toutes les inaugurations. Personnalité incontournable et indéboulonnable, il  se fait gentiment moquer par les chroniqueurs de L'Ouest-Éclaire. Réfugié à La Baule à la suite des bombardements, il y décéda en 1946. Si le caveau familiale au cimetière de La Briandais comporte une plaque mentionnant " Docteur Méloche 1860 - 1946 ", son corps ne s'y trouve pas. Il fut en effet inhumé à La Baule dans une sépulture provisoire, mais,  dans la confusion de l'après-guerre et de la reconstruction, ses cendres ne furent jamais transférées, la tombe provisoire fut reprise par les services de La Baule et ses restes déposés en l'ossuaire. Il fut aussi  cofondateur en 1913 du Groupe Artistique de Saint-Nazaire http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/07/30/le-groupe-artistique-de-saint-nazaire-et-le-groupe-de-indepe-6069504.html .

    [3] Fondée en 1924. Voyez à propos de cette société le très complet article que lui a consacré monsieur Michel-Claude Mahé : https://michelcmahe.com/2018/04/01/les-goelands-nazairiens-la-naissance-de-la-societe/

    [4] Mineure au décès de ses parents, elle fut ballotée dans sa famille jusqu’à ce que, à la veille de son mariage, elle fut, le 14 octobre 1891, sous la présidence du juge de paix de Versailles, le conseil de famille l’avait alors confiée à son cousin Eugène Decazes, officier militaire et administrateur colonial.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/08/les-protestants-de-saint-nazaire-6134427.html

  • La famille Calimaque

    Au cimetière de La Briandais un gros caveau à casiers attire le regard. Sur son fronton est inscrit le nom de la famille Calimanque. Ce nom frappe par sa consonance grecque, et l’on nous interroge à son propos.

     

    La famille Calimaque n’est pas grecque, elle est originaire des Charentes, mais son nom, donné par un agent administratif à un enfant trouvé, est inspiré du prénom d'un poète de l'antiquité grecque, Callimaque de Cyrène.

    Paulin Calimaque :

    Paulin Calimaque, est un enfant trouvé qui inscrit sur le registre d'état-civil d'Angoulême le 7 août 1829, à un âge estimé de 5 jours ; devenu maître charpentier, il se fit entrepreneur à son établissement à Saint-Nazaire. En 1873 il habitait avec son épouse, Cécile-Marie Bécigneul, (1839-1914), au 25 de la rue des Halles. Il participa à la construction de l'hôpital-hospice de Saint-Nazaire, à l'édification du bâtiment de la Compagnie Générale Transatlantique, à des travaux aux tours d'Aiguillon et du Commerce, et à la Bourse du commerce. Maître de cérémonie de la Loge maçonnique de Saint-Nazaire[1], c’est lui qui s’étonna auprès du vénérable du fait qu’Aristide Briand ne se présenta pas à son initiation le 1er juillet 1887, (Briand avait préféré être initié à Nantes car cela était plus prestigieux). Paulin Calimaque fut candidat malheureux aux municipales de mai 1888.

    Sur adjudication il se vit attribuer, le 26 décembre 1896, le chantier de construction du phare de la pointe des Chats au sud-est de l'île de Groix. Après quelques retards, il acheva son ouvrage le 15 mai 1899. 

    Paulin Calimaque est décédé à Saint-Nazaire le 10 avril 1903. Durant sa vie il dit être né à Magnac-sur-Touvre, un village de Charente, afin de dissimuler le fait qu'il était un enfant trouvé, et sur les registres duquel il ne figure pas.

    Il fut le père de :

    1° Pauline-Alexandrine, (Saint-Nazaire 21 mai 1861- La Baule-Escoublac 12 janvier 1950), épouse d’Edouard Méneux, (1852-1936), horloger à Saint-Nazaire, d’où :

    a° Henriette-Pauline, (Saint-Nazaire 22 septembre 1880 – La Baule-Escoublac 12 mars 1969), marie le 10 mai 1910 à Jean-Baptiste Douarre, (1873-1941) ;

    b° Pauline-Cécile, (Saint-Nazaire 11 juin 1884 – Saint-Nazaire 9 mai 1976), restée célibataire et qui fit dont des archives de son grand-père à la municipalité, (Fond Calimaque 1860-1901), ainsi que, en mars 1952, des œuvres de son oncle Paulin-Emile qu'elle avait hérité ;

    c° une petite fille décédée à 6 mois mentionnée sans prénom sur le caveau de famille.

    2° Paulin-Émile, né à Saint-Nazaire le 12 août 1873, s’illustra dès l’adolescence comme sculpteur et modeleur. Kerviler dans ces Bio-Bibliographie s’extasie de ses œuvres. Elève de Thomas et de Rouleau, son talent lui valut d’entrer avant sa majorité à la Société des artistes français et d’être exposée au Palais des Champs-Elysées au Salon des Artistes Vivants en 1892 avec le buste du docteur Lajartre, décrit comme " d'un modelage habile et d'une certaine largeur de touche " par Jean Tribaldy dans La Dépêche de Brest ; au Salon de 1893 il fut présent avec celui du docteur de Cour, et en 1894, alors qu'hélas il était décédé quelques mois avant, durant l’hiver 1893, avec « Mon père », buste en terre cuite, et « Mes nièces » médaillon en plâtre. Ces deux œuvres ont été léguées avec les archives de la famille à la ville de Saint-Nazaire, ainsi qu'avec un second médaillon de plâtre, un buste d'Edouard Méneux (non désigné mais reconnaissable), brisé, et un moulage en plâtre de la main de l'artiste.

     

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    Portrait de Paulin Calimaque daté du 7 juillet 1890 et reproduit dans le Dictionnaire bibliographique de la Loire-inférieur de Henri Jouve,  Paris 1895.

     

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    "Mon Père" ; signé à dextre Calimaque P. ; et gravée à Senestre : 9, 0, 1892 ; Terre cuite ;
    H. 43,0 cm ; L. 27,0 cm ; Pr. 25,0 cm ; Poids : 10,8 kg
     © Ville de Saint-Nazaire

     

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    " Mes nièces " ;  signé 0 91 Calimaque. P. ;
    Plâtre vissé sur une de bois bois (fixation faite après décès de l'artiste par sa famille)
    H. 55,0 cm; L. 49,5 cm ; Pr. 7,0 cm ; Poids 5,4 kg

     © Ville de Saint-Nazaire

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    " Ma main " ; " Le 15 Février 1892 " ; Pln CALLIMAQUE (avec deux L !); Plâtre ;

    H. 21,0 cm ; L. 14,5 cm ; Pr. 6,5 cm ; Poids : 1,1 kg

    inscrit au crayon gris au-dessous : " main du sculpteur Calimaque ".

    © Ville de Saint-Nazaire

     

    Tous les membres de la famille Calimaque-Meneux-Douarre, sont inhumés au cimetière de La Briandais dans le caveau Calimaque.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/02/les-loge-et-temples-maconniques-de-saint-nazaire-6132902.html

  • La presse nazairienne, 1857-1944

    Saint-Nazaire eut une presse locale dès le 18 novembre 1857, avec le Journal de Saint-Nazaire, maritime, commercial et littéraire, paru jusqu’en 17 juin 1865. Quotidien puis trihebdomadaire, et finalement hebdomadaire, la BNF n’en conserve de onze exemplaires. On sait peu de choses à son sujet, si non qu’il fût un journal d’information locale, plutôt favorable au régime impérial.

    Ce premier journal eut pour concurrent les publications successives de l’imprimeur Pierre Fronteau.

    Né à Bocé en Maine-et-Loire le 11 juin 1827, Pierre Fronteau s’établit à Savenay comme imprimeur, et y fonda Le Savenesien, en mars 1857, et devint en février 1858, Le Pilote de Saint-Nazaire, journal maritime, commercial et littéraire. Ce journal paraissant deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, puis uniquement le dimanche.

    Pierre Fronteau déménagea en 1868 à Saint-Nazaire au 6 de la rue de l’Hôtel de Ville. Il logeait dans l’entresol au-dessus de son imprimerie avec son épouse, Anne-Marie Chaudet, et leur fille, Berthe-Honorine. Il rebaptisa son journal : L’Avenir de Saint-Nazaire, puis L'Avenir de l'arrondissement de Saint-Nazaire. À l’effondrement de l’Empire, son journal devint républicain, et Pierre Fronteau fut nommé conseiller municipal de Saint-Nazaire en 1871. Il fut aussi secrétaire général du tir et de gymnastique La Nazairienne en 1892, membre de l'Académie armoricaine, administrateur de la Bibliothèque municipale, membre de la Société géographique commerciale, (Henry Jovet lui a consacré une notice dans son Dictionnaire bibliographie que la Loire-Inférieure, en 1895).

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    L'Avenir du 6 janvier 1878, (Archives départementales 44)

     

    Au décès de sa fille Berthe-Honorine à l’âge de 25 ans, le 18 juin 1879, Pierre traversa une profonde dépression et publia en 1880 la correspondance de celle-ci sous le titre « Lettres intimes ». Il décéda le 14 février 1902 à Saint-Nazaire et fut inhumé avec sa fille au cimetière de La Briandais, la tombe existe toujours, abandonnée...

    Devenu farouchement anticlérical au décès de Pierre Fronteau, L’Avenir perdura jusqu’en 1928. En 1921 il était dirigé par Charles Jamouillet, (1864 - Paris 17 mai 1933, inhumé au cimetière de La Briandais)[1], et avait déménagé au 5 rue de l'Amiral Courbet et publiait des photographies, alors que les autres journaux locaux peinaient à s'illustrer. Le procédé fut cependant trop coûteux fut abandonné à partir de 1923. Charles Jamouillet abandonna la direction du journal en 1926. Il devient alors L’Avenir de Saint-Nazaire et de la Loire Maritime, paraissait tous les mercredis, et siégeait au 4 Henri Gautier, au 1er étage, sa directions était  devenue une collectivité. 

     

    Autre journal anticlérical La Démocratie de l'Ouest, organe des intérêts ouvriers, commerciaux, agricoles et maritimes de Saint-Nazaire et Paimbœuf, fondé en 1879 par Eugène Couronné. Ce journal républicain connut de nombreuses difficultés financières ; se publications furent irrégulières jusqu’en 1883. Quotient puis hebdomadaire, ce journal fut acquis en 1892 par Engène-Napoléon-Régulus Lucciardi, (né à Ajaccio 31 mai 1865 - 1935 Hyères), qui en fut aussi rédacteur-en-chef. Journaliste polémiste qui fut auteur de violentes. Républicain convaincu, il avait débuté très jeune comme journaliste collaborant à plusieurs journaux parisiens, dont La SolidaritéLa Presse, et L'Avenir National. Il dirigea Le Patriote, et La République, et à partir de 1892 La Démocratie de l'Ouest. En 1894 il publia La Navarre, huit jours à bord d'un grand paquebot-poste transatlantique: La Corogne, Lisbonne, Gibraltar, avec notice technique, préfacé par Maurice Charpentier, et édité par P. Letourneur, dont Eugène épousa la fille, Marie-Louise Letourneur.  Philanthrope, il finança différentes œuvres nazairiennes, et créa un asile de nuit. Il aida au sauvetage des archives de la Ville durant l'incendie du 14 février 1893, et sauva la vie de Henri Moret, ce qui lui valut par décret du 28 avril 1893 une médaille d'argent de 2ème classe. Il fit de ce journal un hebdomadaire socialiste en 1885 sous l’impulsion de Quémeneur, ancien rédacteur du Populaire, avec qui pourtant Lucciardi fut en conflit ouvert en juin 1893, ce qui entraîna une saisi du Syndicat de presse de Nantes, qui finit par en faire son directeur politique. Eugène Lucciardi entra dans la diplomatie et devient vice-consul de France au Brésil, en Australie, au Congo et au Maroc. Le journal appartenait à P. Maillard en 1892, et son siège se trouvait au 6 rue des Quatre-Vents ; 1905 il était à Maurice Tournadour. Victor Pécot le repris en 1920 et le garda jusqu’en 1930. Il devint alors la propriété d’un comité d’actionnaires et déménagea au 9 rue de Villès-Martin et disparut en 1934. La direction en avait été confiée à Charles Jamouillet déjà cité. Aristid Briand y fit ses débuts de journaliste le 17 août 1884.

     

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    (Archives départementales)

     

    D’autres journaux eurent des existences éphémères : La Basse-Loire journal indépendant des arrondissements de Paimboeuf & Saint-Nazaire, hebdomadaire républicain de centre-droit, il parut du 10 juillet au 3 novembre 1898, et était imprimé à Savenay ; Le Petit Nazairien paru du 11 mai au 22 novembre 1889, trois fois par semaine, ce journal républicain fut racheté par L’Ouest Républicain de Savenay, (journal qui perdura jusqu’en 1904) ; le titre fut repris et devint Le Petit Nazairien, hebdomadaire d'informations locales et régionales, du 27 août 1907 au 16 décembre 1910 ; mais à partir de 1909 ce journal était rattaché groupe de presse Agence républicaine des journaux de cantons, qui possédait L'Écho guérandais, Journal de Blain & des cantons voisins, Journal du Croisic, Batz et Le Pouliguen, et Le Pays de Retz, dont les pages étaient publiées majoritairement à l’identique ; mentionnons le Saint-Nazaire-plage, journal hebdomadaire de P. Guéry, le temps du mois de juillet 1904, il semble que c’est le même journal que La Vague, journal littéraire, mondain et sportif des plages de l'Ouest , qui était aussi publié dans les cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, La Roche-Bernard, et Pontchâteau entre 1905 et 1911. Il devient un supplément de L'Indépendant de l'Ouest à partir de 1909.

     

    Nombre des journaux nazairiens ne furent que des publications dans le cadre des élections ou de coups politiques. Ainsi trouve-t-on : L'Écho de Saint-Nazaire, journal républicain d'intérêts locaux, paraissant les mercredis soir et samedis soir, le temps des élections municipales des 3 et 10 mai 1896 ; Le Père Nazaire, paru le 1er mai 1896, journal d’ouvriers ; L'Ouest républicain débuté le 21 janvier 1888, (date choisie par provocation envers les royalistes), et aussitôt arrêté, puis repris durant quelques semaines en septembre 1889, il appartenait non pas à Aristide Briand, comme on le croit souvent, mais Léonce-Adrien-Saint-Ange Pelloutier, commis principal des Postes et Télégraphes de Saint-Nazaire, père de Fernand Pelloutier, et ne fut republié qu’à l'occasion des élections législatives des 22 septembre et 6 octobre 1889 pour soutenir la candidature la candidature d’Aristide Briand, et fut définitivement liquidé le 11 janvier 1890 ; Le Nazairien républicain démocratique, paraissant les lundi, mercredi et samedi, à l'occasion des élections législatives du 27 avril 1902 pour soutenir la candidature de Julien Lanoë ; L'Union ouvrière de Saint-Nazaire, hebdomadaire paru entre les 5 août et 4 nov. 1905, en pleine séparation de « l’Église et de l’État », il reparut à nouveau le temps d’un numéro le 7 avril 1906 ; La Dépêche de Saint-Nazaire et du littoral, édition du soir, ce journal d'informations, paraissant tous les jours, excepté le dimanche à partir du 16 avril 1908 à l'occasion des élections municipales des 3 et 10 mai, il disparut à la fin des scrutins ; Le Nazairien, à l'occasion des élections législatives du 22 avril 1928 pour soutenir la candidature du candidat républicain indépendant Jean Gouzer, avocat au barreau de Saint Nazaire, (dont il fut le bâtonnier de 12 novembre 1913 à 11 juin 1919 et de 9 octobre 1929 à 6 octobre 1931).

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    Le Nazairien du 29 mars 1928, (Archives départementales 44)

     

    Plus surprenant, L'Écho du Vénézuela, parut durant l'année 1887, d'abord imprimé à Nantes, puis à Saint-Nazaire, à l'histoire énigmatique ; et tiré (semble-t-il) à un seul numéro le 1er septembre 1914, le St-Nazaire mail, journal en anglais publié par James M. G. Fay, (en raison du débarquement dans le port des troupes britanniques et australiennes), dont le gérant était Pierre Legal ; et Loire-océan-touriste, organe officiel du Syndicat d'initiative de tourisme du port et de la région de Saint-Nazaire avec un seul numéro paru en mai 1919.

     

    Il y eu aussi différentes revues. Citons : L'Épingle devenue ensuite Le Ruy-Blas, revue littéraire et satirique, paraissant le dimanche, le temps de l’année 1884 , elle appartenait à Émile Derval ; Fernand Pelloutier se risqua avec La Plage, entre le 15 mai 1886 et le 24 juillet 1886 ; Le Réveil Artistique, fondée en 1918 et 1919, qui réapparût sous le nom de La Semaine nazairienne, revue hebdomadaire théâtrale, littéraire, artistique, mondaine, du 1er 7 octobre 1924 au 24 juin 1925, siégeant au 16 rue du Calvaire, cette publication au joli frontispice, fondée par Fernand Salmon, directeur des théâtres municipaux, était au trois-quarts emplie de réclames, publiait quelques critiques théâtrales et cinématographiques, ainsi que des vers de mirliton locaux, dont ceux de Pierre Armor, poète local tombé dans l’oubli, pseudonyme du secrétaire général de la Sous-Préfecture, mais qui durant l’entre-deux-guerres avait parfois la chance de se voir publier amicalement dans les journaux nazairiens.

     

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    La semaine Nazairienne (Archives départementales 44)

     

    Paul Paillotte, nazairien exilé à Paris, tenta sa chance en juin 1910 avec Le Nazairien de Paris organe mensuel des originaires de Saint-Nazaire. Il avait espéré vendre sa publication en gare Montparnasse, mais ce fut un échec.

     

    Les hebdomadaires nazairiens furent écrasés par la concurrence des éditions localisée de L'Ouest-Éclair à partir de 1914, et du Phare de la Loire à partir de 1928. Leur survivance tenait au fait d’être publiés par des imprimeurs qui pouvaient compenser les faibles chiffres de vente par leur commerce ordinaire. Si bien que le seul journal nazairien qui perdura véritablement fut Le Courrier de Saint-Nazaire, journal royaliste, devenu de droite catholique, et tombé dans la collaboration en 1940. Ce journal, le lecteur l’a vu cité plusieurs fois sur ce blogue, mais aussi dans des ouvrages ou des articles de Fernand Guériff, et par ses suiveurs. Et pour cause : ce journal publia à partir de 1930, et jusqu’à sa disparition à la Libération, des articles consacrés à l’histoire et au patrimoine local, très détaillés, finement illustrés, et quelques plaquettes regroupant ces articles.

     

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire, du royalisme à la collaboration :

     

    Fondé 1867 par Frédéric Girard, (né dans Deux-Sèvres, le 7 mai 1835), imprimeur en lettres à Saint-Nazaire, par brevet impérial  du 9 octobre 1866, (en remplacement de N. Richier), qui confia la direction de ce journal à monsieur Bourlet de la Vallée, qui en fit le soutient après Sedan à la cause d’Henri V, éphémère roi de France, (du 1er au 7 août 1830), retenu par l’Histoire sous le nom de « comte de Chambord », et devint le journal des catholiques nazairiens. C’est chez cet imprimeur que René de Kerviler publia ses Documents pour servir à l'histoire de Saint-Nazaire en 1876. Cependant, Kerviler, plus modéré, acquis à la République, préféra s’éloigner de Girard. A l’inverse, Gustave Bord[2], royaliste militant et catholique enflammé, représentant local du Comte de Chambord, s’en rapprocha et publia chez lui son Saint-Nazaire sous la Révolution, 1789-1790, en 1881, et lui fournit quelques articles qu’il ne signa pas.

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en avril 1879, (Archives départementales 44)

     

    À la mort de Frédéric Girard en 1888, son fils, lui aussi prénommé Frédéric, né à Saint-Nazaire, repris la direction du journal, mais finit par le vendre avec l’imprimerie à Léon Bouchet en 1891, un boulangiste qui depuis 1886 publiait des éditoriaux sous le pseudonyme d'Innominalo. Qualifié de « non breton » par Kerviler dans son Répertoire général de bio-bibliographie bretonne, il ne fut pas moins très attaché à la Bretagne et fut l’auteur de « Profils bretons contemporains » ouvrage oublié paru à Paris en 1888

     

    En 1891, François-Marie-Edmond, (dit Francis) Clavier, repris le journal. Né à Rouans le 2 octobre 1864, il avait débuté comme avocat stagiaire à Saint-Nazaire en 1885, et fut inscrit au tableau en 1892 et cosigna la demande des avocats de la ville pour l’obtention du monopole des plaidoiries au tribunal local. Il avait intégré la rédaction du Courrier de Saint-Nazaire dès 1888, et signait sous le pseudonyme de Jehan d’Hust, en hommage au héros de la ville[3]. Il était particulièrement incisif, voir calomnieux, et se plaisait à créer des polémiques à tour de bras, si bien qu’il se trouvait attaqué nommément dans les autres journaux locaux, jouant sur son patronyme, mais aussi sur un défaut d’élocution dont il semble avoir été victime. Le Petit Nazairien du 21 mai 1889 publia ainsi : « Le Clavier du Courrier de Saint-Nazaire s’est enfin accordé, et en huit jours il a écrit dix phrases qu’il eut mis six mois à prononcer »…

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    En-tête du Courrier de Saint-Nazaire en mai 1906, (Archives départementales 44)

     

    Francis Clavier décéda à Savenay le 17 septembre 1918. En 1921, sa veuve, née Marie Josèphe Emilienne Gallonier (Savenay 19 juillet 1875 - 21 janvier 1958 Savenay), mit le journal se retrouva en vente avec l'imprimerie. Alexandre-Marie Bernard, surnommé « Alex », (Nantes 1872 - Nantes 1948), ancien dessinateur, catholique nationaliste, qui n’était pas royaliste quoique très imprégner des idées politiques nauséabondes de Charles Maurras, et a qui Clavier avait confié la rédaction en 1909, lança une souscription en 1921 au sein des financiers catholiques du département et les membres de l’Action française. Il collaborait au journal depuis 1908. Appuyé par le souvenir de Clavier qui en parlait comme de son seul successeur possible, Alex Bernard obtient de constituer Le Courrier de Saint-Nazaire et son imprimerie en une société par actions au capital de 250.000 fr réparties en 250 actions de 100 fr partagées entre 144 actionnaires, en mai 1921 sous le nom de Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire. Il y avait pour actionnaires, outre Alex Bernard : le député Henri de La Ferronnays, (1876-1946)[4], leader local de la droite-catholique, pour 50 actions et qui possédait Le Journal d’Ancenis ; Georges Paquet, directeur des Ateliers et Chantiers de la Loire, pour 10 actions ; Raymond de Parscau du Plessis, (1859-1943), maire de Montoire, pour 10 actions ; le marquis Landemont ; Busson-Billault ; le sénateur François Saint-Maur ; Hubert de Montaigu, maire de Missillac de 1927 à 1945, propriétaire de L’indépendant de Pontchâteau et de La Presqu’île guérandaise, pour 20 actions ; l’industriel républicain catholique René Delafoy, (1860-1946), président de la Chambre de commerce de Nantes, et député de la Loire-Inférieure de 1919 à 1924, inscrit au groupe de l'Entente républicaine démocratique. La présidence du conseil d'administration de la société fut confiée à Arsène Chaumier, un financier, qui présidait aussi l'Union Immobilière de Saint-Gohard, et était directeur du collège Saint-Louis, qui fut aussi el beau-père de Georges Parquet, sous-directeur, puis directeur en 1925 des Chantiers de la Loire. Le conseil comprenait aussi E. Bouillet, ancien entrepreneur de travaux publics et F. Kéruel, qui possédait un grand magasin de vêtement à Saint-Nazaire, qui furent aussi du conseil d'administration du Collège Saint-Louis ; Rieul, directeur de la Société Générale et trésorier du Syndicat d'initiative jusqu'à sa retraite en septembre 1929 ; A. Rigoire, agent d'affaires (en fait agent immobilier) ; Adrien-Eugène Daguzan, ancien vice-consul de Russie, agent maritime et négocient associé à Henri Gustin-Stroll. Alex Bernard fut nommé rédacteur et fit du quotidien un journal nationaliste catholique ; il établit l’entreprise au 7 rue du Bois-Savary, et transforma le titre en : Le Courrier de Saint-Nazaire et des cantons de Guérande, Le Croisic, Herbignac, Savenay, Saint-Etienne-de-Montluc, et obtient des contrats d'impression pour différentes revues, dont l'édition locale de La Voix du Poilu.

    La Société anonyme de l'imprimerie du journal de Saint-Nazaire ne devient cependant propriétaire du journal et de l'imprimerie que le 3 novembre 1922, après un long procès avec les héritiers de Clavier dont certains avaient contesté la vente et désiraient le vendre plus cher à d'autres. Le journal et l'imprimerie furent transférés le lendemain de l'achat au 24 rue du Palais, Alex Bernard ayant obtenu l’usage d’un terrain acquis par le Henri de La Ferronnays auprès du docteur Ernest Bachelot-Villeneuve, sur lequel il fit construisit une échoppe dotée de deux vitrines te bénir les lieux et les machines par l'évêque de Nantes, monseigneur Le fer de La Motte et le révèrent père don Jean-Baptiste Ollitrault de Keryvallan, abbé de l'abbaye de La Melleray.

    A partir du 4 novembre 1924 : Courrier de Saint-Nazaire - Journal de la Basse-Loire et de la Presqu'île Guérandaise.

     

     

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    Le siège du Courrier de Saint-Nazaire en 1924, l'incendie de la buanderie du primeur voisin manqua de le détruire le matin du 24 septembre 1929. Alex Bernard étant arrivé à 6 h, découvrit le sinistre et alerta les pompiers. Tous les numéros de la revue " La Voix du Poilu ", qui était imprimée la veille furent détruits. 

    (publicité dans le premier numéro de la Revue Nazairienne ; Archives départementales 44)

     

    Le Courrier de Saint-Nazaire éditait uniquement du texte, mais l’évolution des moyens d’impression fit qu’à partir du 9 avril 1927 il commença à s’illustrer de quelques dessins, puis de photographies à partir du 3 septembre 1927. Les premières photographies vinrent des agences de presse, puis Alex Bernard s’adressa à la société Express-Photo de Saint-Nazaire, mais l’association ne fut pas concluante.

    À partir de 1929, Alex' Bernard fit entrer à la rédaction son fils, Alexandre-Georges-Albert, (Saint-Nazaire 8 juillet 1902 - Nantes 4 juin 1970), dit Alex'fils, et sa fille Renée-Élise-Louise-Marie, (Saint-Nazaire 22 juillet 1898 -  Nantes 1996). Ils signèrent leurs articles sous les pseudonymes de Durandal et Joyeuse, du nom des épée de Roland et Charlemagne. Mais c’est surtout sous le pseudonyme de Jacqueline Bruno que Renée s’illustra avec des articles consacrés aux activités artistiques et culturelles de la ville, et surtout à partir de 1930 Alexandre Bernard père signait déjà certains articles sous le pseudonyme de « un vieux »,  « un vieux grognon », alors que Gustave Olliveau, héritier des chantiers disparus à Méan signait « un catholique méanais »,  puis « un vieux méanais ». Père et enfants s’amusèrent à se répondre par articles interposés, et à se faire de fausses querelles. Il arriva même que René se parlât à elle-même à travers Joyeuse et Jacqueline Bruno ! Dans cette joueuse schizophrénie familiale, les deux enfants Bernard tirèrent leurs épingles. Alex fils fini par devenir le photographe du journal dès 1931, il réussit même inciter son père à insérer à partir du 12 novembre 1932 un jeu concours qui proposait aux lectrices de se reconnaître sur photographie publiée et de gagner un bon d’achat de 50 fr chez un commerçant de la rue de Nantes. Il obtint aussi de son père de faire éditer certaines de ses photographies sous forme de carte postale, hélas le procédé d’impression étant celui du journal, ces cartes étaient laides et trouvèrent difficilement preneur.

    Renée sous le pseudo de Jacqueline Bruno se fit historienne locale à partir de 1931, aidée par Paul Bellaudeau, (Nantes en 1899 - La Baule 1947), qui lui illustra ses articles à l'aide de dessins, et avec qui elle réalisa une plaquette : « Les curiosités mégalithiques de Dissignac et du Pé en Saint-Nazaire-sur-Loire ». Paul Bellaudeau travaillait au Maroc et ne pouvait illustrer chaque article, aussi René s'adressa à Charles Beilvaire[5] qui lui livra ses souvenirs, illustra ses articles, et lui permit d’utiliser la documentation qu’il avait accumulé tout au long de sa vie sur Saint-Nazaire. Cette collaboration prit brutalement fin en 1936, entrainant la raréfaction des articles à propos de l’histoire locale, car Charles Beilvaire était en réalité le véritable auteur de leur majorité. Charles Beilvaire fut contraint de s'occuper de son fils aîné qui était atteint de démences en raison d'une syphilise non soignée. Paul Bellaudeau revint définitivement à Saint-Nazaire en 1933. Très catholique, célibataire, Paul était plus proche des opinions politiques de Renée Bernard que ne pouvait l’être Charles Beilvaire, et celle-ci avait des espoirs sentimentaux envers lui, hélas non réciproques.

    C'est Renée/Jacqueline qui incita son père à faire de l'édition de plaquettes historiques, d'abord des tirages spéciaux réunissant des articles parus, puis de courts livres spécialement écrits pour l'édition, aux tirages limités. Elle espéra en faire une vraie maison d'édition après que son père édita en 1930 un livre du nazairien Gustave Bord, « Grandes et petites légendes », ouvrage consacré à des événements se déroulant en Bretagne, ne traitant pas de Saint-Nazaire ; elle arriva ainsi à faire éditer en 1931 « Les trois jardins de Pierre Loti », œuvre devenue de référence, écrite par le nouvelliste déjà reconnu, Antoine Vicard, mais l'expérience d'écriture non-nazairienne stoppa là.

     

     

    Le 18 avril 1931, le journal devint : Le Courrier de Saint-Nazaire et sa Région, (puis de la Région).

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    Déjà dur envers François Blancho et son conseil dès 1925, à l’arrivée du Front Populaire, Alex Bernard et ses enfants, qui remplissaient à eux trois la presque totalité des colonnes, commencèrent à devenir vociférant envers le maire de Saint-Nazaire et le Gouvernement. La question de la franc-maçonnerie, à laquelle Blancho appartenait, comme beaucoup de cadres du parti SFIO, et les relents des idées de Léon Daudet associée à celle de Maurras, devinrent de plus en plus flagrants dans les articles politiques. Le journal qui s’était contenté jusque-là de la vie locale du canton, commença à relayer et commenter les événements nationaux et internationaux. La Guerre d’Espagne et les débordements des Républicains espagnols envers les congrégations catholiques, firent sortir de ses gonds Renée dont les analyses manquaient de finesse.

    En 1937, Alex Bernard commença à avoir des problèmes de santé, il laissa ses enfants diriger certaines éditions en son nom.

     

    À la déclaration de Guerre, Alexandre fils dut partir au front. Démobilisé, il rentra à Saint-Nazaire en fin 1940, sa sœur avait assumé jusque-là direction du journal et celle de la rédaction. Il la remplaça toujours au nom de leur père qui de temps à autre reprenait la direction de la rédaction, et surtout s’épanchait en article à la gloire de Pétain et de Laval, et à la haine des Britanniques, de De Gaulle, tout en caressant l’occupant dans le sens du poil à l’occasion. Certes, nombre de français se raccrochèrent à Pétain, et l’invasion du pays avait rendu la population totalement idiote au point de croire que ce vieillard déjà sénile pouvait les sauver. La majorité des gens crurent que le discours de Pétain du 30 octobre 1940 enjoignant à la collaboration avec l’occupant était la voix du bon sens. Cependant, les Bernard, y virent l’arrivée d’une renaissance nationale qui ferait triompher l’Église catholique en se débarrassant au passage de tous ceux qui n’entraient pas dans leur idéal.

    Les journaux de la France occupée n’avaient pas obligation de publier les déclarations de Pétain et de son gouvernement, pas plus que celles d’Hitler. Cependant, dans des encadrés ornés de la francisque, les Bernard publièrent le moindre éternument de Pétain et Laval, de celui qu’ils nommaient avec une déférence larvaire « Le Führer ». Certains actionnaires du journal tentèrent de s’imposer à la ligne éditoriale d’Alex Bernard, mais ils furent minoritaires. Au demeurant La Ferronnays et Delafoy étaient des états de santé qui ne leur permettaient plus de réfléchir. Enfin, nombre de cardinaux et d’évêques français soutenaient Pétain et Laval, c’était le cas du cardinal Gertier, archevêque de Lyon, prima de France, et aussi de monseigneur Villepelet, évêque de Nantes, ce qui contribua à conforter les Bernard dans leur position.

    Quand les Britanniques lancèrent l’Opération Chariot le 27 mars 1942, dans l’édition du 3 avril, Renée Bernard/Jacqueline Bruno, fit un parallèle avec la Bataille de Dunkerque en écrivant dans le titre que les soldats n’avaient pu rembarquer, et ajouta dans son texte : « Churchill allait, sans plus tarder, donner des gages de civisme au chef suprême Staline en déclenchant la fameuse offensive de l’Ouest ». Aucun pot à la faveur des Nazairiens qui portèrent secours aux soldats britanniques, ni à propos de la répression qu’ils subirent de la part des Allemands qui rasèrent leurs maisons. Les articles suivants de Renée Bernard ne furent du martèlement contre le bolchevisme entre deux exaltations aux prélats, et des odes à Pétain proches de la stupidité plus que de l’aveuglement. Mais leur discours était celui décomplexé du président de la Corporation nationale de la presse française, Jean Luchaire, des membres du gouvernement de Vichy tels que Fernand de Brinon et Joseph Darnand, ou encore d’un nazairien que l’on oublie dans l’histoire locale, Alphonse de Châteaubriant, qui habitait au 16 rue des Halles, et qui avait fondé à Paris le journal collaborationniste La Gerbe, et dans les colonnes duquel se mouillèrent quelques autres Nazairiens, (certes Cocteau et Marcel Aymé y écrivaient aussi).

     

    Si les Bernard se montrèrent sobres et peu pour ainsi dire mués à propos des bombardements, il faut tenir compte qu’il avait été demandé de ne pas s’appesantir sur la situation et ne pas déprimer plus la population déjà éprouvée. On ressent cependant dans les colonnes une haine envers les Britanniques, mais modérons ici le propos en rappelant que les méthodes de bombardement des Britanniques, révoltaient les Nazairiens, qui leur reprochaient, non sans raison, d’envoyer leurs bombes à côté des objectifs véritables. Dans une lettre datée du 23 mai 1942, adressée à Gabriel Loire, et conservée dans les archives de son atelier à Chartres, le chanoine Gouy, qui ne faisait pas de politique, et à qui ne s’est jamais risqué à soutenir un parti ou l’autre, écrivit : « […] Nous avons eu plusieurs bombardements sérieux qui ont fait pal mal de victimes et beaucoup de dégâts. Les Anglais se comportent comme des bandits, ils jettent leurs bombes n’importe où et n’importe comment. Nous connaissons depuis longtemps la nuit sans sommeil, au fond d’une cave. […] »

    Mais l’enthousiasme devant la guerre menée par les Allemands contre les Soviétiques et les Britanniques explosa sitôt après, n’hésitant pas à employer les termes de « péril bolchevique » et de « Croisade contre le Bolchevisme », ou blâmant « le temps où la France était gouvernée par les Juifs ». Le numéro du 3 juillet 1942 est un condensé dès la première page des opinions des Bernard s’exaltant des victoires du Reich en Égypte et devant Sébastopol, une ode à Laval, une louange aux Travailleurs français partis en Allemagne, et la félicitation de la réouverture du bureau d’engagement des la Légion des Volontaires Français, (LVF), dans un nouveau local au 10 de La Villès-Martin, après avoir été victime d’un incendie, événement qualifié « d’attentat ».

     

    Le 29 janvier 1943, Alex Bernard père quitta ses fonctions à la faveur de son fils. En première page il adressa un message aux lecteurs, expliquant son combat contre ses adversaires « francs-maçons, marxistes, démocrates, de toutes obédiences, et à cette masse de braves gens, crédules à l’excès et aveuglément confiants dans les bobards des Juifs de la radio de Londres, de Moscou et de Boston ».

     

    À la suite des bombardements du 28 février 1943 qui détruisit le centre de Saint-Nazaire, les Bernard fuirent avec le matériel de l’imprimerie à Sainte-Marie (aujourd'hui commune de Pornic). La poursuite de la publication s’acheva en 1944 avec l’absence de livraison de papier.

     

    À la Libération les Bernard furent arrêtés, internés à Nantes, ils furent jugés par la Cour de Justice de la Loire-Inférieure pour collaboration le 25 février 1946. Ils se défendirent en argumentant que, journal catholique, ils avaient suivi ce que le clergé propageait... mauvaise défense qui ne fit qu’aggraver leur situation.  Alex père écopa de 5 mois de prison, Alex fils de 3 ans, et Rénée de 3 mois, condamnations accompagnées d’indignité nationale à vie et de la confiscation totale de l’ensemble de leurs biens, avec  dissolution du Courrier de Saint-Nazaire. Par arrêt du 6 novembre 1946 et deux décrets en date du 9 novembre 1946, Le Courrier de Saint-Nazaire et de son imprimerie furent la saisis, et par arrêt du 24 janvier 1947 ils furent transférés et dévolus au profit de l’État[6]. Le journal ne réapparu jamais, et l’entreprise fut définitivement démantelée en 1947.

     

    À sa sortie de prison en 1950, Alex fils retrouva sa sœur établie à Nantes. Renée vivait avec leur mère, Juliette-Joséphine-Marie-Renée Mahé (1875-1968), et s'occupait de sa nièce, Marie-Rose-Renée Bernard, (Saint-Nazaire 26 mars 1928 - Nantes 30 août 2017), qu'Alex avait eu de son épouse Joséphine-Marie-Rose Lucas (Roz-sur-Couesnon 25 août 1906 - 16 juin 1929 Saint-Nazaire), décédée de la tuberculose. Regroupant une poignée de négatifs de photographies qu’ils avaient réalisées avant-guerre et qui avaient échappé à la saisie, ils éditèrent sous la forme d’un livre boite contenant des tirages, commentés à l’arrière à la main, de vues de Saint-Nazaire et de la Presqu’île. Paru sous le titre « Visages et reflets de mon pays, Saint-Nazaire, 1939 », avec une présentation un peu naïve écrite par Renée. Il fut non signé du fait de leur condamnation à l’indignité nationale. Il regroupe en réalité des vues prises durant une période s’étalant entre 1935 et 1939.

    Oubliés de tous, retiré à Nantes, seul Fernand Guériff se risqua en 1962 à les contacter pour obtenir  d’eux des photographies pour illustration. Alex fils, peu avant sa mort, publia, à compte d’auteur, associé à sa fille Marie-Rose, « La Vie A Saint-Nazaire Au 19eme Siècle », un livre contenant des illustrations de Charles Beilvaire sous le pseudonyme de « Marlex Mernard ». Par la suite, sa fille, Marie-Rose, obtint du tribunal de grande-instance de Nantes, le 22 mai 1974, un jugement l’autorisant à faire ajouter à ses prénoms, celui de Mirèn, qui devient son prénom d'usage. Mirèn Bernard ne se maria jamais et vécu toute sa vie avec son père et sa tante. Très catholique, elle fut organiste de l'église Saint-Clément de Nantes jusqu'en 2006, et légat ses biens au diocèse, dont les archives de son père et de sa tante.

     

    [1] Il était fils de Charles Jamouillet, commis des ponts et chaussées à Saint-Nazaire, soldat au 20e de ligne, mort pour la France le 6 février 1871, qui repose avec lui au cimetière de la Briandais (tombe avec une grande palme de bronze) ; et le père de Charles Jamouillet, ingénieur E. S. E., directeur de la Cie Générale de Traction à Douais, marié à Saint-Nazaire le 8 février 1936 avec Madeleine Mugnier, native de Lille. A son enterrement, les cordons furent tenus entre autres par Louis Joubert, président de la Chambre de Commerce, et alex bernard du Courrier de Saint-Nazaire ; les discours furent prononcés par monsieur Soum, principal du Collège de Saint-Nazaire, par monsieur Crespin, rédacteur en chef de La Démocratie, et par monsieur Lavoix, au non de L'Avenir de Saint-Brevin.

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html

    [4] Puis président du Conseil général de la Loire-Inférieure de 1931 à 1940.

    [5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/12/08/charles-beilvaire-un-peintre-nazairien-oublie-5505901.html

    [6] Dans le dossier il est improprement nommé « Journal de Saint-Nazaire ».