Si le Vieux-Mole était surnommé avant la Première-Guerre-mondiale « la pointe des blagueurs »[1], le 1er avril est l’occasion de faire suite à notre article concernant le surnom de « petite Californie bretonne[2] » et de noyer quelques autres légendes qui courent à Saint-Nazaire et qu’on présente souvent comme des vérités, y compris dans les plaquettes touristiques de la municipalité, ainsi que conformer quelques éléments que les gens disent être faux.
« Saint-Nazaire était un village de pécheurs avant la création du port ».
FAUX : En premier lieu Saint-Nazaire n’était pas un village, c’était une ville depuis le moyen-âge, c'est-à-dire une agglomération pourvue de fortifications. Et non, sa population n’était pas composée de pécheurs. L’activité principale des habitants du bourg étaient la navigation, comme pilotes de la Loire, et comme marins au long cours. Les femmes de ces marins pratiquaient la fabrication conjointe de chapeaux à l’aide des joncs qu’elles ramassaient dans les dunes. La seconde activité au sein de la ville était le commerce. On y faisait principalement celui du vin, car le vignoble nazairien était réputé et que la ville était dispensée du droit de billot, (impôt sur l’alcool), on y brassait aussi de la bière ; avant la révolution y avait plusieurs auberges et épiceries, et même un perruquier. La campagne nazairienne produisait outre du vin, du froment, qui était la farine la plus recherchée et la plus chère, des châtaignes dont on produisait aussi de la farine, ainsi que le maraichage, et de la production de sel à l’emplacement de ce qui est aujourd’hui le front de mer de Pornichet et sa plage du centre-ville. La pêche en mer était donc une activité minoritaire, au demeurant la population préférait les poissons d’eau douce, se fournissant pour cela dans les nombreux viviers seigneuriaux.
« C’est à partir du 15ème siècle qu’on a un véritable bourg à Saint-Nazaire ».
FAUX. La ville fortifiée est attestée dès le 14ème siècle. La place de Saint Nazaire appartenait aux vicomtes de Donges. Une partie de la place fut donnée en 1330 Bonabes de Rochefort, fils cadet de Thibaut de Rochefort vicomte de Donges quand il lui constitua la seigneurie de Heinlex. Une autre part avait été donnée à la même époque à la famille de Cleuz, lors de la constitution de la seigneurie de Marcein (élevé en baronnie deux générations après).
C’est cette place forte qui fut éprouvée par une attaque en 1373 durant laquelle l’église fut incendiée, et que défendit en 1379 Jehan d’Ust contre des navires Castillans.
Le reste de la place fut finalement donnée à Charles de Couësme à l'occasion de son mariage le 20 mai 1423 avec Marguerite de Rieux, fille de Jean de Rieux, vicomte de Donges, entraînant la constitution de la vicomté de Saint-Nazaire.
« Jehan d’Ust a défendu Saint-Nazaire contre les Espagnols »
FAUX & VRAI : En 1379 l’Espagne n’existe pas, c’est contre les Castillans qu’il fallut combattre[3]. Cependant la Flotte espagnole revint à Saint-Nazaire en 1655[4].
« La vieille-église était la première église de Saint-Nazaire. »
FAUX. Ce bâtiment ne fut construit qu’entre 1580 et 1584 à l’emplacement du logis seigneurial des Vicomtes, (nommé château Brutus en raison de la légende qui disait que Brutus de Troie, débarqua à cet endroit pour fonder de la Bretagne). La première église du bourg fortifiée était la chapelle qui fut détruite au moment du creusement de la nouvelle entrée[5]. Elle n’était cependant pas le premier lieu de culte chrétien, initialement la population vivait autour du site aujourd’hui occupé par le Ruban Bleu. On y a trouvé les reste d’une église et des sarcophages de pierre en 1850. Tout ce matériel a disparu dans les bombardements, mais il est possible qu’une partie soit au musée de Saint-Germain-en-Laye.
« Le rocher du Petit-Maroc/Vieux Saint-Nazaire était plus haut. »
VRAI : Il a été raboté en 1906 quand on a percé la nouvelle entrée et décidé de détruire la chapelle qui s’y trouvait et qu’on a saccagé le site archéologique du cimetière médiéval qui l'entourait
« Les parents d’Aristide Briand possédaient le Grand Café »
FAUX : Les parents d’Aristide Briand possédaient un magasin de spiritueux à côté du Grand Café, puis ils sont devenus propriétaires du Café Chantant un établissement qui se tenait sur la place des Quatre Z'horloges dans une baraque de bois et qui fut remplacé ensuite par Le Grand Café construire en dur. Les parents de Briand acquirent le Café des Sports rue de Sallé, (il devient ensuite Fantasio). Le Grand café était le lieu de réunion de la droite nazairienne ; Fernand Pelloutier a été un jour agressé par des clients qui étaient en terrasse alors qu'il passait.
« Le dolmen a été déplacé de son emplacement initial. »
FAUX : le dolmen occupe toujours son emplacement d’origine, la légende vient d’un article de Ouest éclair rédigé dans les années 1930 dans lequel un stagiaire ayant lu de travers une phrase d’Henri Moret pensa qu’on avait déplacé le site. En réalité Moret explique dans son ouvrage qu’il avait connu l’époque où le Dolmen était au milieu d’une prairie du domaine du Bois-Savary, avant l’urbanisation du lieu.
« Pornichet est une partie de Saint-Nazaire. »
VRAI, mais pas que : si 1150 hectares de Pornichet correspondent à la part soustraite à Saint-Nazaire, 97 hectares ont été soustraits à Escoublac, part qui compose une grande partie de l'hypercentre. Pornichet est né de la séparation d’avec Saint-Nazaire de la paroisse de Saint-Sébastien et du village de Pornichet, avec son marais salant aujourd’hui remplacé par le centre-ville, et la plage de Sainte-Marguerite, dont le promoteur, Mercier, initiateur de la création de Pornichet, fut ensuite le premier maire de la nouvelle commune. Saint-Nazaire perdit 974 habitants et Escoublac 289 habitants. Cette séparation eut lieu par décret du 9 avril 1900, et agaça beaucoup de Nazairiens qui reprochèrent à Lechat-Boislevé, le maire de Saint-Nazaire de l’époque, d’avoir abandonné à la spéculation de Mercier une partie de la ville. Cela fit que durant plusieurs mois, le courrier adressé à monsieur Lechat à la Mairie de Saint-Nazaire, était renvoyé en direction de Pornichet par les agents de la Poste de Saint-Nazaire !
« Il y a le village de l’Épine-Blanche sous l’étang du Bois-Joalland et quand l’eau est basse on voit le clocher. »
VRAI & FAUX : Il y a bien un village sous la surface de l’étang, mais c’était un hameau du nom de Quelmer, où vivaient quatre familles, auquel il faut associée la ferme des Bélaudais, et une maison avec un atelier de menuiserie construit à un croisement après 1850, et qui reçut le nom d’Épine Blanche en raison des buissons d’aubépine autour. Il n’y avait pas d’église ou de chapelle, ni de tour, cependant à certaines périodes de sécheresse, on peut voir affleurer le reste du pignon de la ferme médiévale de Quelmer[6].
« Les Allemands ont détruit le vieux Saint-Nazaire. »
FAUX : Les Allemands ont détruit les maisons qui se trouvaient en bordure du Quai des Marées parce que les habitants avaient aidé les marins britanniques survivants de l’attaque de la forme Joubert. Le vieux Saint-Nazaire, fut ravagé par les bombes incendiaires britanniques de mars 1943. Les façades des maisons étaient encore debout à la Libération, elles furent rasées, à l’exception d’une maison qui abritait un café et qui existe toujours au 3 rue de la Vieille Église, l’usine élévatoire et le bâtiment du Service maritime. Il était prévu de longue date de détruire la vieille ville ainsi que la gare (qu’on voulait déplacer à Méan), dès avant la guerre, afin de permettre un développement industriel du port. C’est pour cette raison que le centre-ville fut déplacé après-guerre au niveau de la rue Jehan d’Ust, actuelle avenue de La République. Mais le Port ne s’est finalement pas industrialisé comme prévu.
« Le Petit-Maroc se nomme ainsi parce qu’il y avait des pécheurs de Concarneau qui vivaient là. »
FAUX : Il y avait très peu de pécheurs à Saint-Nazaire, et ceux-ci vivaient ailleurs. Le surnom, apparu vers 1926 dans la presse, et généralisé à partir de 1930 sur décision du Comité de Quartier[7].
« Le quartier de La Havane est le seul à avoir survécu aux bombardements. »
FAUX : En premier lieu le nom de Havane n’est que celui d’une des rues de ce quartier. Le vrai nom est Quartier du Sable, du nom du domaine féodal sur lequel i a été constitué. Ajoutons aussi que ce quartier occupe en réalité les deux côtés du Jardin des plante, et ne peut être limité aux abords immédiats de la rue de La Havane. Si vous allez à Méan, vous observerez que ce quartier développé au 19ème siècle a conservé ses maisons, de même que le quartier du Bois Savary (autour du Dolmen), mais aussi rue de La Paix, où les bâtiments anciens qui se trouvent entre des bâtiments plus récents le sont parce qu’on a fait le choix de remplacer leurs voisins par des immeubles de rapport.
« Saint-Nazaire a été détruit à 85%. »
FAUX : elle a été détruite à 72%. Ce sont les chiffres de l’enquête diligentée par le Gouvernement à la Libération. Il fut cependant reconstruit à 85% parce qu’on a fait le choix de raser des bâtiments réparables ou intacts pour agrandir la zone du port, élargir certaines rues, et que certains particuliers préférèrent reconstruire au lieu de réparer[8].
« La plage du Grand Traict est à Saint-Marc »
FAUX : la plage du Grand Traict est en réalité ce qu’on nomme à l’office du tourisme « plage du centre-ville ». En fait cette grande plage qui borde la rade est divisée entre les Grand Traict et le Petit Traict, le premier allant de la Pointe de La Villès-Martin aux rochers du Soulevain (là où est érigé le monument du débarquement étasunien de 1917), le second allant desdits rochers à la nouvelle-entrée du port de Saint-Nazaire. La plage nommée « Grand Traict » par l’office du tourisme à Saint-Marc n’avait en réalité pas de nom jusqu’aux années 2000.
« Fernand Guériff fût le premier historien de Saint-Nazaire. »
FAUX : Le premier à avoir publié à propos de l’histoire de Saint-Nazaire fut René de Kerviler. En 1907 Gabriel Le Barbier de Pradun publia une plaquette de 39 pages sur l’histoire de la ville, mais très succincte. Le premier véritable recueil historique à propos de la Ville fut publié en 1925 et est l’œuvre (monumentale) de Henry Moret. Fernand Guériff à repris les travaux de Moret, les a élagués pour les rendre plus digestes, et a complété sa chronologie jusqu’en 1963.
« La famille Goy venait de Suisse »
FAUX : les Goy venaient de Saint-Romain dans le département de La Loire, (ancienne province du Forez). Cette légende est venue du fait qu’il y a des Goy dans le canton de Vaux, et parce que quand Mathieu Goy se lança en politique, l’opposition le désigna comme « un étranger fraichement arrivé », (il existe des familles Goy en Auvergne).
« La mairie n’avait pas légalement le droit de laisser tomber en ruine le château de Porcé. »
FAUX : le Château de Porcé, dont le nom véritable est « Château des Charmilles » a été légué sans qu’il soit mentionné une conservation des bâtiments existants. La mairie a uniquement obligation d’employer le terrain qu’à des buts éducatifs. Les premiers bâtiments détruits du domaine le furent dès 1953.
« La villa du Centre de Bonne-Anse a été léguée à la mairie. »
FAUX : la villa Ker Louis a été achetée par la mairie en 1933[9].
[1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/10/le-vieux-mole-6127788.html
[2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/03/19/saint-nazaire-petite-californie-bretonne-6137164.html
[3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html
[4] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/08/07/1655-la-flotte-espagnole-croise-dans-l-estuaire.html
[5] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/02/04/ancien-chapelle-notre-dame-d-esperance.html
[6] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/08/06/saint-nazaire-72-non-85-de-destruction-5667108.html
[7] http://saint-nazaire.hautetfort.com/petit-maroc/
[8] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2015/08/06/saint-nazaire-72-non-85-de-destruction-5667108.html
[9] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/03/02/la-villa-ker-louis-a-bonne-anse-5312235.html