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  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, quatrième partie

    Les Nazairiens avaient fait reconnaître leurs droits, mais Jan Le Noir de La Robinnière prétendit à son tour faire casser ce nouvel arrêt, et dès le 9 juillet 1645, il signifia devant la cour une production pour obtenir un retour d'arrêt en sa faveur. Selon lui, le général de la paroisse de Saint-Nazaire n'avait réussi à gagner leurs procès qu'en exhibant de prétendus privilèges, lesquels, disait-il, « n'ont jamais esté vériffiés et ne sont que des paperasses qui ne devraient produire aucun effect (1) », et que la cour observerait « que par les qualités de la requeste prétendue civille, les cabaret tiers et vendans vin en détail avoieut employé le nom du procureur du généra de ladite paroisse de Saint-Nazaire, comme joinct avecq eux ; et neantmoins, lorsqu'il a fallu régler les qualittés dudit arrest, le général n'a voulleu y estre employé... recognoissant en cella la foiblesse de leurs previleiges et comme ils y sont mal fondés... ». Son argumentation était que si le général de la paroisse pouvait bénéficier d'exemptions, qu'il mettait en doute, on ne pouvait pas favoriser les cabaretiers au détriment des autres habitants de la paroisse quelques particuliers, exposant pour ce faire que « de présumer que l'on ait seullement voulleu gratiffier des cabarettiers ou débitans vin et genlz de telle sorte, c'est ce qui ne se peut concepvoir les privilèges sont donnés aux habitants des villes, lorsque par leur travail après une eslection faicte de leurs personnes, ils ont rendu les assistances requises pour jouir des privileiges concédés aux villes où ilz font leurs demeures ; qui est une récompense honorable et qui les esleve au-dessus du commun ; mais de voulloir faire croire que l'on ait concédé aux cabaretiiers seullement des exemptions et previleiges, c'est abesser et mettre le vice au dessus de la vertu... » En fait Jean Le Noir tenta de diviser les plaignants et de monter contre-eux les autres habitants de la paroisse, mais c'était nier que nombre d'entre eux, y compris dans les plaignants, était des exploitants viticoles. Ne se contentant pas de s'adresser uniquement au Parlement de Bretagne, il s'adressa aussi au Conseil du Roi, qui part lettres royales datées de Rennes le 11 octobre 1645, ordonna à « nos amez et féaux, conseillers tenant nostre cour de parlement à Rennes... de bien et diligemment voir et considérer ladite requeste, et sur le contenu en icelle pourvoirais parlyes ainsy que verrez en justice a partenir. (2) » En conséquence, le premier des notaires secrétaires de la cour fut désigné le 21 novembre pour faire l'ouverture de la requête civile, les pièces et les plaidoiries s'amoncelèrent, jusqu'à ce qu'un arrêt du Roi en son Conseil, pris à Rennes le 13 décembre 1645 :

     

    Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à nos amès et féaux conseillers tenant nostre cour de Parlement a Rennes, Salut. 

    De la part de Maitre Charles Bernard, Guillaume Boullé, etc Jacquemine du Boisbrassu, Guillemette du Sable, Pierre Moyon et aultres, taverniers, habitans et paroissiens de Sainct-Nazaire joincts avec lesdits taverniers, nous a esté exposé qu'ils désirent se porter appellantz, ce qu'ils ont par les présantes. d'ordonnance randue par nos commissaires de nous depputez en nostre province de Bretaigne et daptée du 19e décembre 1641,et toutes aultres ordonnances ou suittes de nosdits commissaires depuis ladite ordonnance auxdits exposans préjudiciables ; 

    et autre désirent iceulx exposans estre relevez et restituez contre les deffaulx et contumasses mentionnez en laditte ordonnance, comme ayant estez obtenus par surprise avec préjudice de leurs droictz, et en tout ce que faict a esté en conséquence au profilt et poursuitte de Jan Lenoir, pour estre icelles appellations et restitutions jugées joinctement avec quelques aultres appellations pendant en nostre ditte cour, requérant humblement nos lettres à ce nécessaires.

    Nous, à ces causes, vous mandons relever et reeepvoir lesdits exposans lesquels, de grâce spéciale, par ces présentes relevons et recepvons appelants de ce que dessus à icelles appellations et restitutions contre lesdits deffauts et contumasses ; relevons et recepvons a deffandre péremptoirement tout ainsy que s es deffauts n'avoient estez obtenuz à icelles appellations, pour suivre et conduire joinctement devant vous, avecq autres en nostre ditte cour, desduire et alléguer par lesdits exposants les torts et greifs tout ainsy et de la manière que s'ils avoient interjette illico, nonobstant rigueurs de droit et autres choses à ce contraires. Et de ce faire vous donnons pouvoir et commission et à nos huissiers ou sergentz faire les exploits en ce requis.

    Car tel est nostre plaisir.

    Donné à Rennes le 13e jour de décembre, l'an de grâce 1445 et de nostre règne le 3e. 

    Par le roy à la relation du conseil, Bertrand. 

     

     

    Les Nazairiens obtinrent enfin gain de cause après presque quatre années de procédures.

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, troisème partie

    Après une foule de procédures lancées par Jan Le Noir de La Robinnière (1), la chambre des Enquêtes du parlement de Rennes rendit, le 22 décembre 1641, un arrêt confirmant le jugement du sénéchal de Guérande, mais cet arrêt n'avait pas été rendu dans toutes les formes requises, aussi les Nazairiens se pourvurent en cassation, et finalement s'adressèrent en janvier 1645 directement au Roi, afin d'épuiser toutes les juridictions (2) : 

     

    Au roy :

    Sire, 

    honorable homme Jacques Hourée et aultres vendans vin en la paroisse de Saint-Nazaire, et le gênerai les paroissiens d'icelle joinet avec eulx, vous remonstrent très humblement qu'estant subjeets à la deffense des costes cette province de Bretagne, leurs prédécesseurs aiant rendu des servits signalez à vos prédécesseurs Roys et autres princes souverains de ladite province, lesdits seigneurs auroient accordé de temps en temps aux supplians l'exemption du droit de billot des vins qui sont vendus et débitez en ladite

    paroisse,

    En laquelle exemption aiaut esté troublez du temps de Henri Quatre vostre ayeul, il aurait déclaré par ses lettres attentes maintenir les supplians en ladite exemption.

    Depuis lesquelles, lesdits supplians en aiant toujours jouy et voiant. lors des Etats tenus à Vannes en vostre province de Bretaigne en l'an 1642, que les fermiers de l'impost et billot menacoient les supplians de trouble, souz prétexte que tesdits droictz ont été baillez par engaigement au seigneur de la Melleraye, lieutenant de Vostre Majesté en cette province (3), les supplians auraient baillé leur re«iueste aux gens desdits Estats pour estre maintenus en leurs anciennes libériez et possession de ladite exemption; lesquels aiant faict entendre audit seigneur mareschal ce bon droiet des supplians, il aurait consenty quil eu fust faict article exprès dans le contrat d'entre lesdicts Estats et Vostre dite Majesté.

    Au moyen de quoy les supplians s'estimant à repos sont néanlmoins estonnez que, le 13e janvier 1643. Charles Bernard et autres taverniers et hostes débitans vin en ladite paroisse ont esté condemnez par le séneschal de Guerrande de paier ledict devoir de billot à Jan Lenoir soy disant faire pour les fermiers généraux dudit devoir ;

    De laquelle sentence les cy-dessus, nommez s'estant rendus appelans, le procès n'estant pas en estât d'être juge sans l'intervention des supplians ew gens desdicts Estats, desquels les privilèges estoiens préjudiciez par ladite sentence, auroit néanlmoirs esté renvoie en la Chambre des unquestes de notre sire dit parlement, oii sans avoir signiffié l'arrest de renvoy, n'y faict aucune instruction dudit procès en ladite Chambre, arrest aurait esté rendu le 22e décembre dernier, par lequel ladite sentence auroit esté confinée avec condamnation de despans contre lesdits vendans vin ; lequel arrest aiant este signifié avec assignation pour voir liquider lestltts devoirs de billot prêt mltis par ledit Le Noir, lesdits supplians paroissiens se sont opposé à l'erectiond'iceluy, comme préjudiciabte a leurs dicts privilèges et longue possession.

    Vous remonstrent lesdits supplians que ledit arrest du 22e décembre a esté obtenu par une très grande surprise et précipitation de la part dudit Le Noir, pour n'avoir esté baillé défense n'y contredietz au procès, et lesdits paroissiens n'aiant peu intervenir par la précipitation dudit renvoy en ladite chambre des enquestes, qui n'a esté signifié aux parties ny procureurs ; sans laquelle précipitation les supplians eussent nu-ouvré leurs tiltres desquels ils sont à présent saisis, pour vériftier ladite exemption ; mesmes ils eussent fait voir à vostre dite cour la résolut ion desdits Estats arrettée à Vannes, par le consentement dudit seigneur mareschal de la Melleraye, au préjudice de quoy vostre dite cour n'eust point rendu ledit arrest, ce qui se trouve contraire non-seulement ausdits tiltres, mais à l'intention de Vostre Majesté, et confirmation des droicts et privilèges la province qui doit subsister.

    A ces causes, les supplians.

    Sire,

    Qu'il vous plaise remettre tes parties en l'estat qu'elles estoient avant ledit arrest du 22e décembre 1644. Et les supplians seront obligezde prier Dieu pour vostre sacrée personne.

    Signés : R. De la Marqueraye, J. Lebel, Trematidant (4).

     

    Précisons qu'à Charles Bernard, Denys Ferré, Guillaume Boullée, Francoys Denyaux, Denys Ferré et femme, Charles Bernard , André Molle, et Guillaume Boullél, déjà cités, la liste des plaignants s'allonge (5) : la noble dame Jacquemine du Boisbrassu (6), veuve de Jacques Hemery, écuyer, (qui ont laissé leur nom au quartier du Clos Hémery à Saint-Marc où était leur vignoble), les honnêtes bourgeois Catherine Hambourg, Julien Legentil, Pierre Aubin, Dommique Durand, Pierre Déniait, René Raba, Jan Dénié, Guillaume Du Sable, Pierre Moyon, Guillaume Hervé, etc. 

    Les appelants étaient dispensés de payer le billot jusqu'au dénouement de l'affaire, et ils veillaient que dans leurs procédures soit toujours mentionné : « en conséquence faire d'abondante expresses inhibitions et deffenses audit intimé deffendeur (Jan Lenoir) de faire mettre ledit calcul dont est appel à exécution, et à tous huissiers sergents de faire aucunes contrainctes en vertu d'iceluy à peine de mil livres d'amendes et de tous despans, domaiges et interests. Et autres plus grandes peines qui y eschéent... (7) » ... et si quelquefois Jan Le Noir et ses sergents outrepassaient leurs droits, une procédure était lancée... La régente Anne d'Autriche décida, en juin 1645, au nom du jeune Louis XIV, de confirmer les Nazairiens leurs privilèges, et leur adresse les lettres suivantes (8) :

     

    Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous présants et advenir, salut.

    Nos bien amez les manantz et habitans de la paraisse de Saint-Nazaire en nostre province de Bretagne, nous ont faict remonstrer qu'en eonsidérition de ce que la dicte paraisse est située sur le boni de la mer à l'embouchure de la rivière de Loire, et de ce qu'ilz sont obligez à faire continuellement le guet et garde pour empescher les descentes et invasions des ennemis de cet Estât, les ducs de Bretagne et successivement après eux les roys de France nos prédécesseurs, depuis l'union dudit pais à nostre couronne, leur ont accordé plusieurs beaux privilèges, particulièrement l'exemption de contribuer aux reparaftbons et et entretènement des murailles et fortifications de nostre ville de Guerrande, du payement du debvoir de billot quy avoit esté mips sus pour fournir aux frais d'icelles, ainsi qu'il apert par lettres patentes du duc Pierre, etc. [suit la répétition du titre de toutes les lettres ducales et royales déjà obtenues], en conséquance desquelles ilz ont encore esté confirmez en l'exemption de contribuer aux estapes de notre dite ville de Guerrande par arrest contradictoire rendu en nostre conseil. le trois novembre 1637 entre les habittans d'icelle et lesditz exposants; et lesquels, pour faire cesser le trouble dont ils sont menacez et la jeuissance des ditz privilèges et exemption par personnes qui prétendent avoir obtenu quelque arrest a leur préjudice, sous prétexte qu'ilz n'ont estez par nous confirmes depui nostre advènemei t à ta couronne nous auraient très humblement requis et suplyé de leur voulloir pourvoir et octroyer nos lettres à ce nécessaires.

    A ces causes, voullans favorablement traiter les dictz exposants par les mesmes raisons qui ont meu nos prédécesseurs de considérer les pénibles services auxquels ils sont assujettis à cause de la situation de la dite paroisse, nous avons à iceux exposants, continué et confirmé et de nos grâces spécial les, plaine puissance et auctorité rayalîe, continuons et confirmons par ces présantes tous et chacuns les dictz privilèges et exemptions mentionnez es dictes lettres nattantes et arrest de notre conseil cy attachés soubz le contrescel de notre chancellerie, pour en jouir par eux et leurs successeurs en la mesme forme et manière qu'ilz ont cy-devant bien et deument jouy et uzé, jouissent et usent encore de présant 

    Cy donnons en mandement k nosamezet féaux conseillers des gens tenants nostre cour de parlement à Rennes, séneschal de Guérande, de son lieutenant et tous autres nos juges et officiers qu'il appartiendra, que ces présantes nos lettres et continuation et confirmation, ils ayent à faire enregistrer et du contenu en icelle et en précédantes lettres et arrest susdictz ils lacent, souffrent et laissent jouir et user les exposantz et leurs successeurs, plainement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empescbemens, nonobstant touttes choses à ce contraires.

    Car tel est nostre plaisir.

     

    Et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces dictes présantes.

    Donné à Paris au mois de juin de l'an de grace de 1645 de nostre règne le deuxiesme.

    Signé par le roy, Du Motey. visa contentor, de Diotz [Scellées du grand sceau de cire verte à lacs de soie verte et rouge.]

     

    Les Nazairiens firent enregistrer la nouvelle collation de lettres royales au Parlement de Bretagne par requête datée du 1er juillet, le même jour Gilles Huchet, garde scel du Parlement, prit des conclusions en leur faveur, et le 3 juillet la cour ordonna :

     

    Que les dictes lettres pattantes seront enregistrées au greffe d'iccele pour en jouir les impétrants bien et deubment suivant la volonté du roy, comme ils ont faict au passé.

    Faict au parlement, à Rennes, le traisiesme jour de juillet 1645. 

    Signé : 

    Monneraye.

     

    Un arrêt du 8 juillet 1645 annulait purement et simplement l'arrêt du 22 décembre 1644, et leur donnait raison contre Jan Lenoir de la Robinière. Nous n'en citerons pas le très long préambule ni les considérants, mais il est utile d'en donner ici les conclusions (9) : 

     

    En conséquence, tout meu rement considéré, la cour, sans s'arrester à la fin de non recevoir, ayant esgard auxdittes lettres en forme de requeste civille (10) et icelles entérinant, a remis et remet les parties en tel et pareil estât qu'elles estoiett arant l'arrest et exécutoire contre lesquelz [les lettres] ont esté obtenues ; faisant droit aux appellations et requeste affln de rejection d'exécution, a mis et met icelles appellations et ce dont a esté appelle au néant, corrigeant et refformant les jugemens, et debout lé ledit Lenoir de ses demandes, fins et l'inclusions, et a déclaré les exécutions faites aux biens dés ditz habitans et paroissiens, injurieuses, tortionnaires et mat faites ; condamne ledit Lenoir de rendre les deniers par luy louches et les biens execullez en essence non détériores, synon en payer la juste valleur à esgard des gens à ce congnoissans (11) dont les partyes conviendront ou qui sur refus Lenoir seront donnez d'office, et au.c despans des causes principalles et d'appât, instance de requeste civille et de rejections d'exécutions et de tout ce que s'en est ensuivy, dommages et intérests desdites exécutions, lesditz dommages et intérests modérez à trente livres.

    Fait en parlement à Rennes, le 8e juillet 1643, prononcé à la barre de la cour, dictz jour et an.

    Collationné.

    Signé : 

    Monneraye.

     

    Cela n'arrêta cependant pas le fermier général qui s'acharna contre les Nazairiens...

     

     

     (1) Nous rapportons ici le propos de René de Kerviler, qui étudia les actes aujourd'hui disparus, mais dont il ne fit pas retranscription, et qui sont à jamais perdu en raison des bombardements Alliés.

    (2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (3) Voici exactement l'extrait du contract fait en la ville de Vannes le 20e jour de février 1643, entre nos seigneurs les commissaires du Roy et messieurs des Estats de Bretagne. » «... Accordant semblablement nos dictz seigneurs les commissaires que les engageâtes debvoirs d'impostz et billotz de celte province puisant jouir que en la mesme forme que l'on en jouirait avant l'engagement, soit par droit d'exemption ou entienne possession, et en cas de contravention permettent aux complaisants se pourvoir devant les juges des lieux et par appel au parlement de la province. - Délivré par extrait par moy, conseiller secrétaire du Roy, rapporteur dudict contrat : - Monneraye ; (René de Kerviler, op. cit.).

    (4) Ils étaient tous avocats en la cour.

    (5) Liste de noms recensés par René de Kervilers dans son étude approfondie des pièces du procès, op. cit.

    (6) Issue de Jean de Boisbrassu, écuyer, trésorier du prince Gille de Bretagne, fils benjamin du duc Jean V.

    (7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (8) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (9)  Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (10) Celle de l'arrêt du Conseil du Roi du 13 janvier 1643.

    (11) C'est-à-dire des experts.

     

     

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, deuxième partie

    Comme nous l'avons exposé dans l'article précédent, le fermier-général Le Noir de La Robinnière, chercha par tous les moyens de contester les privilèges des Nazairiens face à l'impôt sur le vin. Multipliant les procédures, le Noir de La Robinnière contraignit les Nazairiens à s'exécuter face à l'impôt dans les premiers temps, ceux-ci ne s'avouèrent cependant pas vaincus, et contre-attaquèrent devant le 19 septembre 1642, représentés par le procureur et marguillier de leur paroisse, Philippe Bernard, sieur de La Carioterie, ils se pourvurent d'un vidimus en règle de ses privilèges devant le sénéchal de Guérande (1) :

     

    A nostre logis et par devant nous. Georges Martin, sieur de la Sautdraye, conseiller du roy et séneschal de Guérande, ayant pour adjoint maistre Jean Gicquel, commis au greffe, après les du heures du matin de ce jour vandredi 19e de septembre 1642, a romparu en personne maistre Philippe Bernard, sieur de la Carioterie. procureur et marguiller de la paroisse de Sainct-Nazaire, assisté de maistre Pierre Coquard, son procureur. Luy nous a remonstré en présence du sieur procureur du roy de cette cour, que le sabmedy 13e du présent mois perdant, en l'audiance de ceste dicte cour, entre noble homme Jan Lenoir, sieur de La Robinnière. faisant pour le fermier général des devoirs d'imposts et billots en l'évesché de Nantes demandeur d'une part, et maistre Charles Bernard, Denys Ferré, Guillaume Boullée, Francoys Denyaux, etc. . et autres vandantz vins par menu et détail en la ville de Sainct-Nazaire et le général des parraissiens dudict Sainct-Nazaire deffan leurs d'autre, il avoit esté ordonné que ledit sieur de la Carioterie en ladicte qualité représenterait les privilèges et exemptions dudebvoir de billot et autres immunitez de ladicte parroisse de Sainct-Nazaire. pour en restre fait transumpt et vidimus (2), alfin de servir au jugement du procès d'entre les

    dyetes parties, et foi y estre adjoustée comme aux originaux.

    Aquoy obéissant, ledit sieur de la Carioterie représente eu cest endroit le nombre de six actes escriptz sur parchemin, le premier desquels commence par ces mots : Pierre, par la grâce de Dieu, duc de Bretaigne, etc. [suit la description complète de tous les parchemins déjà cités, et l'identification du parchemin de Maximilien et Anne comme de l'an 1489 et signé Guihard, au lieu de G. Richard], lesquels actes lediet sieur de la Carloterie a dici avoir pris des archives de la dicte paroisse de Sainct-Nazaire, et demande qu'il soit présentement procédé au transumpt d'iceux, en présence dudit sieur procureur du roy pour, passé de ce, les dicts actz estre remis auxdites archives et les dictz trausumptz luy deltivrez pour servir ainsy qu'il appartiendra, requérant, à la dicte fin, évocquation et appel dudit sieur de La Robinière ;

    Ce que ayaut esté fait, a comparu en personne maistre Jacques Dasniéres faisant pour ledit sieur de la Robinière, assisté de maistre Pierre Lefebvre, son procureur. Luy a dict ne pouvoir empescher que ledict sieur de la Carioterie en ladicte qualité face procéder à telz transumptz qu'il voira avoir affaire ; mais d'autant que icelluy sieur de !a Robinière n'a eu communicquation des actes dont ou prétend faire transumpt, il requiert coppie luy en estre adiugée pour les contredire ey après, ainsy qu'il voira : et au pars us proteste de nullité et de se pourvoir contre ce qui sera faict a son préjudice. 

    Ainsi igné : P. Lefebvre, procureur.

    Desquels dires et représentations nous avons décerné acte ; mesme de la representation qu'a faicte le dict sieur de la Carioterye des coppies de six actes concernant les previleges et immunitez de la dicte ville et paroisse de Sainct-Nazaire, selon qu'ilz sont cy devant mentionnez et dattez, lesquelles coppies ayant esté collationnées par nous et trouvées conforma auxdits originaux.ont esté délivrées avecques les dicts originaux au dit sieur de la Caloterye, pour foy y estre adjonstée comme aux lits originaux, et luy va Hoir el servir ainsy que de raison, etc..

    Et ont esté les vacations du présent acte et procès-verbal et des dictz transumptz, taxez à la somme de 45 livres, savoir pour nous 9 livres (3), audict sieur procureur du roy pareille somme, le greffier qui dellivrera les dictz transumptz et procès verbal aultres 9 livres ; auxdits Coquard et Lefebvre procureurs, à chacun 6 livres, et aulict sieur de la Carioterie pour deux journées et despence pareille somme de 6 livres.

    Faict les licts jour et an que devant. 

    Ainsy signé : G. Martin et Bernard.

     

    Jan Le Noir de la Robinière, appuyé sur les termes du contrat des Etats de Bretagne et sur l'arrêt de défaut en forclusion pris par les juges commissaires de Rennes, obtint, le 13 janvier 1643, un arrêt conforme à ses désirs devant les juges du siège royal de Guérande. La production par induction d'actes de maitre Philippe Bernard de La Carioterie avait fait au mois de novembre 1642 ne fut d'aucun secours à la cause de la paroisse ; il interjeta appel de la sentence au Parlement de Rennes en même temps qu'il adossa aux Etats de Bretagne, réunis à Vannes en nouvelle session, une requête de maintenue en privilège qui fut favorablement accueillie. 

    L'avocat guérandais Olivier Boutier produisit un mémoire dans cette nouvelle phase de l'action (4) :

     

    Boutier, pour honorables gents Denys Ferré et femme, Charles Bernard , André Molle, Guillaume Boullé et autres marchands, débitans vin en la ville et paroisse de Sainct-Nazaire appellans de sentence rendue par le séneschal de Guerrande , le treiziesme janvier 1643, contre honorable homme Jan Lenoir, commis du fermier général des debvoirs d'impôts et billots qui se lèvent en détail sur les brevages qui se débitent en l'évesché de Nantes, intimé. 

    Dict en la cour que par la sentence dont est appel , lesdicts Ferré et autres domiciliers dudil Sainct-Nazaire débitans vin, sans s'arrester aux privillèges par eux produicts , sont condemnez paier les debvoirs du billot du débit qu'ils pouroient avoir faict depuis le premier janvier 1642, de jour à aultre, suivant la liquidation qui en sera faicte sur les extraicts des clercs marqueurs avecq despans.

    Geste sentence a esté rendue en la forme, plus par considération et crainte de proceix et prinses à partye par le juge dont est appel, que par équité et juste motif; la preuve en est constante par Testât du proceix. 

    Duquel s'aprent que le dernier may 1642 le dit Lenoir soydisant commis du fermier desdicts impots et billot en l'estendue de l'évesché de Nantes, quoy que instruict que les habitans de la ville et paroisse de Sainct-Nazaire estoient de tout temps exemps de paier ledit debvoir de billot, néanmoins il forme deux actions le mesme jour, l'une pour voir jurer clercs marqueurs, souffrir la marque à l'advenir pour ledit debvoir, et l'autre pour estre condemnez iceluy payer depuis le quartier de janvier dudit an suivant calcul qui en seroit faict. 

    Au assignation les dicts appellans se deffendent de leur exemption fondée sur patentes des ducs de Bretagne obtenues et géminées le 28e novembre 1454 et de temps en temps confirmées par leurs successeurs roys de France, jusques à Louys dernier de bonne mémoire lors régnant (5), lesquels ont tousjours confirmé lesdictz appellans et autres habitans de ladite ville et paroisse de Sainct-Nazaire, avecq mandemant exprès qu'ils fussent perpétuellement deschargez dudit debvoir de billot , et non de grâce parlicullière, mais en considération de la garde qu'ils estoient et sont actuellement obligez faire à la coste , pour empescher les intentions des Anglois et autres corsaires et ennemys de l'Estat, et d'entretenir en appareil seix archers et hommes de guerre, quy est en grand coustage. 

    Ceste exemption n'est donc pas sans charge ; lesdicts actes portant lesdicts privillèges et immunitez ayant esté représantés par le procureur de la dite ville et parroisse, il déclare se joindre avecq lesdicts appellans, et en est faict transumpt en présance du juge et des partyes. Et néantmoins ne se pouvant remarquer difficulté en leurs exécutions, ledit Lenoir ayant subjoinct une pré- 

    tendue sentMce rendue sur deffaux, le 19e décembre 1641, par Messieurs les conseillers députez par Sa Majesté pour la rante des dicts impots et billot de cette province de Bretagne , avecq deux arrests obtenus au conseil par noble homme Remy Ghassebras adjudicataire dudit debvoir contre les habitans du Groysic et le 

    séneschal de Sainct-Brieuc pour entreprinses, portant commenderaent à tous juges de luy tenir main forte en l'exécution et possession de son bail , le juge dont est appel intimidé sans doubte d'une prinse à partye audit conseil, auroit randu ladite sentence dont est appel en la forme. 

    Duquel appel lesdicts marchans débitans vin en ladite ville et paroisse de Sainct-Nazaire sont bien fondez ; premièrement les actes quy leurs attribuent les dictes immunitez ayant estez représentez, communiquées et Iransumptz d'iceux faictz sans contestations demeurent vallables; et les appellans sans difficulté possesseurs irrévocables de ceste liberté de ne paier ledict debvoir de billot en fabveur de ladite garde-coste et entretien de six archers et hommes d'armes en perpétuel estât et en appareil, pour deffendre et opposer l'entrée de l'ennemy à tous moments. 

    Ceste exception n'est donc pas gratuite , puisqu'elle est avecq charge et condiction ; et se peut d'aultant moins disputer qu'elle auroit esté aultre foys ordonnée pour l'entretien et répurgalion des fossés de la ville de Guerrande ; les dicts tiltres en font preuve entière. 

    Les dicts privillèges demeurans establys , la sentence de Messieurs les conseillers députez, avec les arrests obtenuz au conseil par rintimé subjoinctz , ne se peuvent appliquer, encore moins opposer à leur enthérinement, d'autant que ladite sentence n'a esté randue que contre ceux qui n'avaient exemption que pour 

    un temps comme les habitans du Croizic, dispensez audit debvoir pour six ans seulement. 

    Lesquels expirés, et faute de rafraîchissement de leurs lettres comme on dict communément en prolongation, et d'avoir prouvé ce faict, ilz étoient vallablement condemnables souffrir la marque ù l'advenir; ainsy qu'ilz ont esté par l'arrest du conseil du l0e décembre 1642. 

    Mais où il a esté question de privillèges de droit perpétuel, comme ceux desdicts appellans qui ne sont au fonds disputez, et qui ne le peuvent estre, messieurs les commissaires n'ont entendu les comprendre en leur sentence , les termes d'icelles y estans exprès , quand ils ordonnent que tous autres que les privillégiez de droit et déclarez exempts par jugement sont condemnez paier ledit debvoir. Il s'ensuilt donc que les dicts appelans estans privillégiez de droit, confirmez en ladite possession à perpétuité, avecq pleine volonté des Roys rapportée de temps en temps, ils ne sont compris soubs ce jugement , qui ne s'estent qu'à ceux qui sont temporaires, ou sans droit. Très mal soubz correction ledit intimé a produict la dite sentance, et icelle induicte contre Icsdicts appellans ; encore plus mal le juge y a-t-il pris appuy, puisqu'elle est sans eiîect pour leurs intérelz , nullement connexes ny de pareille nature que ceux du Croizic. 

    Ce qui le rend pareillement mal fondé aux inductions desdicts deux arrests rendus au conseil contre le séneschal de Sainct-Brieuc et lesdicts habitans du Croisic^ isle et- paroisse de Batz, qui n'avoient, ainsy qui est cy dessus représenté, exemption que pour six ans, lesquels expirez ils esloient contribuables à l'advenir; ce faict ne se peult aplicquer à celte cause en laquelle s'agist de privillèges establys à perpétuité, soubs cause nécessaire exécuttée par les domiciliaires de la dite ville et paroisse de Sainct-Nazaire , qui ne se peult aulcunement revocquer. 

     

    Au fonds, les dicts arrests quoy qu'inutiles au subject de la question qui s'offre, portent celte réservation expresse, que les dicls Cliassebras et commis jouiront desdicts debvoirs conformément ù ladite judication à eux faicte par Messieurs les conseillers, et ont toujours porté caste restriction. 

    Or les clauses du bail sont expresses, que les adjudicataires ne pourroient jouir et posséder que ce que les propriétaires avoient droit, et que tous exempts seroient confirmez. Partant, si ledit Ghassebras a esté adjudicataire, cete adjudication ne s'extent pas à l'infiny et à troubler ceux quy sont previllégiez et exempts. Il n'a pas plus de droit que ceux quy ont transporté, nemo plus juris in alium tmns ferre poiest quàm ipse habet. De tous temps les dicts appellans sont en possession sans trouble, confirmée de temps en temps par les Roys ; il ne seroit donc raisonnable que à la fabveur d'un engagement ils seroient privés de leurs droits acquitz, sans juste cause. 

    C'est pourquoi, le juge dont est appel, instruict entièrement d'iceux a deub soubs correction faire la balance droicte, ne considérer la qualité de l'un pour oprimer l'aultre. Illkiias exditiones item ne guis iniquum lucrum sentiat prœses provideat (La loy h. H. de Officio prœsidis). Enfin les sentences de Messieurs les conseillers et les dictz arrestz n'ont peu et deub pour les moyens cy dessus alléguez, donner motif ny prétexte à ladite condemnation dont est appel , et ne peuvent profiter à l'intimé contre lesdictz appellans, lequel intimé seroit indispensablement condemnable à restituer s'il avoit touché ou plusîôt exigé quelque chose d'eux touchant ledit debvoir de billot duquel ils sont perpétuellement exempts. Non videtur quisquam id capere qiiod ei necesse est alleri restituere. 

    Cy concluent les dits appellans , à ce qu'il soit dit s'il plaise à la cour qu'il a esté en tout et partout mal jugé , corrigeant et refformant le jugement ; ledit intimé sera en conséquence des actes justificatifs de leurs privillèges et immunitez dudit debvoir de billot, déboutté avec despans des causes principalles et d'appel, avecq deffanses de les troubler en ladite possession à l'advenir, et tous dommages et intérestz soufferts et à souffrir. 

    Signe : 

    Olivier Boutier.

    Et plus bas : Le 3e décembre 1643, signiffyé coppie à maitre Jan Gucsdon procureur adverse, etc.. Palatin.

     

    Jan Le Noir de La Robinnière n'en resta pas là et continua de harceler les Nazairiens...

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Transumpt et vidimus sont deux vieux mots de procédure qui signifient qu'on produisait devant uns cour compétente des actes originaux et authentiques pour en obtenir des copies légalisées.

    (3) Ce document a aussi pour intérêt de nous indique quelle était alors la valeur des frais de justice : il faut, du reste, se rappeler que l'impôt du timbre n'existait pas encore ; il ne fut inventé que trente ans plus tard pour la Bretagne, provocant une terrible révolte dans tout le Duché. 

    (4) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (5) Louis XIII venait de mourir le 14 mai 1643.

  • Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, première partie

    1643-1646, les Nazairiens en procès contre le fermier-général Le Noir de La Robinnière

     

    Le 7 janvier 1641, le maréchal de La Monneraye, lieutenant-général de Bretagne, et qui venait de battre les Espagnols à la bataille d'Hesdin, fit annonce de la levée exceptionnelle d'un impôt sur les alcools, (vin, cidre et eau-de-vie), fameux droit de billot dont nous avons déjà parlé, et dont les Nazairiens étaient exemptés. Voici la lettre du maréchal (1) : 

     

    Devant nous, Jan Monneraye et Jan Gaudé, conseillers nottaires segrétaires du roy, maison et couronne de France, ont personnellement comparu hault et puissant seigneur messire Charles de La Porte, seigneur de La Melleraie, chevalier des ordres du roy, conseiller en ses conseils, grand maistre de l'artillerye, maresehal de France, lieutenant général pour Sa Majeste en Bretaigne et en ses armées, commissaire général envoyé pour la tenue des Estaz dece pais et duché de Bretaigne convoqués eu assemblées par authoritté du roy en ceste ville de Rennes par lettres patantes du 14e de novembre dernier, Nosseigneurs les autres commissaires de Sa dite Majesté, d'une part. 

    Et Messieurs tes deputtés desdits Estats soubsinez. d'autre part ;

    Autre lesquels ont esté a vordez les articles cy après, savoir c'est, que les dietz sieurs des Estats ayant délibéré sur les dictes lettres patantes, propositions et demandes par eux faictes par nosdicts seigneurs les commissaires, ont accordé et donné au roy pour subvenir aux urgentes nécessités de ses affaires présantes, et secours extraordinaire pour la despance et faictz de la guerre, la somme de deux millions quatre cent mil livres (2400000 L.) paiables en six quartiers égaux, scavoir les quatre de l'année présante 1641 et les deux premiers quartiers de l'année prochaine 1642 ; pour le paiement de laquelle somme de 2400000 Livres ont consent y qu'il soit imposé et levé sur le vin et cidre et aultres breuvages qui seront vandus en destail en cette province en ces années 1642 et 1643 à commancer au premier jour de janvier 1642, quatre soulz pour six deniers pour pot de vin de cru du pais qui sera transporté hors la province qui sera vandu par le menu et destail esdites deux années : deux soûls huict deniers pour pot de vin du cru du pais qui sera transporté d'évesché en aultre pour y estre consommé ; ung soult quatre deniers pour pot de vin du cru du pais qui sera cousommé et , évesché où il croist ; et huict deniers pour pot de cidre et de Lierre ; le tout vandu et desbitté en destail en ceste province,chacunne pippe atantée (2) A deux cent pots ; et aultres six soulz par chacun pot d'eau-de-vye qui sera pendant les dites deux années pareillement vandu en destail en icelle ;

    Desquels debvoirs ont esté faict bail en leur assemblée au plus offrant et dernier enchérisseurs (3) le 4e jour des présans mois et ans, aux conditions y rapportées, à la somme de 2600000 livres pour estre paiée par les adjudicataires entre les mains de leur trésorier en la ville de Nantes ; scavoir... etc.. pour estre par ledit trésorier employé sans divertissement à l'acquit des dettes, nécessités et autres desdits sieurs des Estats suivant l'ordre qui luy sera prescript par les estais qui lui seront délivrés à cette An, etc., etc.

    Duquel devoir nul ne se pourra prétandre exempt pour quelques previlleiges qu'il puisse avoir à raison d'office ou contentement ; et au casque quelqu'un fist difficulté de paier lesdits devoirs soubz prétexte de previlleige, pourront les fermiers se pourvoir contre les préteindans tadicte exemption au Conseil du roy, en ce cas seullement, oit nosdits seigneurs les commissaires promettent s'emploier pour leur faire randre justice.

    Ne se fera auchune modification à la vérification du présent contrat, et s'il en estoit faict, nosdits seigneurs les commissaires promettent faire obtenir auxdits sieurs des Estats touttes lettres de jussions à ce nécessaires... etc., etc. 

    Faict et gréé en l'hostel de mondict seigneur de la Melleraye en ceste ville de Rennes le 7e jour de janvier 1641. 

    Signé : Monneraye et Gaudé... 

     

    Les Etats de Bretagne, qui réunissent tous les deux ans dans une ville différente les élus des trois ordres (clergé, noblesse, tiers état), étaient, en vertu du Traité d'Union, la seule autorité habilitée à voter les impôts. Rappelons qu'en vertu du Traité d'Union signé en 1532, le Duché jouissait d'immunité particulière, et bénéficiait d'une sorte de régime constitutionnel, faisant que le roi de France n'avait jamais le droit d'y lever des impôts. Lorsque le ministère avait besoin d'argent, il s'adressait aux Etats, eux seuls pouvaient, après discussion des propositions royales, accepter les nouvelles impositions jusqu'à concurrence d'un chiffre déterminé, et rendre les rôles exécutoires. Les négociations faisaient l'objet d'un procès-verbal contradictoire qui portait le nom de « Contrat des Etats avec le Roi ». Or le contrat de 1640 contenait une clause qui impliquait dans ses termes l'abolition de tous les privilèges, et grand fut l'émoi dans toutes les paroisses qui jouissaient d'immunités spéciales. cependant on avait voulu seulement armer les fermiers de l'impôt contre les privilèges peu réguliers, et la porte était laissée ouverte aux recours en confirmation pour ceux qui pouvaient justifier de droits anciens et bien authentiques : c'est pourquoi l'on institua des commissions de révision de tous les titres d'exemption d'impôts. Les recours étaient assujettis à une multitude de frais administratifs, mais ceux-ci étaient moins onéreux que la perception directe du droit sur les alcools.

     

    Les Nazairiens durent alors à défendre leurs privilèges. Au mois de mai 1642, une assignation fut lancée contre plusieurs débitants de la ville et propriétaires de vignobles de la paroisse, pour avoir à payer immédiatement le devoir de billot, à la requête de Le Noir, sieur de La Robinnière, faisant pour le fermier général de l'évêché de Nantes. Une autre sommation, due à Georges Martin de la Sautdraye, sénéchal de Guérande, les assigna eu même temps « pour veoir jurer et prester le serment à ung commissaire que ledit Lenoir entend faire jurer, pour assister avecq les commis à la marque du terrouer de Guérande, à la visite et marque que font journellement lesdits commis aux caves et scelliers desdits taverniers ; et pour éviter aux abus et aux malversations que pourraient commettre lesdits commis avecq lesdits taverniers, etc. (4) » 

    Les privilèges des Nazairiens étaient connus de tous, et l'on s'attendait à ce que les intéressés refusent de payer, le sergent royal avait rédigé d'avance la minute entière des deux assignations, ne réservant que les deux dernières lignes pour la constatation de la remise et pour la signature. 

    Devant ces procédures il fallut bien s'exécuter, et le 19 septembre 1642, les Nazairiens, représentés par le procureur et marguillier de leur paroisse, Philippe Bernard, sieur de La Carioterie (5), se pourvurent d'un vidimus en règle de ses privilèges devant le sénéchal de Guérande, comme nous l'expliquerons dans le prochain article.

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Attenté : fixé à quantité.

    (3) On adjugeait alors la perception des impôts en les affermant, d'où le nom de fermiers pour les percepteurs.

    (4) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (5) La Carioterie est fief situé à Saint-André-des-Eaux.

  • Saint-Nazaire, pays de vignobles, dispensé du droit de billot

    1507, Saint-Nazaire, pays de vignobles, dispensé par Louis XII du droit de billot

     

    Au début de l'année 1507, maître Antoine Force, fermier des impôts (1), ordonnés pour les réparations des murailles de Guérande, eu l'idée de faire taxer les vins entrants et sortants de la paroisse de Saint-Nazaire pour financer cette campagne de travaux, cette taxe sur le vin se nommait " droit de billot ". Il faut savoir que Saint-Nazaire était doté d'un grand vignoble, qui s'étendait au-dessus des falaises depuis Kerlédé jusqu'aux salines de Pornichet. Ces vignes étaient constituées d'un cépage nommé " Congor (2) ", s'était en réalité du pineau d'Aunis, nommé aussi chenin noir, cépage encore cultivé dans l'ensemble de la vallée de la Loire, aux fruits de couleur noire, ayant un arôme de framboise avec des notes de poivre, qui donnait à Saint-Nazaire un vin clair, aromatiques et, dit-on, fort alcoolisé. A la Révolution, ces vignes furent peu à peu replantées de cépages Gros-plant-du-pays-nantais, dont la qualité à Saint-Nazaire n'était pas des meilleurs aux dires d'Henri Moret, dans son " Histoire de Saint-Nazaire ". En 1929 la propriété acquise à Gavy par la municipalité en vue d'abriter l'hospice des vieillards, comportait encore 3 ha de vignes, qui produisaient 100 barriques de vin (3). Les vignerons étaient nombreux au territoire de Saint-Nazaire, depuis la pointe de la Villes-Martin, où étaient les vignes de la Falaise, jusqu'à la seigneurie de Cleuz (4), tout n'est que vignes, la Tour du Commerce domine les Vignes de la Rongeole, du Chapitre (5), et Vignes du Clos, là où sont aujourd'hui les quartiers de Bonne-Anse et de Porcé, à Saint-Marc se sont celles du Crepelet, de la Sétrait, de Gonon, des Noës, du Clos Hemery (6) et du Clos Delefeuvre, de La Corance, de la Colline du château, Béac et Verdun, à l’intérieur des terres sont celles de Roilet , d’Armangeau et de Cleuz... Le vin était exporté hors de la paroisse par voix de terre, mais aussi par mer, les taxer, ainsi que les marchands et les cabaretiers de la paroisse, était l'assurance d'une levée d'impôt importante en faveur de Guérande. Rassemblés derrière Jehan Halgan et Julien Hervé, les producteurs, vignerons, marchands de vin, et cabaretiers de la paroisse de Saint-Nazaire firent valoir leur privilège de ne pas avoir à contribuer aux fortifications de Guérande. On fit appel à Louis XII, second mari de la duchesse Anne, qui durant un séjour à Nantes en 1507, coupa court à toutes ces difficultés en renvoyant en dernier ressort les plaignants devant le sénéchal de Guérande. Il délivra les lettres suivantes (7) :

     

    Loys, Par la grâce de Dieu, Roy de France et duc de Bretaigne, à noz noz séneschal, alloué et lieutenant de Guérande, salut. 

    De la part de noz subgectz les paroissiens manans et habitans de la paroisse de Sainct-Nazaire. nous a esté en suppliant exposé que, combien que le vingt-huitième jour de novembre de l'an que dit fut mil-quatre-cens cinquante-quatre, leur ait esté octroie et concédé par feu prince de bonne mémoire le duc Pierre, ainsi que appert par son mandement de date prédite, exemption, liberté et franchise de toutes contributions et subcides de réparations de villes et chasteaulx ; 

    Quelles exemptions et franchises nostre très chère et très-amée compaigne la royne a depuis par ses mandemens confirmé, ainsi que appert par iceulx. 

    En vertu de quelles franchises il sont démolirez francs et exemps du devoir de billot ordonné pour les dites réparations, et en ont esté et sont en possession sans débat, fors puis peu de temps ença, que Maistre Anthoine Force, se disant fermier dudit billot mist en procez ung nomme Jehan Halgan et autres plusieurs de ladite paroisse en la demande dudit devoir de billot ; 

    Qu'ils esplectèrent tant ci tellement par ladite court de Guérande, que lut dit et déclaré par lesdits proiluietz tant cliques les que lettres contre ledit Force audit nom qu'ils dévoient demourer francs exemps et, quitte dudit devoir.

    Quelle sentence passa en œuvre de juge. 

    Est-il que néanmoins ce que dessus, Bertrant Charays et Jehan Sorel se disans soubzfermiers de Jehan Pineau, fermier général du ditdevoir de billot, dudit, terrouer de Guérande où est située ladite paroisse, ont mis en action ung nomé Julien Hervè en la demande dudit devoir de billot, supposant qu'il avoit vin par détail en ladite paroisse ; 

    Quel en empeschant respondre à ses faicts excepta de la sentence donnée contre ledit Sorel, fermier susdit ; 

    Quelle exception ne fut receue du lieutenant nostre dite court de Guérande; 

    De quoy ledit Hervé appella quelle appellation alla devant l'alloué dudit lieu.

    Et au terme assigné à estre procédé a la décision dudit appel devant ledit alloué se trouva un nomé Julien Paulmier procureur du corps politique, qui voulut et demanda estre a la conduicte de ladicte matière pour ledit Hervé disant qu'elle touchoit l'intérest dicelle paroisse pour tant que le privilége a esté octroie à tous vendans vin de ladite paroisse, que contrarièrent lesdits, soubz fermiers. 

    Dont fut ivservé faire raison entre parties. 

    Ce néanmoins s'efforcèrent contraindre icelluy Hervé à suyvre le procès. 

    Et ce voiant. le procureur desdits paroissiens bailla plégement contre iceulx soubx fermiers de non conduire le procès contre ledit Hervé Juliens de leur plédoyé. Auquel plégemetit 

    raisonnèrent leurs dits privilèges, au débat desquelles raisons fut figuré jugement en advis qu'il démolira eu garde de court, qui y est encores à présent. 

    Par le moien duquel procès se peult trouver grant longueur au domaine desdits paroissiens.

    Nous supplians qu'il nous plaise sur ce leur pourveoir de remède convenable, très humblement le nous requérant.

    Pouquoy, Nous, lesdites choses considérées, voullant ausdits supplians en ce subvenir, aider, et iceulx en leurs droitz, libertez et franchises estre préservez et gardez, vous mandons et commandons et a chacun de vous, en commettant, si mestier est icelles matières congnoistre, sentencier et déterminer par briefz jours et termes compettans. sans avoir esgard à assignation de piedz, généraulx, juduces, prévileiges de menées, ceix remuz de juridiction, retroict de barre, ni autres termes ordinaires quelzconques,et au parsus, parties appellées et ouyes, selon ce qui vous apparostra, faire et donner sur le contenu cy dessus telles provisions que voyrez de raison appartenir. 

    Car ce nous plaist.

    Donné à Nantes, ce XXIIe jour de mars l'an de grâce mil-cinq-cent-sept et de notre régne le dixième. Par le Roy et Duc, et à rellafion de son conseil.

    De LANVAUX.

     

    Les Nazairiens eurent une fois de plus gain de cause face aux Gérandais, et on ne leur demanda plus de contribuer aux fortifications durant un siècle. (voyez les articles " Les nazairiens et les murailles de Guerande ".)

     

     

    (1) Agent du fisc qui collectait les impôts pour le compte de la Couronne, cette fonction était une charge qui se vendait fort cher, et qui rapportait beaucoup à son possesseur, celui-ci était rétribué en pourcentage sur les impôts levés auprès des contribuables.

    (2) Congor est aussi le nom d'un lieu-dit au territoire de Guérande.

    (3) Article du 06/12/1929 paru dans Le Courrier de Saint-Nazaire.

    (4) Aujourd'hui Cleux, territoire de la commune de Pornichet fondée le 9 avril 1900.

    (5) Ce sont les vignes données au prieuré dès l'an 1079, à sa fondation par le vicomte de Donges.

    (6) Du nom de Jacques Hémery, mort avant 1645, époux de Jacquemine du Boisbaudry.

    (7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

  • Les Nazairiens et la chaussée du Pont d'Armes

    Hiver 1633-1634, le Sénéchal de Guérande sollicite les paroisses de sa juridiction pour les frais de réparation de la chaussée du Pont d'Armes

     

    En 1633, la chaussée de Pont d'Armes, située à l'extrémité de la baie de Mesquer sur la commune d'Assérac, avait besoin de réparations, le sénéchal de Guérande taxa les seize paroisses de sa juridiction (1). Les Nazairiens refusèrent d'y contribuer, et dès janvier de l'année suivante ils présentèrent une requête au Parlement de Bretagne (2) :

     

    Du 17e janvier 1634. 

    A Nos seigneurs de parlement 

    Supplye humblement Denys Motais procureur fabriqueur de la paroisse de Saint-Nazaire, deffandeur, contre Maitre Jacques Aubin procureur, suidicq des habitants de la ville et parroisse de Guerrande, demandeur. 

    Exposant le supplyant que par les comparans et appointemens ensuy entre les partyes et autres, il i déluit de très particuliers moyens pour l ai re dire que lesdits habitans de Guérande ont mal a propos faict signifier sans arrest et sans commission, lesdits parroissiens et habitans de Saint-Nazaire pour contribuer auv frais de réparation ou réfection du pont et passage appelé Pont d'Arm ; que vue la folie imitation qui est toute visible et palpable, il n'y a au fonds de raison ny d'apparance de vouloir obliger les supplians de subir les injustes tins et conclusions des demandeurs.

    Les paroissiens de Saint-Nazaire, ny au général ny au particulier, ne se servent jamais du pont et passage du Pont d'Arm pour aller en quelque lieu que ce soit. Ils en sont fort éloignés, comme a esté représenté par le pieds inséré aux appointemens ; et pour justifier leurs faits, et qu'ils ont leurs charges à supporter, à l ai re garde à toutes occurances pour leur seureté et conservation, laquelle importe à toute la province, ce que Sa Majesté recognoissant, au moys de novembre de l'an mil six cent vingt-sept, leur fist commandement exprès et par lettres patentes de s'armer et faire garde pour ledit subject, lesdites lettres données au camp devant

    la Rochelle le 9* dudit moys de novembre. 

    Il y a plus que les mesmes supplyants ont leurs previleges etexamptions dès le temps du duc Pierre fondées sur tes périls où ils sont continuellement exposés, quels privilèges ils avoient fait veoir à la cour comme se justifie par requête présetntée en icelle le vingt uniesme de novembre mil-six-cent-vingt-sept, sur laquelle requeste ladite cour donnant son arrest le XIIIe de décembre aud it an, uze de ces mots : sans préjudice des privilèges desdits habitans de Sainct-Nazaire en autre temps et cas, et attendant le payement qu'il plaira au roy annoyer aux gens de guerre en ceste province ; ordonne que par la forme d'estappes et sans tirer a conséquences ils contribueront à la nourriture des soldats suyvant le département qui en sera fait.

    De cet arrest, lors duquel furent veus et considérés les privilèges et exemptions des supplyans, fut tiré un moyen très puissant contre les prétentions des demandeurs, qui est en effect que les deffandeurs ne sont tenus de porter les charges desdits, habitans de Guérande et autres du plat pays qui ont leur chemin par leslits pont et passage pour aller ou ta nécessité de leurs affaires les appellent et non les supplyants esloignés dudit pont déplus de cinq grandes lieues.

    Ce considéré 

    Plaise à la cour veoir les pièces à la présente attachées et particulièrement l'arrest lors duquel furent

    veuz les privilèges et exemptions desdits supplyants, ordonner tous estre mis au sac & de l'incident et en adjugeant y avoir esgard, adjuger auxdits supplyants leurs fins et conclusions

    avec respect

    Et vous ferez bien.

    LECLERC. 

     

    Les Batziens, les Croisicais et Nazairiens furent déboutés de leur demande d'exemption, par arrêts du Parlement des 21 janvier et 12 septembre 1634, et durent participer à la réparation de la chaussée du Pont d'Armes. En novembre 1669, les Guérandais assignèrent encore une fois les paroisses circonvoisines à la réparation de la Chaussée du Pont d'Armes.

     

    (1) Assérac, Batz, Camoël, Escoublac, Férel, Guérande, Herbignac, Le Croizic, Le Pouliguen, Mesquer, Pénestin, Piriac, Saint-André-des-Eaux, Saint-Lyphard, Saint-Molf, Saint-Nazaire, Guide des archives de la Loire-Atlantique, Tome I, Nantes, 1962, op. cit.

    (2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

     

  • 1468, Françoise d'Amboise devient dame de La Motte-Allemand

    Fille de Louis d'Amboise, chevalier, prince de Talmon et vicomte de Thouars, homme le plus riche de France, et de Louise-Marie de Rieux-Rochefort, dame de La Gacilly, elle-même fille de Jean III de Rieux-Rochefort, vicomte de Donge, François d'Amboise, naquis le 29 mai 1427 à Thouars. Elle fut élevée à la cour de Bretagne ou sa mère s'était établie séparée d'un époux qui avait une réputation d'homme violent. Dès l'âge de 3 ans elle fut promise en mariage au second fils du duc Jean V, Pierre, qui n'en avait que 13, alors non promis au trône. Un contrat de mariage fut signé dès le 21 juillet 1431 afin de confirmer l'engagement, dans lequel fut inscrit que la vicomtesse de Thouars assigna à sa fille 4,000 livres de rentes assises sur le comté de Benon et l'île de Ré, dont la jouissance fut remise au duc de Bretagne, le comte de Richement , déclara qu'il fait de son neveu Pierre, sitôt que le mariage aurait lieu. Ce fut fait en 1441 ou 1442, la date exacte ne nous est pas connue. Le duc François Ier décéda le 19 juillet 1450, ne laissant que des filles, la couronne passa alors à son frère, qui fut couronné duc de Bretagne sous le nom de Pierre II. Françoise, loin de l'image d'Epinal que l'on en a fait au 19e siècle, était une femme intelligente et fort avisée. Elle soutint son époux, l'aidant dans la gestion du Duché, en assurant les fonctions de justice de son époux. Si la Justice était officiellement rendue par le Duc, c'était Françoise qui jugeait et tranchait. En 1457 Pierre décéda, Françoise se consacra aux bonnes œuvres, et fonda en 1463, avec le frère Jean Soeth, le monastère de Couët, premier monastère carmélite, où elle entra elle-même en religion le 25 mars 1468. En cette même année 1468, la duchesse douairière de Bretagne acheta la seigneurie de La Motte-Allemand à Jean de Volvire, chevalier, baron de Ruffec, pour la somme de 2000 écus d'or. Le baron de Ruffec, était un seigneur poitevin, sujet du roi de France, qui avait fait le choix du parti de Charles VII, alors dépossédé de son royaume, et que Jehanne d'Arc surnomma « son gentil Dauphin », mais pour aider le futur roi à conquérir son trône, le baron avait besoin de beaucoup d'argent afin de financer sa troupe, c'est pour cette raison qu'il aliéna une partie de ses domaines. Françoise d'Amboise ne vient probablement jamais en son château de La Motte-Allemand, entrée au carme, elle décéda le 4 novembre 1485, et le pape Innocent VIII la proclama Bienheureuse quelques années plus tard. Sa seigneurie nazairienne fut léguée, à l'une de ses nièces, prénommée elle aussi Françoise, fille de Jean VI d'Amboise, chevalier, seigneur de Bussy, conseiller chambellan de Louis XI, et de Catherine de Saint-Belin. Cette nièce épousa le 25 octobre 1503 François de Volvire, fils de Jean, restituant par mariage la seigneurie de la Motte-Allemand que le baron de Ruffec avait vendue plusieurs décennies auparavant. 

  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, septième partie

    1637, les Nazairiens sont dispensés des frais des garnisons en étape à Guérande

     

    En 1637 quatre compagnies du régiment de La Meilleraye (1), furent en garnison à Guérande. Les frais occasionnés pour les Guérandais furent élevés, et ceux-ci voulurent pour se faire taxer les Nazairiens pour en assumer une partie. Les Nazairiens ne voulurent pas y participer, argumentant qu'ils avaient déjà les frais de garde-cotes, ils s'adressèrent directement à l'autorité royale, appelant du Parlement au Conseil du Roi. Leur démarche fut couronnée de succès, et le Conseil d'État confirma, par arrêt contradictoire rendu le 3 novembre 1637, les Nazairiens exempts de la contribution aux étapes de Guérande. Cet arrêt, qui comprenait quatorze grandes pages in-folio sur parchemin, a été retranscrit dans son intégralité par René de Kerviler en 1870, nous faisons le choix de vous en livrer l'intégralité, attendu qu'il est un acte important qui concerne toute l'histoire du Pays de Guérande, mais aussi parce qu'il mentionne des documents aujourd'hui disparus : 

     

    Extraict des registres du conseil privé du Roy.

    Entre les comraunaultez des nobles, bourgeois et habitans du Croissic, isle et parroisse de Batz, diocèse de Nantes, demandeurs en requeste par eux présentée au conseil , et arrest intervenu sur icelle le vingt-quatrième may 1637 d'une part, et les nobles bourgeois et habitants de la ville de Guérande et paroisse de Sainct-Aubin dudit Guérande, Claude de Roussillon, escuier, sieur de la Barottière, séneschal de Guerrande, Estienne Groy, escuier, sieur de Querbouchard, alloué, Georges Martin, sieur de la Saudraye, Heutenant, Allain Daniel, sieur de la Giraudaye, procureur du Roy et Maitre Jean Foucher greffier de ladite juridiction de Guérande, deffendeurs d'autre part. 

    Et encore les dits nobles bourgeois manans et habitans de la ville du Croissic, isle et parroisse de Batz demandeurs en requeste verballe par eux et les nobles bourgeois manaus et habitans de la ville de Guerrande, de Rouxillon, Groy,Daniel , Martin et Foucher deffendeurs en ladite requeste verballe ; 

    Et ledit Groy alloué en ladite ville de Guerrande demandeur en pareille requeste verballe que lesdits habitans du Croissic contre lesdits habitans de ladite ville et parroisse de Sainct-Aubin de Guerrande et lesdits sénéchal, lieutenant, procureur du roy et greffier dudit lieu deffendeurs d'autre part ; 

    Et encore lesdits habitants de la ville et paroisse de Saint-Aubin, de Guérande demandeurs es assignations des douze et treize dudit mois de juin d'une part, et les habitants des parroisses de Blesquer, Sainct-Molf, Assérac, Piriac, Escoublac, Sainct-André, Saint-Nazaire, Sainct-Lifard, Herbignac, Penestin et Camoy deffendeurs esdites assignations. 

    Et encore lesdits habitans de Piriac et d' Assérac demandeurs en requeste verballe des et lesdits habitants de la ville de Guérande deffendeurs esdites requestes verballes , d'aultre ; 

    Et encore lesdits habitants de la ville de Guérande demandeurs en requeste du dix-huictième septembre dernier d'une part, et lesdits habitans de Sainct-Nazaire, du Croissic , Isle et parroisse de Batz , Mesquer, Stinc , Piriac , Assérac , Coublac et Sanct-Andry deffendeurs, d'autre ; 

    Et encore lesdits nobles bourgeois et habitans de la ville du Croissic, Isle et parroisse de Batz, demandeurs en requeste verballe du dix-neuviesme septembre dernier, et lesdits habitans de la ville de Guérande , d'autre ; 

    Et encore lesdits habitants de la ville de Sainct-Nazaire demandeurs en requeste du juillet mil six cens trente-sept, et lesdits habitans de la ville de Guérande deffendeurs ; sans que les quallitez puissent nuire ne préjudicier aux parties. 

    Veupar le roy en son conseil, la requeste desdits habitans du Croissic, Isle et paroisse de Batz à ce qu'il plaise à Sa Majesté ordonner que tant les habitants de Guérande que le sénéchal dudit lieu qui a procédé au département des estapes pour le logement de quatre compagnies du régiman de la Meilleray estant en garnison en ladite ville de Guérande , se voient assignés audit conseil pour veoir dire que Tarrest d'icelluy du sex novembre 1628 sera déclaré contradictoire avecq eux ; et que conformément à icelluy deffences leur soient faictes de les contraindre au payement d'aulcunes estapes, et pour la contravention par eux faicte audit arrest qu'ils seront condamnez en telle amende qu'il plaira à Sa Majesté ordonner et en tous les despans dommages et intérêts ; et que Thomas Ollivard sergent qui a signiffîé ledit arrest du conseil sera eslargy et son escroue rayée et biffée ; sur laquelle est intervenu ledit arrest du XXeme may 1637 portant que lesdits habitants de Guérande et autres qu'il appartiendra seroient assignez en icelluy aux fins de ladite requeste pour leur estre pourveu ainsy que de raison ; 

    Exploitz d'assignations donnez audit conseil à la requeste desdits du Croissic auxdits habitans et officiers de Guérande des 4 et 7 juin et suivans. 

    Exploitz des 22 et 24 juin derniers contenant la sommation faicte par lesdits habitans de Guérande aux habitans des parroisses de Mesquer, Sainct-Molf, Asseracq, Periacq, Escoublacq, Sainct-André, Sainct-Nazaire , Sainct-Lyphard, Herbignac, Penestin et Camoy en assignations à eux données audit conseil pour se joindre avecq eux pour empescher conjointement la charge prétendue par lesdits habitans du Croissic, et au cas que lesdits du Croissic fussent deschargez , que lesdites sommes ausquelles ils pourroient avoir esté taxez seroient régaliez sur le reste des parroisses dudit ressort ; 

    Lesdites requestes verballes desdits habitans et officiers du Croissic du 28 aoust et 19 septembre audit an tendantes à ce qu'il plaise à Sa Majesté esvocquer la preuve d'entre les parties au parlement de Rennes , et en ce faisant qu'il seroit estably une audiance dans la ville du Croissic pour les comptes d'icelle et de ladite isle et parroisse de Batz avecq injonction auxdits juges de Guérande et à leurs successeurs esdites charges de se trouver tous les jours de lundy ou tel autre jour de chacque sepmaine qu'il plaira à Sa Majesté ordonner en ladite ville du Croissic pour y rendre la justice aux subjectz de Sa Majesté h l'instance des officiers de Hennebond envers les officiers du Port-Louis, et que faulte par lesdits juges de Guérande de se trouver au jour qui leur sera ordonné en ladite ville du Groissic pour y rendre la justice, sans avoir esgard aux defîences portées par les arrestz de la chambre des comptes de Nantes du 14 mars 1620 et errestz du parlement de Rennes du 23 juin 1609, 13 mars 1611, dernier novembre 1627, 12 septembre 1624 et 21 juin audit an 'et 13 juillet 1637, ilz seront receus et restablis en la paisible possession jouissance et liberté qu'ilz avoient de Texercice en la justice de ladite ville du Groissic avant lesdites deffences du parlement de Rennes , sans espoir aux juges de plus grandz sallaires que ceulx qu'ils debvoient prendre exerçant la justice en ladite ville de Morande (lire Guérande), et à leur reffus à eux permis de prendre le premier juge trouvé sur les lieux ou anciens advocatz et autres praticiens trouvés en leur absance ; 

    Ladite requeste verballe dudit Groy alloué en ladite ville de Guérande du 18 aoust tendante à mesme fin que celle desdits habitans du Croissic isle et parcoisse de Batz pour le restablissement de ladite justice audit lieu du Croissic ; 

    ladite requête verballe desdits habitans d'Asséracq dudit jour 18 aoust à ce qu'attendu que lesdites parroisses se trouvent sur la sciluation de la coste de la mer où ilz sont obligés de faire garde ; ils soient deschargés du paiement des sommes ausqueiles ils ont esté et pourroient estre cy après cottizez pour la nourriture des gens de guerre, comme en estant dispensez par le 458eme article des ordonnances de Sa Majesté de l'année 1629, et que deffences soient faictes ausdits habitans de Guérande de les plus cottiser à ladvenir ; 

    Ladicte requête verballe desdits habitans de Periac dudit jour 18 aoust à ce que sans avoir esgard à l'arrest du parlement de Bretaigne du 28 avril 1635 , ny au prétendu département fait par ledit sénéchal de Guérandeen exécution d'icelluy, la somme de quatre cens dix sept livres en laquelle ilz ont esté cottisez pour la nouriture et logemen de gens de guerre qui estoient en ladite ville de Guerrande leur soit randue et restituée par lesdits habitans de Morande (lire Guérande) qui y seront contrainctz par les mesmes voyes que lesdictz habitans de Periacq ; 

    Lettres pattentes contenant les previllèges et exemptions accordées aux habitans du Croissic par la duchesse Anne de Bretaigne ; les roys Charles VIII son espoux, François Ier, Henry IIe arrestz de vériffication d'iceulx faictz en la chambre des comptes de Bretaigne et au bureau des finances de ladite province des 26e novembre 1488, 8e avril 1491, 10e novembre 1481, 6e décembre 1492, 2e avril 1545, 7e janvier 1546, 2e avril 1545, du mois de mars 1547, 30 septembre 1548 et 2 juillet 15. . . 

    Autres lettres pattentes contenant les confirmations desdits privilèges et exemptions accordées auxdits habitans du Groisic par les roys Henry second , Charles neuf, Henri trois et Henry le Grand avecq les lettres de vériffications d'iceulx tant audit parlement, chambre des comptes, que bureau des finances de Bretaigne des 20 avril 1545, 30 aoust 1555 , 13 may 1556 , 18 juin 1558, 12 febvrier 1567, du mois de mars 1578, 3 may 1585 et 18 mars 1586, du mois d'avril 1598, 25 may 1598 ; 

    Trois procès verbaux des navires par eux équipez pour aller et faire la guerre en Escosse pour le service de Sa Majesté ; 

    Arrest du conseil du deuxiesme may 1609 portant que lesdits habitans de l'isle de Croissic, parroisse de Batz, jouiront desdits privilléges et exemptions portées par lesdites lettres et arrestz et que pour cet effect toutes lettres nécessaires leur seront expédiées , fait Sa Majesté deffences aux nommes Pelletier et Bellon receveurs des fouages en l'evesché de Nantes et auxdits receveurs de les poursuivre pour le payement d'aulcunes soldes ny autres taxes que ce soit , à peine de tous despens dommaiges et interestz ; 

    Arrest du parlement de Rennes du 10 mars 1626 portant deffence au sieur de Baille cappitaine de Guérande et tous autres de contraindre lesdits habitants du Croissic et parroisse de Batz au payement mentionnez au département du 9 avril dernier ny le tirer à conséquence sur les peines qui eschéent ; 

    Autre arrest du parlement de Rennes intervenu sur requeste présentée par lesdits du Croissic du 28 avril 1627 portant deffense à Jean Blanchet commis par le général com... h la recepte de certaines estapes, de contraindre lesdits habitans du Croissic et parroisse de Batz au payement des Estais mentionnez au département du 18 mars 1627 ; 

    Arrest du conseil du 20 novembre 1628, par lequel le roy sans s'arrester à l'arrest du parlement de Rennes du 13 décembre 1627, a fait inhibitions et deffences ausdits habitans de Guérande et tous autres de contraindre lesdits habitans du Croissic et parroisse au paiement des estapes, ordonne Sa Majesté que le nommé Noises sera eslargy des prisons de Guérande si pour autre cause il n'est retenu que pour le payemen desdites estapes, que les deniers qu'il avoit esté contrainct payer pour lesdites estapes luy seront rendus par ceulx qui les ont touchez, par les mesmes voyes et rigueurs; et exploitz de significations dudit arrest faict ausdits habitans de Guérande des 8 novembre 1628, 24 et 27 avril 1637; — Acte du 28 avril 1637 contre le refus fait par un nommé Macy, sergent, de signifier ledit arrest du conseil aux officiers et habitans dudit Guérande, coppie de lettres de cachet du premier avril 1637 escripte par Sa Majesté aux habitans de Guérande, par laquelle elle leur mande de loger et recevoir en icelle quatre compagnies du regimen dudit sieur de la Meilleraye, et de fournir aux efîectz estans en icelle les estapes nécessaires ; 

    Arrest du parlement de Rennes du 18 avril 1637, obtenu par lesdits habitans de Guérande, portant que les sommes à lever pour la contribution aux frais, logemens, entretènement aux quatre compagnies du régiment de la Milleraye, seront départis sur lesdites villes etparroisses de la seneschaulcée de Guérande, par le séneschal dudit Guérande commis à l'examen d'icelluy ; 

    Extrait du 6 avril audit an, contenant ledit département fait par ledit séneschal de Guérande, pour le paiement desdites estapes par lequel il se voit que lesdits habitans du Croissic , isle et parroisse de Batz ont esté taxez pour icelle la somme de onze cens seize livres douze solz ; 

    Procès-verbal du 16 may 1637, faisant mention comme les nommés Lescar, Le Huédé, Le Guillot et Davy, pauvres habitans de ladite ville du Croissic, isle et parroisse de Batz, ont esté emprisonnez faulte de payement, de ladite somme de 1116 livres 12 sols pour lesdits estatz à la requeste desdits habitans de Guérande ;

    Requeste du 18e may audit an, présentée par ledit Lescard, Huédé et autres aux juges dudit Guérande, à ce que lesdits habitans du Croissic et paroisse de Batz feussent assignés pour les relever dudit emprisonnement ;

    Acte du 18 juin audit an , par lequel il appert que ledit Huédé a payé 30^ au nommer Cavalier pour le rachapt par luy fait des mulets et bleds vendus à la requête desdits habitans de Guérande, faulte de payement desdits Estats ; 

    Jugement au siège de Guérande du 26 dudit mois de juin audit an, portant qu'en conséquence de l'instance pendante au conseil que lesdits Lescard, Le Huédé et autres, seront eslargis en paiant par eux la despence faicte à la geolle, sauf à leur faire droit sur les despens, dommaige et interestz par eux prétendus, vers qui il appartiendra ;

    Quictance dudit jour 26 juin, de la somme de 32 Livres payée par ledit Lescard, Le Huédé, Le Guillot et David pour la despence par eux faicte en ladite geolle, affin de sortir des prisons ; 

    Ordonnance du sieur de la Bleilleraye , lieutenant-général en Bretagne, des 20 et 21 febvrier 1637 ; 

    Autre acte d'attestation du gouverneur du Croissic et de Guérande du 28 septembre 1637, par lesquelles il leur est ordonné et aux habitans de Poullegain, de laisser la garde qu'ilz ont accoustumé de faire dont ilz sont exemps, cy ce n'est en cas de nécessité ou que les ennemis parussent à la mer et au heu d'icelle, leur enjoinct qu'à toutes les pointes où ilz ont accoustumé de poser leurs corps de garde, d'y mettre des matz de manière plantez en terre et autres arbres, et sur iceulx y mettre des fanaux et fagostz gaudronnez pour y mettre le feu, en cas qu'il pareiist des vaisseaux à la mer jour et nuit ; 

    Acte et procès-verbaux rapportez par Talloué de Guérande et juge de Nantes, des prises faictes par les cappitaines Bertelot et Lefols habitans de PouUegain et Croisic, de plusieurs pinaces et pataches espagnolles , et rapportz de chirurgiens de plusieurs qui y ont esté blessez, des 30 septembre 1636, 29 may, 27 juin, 4 juillet 1637; 

    Lettres patientes du 5 juillet 1542 du roy Charles VIII, portant création et establissement d'une justice et prévosté en ladite ville du Croissic ;

    Austres lettres patientes du 12 mars 1492 du roy Charles VIII, portant addresse desdites lettres de création de ladite prévosté au trésorier-général des finances de Bretagne ;

    Ordonnance dudit trésorier-général du 8 décembre audit an 1492 ; 

    Commission du roy François premier, comme père et légitime administrateur et usufruitier des biens de son fils Daulphin, propriétaire du duché de Bretaigne, du 19 juin 1628, par laquelle il mande aux officiers du parlement de ladite province de Bretaigne de faire droit auxdits habitans du Croissic, le réquisitoire par eux fait de l'establisseraent de ladite prévosté en ladite ville ; 

    Requête du 2 juin 1628, présentée au conseil par lesdils habitans du Croisic, isle et paroisse de Batz, par laquelle est requis Festablissement de ladite prévosté et d'une audiance un jour de chacque sepmaine en ladite ville du Croissic ; au pied de laquelle requesle est l'ordonnance du conseil portant qu'il sera informé du contract en icelle pour ladite information rapportée au conseil, icelle veue, et les habitans et officiers de la ville de Guérandeouis, estre fait droit sur icelle ainsi que de raison ; 

    Jugemens, sentence et appointemens rendus en ladite ville du Croissic par les officiers de la justice de Guérandedepuis le 29 octobre 1589 jusqu'au 10 janvier 1611 ;

    Requeste du 17 décembre 1612 présentée par lesdits habitans du Croissic au parlement de Rennes, aux fins d'estre receus partie intervenante au procès y pendant entre lesdits sénéchal et alloué de Guérande pour raison du restablissement de ladite justice par laquelle requeste le sieur de la Fourche, conseiller audit parlement, a esté commis pour ouir les parties ; 

    Appointement du règlement intervenu sur ladite intervention par lesdits habitans du Groissic, isle et parroisse de Batz, audit parlement de Rennes contenant leurs moiens pour le restablissement de ladite audience et exercice de la justice un jour de chacque sepmaine en ladite ville du Croissic ; 

    Articles et conventions accordées entre ledit Roussillon, sénéchal de Guérande, et Le Groy, ahoué audit heu, le 6 décembre 1616 et 15 décembre 1620, au 7e article dudit accord et convention, est expressément porté qu'il sera loisible audit alloué estant en la ville du Groissic, prendre cognoissance des matières sommaires, continuation à la police et autres affaires qui requièrent célérité, dont il rapportera les esmolumens qu'il en aura perceus qui seront partagez entre eux, et où il appartiendroit audit lieu d'affaires d'importance , qu'il en donnera advis audit sénéchal pour conférer ensemble et administrer la justice au mieux qu'il leur sera possible à l'advantage du service du roy et du contantemen du publicq ; 

    Acte expédié en la justice de Hambon (lisez Hennebont), du 23 aoust 1618, dans lequel sont incérées les lettres patientes de Sa Majesté par lesquelles entre autres choses elle veult que les juges dudit siège de Hennebond se transportent un jour de chacque sepmaine au Port-Louis, pour y estre tenu l'audience et rendre la justice à ses subjectz audit lieu.

    Extrait du 19e article du contrat fait entre lesdits commissaires du roy et les depputés des Estatz de Bretaigne du 28 janvier 1637, portant qu'il ne se fera aulcune levée en francs archers, estapes, ny autre imposition pour gens de guerre et entretien d'iceulx en ladite province. 

    Coppie collationnée du département fait sur toutes lesdites parroisses de la sénéchaucée de Guérande par ledit de Rouxillon... 1637 ; 

    Coppie des rolles des officiers et soldatz, effectifs des quatre compagnies dudit régiment de la Milleray ; 

    Coppie de contrat du 23 avril audit an, contenant l'emprunt fait par tous les habitans et maison commune de ladite ville de Guérande, de la somme de 3000 livre à Teffect de commencer à fournir vivres ausdites quatre compagnies de gens de guerre ; 

    Quittance du 19 may ensuivant, par le sieur Blontreuil Montigny, cappitaine desdites quatre compagnies, de la somme de 3504 livres d'une part, et 2324 livres par M. Jacques Ricordel, commis à la recepte des sommes levées pour ladite contribution; 

    Compte rendu en la Chambre des Comptes de Bretaigne, par Penestin Le Peltyé, des fouaches de tout l'évesché de Nantes, du 23 juin 16..., auquel appert que tout le Croissic et la parroisse nommée Batz, que Samct-Nazaire et toutes les autres parroisses de ladite sénéchaucée de Guérande paient les fouages ; 

    Compte d'arrest de la Chambre des Comptes de Bretaigne du 14 mars 1621, par lequel appert lesdits habitans du Croissic et de Batz, avoir esté condamnez au payement des taxes sur eux imposées pour l'entretenemen des soldatz logez en 1616 en tout l'évesché de Nantes ; 

    Autre arrest de la Cour de parlement de Rennes du X novembre 1627, par lequel est enjoint au sénéchal de Guérande, de procéder au département des deniers pour le fournissement des vivres aux soldatz estans en la sénéchaussée du Croissic, isle de Batz, Asseracq, Hervignac et autres de l'estandue de ladite juridiction, sans exception j fors celle de Sainct-Nazaire qui demeurera exempte pendant que les compagnies du régiment d'Estissac y seront ; 

    Arrest du parlement de Bretaigne du 21 janvier et 12 septembre 1634, par lequel lesdits habitans de Sainct-Nazaire du Croissic, isle de Batz, sont condamnez à la contribution des réparations du Pont d'Armes ; 

    Extraict des registres du greffe de Vannes du 23 may 1637 auquel est incerré une lettre de cachet de Sa Majesté du 3e dudit mois de may, et une ordonnance du sieur duc de Brissac du 20 dudit mois, portant que les contributions des estapes seront prises sur les parroices de l'évesché de Vannes sans exceptions pour les compagnies du régimen de Milleray, fors sur celle de Reddon ; 

    Lettre de cachet de Sa Majesté du 23 juillet adressant au sieur duc de Brissac, portant mandemen de faire régaler sur toutes les parroisses de ladite sénéchaucée de Guérande, les sommes levées et à lever pour la contribution desdites quatre compagnies du régiment de la Milleraye ; 

    Conclusions prises par le procureur-général au pariement de Bretaigne sur lesrequestes présentées tant par lesdits habitans de Guérande que Sainct-Nazaire par lesquelles il requiert que lesdits habitans de Sainct-Nazaire soient condamnez à contribuer ainsy que les autres parroices au payement desdites estapes ; 

    Article 8e et 2e des ordonnances de Charles VIII et Charles IX de 1493 et 1565 la première portant : nous déclarons , voulons et statuons en ce qui est la juridiction et prévosté du Groisic que les officiers et justiciers qu'avons par cy devant commis et ordonnés pour la tenir et exercer ne la tiendront exerceront ne feront tenir et exercer doresnavant , jusques à ce que y ayons pourveu et advisé, et cependant lesdits du Groissic et autres dudit terroir de Guérande seront subjectz et traictez en notre dite cour de Guérande devant nos officiers et justiciers, et eux tenus d'y comparoistre et ressortir tout ainsy qu'ils ont faict de avant la constitution d'icelle prévosté audit lieu du Groissic ; la seconde portant : au siège de Guérande avons uny et unissons les ports et havres du Croisic, Sainct-Nazaire, Phiriac, Pouliguen et les villages qui en deppendent , ensemble la chastelenie d'Asserac, avecq le quartier nommé Penestin et les deux forts appeliez Faugars ; 

    Trois arrestz du parlement de Rennes du 23 juin 1609, 13 mars 1612 et 13 juillet 1625 portant deffence aux juges, alloué dudit Guérande et à autres de faire aulcune expédition audit lieu du Groisic et à eux enjoinct de faire résidence audit Guérande con- formément aux ordonnances réglemens et arrestz ; 

    Deffault obtenu par lesdits habitans de Guérande audit conseil du 29 juillet 1637 contre les communaultez des parroisses de Sainct-Nazaire, Herbignac, Penestin, Camoy et Sainct-Lyphard, à faulte d'estre comparu à l'assignation à eux donnée ; 

    Inventaire de production dudit Groy fait au pariement de Bretaigne contre ledit sénéchal de Guérande sur la demande par luy faicte affin d'estre maintenu es audiances alloué, auquel y a trente six pièces y attachées, entre lesquelles y a une sentence du 3 juin 1622 donnée en la chancellerie et conseil de Bretaigne entre le sénéchal et alloué de Guérandepar lequel ledit alloué est maintenu esdites audiances alloué ;

    Sentence expédiée aux alloués dudit Guérande le 20 mars 1639 ; 

    Lettres de provisions dudit office alloué accordée par Sa Majesté à Maitre Pierre de Terges du 21 septembre 1542 ; 

    Neuf sentences expédiées ausdits alloués de Guérande du 26 mars 1540, des avril second, 10 et 16 may 1544, 17 octobre et 4 aoust 1545 , 67 et 48 et IIe ;

    Inventaire de production faicte par devant Groy audit parlement de Rennes contre ledit sénéchal de Guérande tant sur la demande par luy faicte desdites audiances allouées que sur les audiances prétendues debvoir estre tenues en la ville du Croisic , auquel inventaire sont attachées trente une pièces entre lesquelles sont deux sentences expédiées aux allouez dudit Guérande du mois de mars 155. et du mois de may 156.. Et 3 inventaires de production faicte par ledit Groy audit parlement de Rennes contre ledit sénéchal de Guérande sur le fait de l'establissement de la justice audit lieu du Groissic , ensemble sur l'examen des traictez accordez et conventions par eux faictes sur l'exercice de leur charges auquel sont attachées vingt une pièces entre lesquelles y a le concordat accord et convention fait entre Rousillon sénéchal de Guérande et ledit Groy alloué, du 6 décembre 1616 et 4 décembre 1620 par lesquels appert que ledit de Rouxillon doibt prendre le préciput sur les esmoluments de leur charge et que le reste doibt estre mis en masse de laquelle ledit Rouxillon doibt les deux tiers et ledit Groy le tiers ; 

    Arrest du conseil du 17 juillet 1637 rendu entre le lieutenant général et advocatz du siège de Montaigu Les Combrailles, qui porte entre autre chose que lesdits advocatz exerceront la justice dans ledit bailliage pendant l'absence dudit lieutenant général ; 

    Mandement de monseigneur le cardinal de Richelieu comme surintendant général de la navigation et commerce de France portant commandement à tous cappitaines gardes costes d'avoir soing de faire faire bonne garde le long desdites costes pour empescher le desseing que pourroient avoir les ennemis, du 3 aoust 1636. 

    Ordonnance des cappitaines establis au bourg et parroisse de Piriac du 26 octobre audit an, par laquelle il est enjoinct ausdits habitans des bourgs et parroisses subjecles ausdites gardes, qu'ils aient sentinelles et les facent pourvoir d'armes fi feu dans huittaine ; 

    Autre ordonnance desdits cappitaines du premier mars 1637 par laquelle il est encore mandé ausdits habitans de tenir leurs armes prestes pour faire et continuer le guet et sentinelles ; 

    Autre ordonnance desdits cappitaines du 15 mars 1637 aux mesmes fins que les précédentes ;

    Acte de notoriété du 28 juin 1637 par lequel il appert par le curé et deux autres de ladite parroisse de Piriac, que elle est assize et enclavée à demie lieue au plus de large des costes maritimes de la mer et que le bourg de Piriac et la plus grande partie des villages sont sur le bord de la mer. 

    Trois lettres missives escriptes p ir le sieur Bepillo cappitaine de Guérande au nommé De Pinche habitant de Piriac contenant l'envoy des ordres de monsieur de la Milleraye de faire sçavoir quel ordre on tient audit bourg .'e Piriac et qu'on donne ordre que les feus cessent et qu'ils les gouvernent en sorte qu'il n'arrive aulcun désordre. 

    Arrest du parlement de Rennes du 10 may 1616 par lequel il est faict deffances au cappitaine de Guérande et tous autres de tirer à conséquance contre lesdits habitants de Piriac la taxe de cotisation sur eux faicte ; 

    Certifficat du 10 juillet 1637 portant attestation du sieur de la Haye comme lesdits habitans d'Asserac sont subjects aux gardes et guet à la coste de la mer. 

    Article quatre cens cinquante quatre de l'ordonnance vériffiée au parlement de Paris au mois de janvier 1629 portant deffance aux cappitaines chefs et conducteurs des gens de guerre tant de cavallerie que d'infanterie, de loger doresnavant aux parroisses situées à demie lieue de la mer ny prendre levée ny faire exiger aulcunes estapes sur lesdits habitans d'icelles ny des autres parroisses qui sont obligez et ont accoustumé de faire la garde et le guet le long des costes de la mer ; 

    Requête desdits habitans d'Escoublac et S'-André présentée au conseil du . . . octobre dernier à ce qu'ils fussent déclarés follement assignés audit conseil ù la requeste desdits habitans de Gucrande et que les sommes de deniers qu'iiz ont esté contrainctz payer pour lesdites estapes leur fussent rendues , sur laquelle est ordonné sera fait droit, signiffîé ledit jour et an ; 

    Procès verbal du 18 avril 1637 contre rexécution faicte sur Guy Allaire procureur fabriqueur de la parroisse d'Escoublac pour le payement de 3010 livres 8 sols à quoy lesdits habitans auroient esté taxés pour lesdites estapes ; et quittance du payement d'iceulx ensuitte dudit procès-verbal ;

    Coppie de quittance du 16 may audit an contenant le payement fait par lesdits habitants de Sainct-André de la somme de six vingt deux livres quinze sols laquelle ils avoient esté taxez pour le payement desdites estapes ; 

    Procès verbaux du 16 may contenant les sommes receues desdits habitants de Sainct-Molf et Maquier pour les estapes et garnison de ladite ville de Guérande ausquelles ils avoient esté taxez ; 

    Procurations desdits habitans de Sainct-Molf, Mesquier du 21 juin audit an; 

    Ladite requête desdits habitans de Sainct-Nazaire du 14 juillet 1637 à ce qu'ils fussent deschargez du payement de la contribution des gens de guerre , attendu que la ville est située à demie lieue de la mer ; 

    Extraict du 24 avril contenant la taxe faicte sur lesdits habitans de Sainct-Nazaire de la somme de 200 livres pour leur part de la contribution des gens de guerre logez audit Guérande ; 

    Arrest du parlement de Rennes du 11 may audit an 1637 obtenu sur requête présentée par lesdits habitants de Sainct-Nazaire par laquelle ilz avoient demandé estre deschargez de ladite taxe et contribution, portant que les rolles fait des personnes de Claude Hédin , Jacques Goffier et JuUien Allaire parroissieus dudit Sainct-Nazaire es prisons dudit Guérande à la requête de M*' Jacques Ricordel recepveur et commis à la réception desdites estapes du 20 may audit an ; 

    Requête des 5, 9 et 18 juin ensuivans et autres poursuittcs faictes audit parlement de Rennes sur le fait desdites taxes ; 

    Extraictz des rolles des fouages de la parroisse de Guérande des 4 mars, 25 juillet et premier octobre audit an par lesquels extraictz et quittances appert lesdits habitans de Saincl-'Nazaire ny eslre dénommez ny compris ; 

    Coppie de l'ordre ordonné par le sieur marquis de Goulaine cappitaine de garde coste de la terre Saint-Nazaire ,

    Ordonnance du sieur de La Milleray du 19 febvrier et mandement du 8 febvrier 1637 portant ausdits habitans de Sainct-Nazaire défaire gardes et poser des sentinelles de jour et nuict pour la conservation du pais ; 

    Coppie de lettres de Sa Majesté du 9 novembre 1627 par laquelle est mandé ausdits habitans de veuiller aux dangers des ennemis pour la conservation du païs ; 

    Coppie collationnée des privilleges accordés ausdits habitans de Sainct-Nazaire du mois d'avril 1598 ; 

    Appointements de réglemen du 19 aoust dernier 1637; 

    Procès verbal du 19 septembre audit an contenant le réglemen tant sur la requeste desdits habitans de Guérande contre lesdits habitans de Sainct-Nazaire , que sur la requête verballe desdits habitans du Croissic incérée en icelluy ; 

    Escriptures et productions desdites parties et tout ce que par elles a esté mis et produit par devant le sieur Blondeau commissaire à ce depputé. 

    Ouy son rapport et tout considéré. 

    Le Roy en son conseil faisant droit sur l'instance , ordonne que les parroisses du Croisic , Isle et paroisse de Batz , Sainct-Nazaire et Piriac demeureront deschargez du payement des estapes mentionnez au départemen du 24 avril dernier, et que Jean Lescart, Allin David , Pierre Gueluyer et Pierre Leheudé et Thomas Olivard sergent seront eslargis des prisons de Guérande, sy pour aultre cause ilz ne sont retenuz que pour le payemen desdites estapes ; que les deniers que lesdites parroisses auront esté contrainctz payer pour lesdites estapes leur seront renduz par les mesmes voyes sans despens dommages ny intérest. Et faisant droit sur la sommation desdits habitans de Guérande, ordonne Sa Majesté que les taxes imposées sur lesdites trois parroisses, interestz, frais et emprunct faitz pour le département desdites estapes et poursuittes de touttes instances meues pour ce subject seront rejectées sur les autres parroisses de la séneschaulcée de Guérande à proportion de la contribution au rolle des fouages ; et sur la demande desdits habitans du Croissic et Groy juge alloué dudit Guérande a renvoyé les parties au parlement de Rennes, despens reservez pour ce regard. 

    Faict au Conseil privé du roy tenu à Paris le 1 Séjour de novembre 1637. 

    collationné. 

    Forcoal. 

     

     

    (1) Du nom de leur commandant, Charles de La Porte, (1602-1664), marquis puis duc de La Meilleraye, duc de Rethel et pair de France, baron de Parthenay et de Saint-Maixent, comte de Secondigny, seigneur du Boisliet, de La Lunardière, de La Jobelinière, de Villeneuve ; petit-fils d'un riche apothicaire de Parthenay en Poitou, et cousin du cardinal de Richelieu. Il fut nommé lieutenant général au Comté de Nantes le 2 mars 1632, lieutenant général de Bretagne le 28 mars 1632, grand-maître de l'Artillerie de 1634 à 1648, fait maréchal de France en 1639, gouverneur de Bretagne du 9 décembre 1642 au 25 février 1644, surintendant des finances en 1648-1649.

  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, sixième partie

    29 novembre 1627, requête devant le Parlement de Bretagne

     

    Face aux Guérandais qui leur demandaient de contribuer aux frais des garnisons stationnant dans leur ville, et en dépit de leurs privilèges anciens, les Nazairiens adressèrent le 29 novembre 1627 une requête au Parlement de Bretagne pour appeler de l'arrêté du sénéchal de Guérande, dans laquelle ils rappelèrent l'ensemble des décisions ducales et royales qui les dispensaient de contribution (1) : 

     

    A Nos seigneurs du Parlement supplyent humblement les paroissiens de la paroisse de Saint-Nazaire presque environnés de la mer et en l'embouchure de la rivière qui descend de Nantes à la mer, distante de la ville de Guerrande de quatre lieues ou environs. 

    Disantz que de tout temps immémorial les habitants de Guerrande les ont voulu assujettir à plusieurs choses, comme à curer les douves des ville et, chasteau, les capittaines à paier les guez, soubz prétexte que les jurisli étions qui s'exercent a. Sainct-Nazaire aux seigneurs qui ont droict de fieff rellevent de la jurisdiction royale de Guerrande et en un mot qu'ilz sont souez l'estandue dicelle jurisdiction et en arrière fief. 

    C'est pourquoy dés l'an mil-quatre-cent-cinquante-quatre vos supplia us furent contrainctz se pouvoir vers le duc Pierre qui estoient lors le prince souverain en ceste province, pour avoir lettres de lui d'exemption de tous debvoirs et autres qu'eussent peu prétendre les cappitaines et habitans de la dicte ville de Guerrande, fondées sur ce que les dits suppliants estoient exposez en touttes sortes de périls qui peuvent journellement arriver à ceulx qui sont à la coste de la mer, et spéciallement sy proche, comme-ont les suppliants, car la mer donne tous les jours quand les marées viennent jusqu'aux murailles de leur Eglise (2), et par conséquant leur fault toujours estre sur leurs armes tanct de jour que de nuict : ce qui ne se peult faire qu'avecq de très grandes incommoditez et despances ;

    touttes lesquelles choses et autres dignes de considération considérées par ledict seigneur duc Pierre, il leur donna et octroya ses lettres signées de sa propre main, le 28e jour de novembre l'an mil-quatre-cent-cinquatite-quatre, fort amples, contenantes la plaine et entière e.reinption de touttes contributions de levés de deniers de quelque quallitè et nature que ce peut estre, lust-ce pour la construction des murailles de ladite ville qui pou voit estre lhors nécessaire, que curretnent des douves, garde et bref toutes autres choses en quoy ils eussent voulu les assujettir.

    Et est entre autres choses considéré es dites lettres l'incommodité qu'ilz souffraient pour repousser les Anglois antiens ennemis de son Estat. 

    Ce sont les mots portez par icelles.

    Cy vous remonstrent les suppliantz, que depuis l'obtention desdittes lettres d'exemption ilz ont tousjours, de temps en temps, aux changements des dues de ceste province, et depuis qu'elle est annexée a la couronne de France, des roy obtenu lettres de confirmation de leurs dictz privilièges et exemption, mesme du roy à présent régnant, du mois d'aoust de l'an 1626.

    Et néantmoins encore qu'ilz ayent logé et fourny de touttes ustenciles nécessaires, l'espace de huictmois entiers, trays compagnies de gens de guerre, açavoir celles du baron d'Esplantier, du sieur de Toulongeon et sieur du Tancy, du régiment du seigneur d'Estissac ; ceux de ladite ville de Guerrande n'ont laissé de les faire cottizer par le séneschal de ladite ville au mois d'octobre dernier à payer chacun mois la somme de deux cent-deux livres dix soûlz pour ayder à la nourriture des soldats establiz en ladite ville de Guerrande : ce qui n'est soubz correction raisonnable, eu esgard a ce que devant : joinet aussi que deffunct monsieur le mareschal de Thesmines estant deubment assercioré (3) desdictes incommodités, leur dellivra lettres d'exemption le vingt et quatriesme d'octobre dernier, de la contribution et entretènement des deux compagnies qui cstoicnt dans ladite ville de Guerrande, et manda audit séneschal de ne mander aucun département sur eux pour raison de ladite contribution. 

    Comme aussi le roy leur avoit commandé par lettres du IXe du présent mois de se tenir sur leurs armes

    pour repousser les Anglois au cas qu'ilz eussent voullu entrer dans la paroisse à la sortye de l'isle de Ré , pour lesquelles choses il leur a fallu, outre l'ordinaire, acheter plusieurs armes à leurz fraiz tellement que de les surcharger de payer encore par chaincun mois 202 livres 10 sols comme vendent faire les habitants de Guerrande quoy qu'il n'y soient tenuz, ce semit entièrement les ruisner et leur donner subject d'aller habiter ailleurs qu'en ladile paroisse de Saint-Nazaire. 

    Ce considéré, plaise à la cour voir lesdites lettres du duc Pierre du IV jour de novembre 1434, celles de Maximilien et d'Anne, roy et royne des Romains, ducs de Bretaigne, du XIX jour d'avril l'an 1489 (4), celle d'Anne, duchesse de Bretaigne, du 28e janvier l'an 1489, celle de Louys, roi de France, duc de Bretaigne, du mois de mars de l'an 1501, celle d'Henry, roy de France, du mois d'avril 1598, et celle du roi régnant Louys XIII, du mois d'aoust 1626 signée par le roy en son conseil, sur le reply Savary ; l'exemption du deffunt monsieur le mareschal de Thesmines, du 24 octobre dernier 1627, le commandement

    du roy faict aux suppliants de se mettre en armes, etc., et la sentence donnée par le sénéchal de Guerrande en forme de département, des 21, 22 et 23 octobre 1627.

    Et en conséquence maintenir et conserveries suppliants eu la jouissance et possession de leurs dicts droicts et privilèges. 

    Et ce faisant, faire prohibitions et défiances

    tant aux officiers que habitans dudit Guerrande de les imposer et comprandre dans taxes et cotisations desdites levéees, et à tous huissiers ou sergens de procéder à auchunes contraintes, soit contre le général ou contre les particuliers dudit bourg de Sainct-Nazaire, soubz prétexte desdites impositions sur paine de mil livres d'amande et autres qui y escheoient.

     

    Ferez bien.

    Signé : Du Quellenec.

     

    L'avocat-général René de Montigny (5), étudia l'affaire avec soin et écrivit simplement au bas de leur requête et le jour même (6) : 

     

    Veu la requéte, les lettres du cachet de roy, les|lettres patentes de Sa Majesté et l'arrest de vérification d'icelles obtenu par les suppliants, nous consantons les fins de la requéte. Faict au parquette vingt-neuf novembre 1627.

    R. de Montigny.

     

    Cependant les Guérandais argumentèrent que l'exemption du contribuer aux frais du leur garnison n'avait pas été comprise dans les privilèges royaux, et le Parlement rendit cet arrêt (7) :

     

    Extrait des registres du Parlement. 

    Veu par la Cour la requeste des paroissiens de la paroisse de Saint Nazaire remonstrant que de tout temps immémorial, etc. 

    Lettres et privilèges et exemption dt. autres actes attachez a ladite requeste.

    Autre requête desdits habittans de Guerrande à ce que lesfdits habittans de Sainct-Nazaire fussent condamnez à la contribution et département faict par le sénéchal dudit Guerrande pour la nourriture des soldatz ; Conclusions de l'advocat général du roy, et tout considéré, 

    La Cour, sans préjudice des privillèges desdits habitans de Saint-N'azaire eu autre temps et cas, et attendant le payement qu'il plaira au roy à devoir aux gens de guerre en cette province, a ordonné et ordonne que par forme d'estappes et sans tirer a conséquence, ils contribuent à la nourriture desdits soldatz suivant le département qui en sera faict par le Sénécbal de Guerrande, suivant les précédentz arrestz, sauf a se pourvoir pour la surcharge et excez à la taxe, sy aulcune est, ainsi qu'ilz verront. 

    Faict en parlement à Rennes le troisième décembre mil-six-centz-vintrt-et-sept 

    Malescot.

     

     

    Résulta : les Nazairiens furent donc contraints de payer une part des frais de la garnison de Guérande...

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) La marée allait parfois jusqu'au pied de l'église jusqu'à la réalisation des quais des Marées et de La Gournerie en 1877.

    (3) Assercioré = vérifier.

    (4) L'an 1491 d'après notre calendrier actuel, op. cit.

    (5) René de Montigny, fils et petit-fils de gouverneurs de Suscinio et de la presqu'île de Rhuys, était un magistrat fort instruit qui fit souche d'avocats généraux et dont l'un des fils, poète aimable, chanoine de Vannes, puis évêque de Saint-Pol-de-Léon, devint membre de l'Académie française. Il avait succédé peu de temps avant à Paul Hay du Chastelet, nommé maître des requêtes de l'hôtel du roi, et appelé par Richelieu près de lui pour défendre sa politique par la plume, qui fut chargé de prendre les conclusions.

    (6) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

     

     

  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, cinquième partie

    1627, les Guérandais profitent de " la guerre des Rohan "

     

    Peu de temps après, alors que le Roi est pari à La Rochelle afin d'activer la campagne de siège de la ville, des mouvements de troupes ont lieu sur tout le littoral, et le 24 octobre 1626, le marquis de Thémines (1), gouverneur du Duché, prit de son quartier général d'Auray, l'arrêté suivant, en faveur des habitants de Saint-Nazaire (2) :

     

    Le marquis de Thémines. maréchal de France, gouverneur et lieutenant général pour le roy en ses pays et duché de Bretaigne. 

    Attendu que la paroisse de Saint-Nazère reçoit assez d'incommodités par le logement des trois compagnies du régiment d'Estissac qui y sont en garnison, nous avons exempté la dite paroisse de la contribution pour l'entretènement

    des deux compagnies qui sont en garnison dans la ville Guérande. Mandons à cest effect au séneschal de la dite ville de Guérande de ne donner aucun despartement sur la dite paroisse de Saint-Nazére pour raison de la dite contribution. En foy de quoy nous avons signé çes présentes, à icelles fait mettre le cachet de nos armes et, contresigner par nostre secrétaire. 

    A Auray ce vingt-quatrième octobre 1627.

    Thémines.

    Par Monseigneur... . sin. (La feuille est déchirée).

     

    La situation devant La Rochelle s'aggrava et Louis XIII adressa cette lettre aux Nazairiens (3) :

     

    De par le roy. 

    Chers et bien amez, les Angloys ayaie esté confrainetz d'abandonner l'isle de Ré par les troupes que nous y avons faict passer soubz la conduite de notre cousin le maréchal de Schomberg, et de s'embarquer dans leurs vaisseaulz, nous avons jugé à propos de vous en donner advis et de vous ordonner, comme nous faisons très expressément, de veiller et pourveoir de sorte à la seureté et conservation de Saint-Nazaire que s'y ilz avoient dessein d'y descendre, ilz ne le puissent exécuter. A quoy vous ne ferez faulte.

    Car tel est notre plaisir. 

    Donné au camp devant la Rochelle, le IXe jour de novembre 1627. 

    Louis.

     

    Les Guérandais profitèrent de cette situation de crise, ceux-ci demandèrent au marquis de Thémines un arrêté pour faire participer toutes les villes relevant de la juridiction de Guérande, à l'entretien de sa garnison. Quoique fort malade, le gouverneur ne se laissa pas surprendre, et tout en faisant publier par le maréchal de camp Henri de Volvire du Bois de La Roche (4), un arrêté conforme, il eut grand soin d'y faire insérer une mention spéciale pour Saint-Nazaire (5) :

     

    Le sieur Comte du Bois de la Roche, maréchal des campz de l'armées du Roy : 

    Attendu que les paroissiens quy ont ci-devant, accoutumé de contribuer pour l'entretènement de compagnyes des gens de guerre quy sont en garnison en la ville de Guerrande demeureroient trop chargées aucune de celles nui sont de la juridiction de ladicte ville de Guerrande demeurait exampte :

    Nous avons ordonné qu'aucune ne pourra estre deschargée de ladite contribution non pas mesme celle du Croisicq. Et d'aultant que la paroisse de Saint-Nazaire reçoit assez de foulle par le logement des trois compagnies du régiment d'Estissac qui y sont en garnison,

    Nous enjoignons que la paroisse de Monthouer contribue pour sa part et portion à l'entretement et nourriture desdictes deux compagnies qui sont en Guerrande et ce jusques à tant que la paroisse de Saint-Nazaire prendra la place deladite paroisse de Monthouer et fournira pour l'entretenemant desdictes deux compagnies qui sont à Guerrande à proportion des autres ; à quoy ilz y seront contrainctz par touttes les voyes dues et raysonnables. 

    En foy de quoy nous avons signé ces présentes, et icelles faict contresigner par nostre secrétaire 

    A Auray, le cinquième jour de novembre mil-six-cens-vingt-sept. 

    Bois de La Roche. 

    Par Monseigneur, Dauny 

     

    Face a cette situation exceptionnelle, les Guérandais entamèrent une procédure, leur sénéchal, qui avait appris le départ des trois compagnies d'Estissac (6), fil signifier aux habitants de Saint-Nazaire, par un sergent d'Escoublac, l'ordre de payer 202 livres 10 sols, suivant le rôle arrêté par lui les 21, 22 et 23 octobre précédents (7) :

     

    Extraict de l'esgail et despartement fait par monsieur le sénéchal de Guerrande sur toutes les paroisses du ressort de la juridiction et généralité pour la pansion des soldats establiz en garnison en la ville dudict Guerrande, en date des 21, 22 et 23 jour d'octobre 1627. 

    La paroisse de Saint-Nazaire, la somme de deux cens deux livres dix sols.

    Du payement de laquelle somme les paroissiens de ladicte paroisse seront contrainctz nonobstant oppositions ou appellations quelconques et touttes autres voyes, sans préjudices d'icelles, comme lesdits deniers estons levez pour les propres affaires du roy : et seront mis es mains du sieur Pierre Chanu commis à la recepte d'iceux qui en fera le payement auxdictz soldats sellon l'ordre qu'il a esté statué a costé sur le dict despartement.

    Signé : De Roussillon, Daniel, Jégo, etc.

     

    Le sergent d'Escoublac transmit l'ordre, et adressa aux Nazairiens la lettre suivante (8) :

     

    Dans tiers jour prochain pour tous délay en la ville de Guerrande, entre les mains du sieur Pierre Channu. receveur estably de justice à la recète des deniers ordonnez pour la taxe et contribution à la nourriture fies soldas des deux compagnies fies sieurs de Pompignan et de Lauvergnac estans à présent en garnison en la ville de Guerrande. 

     

    Les Nazairiens n'en pouvant plus, adressèrent le 29 novembre une requête au Parlement de Bretagne...

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.
    (2) Pons de Lauzières de Cardaillac, marquis de Thémines (1553-1627) , fut créé maréchal de France en 1616 après l'arrestation de Condé. Nommé gouverneur de Bretagne en 1627, le parlement de Bretagne lui transmit plusieurs plaintes duent aux désordres régulièrement commis par ses soldats. Il décéda en son quartier général d'Auray le 7 novembre 1627.
    (3) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.
    (4) Il était fils de Philippe de Volvire, baron de Ruffec, famille qui a possédé la seigneurie de La Motte-Allemand
    (5) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.
    (6) Du nom du propriétaire de la compagnie : Benjamin de La Rochefoucauld, baron d'Estissac.
    (7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.
    (8) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.
     
     
  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, quatrième partie

    1626 Louis XII confirme les Nazairiens dans leurs privilèges

     

    L'Edit de Nantes ne ramena qu'une paix provisoire, malgré la volonté de ramener la paix, Henri IV laissa s'instituer un état dans ses états en accordant des privilèges particuliers aux Huguenots, et la pleine jouissance de certaines villes. Les Protestants se virent attribuer la pleine jouissance de certaines villes. Louis XIII, qui venait d'écraser les troupes de sa mère à Pont-de-Cé (1) août 1620, décida en octobre de rétablir le catholicisme comme religion d'Etat, s'ensuivirent alors des conflits qui aboutirent le 25 décembre à la décision des chefs huguenots réunis à La Rochelle de constituer une république sur le modèle des Provinces-Unies, ils désignèrent pour chef Henri duc de Rohan (2). Si la guerre civile n'est pas officielle, elle est cependant réelle. Les Calvinistes attaquent des places fortes, et tentent de se rendre maîtres des côtes, des ports et des estuaires. En 1624 ils attaquent Saint-Nazaire où la garnison les repousse. 

    En août 1626 Louis XIII séjourna à Nantes pour galvaniser ses troupes, les Nazairiens font montre au Roi de leurs services de garde-côtes, de leur résistance inébranlable contre les attaques huguenotes, leur fidélité à toute épreuve à la Couronne, et leurs griefs contre les perpétuelles exigences de Guérande. Louis XIII, pour les récompenser, leur donne la confirmation de leurs anciennes franchises et leur octroya de nouvelles lettres patentes (3) :

     

    Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présants et advenir, salut.

    Nos chers et bien amés les manants et habittans de la paroisse du Saint-Nazaire en notre pays de Bretaigne nous ont fait remonstrer que pour bonnes et grande considérations, le duc Pierre d'heureuse mémoire, en l'année 1454, leur aurait octroyé plusieurs beaux et grands privilèges franchises et immunitez qui leur auraient esté continuez et confirmez par nos prédécesseurs roys successivement, mesmes par le feu roy nostre très honoré seigneur et père, ainsy qu'il nous est apparu par les dites lettres de confirmation antres pièces cy-attachées soubz le contrecel de notre chancellerye. requérant qu'il nous pleust leur voulloir octroyer nos lettres de confirmation sur ce nécessaires. 

    A ces causes, désirant traicter favorablement les exposans et les maintenir en leurs dits privilèges franchises et libertez. Avons auxdictz exposans de nos grâces spécialles, plaine puissance et authorité royalle, continué et confirmé, continuons et confirmons par ces présantes, tous et chacuns lesidicts privilèges franchises et immunitez, pour en jouir et user par eux et leurs successeurs tout ainsy qu'ils ont cy-devant et bien et deument joui et usé, jouissent et usent encore de présent. 

    Cy donnons en Mandement au séneschale de Guérandeou son lieutenant et tous nos justiciers et officiers qu'il appartiendra que de nos présans continuation, confirmation et contenu cy dessus ils fassent lesdits exposans et leurs successeurs jouir et user ptainement, paisiblement et perpétuellement, ce«sans et faisant cesser tous trouble et empeschemens au contraires. 

    Cartel est notre plaisir. 

    Et afin que ce soit chose ferme et stable a tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces dites présantés, sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. 

    Donné à Nante au mois d'aoust l'an de mil-six-cens-vingt-six et de nostre règne le dix-septiesme. 

    Par le roy, en son conseil, 

    SAVARY.

     

    (1) Marie de Médicis qui avait exercé la régence durant la minorité de son fils, ne voulait pas quitter le pouvoir, Louis XIII fut contraint de l'exiler à Blois, mais celle-ci déclencha une guerre civile dans le but de renverser son fils. Elle perdit définitivement le 7 août 1620 à la bataille de Pont-de-Cé, et du s'enfuir à Cologne. Le peintre Rubens la logea et l'entretient jusqu'à son décès en 1640. Elle vécut les dernières années de sa vie dans le dénuement, et décéda à Cologne de la gangrène le 3 juillet 1642.

    (2) Henri de Rohan, dernier duc de Rohan de cette maison, né à Blain le 25 août 1579, mort à Genève le 28 février 1638. Chef des Huguenots, il dut s'exiler après le siège de La Rochelle en 1629, sa fille unique, Marguerite, épousa Henri de Chabot, et transmit les titres et biens des Rohan au Chabot. 

    (3) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, troisième partie

    Avril 1598, Henri IV confirme les Nazairiens dans leurs privilèges face aux Guerandais

     

    Ayant abjuré le 25 juillet 1593 à Saint-Denis la Foi calviniste, Henri IV est sacré roi à Chartres le 27 février 1594. La guerre est officiellement déclarée le 17 janvier 1595 contre les Espagnols qui occupent la Bretagne. Le roi conquit le Duché, et fait son entrée à Nantes où il signe le 13 avril 1598, l'Edit de Tolérance, dit Edit de Nantes, espérant ainsi réconcilier Catholiques et Huguenots, mais aussi ramener à lui la noblesse calviniste qui lui reproche sa conversion religieuse. Profitant du séjour du souverain, les Nazairiens obtinrent de se faire confirmer dans leurs privilèges. Pour ce faire, ils déclarèrent que les titres originaux avaient été perdus durant la guerre, ce qui est faux, attendu qu'avant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ceux-ci étaient archivés à la Mairie. La manœuvre était politique, et finement pensée : les Nazairiens savaient qu'ils auraient toujours à défendre leurs acquis, et que les engagements passés pouvaient toujours être abolis par un nouveau souverain, on n'avait pas respecté tous les articles de l'Edit d'union de 1532. Le Roi délivra les lettres suivantes (1) : 

     

    Henry, par la Grace de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. 

    Sçavoir faisons nous avoir receu humble supplication de nos chers et bien amez les manans et, hahitans de la paroisse de Saint-Nazaire, en notre pais de Bretagne, contenant que dès le XIVe novembre mil-quatre-cens-cinquante-quatre, feu de bonne mémoire le duc Pierre, par ses lettres et mandemens et pour les causes y contenues les avoit affranchiz, et exemptez d'assisteret contribuer aux réparations de notre ville et chastelni de Guerrande, ce qui leur avoit esté continué et confirmé par nos prédécesseurs roys successivement, tnesmes par le feu roy dernier décédé notre très honoré seigneur et frère.

    Au moyen de quoy ilz auraient bien et deuement jouy et usé des dits privilèges et en jouissent encores du présent.

    Touteffois par ce qu'ilz n'ont esté par nous confirmez; aussy que pendant les troubles les conflrmations qu'ilz avoient obtenu d'iceux denosdits prédécesseurs ont esté perdus et

    adhirez avecq autres leurs titres et papiers, ocasion de quoy ils n'en pourraient faire apparoir, ils doublent qu'à présent on les voullut empescher en la jouissance d'iceux, nous supliant et requérant sur ce leur pourveoir.

    Pourquoy nous, ces choses considérées, désirant maintenir lesdits exposans en leurs privilèges, franchises et libertez, Avons ausdits exposans continué et confirmé et de notre grâce spéciale, plaine puissance et authorité royale, continuons et confirmons tous ou chacuns lesdits privilèges, franchises et immunitéz, : et iceulx de nouveau autant que besoing est ou seroit, donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes pour en jouir par eux ou leurs successeurs pleinement, paisiblement et perpétuellement tout ainsy et par la mesme forme et maniere qu'ilz et leurs prédécesseurs en ont cy devant bien et deuement jouy et usé, jouissent et usent

    encores duprésent. 

    Cy donnons en mandement au sèneschal de Guerrande, à son lieutenant et à tous noz justiciers et officiers qu'il appartiendra, que de nos présentes continuation et conflrmation et contenu d'icelles ils facent lesdits et posans et leurs successeurs jouir et user plainement paisiblement et perpétuellement, cessans et faisans cesser tous troubles et empeschemens à ce contraires, nonobstant que lesdites supplians ne rapportent les conflrmations de nosdits prédécesseurs, perdues et adhirées comme dit est que ne leur voullons nuire ne préjudicier, ains les avons relevez et relevons de notre mesme puissance et authencrite que dessus. 

    Car tel est notre plaisir. 

    Et afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons faict mettre notre scel à ces dites présentes. sauf en autres choses

    notre droit et l'autruy en touttes. 

    Donné a Nantes au mois de avril l'an de grâce mil cinq cens quatre vingt dix huict et de notre règne le neufviesme. 

    Par le roy en son conseil.

     

    De VERTOU.

    Visa contentor, BOCCHERY. (Et scellées du grand sceau en lacs de soie rouge et verte.)

     

    A la suite de l'accession des Bourbon au pouvoir, les Nazairiens prirent soin de se faire confirmer dans leurs privilèges à chaque avènement.

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

  • Les Nazairiens, les murailles de Guerande, et ce qui en découla, deuxième partie

    1490-1491, les Nazairiens, les douves de Guérande, et la duchesse Anne

     

    Durant l'hiver 1489-1490, les Guérandais tentèrent une nouvelle fois de faire contribuer les Nazairiens à l'entretien de leurs fortifications, en obligeant les manants de la paroisse de Saint-Nazaire à venir bêcher les douves de leurs remparts, ou à payer une taxe dans le but de financer les travaux. Il fallut des lettres formelles (1) de la jeune duchesse Anne, pour confirmer les Nazairiens dans leurs dispenses :

     

    ANNE, par la grâce de Dieu, duchesse Bretaigne, comtesse de Montfort, de Richemont. d'Estampes et de Vertus, à tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.

    De la part de noz subgectz les paroissiens manants et habitants de la paroisse de Saint-Nazaire. nous a esté humblement remonstré que dès le XXIV jour de novembre l'an que dit fut mil-quatre-cinquante-et-quatre, feu notre très cher et très amé frère et oncle le duc Pierre, que Dieu absoulle, par ses lettres et mandemens patens et pour les causes y contenues, franchist et exempta itosdits subgectz de toute contribution et ordonnen ce qui par noz capitaine et officiers de Guerrande eust peu pour le temps lors avenir avoir esté faicte sur nosdits subgectz pour la réparation et emparement (2) de notredite ville,ainsi que apert par ung vidimus dudit mandement fait par notre court de Guerrande le vingt et deuxième jour d'avril de l'an cinquante huict, passé devant, et scellé du seau des actes de notre dite court, duquel vidimus nosdictz subjects ont aparu a suffire, et que, de la dicte franchise nosdictz subjetz depuis ledit temps ont toujours jouy jusques apuit naguères que noz capitaine et officiers dudii lieu de Guérandeles ont voulu contraindre à venir réparer les fosses et les douves de notre dite ville, et contribuer aux mises de la réparacion d'icelle, quelle chose leur ceré à grand préjudice et domaige, obstant mesmes les grandes pilteries et oppositions qu'ilz ont eu et soustenu durant ceste dernière guerre, par les Aulonnayes (3) qui vindrent par mer à l'entrée de la rivière de Loire, etaussy les grandes charges qu'ils ont présentement à porter, tant à la soulde de leurs francs archers que autres subcides, nous suplians qu'il nous plaise sur ce leur pourveoir de remède convenable, humblement nous le requérant. 

    POUR QUOI, NOUS, les dictes choses considérées, voullant ensuivre le bon voulloir et intention de notre dit oncle, et pour autres causes à ce nous mouvans. avons aujourd'huy par délibération de notre conseil, confirmé, loué et éprouvé, confirmons louons et éprouvons ladite franchise ; voullans et voulions qu'ilz en jouissent pleinement et paisiblement au désir d'icelle, et de ce voulions que nosdictz subgectz puissent jouir et leurs successeurs après eux. Chacun en son temps.

    CI DONNONS ENMANDEMENT à noz capitaine, séneschal. alloué, lieutenant, procureur, controlleur, receveur et miseur de notre dite ville de Guerrande de présent, à ceulx qui pour le temps avenir le seront et à chacun en droit soi, si comme à lui appartiendra, de cette présente franchise mire souffrir, jouir et user nosdits subgectz ainsi qu'ilz ont par cy devant fait au moien de la dite franchise de notre dit oncle, sans les contraindre et compotier d'aller ne envoier à la dite réparation ne y contribuer en mise ne aucune manière. Cy gardez que en ce n'ait faulte, car c'est notre plaisir, et voulions que au vidimus de ces présentes retenu soubz scel des actes de notre conseil ou de nos plaine foi soit ajoustée comme à ce présent. 

    Donné en notre ville de Rennes, le XXVIIIe jour de Janvier l'an 1489.

    ANNE

    Par la duchesse, de son commandement.

    G. Richart.

     

    Il est à remarquer que ce document est daté du 28 janvier 1489, mais en raison de notre calendrier actuelle, elle doit être reporté à l'année 1490. En effet, en Bretagne, on ne commençait alors l'année qu'à la solemnité de Pâques, qui n'arriva que deux mois plus tard (4).

     

    Sans titre-1.jpg

    Sceau de la duchesse Anne, d'après Don Morice.

    coll. comte Jehan-Richard d'A. de P.

     

    On aurait pu croire l'affaire arrêter, mais les Guérandais ne l'entendirent pas ainsi. Les travaux de bêchage coûtaient fort cher, et tous les moyens étaient bons pour diminuer la facture. Les Guérandais eurent alors l'idée dans leur plaidoirie auprès de la Chancellerie ducale, de reconnaître formellement les droits des Nazairiens, mais avancèrent pour ce cas particulier, seulement, et « sans tirer à conséquence », il existait un problème de sécurité publique pour toute la presqu'île en raison des risques d'épidémies. La Chancellerie produisit alors les lettres suivantes :

     

    Maximilian et Anne (5), par la grâce de Dieu roy et royne des Romains, ducs de Bretaigne, etc. 

    A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.

    De la part de nos subgectz les paroissiens contributifs à fouaige de la paroisse de Sainct-Nazaire. nous a esté remonstré que autrefois, par nos prédécesseurs, ils ont esté franchiz et exemptez d'aller bêcher es douves de notre ville de Guerrande, et que depuis avons confirmé la dite franchisse ; et néantmoins notre capitaine de Guerrande veult et s'efforce les contraindre bêcher lesdites douves, qui leur tourneroit à très grant préjudice et domaige. 

    Nous suppliant qu'il nous plaise sur ce leur pourvoir de remède convenable, très humblement nous le requérant. 

    Pour quoy, nous, les dites choses considérées, voullant nodits subgetz maintenir et entretenir en leurs libertés et franchises, et pour autres causes à ce nous mouvans, voulions et ordonnons par ces présentes que, quelque contrainte qui soit ou puisse estre fait-te à nos dits subjectz d'aller à la dite béche, soit pour ce présent affaire seulement, sans ce que en l'avenir il leur puisse porter aucun préjudice, ne que notre dit' capitaine ne autres le puissent attirer à aucune conséquence. Et pour valloir à nosdits subjectz leurs avons baillé ce par nos présentes lettres. Car c'est notre plaisir. Donné en notre ville de Rennes soubz les seign et scel de nous. 

    ANNE 

    par la royne, en son conseil, G. Richart.

     

    Les Nazairiens furent donc contraints à contribuer à l'entretien des fortifications de Guérande à titre exceptionnel, mais cette exception relança les Guérandais dans leur objectif de faire des Nazairiens leurs contribuables. Les procédures pour ce faire devinrent alors régulières.

     

     

    (1) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

    (2) Emparement : additions aux remparts.

    (3) Les habitants d'Olonnes en Vendée.

    (4) Le premier jour de l'année a été fixé à la date du 1er janvier par l'Édit de Roussillon du 9 août 1564, voulu par le roi Charles IX, avant cela, l'année commençait à des dates différentes selon les diocèses : à Lyon elle débutait soit à Noël, à Vienne le 25 mars, en Bretagne le jour de Pâques.

    (5) La duchesse Anne avait épousé par procuration à Rennes le19 décembre 1490 le futur Maximilien Ier, roi des Romains, (par la suite empereur romain germanique). Cette union jamais consommée fut cassée par le roi de France Charles VIII qui obligea Anne à l'épouse officiellement au château de Langeais le 6 décembre 1491, Ce mariage ne fut validé qu'après