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Les Nazairiens en procès contre le fermier-général, troisème partie

Après une foule de procédures lancées par Jan Le Noir de La Robinnière (1), la chambre des Enquêtes du parlement de Rennes rendit, le 22 décembre 1641, un arrêt confirmant le jugement du sénéchal de Guérande, mais cet arrêt n'avait pas été rendu dans toutes les formes requises, aussi les Nazairiens se pourvurent en cassation, et finalement s'adressèrent en janvier 1645 directement au Roi, afin d'épuiser toutes les juridictions (2) : 

 

Au roy :

Sire, 

honorable homme Jacques Hourée et aultres vendans vin en la paroisse de Saint-Nazaire, et le gênerai les paroissiens d'icelle joinet avec eulx, vous remonstrent très humblement qu'estant subjeets à la deffense des costes cette province de Bretagne, leurs prédécesseurs aiant rendu des servits signalez à vos prédécesseurs Roys et autres princes souverains de ladite province, lesdits seigneurs auroient accordé de temps en temps aux supplians l'exemption du droit de billot des vins qui sont vendus et débitez en ladite

paroisse,

En laquelle exemption aiaut esté troublez du temps de Henri Quatre vostre ayeul, il aurait déclaré par ses lettres attentes maintenir les supplians en ladite exemption.

Depuis lesquelles, lesdits supplians en aiant toujours jouy et voiant. lors des Etats tenus à Vannes en vostre province de Bretaigne en l'an 1642, que les fermiers de l'impost et billot menacoient les supplians de trouble, souz prétexte que tesdits droictz ont été baillez par engaigement au seigneur de la Melleraye, lieutenant de Vostre Majesté en cette province (3), les supplians auraient baillé leur re«iueste aux gens desdits Estats pour estre maintenus en leurs anciennes libériez et possession de ladite exemption; lesquels aiant faict entendre audit seigneur mareschal ce bon droiet des supplians, il aurait consenty quil eu fust faict article exprès dans le contrat d'entre lesdicts Estats et Vostre dite Majesté.

Au moyen de quoy les supplians s'estimant à repos sont néanlmoins estonnez que, le 13e janvier 1643. Charles Bernard et autres taverniers et hostes débitans vin en ladite paroisse ont esté condemnez par le séneschal de Guerrande de paier ledict devoir de billot à Jan Lenoir soy disant faire pour les fermiers généraux dudit devoir ;

De laquelle sentence les cy-dessus, nommez s'estant rendus appelans, le procès n'estant pas en estât d'être juge sans l'intervention des supplians ew gens desdicts Estats, desquels les privilèges estoiens préjudiciez par ladite sentence, auroit néanlmoirs esté renvoie en la Chambre des unquestes de notre sire dit parlement, oii sans avoir signiffié l'arrest de renvoy, n'y faict aucune instruction dudit procès en ladite Chambre, arrest aurait esté rendu le 22e décembre dernier, par lequel ladite sentence auroit esté confinée avec condamnation de despans contre lesdits vendans vin ; lequel arrest aiant este signifié avec assignation pour voir liquider lestltts devoirs de billot prêt mltis par ledit Le Noir, lesdits supplians paroissiens se sont opposé à l'erectiond'iceluy, comme préjudiciabte a leurs dicts privilèges et longue possession.

Vous remonstrent lesdits supplians que ledit arrest du 22e décembre a esté obtenu par une très grande surprise et précipitation de la part dudit Le Noir, pour n'avoir esté baillé défense n'y contredietz au procès, et lesdits paroissiens n'aiant peu intervenir par la précipitation dudit renvoy en ladite chambre des enquestes, qui n'a esté signifié aux parties ny procureurs ; sans laquelle précipitation les supplians eussent nu-ouvré leurs tiltres desquels ils sont à présent saisis, pour vériftier ladite exemption ; mesmes ils eussent fait voir à vostre dite cour la résolut ion desdits Estats arrettée à Vannes, par le consentement dudit seigneur mareschal de la Melleraye, au préjudice de quoy vostre dite cour n'eust point rendu ledit arrest, ce qui se trouve contraire non-seulement ausdits tiltres, mais à l'intention de Vostre Majesté, et confirmation des droicts et privilèges la province qui doit subsister.

A ces causes, les supplians.

Sire,

Qu'il vous plaise remettre tes parties en l'estat qu'elles estoient avant ledit arrest du 22e décembre 1644. Et les supplians seront obligezde prier Dieu pour vostre sacrée personne.

Signés : R. De la Marqueraye, J. Lebel, Trematidant (4).

 

Précisons qu'à Charles Bernard, Denys Ferré, Guillaume Boullée, Francoys Denyaux, Denys Ferré et femme, Charles Bernard , André Molle, et Guillaume Boullél, déjà cités, la liste des plaignants s'allonge (5) : la noble dame Jacquemine du Boisbrassu (6), veuve de Jacques Hemery, écuyer, (qui ont laissé leur nom au quartier du Clos Hémery à Saint-Marc où était leur vignoble), les honnêtes bourgeois Catherine Hambourg, Julien Legentil, Pierre Aubin, Dommique Durand, Pierre Déniait, René Raba, Jan Dénié, Guillaume Du Sable, Pierre Moyon, Guillaume Hervé, etc. 

Les appelants étaient dispensés de payer le billot jusqu'au dénouement de l'affaire, et ils veillaient que dans leurs procédures soit toujours mentionné : « en conséquence faire d'abondante expresses inhibitions et deffenses audit intimé deffendeur (Jan Lenoir) de faire mettre ledit calcul dont est appel à exécution, et à tous huissiers sergents de faire aucunes contrainctes en vertu d'iceluy à peine de mil livres d'amendes et de tous despans, domaiges et interests. Et autres plus grandes peines qui y eschéent... (7) » ... et si quelquefois Jan Le Noir et ses sergents outrepassaient leurs droits, une procédure était lancée... La régente Anne d'Autriche décida, en juin 1645, au nom du jeune Louis XIV, de confirmer les Nazairiens leurs privilèges, et leur adresse les lettres suivantes (8) :

 

Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous présants et advenir, salut.

Nos bien amez les manantz et habitans de la paraisse de Saint-Nazaire en nostre province de Bretagne, nous ont faict remonstrer qu'en eonsidérition de ce que la dicte paraisse est située sur le boni de la mer à l'embouchure de la rivière de Loire, et de ce qu'ilz sont obligez à faire continuellement le guet et garde pour empescher les descentes et invasions des ennemis de cet Estât, les ducs de Bretagne et successivement après eux les roys de France nos prédécesseurs, depuis l'union dudit pais à nostre couronne, leur ont accordé plusieurs beaux privilèges, particulièrement l'exemption de contribuer aux reparaftbons et et entretènement des murailles et fortifications de nostre ville de Guerrande, du payement du debvoir de billot quy avoit esté mips sus pour fournir aux frais d'icelles, ainsi qu'il apert par lettres patentes du duc Pierre, etc. [suit la répétition du titre de toutes les lettres ducales et royales déjà obtenues], en conséquance desquelles ilz ont encore esté confirmez en l'exemption de contribuer aux estapes de notre dite ville de Guerrande par arrest contradictoire rendu en nostre conseil. le trois novembre 1637 entre les habittans d'icelle et lesditz exposants; et lesquels, pour faire cesser le trouble dont ils sont menacez et la jeuissance des ditz privilèges et exemption par personnes qui prétendent avoir obtenu quelque arrest a leur préjudice, sous prétexte qu'ilz n'ont estez par nous confirmes depui nostre advènemei t à ta couronne nous auraient très humblement requis et suplyé de leur voulloir pourvoir et octroyer nos lettres à ce nécessaires.

A ces causes, voullans favorablement traiter les dictz exposants par les mesmes raisons qui ont meu nos prédécesseurs de considérer les pénibles services auxquels ils sont assujettis à cause de la situation de la dite paroisse, nous avons à iceux exposants, continué et confirmé et de nos grâces spécial les, plaine puissance et auctorité rayalîe, continuons et confirmons par ces présantes tous et chacuns les dictz privilèges et exemptions mentionnez es dictes lettres nattantes et arrest de notre conseil cy attachés soubz le contrescel de notre chancellerie, pour en jouir par eux et leurs successeurs en la mesme forme et manière qu'ilz ont cy-devant bien et deument jouy et uzé, jouissent et usent encore de présant 

Cy donnons en mandement k nosamezet féaux conseillers des gens tenants nostre cour de parlement à Rennes, séneschal de Guérande, de son lieutenant et tous autres nos juges et officiers qu'il appartiendra, que ces présantes nos lettres et continuation et confirmation, ils ayent à faire enregistrer et du contenu en icelle et en précédantes lettres et arrest susdictz ils lacent, souffrent et laissent jouir et user les exposantz et leurs successeurs, plainement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empescbemens, nonobstant touttes choses à ce contraires.

Car tel est nostre plaisir.

 

Et affin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces dictes présantes.

Donné à Paris au mois de juin de l'an de grace de 1645 de nostre règne le deuxiesme.

Signé par le roy, Du Motey. visa contentor, de Diotz [Scellées du grand sceau de cire verte à lacs de soie verte et rouge.]

 

Les Nazairiens firent enregistrer la nouvelle collation de lettres royales au Parlement de Bretagne par requête datée du 1er juillet, le même jour Gilles Huchet, garde scel du Parlement, prit des conclusions en leur faveur, et le 3 juillet la cour ordonna :

 

Que les dictes lettres pattantes seront enregistrées au greffe d'iccele pour en jouir les impétrants bien et deubment suivant la volonté du roy, comme ils ont faict au passé.

Faict au parlement, à Rennes, le traisiesme jour de juillet 1645. 

Signé : 

Monneraye.

 

Un arrêt du 8 juillet 1645 annulait purement et simplement l'arrêt du 22 décembre 1644, et leur donnait raison contre Jan Lenoir de la Robinière. Nous n'en citerons pas le très long préambule ni les considérants, mais il est utile d'en donner ici les conclusions (9) : 

 

En conséquence, tout meu rement considéré, la cour, sans s'arrester à la fin de non recevoir, ayant esgard auxdittes lettres en forme de requeste civille (10) et icelles entérinant, a remis et remet les parties en tel et pareil estât qu'elles estoiett arant l'arrest et exécutoire contre lesquelz [les lettres] ont esté obtenues ; faisant droit aux appellations et requeste affln de rejection d'exécution, a mis et met icelles appellations et ce dont a esté appelle au néant, corrigeant et refformant les jugemens, et debout lé ledit Lenoir de ses demandes, fins et l'inclusions, et a déclaré les exécutions faites aux biens dés ditz habitans et paroissiens, injurieuses, tortionnaires et mat faites ; condamne ledit Lenoir de rendre les deniers par luy louches et les biens execullez en essence non détériores, synon en payer la juste valleur à esgard des gens à ce congnoissans (11) dont les partyes conviendront ou qui sur refus Lenoir seront donnez d'office, et au.c despans des causes principalles et d'appât, instance de requeste civille et de rejections d'exécutions et de tout ce que s'en est ensuivy, dommages et intérests desdites exécutions, lesditz dommages et intérests modérez à trente livres.

Fait en parlement à Rennes, le 8e juillet 1643, prononcé à la barre de la cour, dictz jour et an.

Collationné.

Signé : 

Monneraye.

 

Cela n'arrêta cependant pas le fermier général qui s'acharna contre les Nazairiens...

 

 

 (1) Nous rapportons ici le propos de René de Kerviler, qui étudia les actes aujourd'hui disparus, mais dont il ne fit pas retranscription, et qui sont à jamais perdu en raison des bombardements Alliés.

(2) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

(3) Voici exactement l'extrait du contract fait en la ville de Vannes le 20e jour de février 1643, entre nos seigneurs les commissaires du Roy et messieurs des Estats de Bretagne. » «... Accordant semblablement nos dictz seigneurs les commissaires que les engageâtes debvoirs d'impostz et billotz de celte province puisant jouir que en la mesme forme que l'on en jouirait avant l'engagement, soit par droit d'exemption ou entienne possession, et en cas de contravention permettent aux complaisants se pourvoir devant les juges des lieux et par appel au parlement de la province. - Délivré par extrait par moy, conseiller secrétaire du Roy, rapporteur dudict contrat : - Monneraye ; (René de Kerviler, op. cit.).

(4) Ils étaient tous avocats en la cour.

(5) Liste de noms recensés par René de Kervilers dans son étude approfondie des pièces du procès, op. cit.

(6) Issue de Jean de Boisbrassu, écuyer, trésorier du prince Gille de Bretagne, fils benjamin du duc Jean V.

(7) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

(8) Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

(9)  Relevé et retranscrit par René de Kerviler, op. cit.

(10) Celle de l'arrêt du Conseil du Roi du 13 janvier 1643.

(11) C'est-à-dire des experts.

 

 

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