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  • Le Groupe Artistique de Saint-Nazaire et le Groupe de Indépendants

    La création du Groupe Artistique :

     

    En 1904 et 1905, l'ingénieur des Pont-et-Chaussées et peintre amateur Beilvaire Charles (Paimboeuf 1861 - 1952 Nantes)[1], aidé financièrement par Gustave Bord[2], organisa deux expositions au Cercle de Géographie de Saint-Nazaire, regroupant les œuvres d’artistes nazairiens. Malheureusement le succès fut mitigé, et la ruine du mécène de ces expositions laissa les artistes sans possibilité.

     

    En 1912 Victor Lamoureux[3], directeur de la caisse d'épargne et de prévoyance de Saint-Nazaire, qui s'adonnait en amateur à la sculpture en réalisant des modelages, décida de réunir des collectionneurs de ses relations afin de créer une société artistique regroupant artistes et amateurs d’art, et qui aurait pour but de promouvoir les créateurs locaux en les sortant de leurs ateliers. Il poussa l’idée avec la création d’une école de beaux-arts. le projet se nomma initialement Les Amis des Arts, mais après la création d'un comité provisoire, il fut choisi de la baptiser Groupe Artistique.

    Le Groupe Artistique de Saint-Nazaire fut ainsi fondé en 1913 par Victor Lamoureux, avec le concours de monsieur Pied, de Geroges Dommée[4], et du docteur Meloche[5]. Dès le mois d'août 1913, la Commission du Musée fit acquisition d'aquarelles et de tableaux ayant un "caractère local " auprès de ce groupe.

     

    La Première-Guerre-mondiale mit en sommeil le Groupe artistique, et il fallut attendre 1919 pour que celui-ci reprenne son activité, toujours sous l’impulsion de ses fondateurs, et avec l’aide du journaliste Pierre Norange[6] qui combattit l’opposition que souleva la réouverture des cours d’art. En récompense il devint le secrétaire de l’association. Le comité central du Groupe, composé de 15 membres renouvelables part tiers chaque année, était présidé par le docteur Méloche, suppléé par Victor Lamoureux, (membre de la commission du Musée de Saint-Nazaire depuis décembre 1914), et Louis Joubert, (président de la chambre de commerce de Saint-Nazaire, remplacé par Louis Brichaux en 1938), choisit de placer les activités d’enseignement de l’école qu’il fonda sous la direction du peintre impressionniste Georges Eveillard[7], qui donna des cours de dessin et de peinture, et qui fut rejoint par messieurs Chartier et Périgo.

    Georges Eveillard (Nantes le 2 juillet 1879 - Nantes le 25 février 1965), était un peintre d’inspiration postimpressionniste, représente essentiellement des marines et paysages bretonnants de l’Estuaire de la Loire et quelques scènes de genre, décoré de la médaille d'Argent de l'Ecole d'Art des Batignolles, lauréat du Concours général de la ville de Paris en 1900, grande médaille d'argent de l'école d'Art de Montparnasse en 1901, premier prix de l'Ecole des Beaux Arts de Nantes en 1902, premier prix de l'Ecole des Beaux Art de Rouen en 1903, il fut officier d'Académie en 1911. Affecté au service d'illustration des armées durant la guerre comme peintre militaire, il réalisa des aquarelles des soldats, et fut chargé de réaliser les portraits des officiers. Il devint alors le portraitiste des officiels, laïc, militaire ou religieux, du département, comme Aristide Briand ; le maire de Nantes, Paul Bellamy ; Brichaud, maire de Saint-Nazaire ; le père Ricodel, le chanoine Guillon. En 1923 il devient officier de l'Instruction publique en 1923, chevalier la Légion d'Honneur en 1936, puis officier en 1953.

     

    Le groupe publia en mai 1919 ses statuts, imprimé à mille exemplaires, (facturés 71 fr par l'imprimeur, comme le montre le seul livre de compte qui est parvenu jusqu'à nous et qui se trouve dans le fonds Dommée aux Archives de Saint-Nazaire, cote 5J75). Il donna sa première exposition en 1919, avec un succès d’estime, sans frais particuliers, mais sa seconde exposition qui débuta le 31 janvier 1920 dans la salle de la Fraternité 3 boulevard de l’Océan attira beaucoup de visiteurs et d’acheteurs. Ouverte avec une conférence, l’exposition perdura jusqu’au 22 février. L’exposition n’était pas réservée aux seuls sociétaires du groupe, on pouvait, moyennant 3 frs, y participer. Chaque artiste pouvait exposer 5 œuvres. Les deux murs du passage qui conduisait de la rue à la salle d'exposition, à l'éclairage zénithal, qu'on divisait avec des panneaux de bois, furent réservés à deux peintres que le groupe voulait mettre à l'honneur, et qui avaient la possibilité d'exposer chacun 20 à 30 tableaux. L’exposition était réservée aux professionnels ou semi-professionnels, présentant peintures, sculptures, dessins, aquarelles, pastels, miniatures, gravures, lithographies, travaux d’architectures, arts-décoratifs, céramiques, vitraux, dentelles, bijoux, arts-appliqués. La restriction d’admission se faisait aux peintures, aquarelles et dessins non encadrés, ainsi que les copies, sauf celles qui reproduisaient une œuvre originale par procédé d'une technique différente. Le groupe se chargeait de vendre les œuvres exposées moyennant 15% de commission, et payait les frais de voyage et de résidence des peintres venant d'autres villes, comme le font les galeristes. L’exposition fut renouvelée chaque année jusqu’en 1940, mais, ne disposant pas toujours de la salle de la Fraternité, il fallait se replier au musée, dans la « salle Greuze », en réalité un ancien bureau au plafond bas, avec une cheminée comme on en voyait dans les chambres de bonne. On se plaignit durant quinze ans par voie de presse que la municipalité ne possédait pas une salle d'exposition digne de ce nom, et que le musée était lui même trop petit et dans un état lamentable. Cependant, le Groupe Artistique conclut un contrat avec la Galerie Mignon-Massart à Nantes pour la promotion de ses artistes les plus talentueux et organisa aussi régulièrement des conférences. A la fin de l'année 1920, les bénéfices étaient de 5.901 fr pour 1.288,80 fr de dépenses. L'essentiel des revenus cette année-là reposant sur les cotisations, variant de 12 fr, 20 fr, 50 fr, et 100 fr ; la vente à l'exposition avait  rapporté 1.254 fr.

     

    Le 13 novembre 1924, l’inspecteur des Beaux-Arts fut délégué par le Ministère pour présider la distribution des prix remis aux élèves en présence d’un adjoint au maire, du secrétaire de la sous-préfecture, de l’inspecteur primaire et des membres du comité central du Groupe Artistique, alors sous la présidence du docteur Méloche. On considéra dès lors au Ministère que le Groupe Artistique était suffisamment important pour bénéficier à chaque remise de prix la présence de l’inspecteur des Beaux-Arts.

    L'exposition annuelle de janvier-février, mit à l'honneur en 1921 le peintre et illustrateur Luc-Olivier Merson, (Paris 21 mai 1846 - 13 novembre 1920 Paris), spécialisé dans le religieux et l'historique, qui avait une résidence au Croisic. En signe de deuil, son nom figura dans un encadré noir, avec ses honneurs : « membre de l'Institut, commandeur de la Légion d'Honneur, Grande Médaille d'Honneur [du Salon des artistes français pour l'ensemble de son œuvre] ». Dix-neuf œuvres sorties de son atelier du Croisic, majoritairement des études furent présentées, dont dix-sept à la vente, pour des sommes allant de 500 fr à 10.000 fr. Un tiers des exposants venait de Paris, le second de Nantes, un quart de Saint-Nazaire, et le reste de la Cote Ouest et d'Anjou.

     

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    Extrait du catalogue d'exposition de 1921.

     

    En 1926 le Groupe Artistique réunissait 500 sociétaires. La mairie en municipalisa alors l'école, et concevra Georges Eveillard à sa direction. A son exposition annuelle, cela peut surprendre, car on ignore souvent qu'elle débuta par le dessin, Odette du Puigaudeau y exposa à côté de son père des aquarelles. On y remis des médailles, l'une d'entre elles, de bronze, ciselée par Henri Dubois, (1859-1943), second prix de Rome 1878, fut remise à Jacques Dommée, nous en reproduisons ici la photographie.

     

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    © Fonds et Collections Odoevsky Maslov.

     

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    L'exposition de 1929 dans la salle de la Fraternité

     

    En 1929, fut fondée la Foire commerciale de Saint-Nazaire[8], on réserva chaque année un stand au Groupe Artistique qui y participa sans pouvoir concourir aux prix et récompenses.

    À partir de juillet 1929, le Groupe organisa des visites de musées dans le département en affrétant un autocar. Les frais de transport et le déjeuner étaient offerts par le Groupe à ses sociétaires. La première fut sous la forme d’une récompense accordé à chaque meilleur élèves de chaque école, publiques et privées, de Saint-Nazaire, soit 26 enfants qui purent se rendre au Château de Nantes. Cette visite récompense devint annuelle et par la suite fixée au 21 juin. Pour nombre de ces enfants cette visite était alors la première fois qu’ils allaient à Nantes. Il faut ici préciser qu'Eveillard avait pour grand ami le peintre Charles Perron, (Plessé 22 août 1893 - Nantes 18 avril 1958) ; cet ancien élève des Beaux-Arts de Nantes et de Paris, professeur à Nantes avait obtenu le deuxième Grand prix de Rome en 1921, la médaille d'or au Salon des artistes français en 1928. Charles Perron fut l'un des membre actifs du groupe, participant à chaque exposition avec plusieurs toiles, (paysages et portraits), et usa de son influence en sa faveur, jusqu'à sa nomination en 1936 comme conservateur du Musée des beaux-arts de Nantes  (poste qu'il conserva jusqu'en 1935). 

    Les expositions suivantes virent l'arrivée d'artistes reconnus à Paris, notamment Alice Carissan, artiste que les conservateurs français redécouvrent, qui peignait des paysages et des intérieurs, mais dont la réputation est surtout basée sur ses tableaux de fleurs. Née à Saint-Nazaire 13 novembre 1869, fille d'un commissaire sur les paquebots de la Compagnie Générale Transatlantique, qui vécu à Saint-Jean d'Angély avant de s'établir à Paris où elle fit une brillante carrière, vendant nombre de ses toiles à des musées français et étrangers, qui participa aux expositions à partir de 1931, accompagnée par son amante, Yvonne Carro qui peignait elle aussi des fleurs essentiellement, et des scènes d'intérieur, et qui eut l'honneur de la couverture du catalogue de 1933.

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    En février 1933, Emile Dezaunay, fondateur du Salon d'Automne, vient présenter six toiles, Constantin Font, (Auch 11 janvier 1890 - janvier 1954 Paris), Grand prix de Rome 1921, médaille d'or du Salon en 1922, Alexandre Jacob, (1876-1972), Médaille d'or au Salon, Marcel Jacquier, (1877-1957), Mention au Salon, Jules Ribeaucourt, (Maubeuge 2 avril 1866 - Gravelines 28 août 1932), un peintre qui connaissait bien la Loire-Inférieur et les rives de la Loire, où il avait trouvé refuge en 1918 quand les Allemands déferlèrent sur Maubeuge. Mais cette exposition, pourtant prestigieuse, fit surtout parler d'elle pour avoir été l'objet d'un achat par le marchand de charbon Michel van den Broucke en nature, qui fut le sujet d'un reportage du Courrier de Saint-Nazaire :

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    Achat d'un tableau payé en charbon, Le Courrier de Saint-Nazaire du 25 février 1933 ; (cliquer pour agrandir). On remarque au-dessus de la port, un panneau en grès émaillé dessiné par Georges Dommée et commandé aux Etablissement Gentil & Bourdet à Billancourt en mai 1933, pour un montant de 520 fr, (Fonds Domméee, Archives de Saint-Nazaire, 5J75).

     

    En 1933 toujours, avec l’aide des Réseaux de Chemins de Fer Français, le Groupe Artistique organisa une exposition itinérante des œuvres de ses sociétaires. 

     

    L’exposition du 27 janvier au 27 février 1934 fut réalisée dans un état de tensions. Le Groupe Artistique de Saint-Nazaire était en perte de vitesse, et qualifié par certains de ses sociétaires de « réunion de vieilles barbes ». Il est vrai que le Comité central était toujours composé de ses fondateurs réélus chaque année, qui avaient tous un âge avancé, et regardaient avec un certain mépris les styles nouveaux s’éloignant du figuratif et de l’impressionnisme convenu, et qu’ils estimaient comme des phénomènes de mode qui passeraient. Georges Eveillard ne voyait pas les choses ainsi, et tentait de pousser le Comité central à plus d’ouverture. Rares étaient les artistes professionnels nazairiens et du canton à ne pas être sociétaires, mais ceux de l’Unvaniezh ar Seiz Breur, (les peintres René Yves Creston et Suzanne Candré-Creston, l’architecte André Batillat, etc.), étaient mis de côté, considérés comme des décorateurs, leur innovation artistique déconcertait ces messieurs. Émile Guillaume avait eu plus de chance auprès du Comité central en 1934, exposant trente-trois toiles, soit tout un mur, avec l'illustration de la couverture du catalogue.

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    Assimilable au symbolisme et au néo-bretonnisme, avec des personnages aux teints rouges ; il n'avait pas encore adopté les formes circulaires qui fut ensuite son style, et qui fait ressembler ses sujets à des pantins plus ou moins désarticulés. Il était pourtant à la mode, mais outre que son style déconcertait ces messieurs du Comité central, il était perçu comme un peintre décorateurs car il exerçait ce travail dans des studios de cinéma, et qu’il ne refusait pas les commandes que lui faisaient les commerçants ou les particuliers désireux d’une fresque sur leurs murs[9]. Au demeurant il avait le tors de vivre à La Baule. On accorda la même largesse aux œuvres de Ferdinand du Puigaudeau, mort quatre ans plus tôt, et dont la vente des œuvres devait se faire au profit de sa veuve qu’il avait laissée démunie et qui depuis un an exposait ses dessins. celle-ci avait été une peintre reconnue avant son mariage, mais s'était vu interdire de produire par son tyrannique époux. Bellaudeau, l'illustrateur du Courrier de Saint-Nazaire, y signa le 20 janvier, sous le pseudonyme d'Aristarque, un article dans lequel il fit la liste de ce qui n'allait pas en matière de dessin, (seul art qu'il maîtrisait), dans l'ensemble des œuvres accrochées, allant chercher le moindre détail secondaire pour cela, démolissant finalement chaque travail, à l'exception de ceux d'Alexis de Broca et de Charles Beilvaire. Ecrit dans son style habituel et reconnaissable entre tous, il y distilla du fiel, et s'attaqua à Charles Perron, professeur aux Beaux Arts de Nantes, deuxième Grand prix de Rome en 1921, et plus particulièrement à Madeleine Massonneau, artiste parisienne reconnue, deuxième Grand prix de Rome en 1928, qui avait à Saint-Nazaire réalisé des fresques à école Jean Jaurès, (restaurée en 2019-2020), et qui exposa alors quatre toiles, dont un portrait de Mlle C..., c'est à dire mademoiselle Isabey Campredon, la fille du chimiste et industriel. Bellaudeau écrivit : « Mlle Massonneau est-elle portraitiste ou caricaturiste ? Elle expose sur fond bleu charron une interprétation rappelant Mlle C… Un si charmant modèle méritait mieux. » Ce fut la seule participation de Madeleine au Salon de Saint-Nazaire, et, elle ne renouvela pas son adhésion au Groupe !

    Le jour même de l’exposition l’Ouest Eclair dans la colonne précédent celle consacrée à l’exposition du Groupe Artistique publia que l’idée d’une exposition de photographie était dans l’air du temps, et s’étonnait que la Groupe Artistique ait écarté cet art. La révolte grondait parmi les sociétaires, car outre le rejet de certains styles ou de certains médiums d’expression artistique, il y avait aussi une censure concernant les nus. Pourtant il y avait des cours de dessin anatomique, mais dans l’esprit du Comité Central, le nu était forcément pornographique, et la peur d’avoir les protestations des biens pensants avait même relégué les nus académiques d’Eveillard pourtant bien innocents.

     

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    L'Ouest Eclair 27 janvier 1934,

    (cliquer pour agrandir)

     

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    Le courrier de Saint-Nazaire 24 février 1934

     

    En avril-mai 1934 le Groupe ouvrit une exposition commune de dessin avec les écoles d’Art de Brest, Orléans, Nantes, Angers, Tours, Le Mans, Rennes et Laval, en présence de monsieur Bayard, inspecteur général des Beaux-Arts. René Geoffroy, le critique artistique de L’Ouest Eclair, commenta que le niveau était plus élevé dans les écoles de Rennes, Angers et Nantes, et nota que le cubisme était dans les travaux exposés en minorité.

    L’exposition commune fut couplée d’une seconde sous forme de concours réservé aux dessins de Nazairiens de moins de 15 ans, organisé par l’Université Populaire sur la supervision de George Eveillard qui cherchait à renouveler le groupe. Il y eu 560 participants sur la thématique : « Ce que je vois par ma fenêtre ». Un tri garda 300 dessins qui furent exposés le dimanche 29 avril 1930 et 10 gagnants furent désignés. Le succès fut tel que le concours devint annuel.

     

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    L'exposition concours des dessins des moins de 15 ans,

    L'Ouest Eclair 30 avril 1934.

     

    La réunion du Comité central qui suivit, avec la remise des prix, furent réalisés devant une assistante clairsemée. L'actif du Groupe Artistique avait atteint 16.346 frs, contre 17.115 frs, l'année précédente. Les sociétaires étaient passés de 472 à 464 en un an, ce nombre continua de chuter les années suivantes.

     

    Pourtant l'exposition du 27 janvier au 24 février 1935 se fit avec le concours du peintre Paul Chabas, président des Artistes Français, et André Dauchez, président de la Société Nationale des Beaux-Arts, qui avait déjà exposé à Saint-Nazaire en 1932. Plusieurs artistes Nazairiens qui avaient été médaillés au Salon des Artistes Français : Yvonne Carro; Alice Carissan ; les postes impressionnistes Michel Collé, Émile Simon, Alexis de Broca, (grand-père du réalisateur Philippe de Broca), et d’autres au Salon du Société Nationale des Beaux-Arts, dont Hélène Lacoulomère, (qui vivait en Vendée).

    Aux côtés des sociétaires du Groupe Artistiques ont exposa 50 tableaux provenant du Salon des Artistes Français, dont : Marie-Louise Lustremant, Gabrielle Henriette Rieunier-Rouzaud, Maurice Joron, Jean Vincent-Darasse, Alexandre Jacob, Gaston Galey, Robert Genicot, Fernand Maillaud, Cesar Mammes, Jules Merle, Henri Barnoin, (qui devint sociétaire, mais décéda l’année suivante), ainsi que le graveur Jacques Derrey, le sculpteur Roger Favin, et Luc Lanel créateur de mobilier et d'objet de décoration en métal émaillé qui travailla pour les Chantiers.

    Le Normandie était alors en réalisation, et pour l’occasion on exposa des maquettes de ses décors, ainsi que des projets pour d’autres paquebots, dont Ville d’Alger.

    Le Groupe Artistique acheta 20 œuvres qui furent reparties au tirage entre les visiteurs qui avaient acquis le catalogue illustré de l’exposition.

     

    Le groupe des indépendants :

     

    L'exposition du Groupe Artistique de 1936 fut un four. On sentait que toute l’énergie dont pouvaient faire preuve les organisateurs et les soutiens extérieurs dont ils pouvaient bénéficier avait été épuisée par l'exposition de 1935, et ceux malgré une volonté de renouveler l'effet en faisant venir quelques personnes du Salon d’Automne dont le président se demanda ce qu’il faisait là le jour du vernissage où André Astoul, portraitiste vendéen, . Il y eut des différents entre le Comité Central et René-Yves Creston, proue des artistes de style contemporain. Le bateau coulait inexorablement et le nombre des sociétaires toujours à la baisse. Le torchon brûlait entre Creston et le Comité depuis des décennies. En février 1919, dans la revue nazairienne Le Réveille Artistique, il avait reproché que l'association se bornât aux seuls arts graphiques et manqua d'ambition. Il participait, avec sa femme, Suzanne Candré-Creston, depuis 1926 aux expositions annuelles ; lui avec des tableaux, elle avec des faïences, et à partir de 1927 avec l’architecte André Batillat, pour le projet d'hydro-aéroport de Bretagne, et dès 1928 dans le groupe Ar-Seiz-Breuz. En 1929, René-Yves Creston reçut la Médaille d'or aux Arts décoratifs.

     

    Il existait à Nantes un Salon des Indépendants, qui longtemps n’exposa que des refusés des beaux-Arts de Nantes, et dont les œuvres étaient de mauvaise qualité. En 1935, ce Salon des Indépendants nantais commença à regrouper quelques artistes dont le talent était indéniable, mais qui n’étaient finalement pas à leur place et n’y participaient qu’en raison de mésententes avec les Beaux-Arts de Nantes. C’est alors que René Yves Creston et André Batillat, lassés d’être déconsidérés par le Groupe Artistique de Saint-Nazaire, décidèrent de créer à Saint-Nazaire un Salon des Indépendants. Ils débauchèrent sans mal les peintres Pierre Wagner, (1897-1943), ancien élève d'Emile Simon, professeur aux Beaux-Arts de Nantes, lui aussi membre du Groupe Artistique et sociétaire des groupes des Indépendants de Bordeaux et Bourges, et Edmond Bertreux, (1911-1991), mais attirèrent aussi à eux des nazairiens mécontents du Groupe Artistique : Michel Brun (qui avait tenté sa chance aux indépendants de Nantes), Émile Guillaume, Berthe Riboulleau-Margotton, une miniaturiste et illustratriste spécialisée dans le genre néo-médiéval, Marthe Danard Puig connue essentiellement pour ses bouquets de fleurs, et surtout Georgette Nivert, (1900 - 1960), peintre de nus féminins sensuels et de couples saphiques [10]. Batillat et Creston eurent l’idée d’ouvrir leur groupe aux photographes. Créé en février 1936, ce nouveau groupe se finança au début avec une tombola, et avec les fonds avancés par René-Yves Creston et André Batillat, qui logeait chez lui, 18 rue Villebois Mareuil[11], le bureau de ce nouveau groupe, et avec l’aide de l’agence Havas de Saint-Nazaire.

     

    La première exposition eut lieu durant la foire commerciale de Saint-Nazaire, du 25 au 30 mai 1936. Affichant un panneau « fondé en 1936 », (l'enregistrement ne fut déposé cependant que le 13 juin), le Groupe des Indépendants avait disposé quelques œuvres de ses sociétaires, et Émile Guillaume faisait des démonstrations de dessin, tout en proposant des cours gratuits aux visiteurs. Batillat fit la réclame de son groupe en organisant un concours réservé aux amateurs « Le meilleur croquis de la Foire Commerciale », avec pour jury les membres du bureau de la Foire et du Groupe des Indépendants, et de ses professeurs.

    Le Groupe Artistique, qui participait aussi à la Foire, qui était sous le pavillon de l’alimentation, semblait bien poussiéreux avec son exposition d’un portrait réalisé par un inconnu de Victor Lamoureux, et les dessins d’enfants sous le thème des fables de La Fontaine.

     

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    Emile Guillaume à la Foire de Saint-Nazaire,

    L'Ouest Eclair 27 mai 1936.

     

    La première exposition organisée par les Indépendants eut lieu le weekend du 30 et 31 mai 1936 au cercle du Club d’aviation populaire et des Officiers républicains, 7 rue de Villès-Martin 1936, qui fut aussi le siège du bureau du Groupe. Devant le succès de cette exposition, le Cercle proposa de prêter ses locaux pour l’année suivante. Mais les Seiz Breurs avaient été sollicités en 1935 pour réaliser le pavillon de Bretagne à L'Exposition universelle de 1937[12]. Cela impressionna tant la municipalité de Saint-Nazaire, que le maire, François Blancho, proposa pour l’exposition du Groupe des Indépendant la salle des Halles, un vaste espace que la mairie avait destinée à y déplacer le musée, située rue du Bois Savary. Cela n’alla pas sans créer des tensions avec le Groupe Artistique qui y avait fait son exposition annuelle.

    En effet, ayant quitté les locaux du boulevard de l’Océan, le 6 février 1937, la 19e exposition du groupe Artistique eut lieu dans la salle des halles, une vaste pièce qui se trouvait à l’étage des halles, et en avait la même surface. L’exposition avait réuni 600 œuvres, elle eut lieu sous le patronage de François Blanche, sous-secrétaire d'État, du Sous-Préfet de Saint-Nazaire et sous la présidence effective de M. Leroy, préfet de la Loire-Inférieure. Un déjeuner payant, (19 frs), fut organisé au Grand Hôtel et réservés aux personnalités de la ville et du département, les membres honoraires, les sociétaires et les artistes participants. Là aussi, l’événement fut rendu annuel.

    Pour ménager le Comité central du Groupe Artistique, François Blancho proposa aux Indépendants un autre lieu d’exposition… le vieux Musée municipal ! On s’étrangla devant ce choix du maire qui consacrait des artistes qui avaient été refusés ou mal traités jusque-là, mais il n’était pas possible de protester. Les Indépendants de Saint-Nazaire exposèrent ainsi au Musée les 29 mai au 30 juin 1937. René Geoffroy, le critique artistique de L’Ouest Eclair, fut dithyrambique, mais avoua aussi dans son article 4 juin 1937, qu’il était l’ami et le cousin de René Yves Creston… Il y a eu durant cette exposition plusieurs conférences sur les arts, dont celle de Hibrant, le directeur de l'Ecole pratique, sur « le rôle social de l’art », et une causerie avec le club des philatélistes dont le président était pradier, le directeur du collège. En effet la force des Indépendants fut de rassembler autour d'eux les membres du corps enseignant nazairien.

     

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    Le Comité central le jour du déjeuner donné pour le 25e annivarsaire de la fondation du Groupe Artistique,

    L'Ouest éclair du 30 novembre 1937.

     

    La paix avec les Indépendants :

     

    La 20e exposition du Groupe Artistique, eut lieu du 30 janvier au 27 février 1938. Elle regroupa les œuvres des artistes locaux, d’un choix d’artistes d'autres régions françaises et de quelques Parisiens, qui travaillaient en collaboration avec les fabricants de tapisseries d'art d'Aubusson. Les ateliers envoyèrent pour l’occasion des tapisseries et du mobilier contemporains et anciens, dont des œuvres du 16e siècles, 17e et 18e siècles qui éblouirent les visiteurs.

    Parmi les invités officiels pour le vernissage et le déjeuner, il y eut André Batillat et René-Yves Creston. L’Exposition universelle de 1937 leur avait donné une importance auprès des autorités.

     

    René-Yves Creston participa à la 21e exposition en 1938, exposition qui pour la première fois fut réellement novatrice, et fut placée sous le haut patronage du Ministère de l'Éducation Nationale, subventionné par le département de la Loire-Inférieure, la Ville et la Chambre de Commerce de Saint-Nazaire. Le Salon des indépendants disparu dans cette réconciliation, échange de bons procédés et réalités économiques obligeants. Cependant, le Groupe des Indépendants demeura encore un an, sous la présidence de maitre Jules Russacq, avocat, (Orléans 13 novembre 1870 – 20 mai 1966 La Baule, en prodiguant des cours de dessins et organisant des conférences, avec pour enseignant en peinture et dessin Guillaume, et en arts décoratif Batillat.

    Cette année-là, l’adhésion des sociétaires fut fixée à 20 frs par an. 

     

    La fin du Groupe Artistique :

     

    Il n’y eut pas d’exposition en janvier 1939 en raison d’un problème financier.

     

    La 22e exposition, en 1940, fut retardée et n’ouvrit que le 25 février, avec 500 tableaux malgré la mobilisation de certains artistes. Elle se déroula dans une sale de l’école Jean Jaurès, boulevard Victor Hugo.

     

    Après avoir obtenu une subvention municipale de 1.000 frs, la 23e exposition se déroula avant la date classique, du 1er décembre 1940 au 22 décembre 1940 au Syndicat d’Initiative 4 rue de l’Océan. On lui avait accordé une semaine de prolongement devant le succès qu’elle suscita. Il est vrai qu’à ce moment-là il y avait peu de distractions à Saint-Nazaire. Il avait eu une semaine de prolongement. Parmi les peintres exposés citons, venue de Stenay en Meuse, Germaine Lantoine-Neveux, (1892-1978) exposa des portraits, Berthe Riboulleau-Margotton et Émile Guillaume revenus au bercail. Celui-ci fut, avec Ulysse Gorrin, (1884-1965), éreinté par la critique de René Geoffroy.

    L’exposition s’acheva avec un tirage au sort de numéro d’acheteurs de l’exposition précédente, de catalogue d’exposition acheté, et de cartes de sociétaire, qui gagnèrent des aquarelles et des tableaux des têtes de pont du Groupe, mais aussi une toile de Puigaudeau.

     

    Le 24 mai 1941, dernier concours des enfants. La guerre fit son œuvre, et le groupe disparu dans les ruines de la ville. Mais l'école d'enseignement d'art plastique, fondée en 1919, et municipalisée en 1926, fut rétablie. Emile Guillaume y fut professeur, (il enseigna aussi à l'Ecole Normale de Savenay).

     

    Le Groupe Artistique de Saint-Nazaire : une école ?

     

    Peut-on parler d’une école nazairienne ? Nous pensons que oui, en ce qui concerne la peinture.

     

    Si l’on excepte les membres de l’Unvaniezh ar Seiz Breur, qui forme une école particulière et clairement identifiée, et bien sûr Émile Guillaume qui est inclassable, ainsi que Georgette Nivert aux nus sensuels et sexuels, et Félix Lorioux (1872-1964), illustrateur et dessinateur de bande dessinée qui participa à la dernière exposition de 1940 mais dont on ne peut affirmer qu’il fut sociétaire, on s’aperçoit qu’il y a une cohérence des œuvres des peintres membre du Groupe Artistique de Saint-Nazaire pour ceux qui nous sont aujourd’hui connus.

     

    Nous avons pu établir à la lecture des articles de presse et des rares catalogues d’exposition qui nous sont parvenus une liste de nom de peintres qui sont aujourd’hui reconnus par les marchands d’arts comme des peintres de tallent :

     

    Auffray Alexandre (1869-1942)[13] ;

    Beilvaire Charles (1861-1943)[14] ;

    Bouillon Gaston (1881-1958) ;

    Broca Alexis (de) (1868-1948), médaille d'argent Salon des artistes français 1922 ;

    Brun Michel ;

    Carro Yvonne(-Antoinette), (Meaux 25 novembre 1895 - Luçon  31 décembre 1946), membre de l'Union des Femmes Peintres et Sculpteurs, sociétaire des Artistes Français, mention honorable au Salon des artiste français 1928 et médaille d'argent 1933, surtout connue pour ses fleurs, que pour ses intérieurs et paysages, ou ses illustrations ;

    Chaney Lester Joseph (Zala, Nagy Kanisza, Hongrie, 19 avril 1907 -  New Lenox, Illinois, USA, 14 septembre 1998), né hongrois, il s’exila aux USA dans les année 1920 obtint la nationalité ; il étudia à l'Art Institute of Chicago, auprès de Charles H. Woodbury et Leon Lundmark. Entre 1935 et 1939 il vient vivre à Saint-Nazaire : à la déclaration de guerre il s'établit dans l'état du Maine.

    Collé Michel-Auguste (Baccarat 7 janvier 1872 - Kervalet en Batz-sur-Me 15 septembre 1949), formé comme doreur à la cristallerie de Baccarat, il exposa à partir de 1903 à la Société nationale des beaux-arts, puis au salon des Tuileries et obtint la mention honorable au  Salons des Artiste Français en 1920, puis la médaille d'argent en 1921, époque où il commença  séjourner en Presqu'île et s'y établit définitivement au village de Kervalet en 1940 ;

    Cylkow Louis ( Varsovie 1877 - 1934), élève à l’Académie Julian, c'est en 1923 qu'il découvrit la Presqu'île guérandaise, le musée de Nantes lui achètera deux toiles en 1920 et 1925 ;

    Deboute Maurice-Pierre (s'éloigna en peignant des paysages d'Ile de France) ;

    Eveillard Georges (1879-1965) ;

    Evein Claude-René-Pierre ;

    Gauffriaud Émile (Brest 1877-1957), peintre, aquarelliste et graveur, il fut l'un des artiste bretons les plus prisé de sa génération, traitant presque exclusivement de sa province natale, à l'exception de quelques œuvres réalisée durant un séjour sur la Côte d'Azur ; il stoppa toute activité artistique quatorze-ans avant son décès ;

    Gauthier Stany (Joseph dit) (1883-1969), peintre, architecte-décorateur et sculpteur, diplômé de l'Etat pour l'enseignement de la composition décorative, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Nantes en 1911, conservateur du Musée d'Art populaire régional de Nantes de 1922 à 1969, il publia cinquante ouvrage sur les la décoration, l’ameublement et l'architecture ;

    Gautier Émile (1920-2013), peintre et aquarelliste très connu en Presqu'île ;

    Géo François, Georges François dit Geo, (1880 - 1968), peintre paysagiste voyageur, élève de Jean-Paul Laurens, il exposa à Saint-Nazaire à partir de 1928. Il fut mentionné au Salon des Artistes Français.

    Gorrin Ulysse (1884-1965), médaille d'argent du Salon des artistes français 1936, prix Corot et médaille d'or 1949 ;

    Guyot Paul (1906-1960), peintre, puis journaliste, rédacteur en chef de France Soir il fut aussi romancier), auteur de trois  romans publiés chez Caman-Levy : Les Bois du Nord en 1925 ; Belle Amie en 1957 ; et Un été en Brière en 1958 ;

    Jacquier Marcel (1877-1957), « Inscrit à l’Ecole des Beaux Arts de Nantes en 1889, il fréquente ensuite l’académie Julian à Paris en 1907. Il revient en Bretagne chaque été entre 1903 et 1911; à la belle saison, depuis Tréboul, il part à la recherche de motifs, sillonnant ainsi le Finistère. Il est l’auteur de plusieurs affiches pour des syndicats d’initiative. Il est récompensé au Salon des Artistes Français de 1933, Il reçoit la médaille d’argent pour son levure Les Veuves. Peintre de Douarnenez, il est aussi l’auteur de paysages de bière et de scènes de pardons. Il peint également à Concarneau, vers 1910. » (source : La modernité en Bretagne : Tome 2, Silvana Editoriale, 1er juillet 2017 ;

    Labitte Eugène Léon (1858-1937), peintre et aquarelliste ;

    Lacouloumère Hélène,  (Fontenay-le-Comte 17 septembre 1873 - Bleneau 16 juillet 1960) ;

    Lemasson Paul (Saint-Mars-du-Désert 10 janvier 1897 - Nantes 22 septembre 1971), élève de l'Ecole des Beaux Arts de Nantes, il exposa au Salon de 1934 et de 1969, ces œuvres étaient inspirées des paysages des anciennes maîtres flamands ; il fut membre de l'association La Fresque, (tout comme Madeleine Massonneau) ; (son frère Albert était lui aussi peintre) ;

    Lusseau Georges (Clisson 1897-1989), médaille d'argent de l'exposition internationale des arts décoratifs en 1925, il réalisa plusieurs fresque dans le département ; après guerre il fut professeur à l'école des Beaux Arts de la ville de Paris ;

    Massonneau Madeleine-Valentine, (New-York 21 mai 1901- ...), domiciliée chez ses parents au 44, rue de Villers, Levallois-Perret jusqu'en 1933, inscrite à l’école des Beaux-Arts en 1920, admise à la section de peinture de l'École nationale supérieure des beaux-arts en 1923, second-prix de Rome en 1928, membre de l'association La Fresque, (tout comme Paul Lemasson), elle exposa au Salon des artistes français de 1925 à 1932, concourra sans succès au prix de Rome de 1928, exposa au Salon des Indépendants à partir de 1930 l'état et la ville de Paris lui achetèrent et commendataire plusieurs œuvres, notablement des fresques, la ville de Saint-Nazaire lui commanda en 1932 une fresque pour le stade du Plessis, et le 24 octobre 1933 la fresque toujours existante qui couvre les quatre murs du hall de l'ancienne école Jean Jaurès, au 25 boulevard Victor Hugo pour la somme de 18.256 fr (soit 400 fr du m²) (cf. article du L'Ouest Éclair du 5 novembre 1933) ; elle fut aussi connue pour avoir membre à partir de 1931 du Cercle Féminin de Paris comme internationale de cross ;

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    (source : L'intran : le plus grand hebdomadaire sportif, 22 novembre 1932.)

     

    Maxence Jean (1901-1962), médaille d'argent Salon des artistes français 1920, médaille d'or 1925 et prix Madagascar ;

    Puigaudeau Ferdinand (du) (1864-1930), issu de l'école de Pont-Aven ;

    Simon Émile (1890-1976), professeur aux Beau Arts de Nantes, mention honorable Salon des artistes français, médaille d'argent 1934, médaille d'or 1935 ;

     

    Ces peintres, dont la liste est non exhaustive, (le Groupe artistique ayant eu jusqu’à 500 sociétaires, et cumulat le même chiffre en nombre de tableaux exposés), ont en commun d’avoir peint à l’huile et à l’aquarelle des marines du port de Saint-Nazaire, des côtes d’Amour et de Jade, de l’Estuaire et de la Loire maritime, des marais salants, de la Grande Brière, des environs paysage de Guérande, Saint-Nazaire et Pornic, et des scènes bretonnes de la Loire Atlantique, dans le style postimpressionniste de l’entre-deux-guerres, sur une période allant de 1919 à 1941.

     

    On peut aussi pousser la thèse d'une école nazairienne à une école parallèle consacrée à la présentation florale dont nous citerons :

    Carissan Alice-Emilie-Elise-Marie, (Saint-Nazaire 13 novembre 1869 - Paris 7e 13 juin 1964), fille d'un commissaire de paquebot de la Compagnie Général Transatlantique, et sœur du lieutenant de vaisseau Edmond-Eugène-Ambroise Carissan, et demi-sœur de Jacques Carissan, enseigne de vaisseau, commandant en second du Mousquet, tombé pour la France à l’hôpital de Sanpang (Sumatra) le 1er novembre 1914, nièce  de Célanie Carissan (1843-1927), pianiste compositrice, et romancière et d’Eugène Carissan (1830-1883), professeur agrégé d’histoire et de géographie, littérateur et membre de la Société académique de Nantes, elle fut membre de la Société des Artistes Français. Prix de l’Union des Femmes Peintres et Sculpteurs en 1912, Mention honorable des Artistes Français en 1930, Médaille d'argent au Salon de 1934 avec une toile figurant un intérieur en clair obscur qu'il offrit le 4 juin 1945 à la Ville pour la reconstitution du musée, intitulée " Mystère des reflets ", (130x97), Prix Marceron-Maille en 1936.

    Carro Yvonne, déjà nommée plus haut ;

    Danard-Puig Marthe.

     

     

     

    [1] Cf : L’Ouest éclair du 30 novembre 1934. Pour sa biographie, voir notre article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/charles-beilvaire/

    [2] A propos de Gustave Bord voir : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3]  Victor Lamoureux (1864-1954), tailleurs pour homme, sculpteur amateur, époux de Marguerite Janvin, (1867-1930), dont la boutique, ouverte en 1855, existe toujours à Saint-Nazaire, quoiqu’elle ait changé de nom en devenant « Territoire des hommes ». La fondation par lui du Groupe artistique de Saint-Nazaire le fit nommer officier de l’instruction publique le 1er février 1930 pour services rendus aux arts. Le 12 février 1931, il reçut la médaille d’argent de la Prévoyance sociale.

    [4] Georges Dommée, (1861-1943).  devient l’archiviste du Groupe, il fut rejoint par son fils, Claude Dommée, architecte, qui fut nommé trésorier adjoint. Claude Dommé fut l'architecte des halls à la Reconstruction, et de différents immeubles.

    [5] Le docteur Pierre-Ernest Méloche, (1860-1946), ancien interne des hôpitaux de Nantes, avait son cabinet 24 rue Henri Gautier à Saint-Nazaire. Il fut la risée de la ville et de la profession à la suite d’une erreur de diagnostic : le 18 mars 1896 le juge d’instruction de Saint-Nazaire, Jules Batillat, (père de l'architecte André-Laurent Batillat), convoqua le docteur Méloche pour examiner une prévenue, la veuve Billy, arrêtée sous l'inculpation d'infanticide. La femme nia l’accusation, et affirma être toujours enceinte. Le docteur Méloche se déplaça, examina, et dit que la femme avait déjà accouchée. Deux jours plus tard, la veuve Billy accoucha en prison d'un enfant de cinq mois qui ne vécut que quelques minutes. Elle porta plainte conte le médecin, et lui réclama 1.000 frs de dédommagement, (la consultation qui avait coûté 6 frs au Tribunal de Saint-Nazaire). Le tribunal de Saint-Nazaire condamna le docteur Méloche le 26 février 1897. Il gagna en appel à Rennes le 2 juin 1898. Son honneur étant lavé, il reprit sa place à Saint-Nazaire, et la ville fit comme si rien ne s’était passé, tout en ricanant dans son dos. Appuyé par ses confrères, et ses relations politiques et maçonniques, il fut promu en 1911 médecin chef du comité de la Croix Rouge de Saint-Nazaire. Durant la Première-Guerre-mondiale il fut médecin-chef de l’hôpital bénévole des sœurs de Saint-Vincent de Paul, puis il dirigea l’Œuvre Antituberculeuse de Saint-Nazaire, vice-président de la Ligue antialcoolisme de Saint-Nazaire, fondée en 1918 par Louis Campredon, et fut nommé président du syndicat des médecins de Saint-Nazaire le 28 septembre 1930. Durant l'entre-deux-guerres il fut aussi président du Conseil d’Administration de l’École de musique, membre de la Commission du Musée à partir de novembre 1920, et était de toutes les inaugurations. Personnalité incontournable et indéboulonnable, il se faisait moquer par les chroniqueurs de L'Ouest-Éclair. Réfugié à La Baule à la suite des bombardements, il y décéda en 1946. Si le caveau familial au cimetière de La Briandais comporte une plaque mentionnant " Docteur Méloche 1860 - 1946 ", son corps ne s'y trouve pas. Il fut en effet inhumé à La Baule dans une sépulture provisoire, mais, dans la confusion de l'après-guerre et de la reconstruction, ses cendres ne furent jamais transférées, la tombe provisoire fut reprise par les services de La Baule et ses restes déposés en l'ossuaire.

    [6] Journaliste militant socialiste, de son vrai nom Georges Pierre, né le 25 avril 1871 à Bléneau, décédé le 9 février 1958 à Saint-Nazaire.

    [7] Georges-Alexandre Eveillard, né à Nantes le 2 juillet 1879, marié à Nantes le 11 mai 1917 à Augustine Louise-Marie Carrière, décédé à Nantes le 25 février 1965 ; il fut le premier professeur de l'école des Beaux-Arts de Saint-Nazaire. En 1938 il devint directeur du musée municipal, et œuvra à reconstituer un nouveau musée à la Libération à la demande de la mairie. Le projet n'aboutit pas, mais il fit plusieurs acquisitions jusqu'en 1955 au nom de la ville. A sa mort, la municipalité Blancho fit acheter au nom de la ville plusieurs toiles de sa collection mise aux enchères à Nantes, dont un tableau copie de l'entourage de Goya, une esquisse de Manet, et quelques toiles du 17 et 18ème siècle à la qualité discutable.

    [8] Elle eut d’abord le nom de Foire Exposition.

    [9] Membre de la Loge Le Trait d’Union, Emile Guillaume réalisa les décors de la nouvelle loge à la demande de son vénérable, Henri Allanet, chirurgien et directeur de l’Hôpital de Saint-Nazaire. Il illustra aussi des cartes postales avec des scènes bretonnes, dont une série ayant pour thème les côtes de la province. Ajoutons qu'Emile Guillaume était né à Paris dans une famille originaire de Questembert, et dont la grand-mère maternelle vivait au Pouliguen, s'était établi à La Baule en 1928.

    [10]  Sa biographie officielle la dit née à Lorient en 1900, mais aucun acte n'y existe à ce nom à cette date. Elle vivait en 1932 au 18 rue Leconte de Lisle à Paris 16ème, puis au 26 rue des Plantes à Paris 14ème en 1935, ville où elle exposa au Salon des indépendants de 1932 et au Salon de la Société d'Automne de 1935. A la Libération, elle se consacra à des représentations d’enfants. Non mariée, elle eut une fille, Paulette Nivert, née en 1921, qui fut aussi artiste peintre, et qui exposa durant l'occupation à Biarritz, où sa mère avait une villégiature, où elles avaient trouvé refuge.

     ,saint-nazaire, georgette-nivert

    (source : L’Écho de Paris, 26 février 1930)

    [11] Par la suite il se fit construire une maison sur ses plans 82 rue Jean Macé.

    [12] Ce fut sous l’impulsion de Joseph Stany Gauthier, conservateur du musée des beaux-arts de Nantes, que le comité de l’Exposition universelle choisit les Seiz Breur. Le secrétariat général pour la réalisation de ce pavillon étant attribué à René-Yves Creston.

    [13] Voir notre article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/alexandre-affray/

    [14] Voir notre article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/charles-beilvaire/

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  • Auffray, juge au tribunal civil de Saint-Nazaire

     Auffray : Famille bourgeoise originaire de Lamballe.

     

    Sans titre-1.jpg

     De sinople à trois besants d'argent posés en barre, à la bordure d'argent chargée de huit mouchetures d'hermine de sable. (cf. Armorial général de 1696, cachets, et Frotier de La Messelière.)

     

     

    I° Paul-Louis Auffray, né à Lamballe le 14 septembre 1848, sous-lieutenant de mobilisés des Côtes-du-Nord en 1870, titulaire de la médaille de 1870-1871, demeurant à Lamballe en 1925 ; marié à Pontivy le 8 janvier 1878 à Cécile-Berthe Cravin, fille de Pierre Cravin, greffier en chef du tribunal civil de Pontivy, et de Marie-Grâcieuse Labordette, d'où :

    1° Pierre-Alfred-Marie, né à Lamballe le 23 avril 1880, docteur en médecine de la Faculté de Paris, médecin à Morlaix en 1905, mobilisé à l'ambulance 4/14 pendant la Première Guerre mondiale, puis médecin chef de l'hôpital Luxembourg, à Vesoul (Haute-Saône) jusqu'à sa démobilisation, propriétaire-éleveur au manoir de Kerminizy, en Saint-Tugdual, en 1925 ; marié à Lorient le 11 novembre 1909, avec Amélie-Françoise-Gertrude Marchai, fille de Maurice Marchai, ingénieur en chef de la marine, puis directeur des Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, chevalier de la Légion d'honneur, et de Marie Jan de La Gillardais ;

    2° Joseph-Marie, né à Lamballe le 17 mars 1883, licencié en droit et avocat stagiaire à Rennes en 1906, docteur en droit en 1907, avocat du barreau de Saint-Brieuc, membre du Conseil de l'Ordre de 1912 à 1914, mobilisé de 1914 à 1918, magistrat en 1919, juge au tribunal civil de Saint-Nazaire en 1920, juge d'instruction à Ploërmel, depuis le 19 janvier 1921, procureur de la République à Ploërmel en 1925 ; titulaire de la médaille interalliée de la Grande Guerre et de la médaille des Y. M. C. A. Franco-Américains ;

    3° Joseph, né à Lamballe le 2 juillet 1886, mobilisé de 1914 à 1918, titulaire de la médaille interalliée de la Grande Guerre et de la médaille des Y. M. C. A. Franco-Américains ;

    4° Louis-Joseph-Marie, né à Lamballe le 6 juin 1890, licencié en droit en 1912, avocat stagiaire à Rennes, mobilisé simple soldat au front, bien que reçu avec la note 18/20 au concours d'admission à l'Ecole de l'Intendance de Vincennes, blessé 3 fois, avec cinq citations, dont : du 1" juin 1918, à l'ordre de l'armée ; du 20 juin 1918, à l'ordre du corps d'armée n° 373. Décoré de la Croix de Guerre avec une palme, 2 étoiles d'or et une de bronze, proposé deux fois pour la Légion d'honneur par le colonel du 41e d'infanterie ; après l'armistice du n novembre 1918, substitut au Conseil de guerre de la Xe armée, à Mayence (Rhénanie); lieutenant de réserve au 41e d'infanterie et avoué près le tribunal civil de Pontivy depuis 1920, chevalier de la Légion d'honneur en juin 1920; marié à Saint-Michel de Saint-Brieuc, le 15 avril 1920, Anne-Félicité Lemée, fille de Mathurin Lemée, négociant, et d'Aline Roussin.

  • Le Petit Maroc, histoire d'un nom

    Nous venons de recevoir une question intéressante de la part de l’un de nos lecteurs qui nous demande d’où provient le nom de « Petit-Maroc » que porte le quartier en bordure du Port et du Vieux-Môle, à l’emplacement du « Vieux Saint-Nazaire », c'est-à-dire la ville fortifiée du moyen-âge qui se trouvait sur le rocher à la pointe de l’estuaire.

    Ce nom, « Petit-Maroc », a fait couler beaucoup d’encre, et s’empoigner quelques-uns sur le bienfondé de l’appellation.

     

    Petit-Maroc depuis quand ?

     

    Rétablissons d’abord quelques éléments temporels. Quand est apparu ce nom ?

    Dans le découpage municipal la ville historique de Saint-Nazaire était désignée, avant la reconstruction d’après-guerre, sous le nom de « Vieux-Quartier », et c’était sous ne nom qu’était alors constitué le comité de quartier en charge de ses animations.

     

    Nous en avons trouvé trace écrite de l’emploi du nom « Petit-Maroc », pour la première fois dans un article de L’Ouest éclair en date du 6 juin 1926 :

    « Le bassin et la jetée Est de la nouvelle entrée du port de St-Nazaire présenteront les 25 et 26 juin un féerique aspect. Les feux nautiques, promenés par des vedettes, et les lueurs d'apothéose des nombreuses pièces d'artifice doivent, s'il fait beau, réaliser des merveilles. Près de cent mille francs seront consacrés à cette partie de programme. Le Vieux Saint-Nazaire, le « petit Maroc » et les dévoués commissaires veulent lancer un car… dont on parlera longtemps. »

    Nous constatons donc que c’est un surnom qui s’employait dès avant juin 1926.

     

    De son côté Le Courrier de Saint-Nazaire employait les termes de « Vieux-Quartier », et utilisa tout le temps cette dénomination, comme le faisait la municipalité.

     

    Pourtant, dès le 3 octobre 1929, et jusqu’à la destruction de la ville historique, L’Ouest éclair ne désigna le quartier que sous le nom de « Petit-Maroc ».

     

    L’origine du nom « Petit-Maroc » :

     

    Faisons d’abord la liste des suppositions, théories et affirmations de toutes espèces :

     

     « Le nom aurait été donné par d’un journaliste qui avait critiqué le fait que la ville historique, isolée de la ville moderne, surtout depuis la réalisation de la nouvelle entrée du port en 1906, était une sorte de bouge infecte dont les habitants devaient s'approvisionner en eau potable la borne-fontaine de la rue de ta Vieille-Église, et qui vidaient à marée haute leurs pots de chambres sur les rochers, faute d’égout ».

    Cette origine est plausible, attendu qu’il y a en France plusieurs lieudits « Petit-Maroc », qui doivent leur nom au fait qu’ils étaient à l’origine des zones urbaines miséreuses, et les descriptions du Vieux-Quartier comme étant resté moyenâgeux jusque dans le mode de vie de ses habitant pourraient corroborées, mais c’est regarder le passé avec nos yeux du 21e siècle. Vivre sans eau courante et sans tout à l’égout était normal durant l’entre-deux-guerres. Avant la reconstruction de la ville, plusieurs quartiers de Saint-Nazaire n’avaient pas d’égout. Dans toute la ville, seuls les premiers et seconds étages des immeubles en bordure de rue avaient l’eau courante. Le château d’eau situé boulevard Victor Hugo était construit trop bas, et depuis la réalisation du Port et de la ville nouvelle, on n’avait jamais su régler le problème d’alimentation en eau potable de la population. Jusqu’à la reconstruction, les rues étaient sillonnées par des marchands d’eau qui tiraient des citernes. Les habitants s’alimentaient aux pompes des cours d’immeuble, ou aux bornes fontaines municipales, et on a des descriptions des ménagères allant le matin vider les seaux hygiéniques aux vespasiennes des quartiers, avec de longues files d’attente devant celles de la Place Marceau. Enfin, il faut rappeler qu’il y eut des épidémies de choléra à Saint-Nazaire jusqu'à la guerre.

     

    « Le nom lui aurait été donné par le peintre Charles Beilvaire[1] ou le dessinateur Paul Belondeau vers 1934. »

    Nous l’avons démontré, le surnom est employé dès avant juin 1926. Charles Beilvaire, qui fut aux Ponts-et-Chaussées, fut nommé le 1er juillet 1920 à la sous-direction du Chemin de fer et Travaux publics du Maroc, alors protectorat français. Il revient à Saint-Nazaire en 1931. Paul Belondeau s’engagea dans les troupes coloniales au Maroc en 1920 et ne revient qu’en 1933 à Saint-Nazaire. C’est aussi accorder trop d’influence pour ces deux personnalités locales. Certes Charles Beilvaire participait activement à la vie locale, mais seulement dans la partie artistique et sportive. Quant à Paul Belondeau, en dehors de la paroisse et des illustrations qu’il réalisait pour Le Courrier de Saint-Nazaire, à la demande de Jacqueline Bruno, il était plutôt anonyme.

    Au demeurant, le quartier comportait 213 recensés en 1926, le fait que deux personnes qui y avaient conservé une résidence durant leur séjour marocain est une argumentation trop maigre pour justifier l’origine d’un surnom, surtout que des nazairiens, originaires d’autres quartiers, partis vivre au Maroc, il y en avait alors un nombre important à Rabat et Fez[2]. Et enfin, nous allons le démontrer plus loin, l’emploi « officiel » des termes « Petit-Maroc », ce fit en 1930, donc avant le retour des deux artistes.

     

    L’Université Inter-Ages dans sa publication « L’abécédaire des rues de Saint-Nazaire », (2002), mentionne pour origines possibles : « une fête organisée en l’honneur du Sultan du Maroc ; des corsaires marocains qui seraient venus au XVIème siècle caréner leurs navires ; et enfin la présence de pêcheurs bretons qui allaient sur les côtes marocaines. » 

    Éliminons immédiatement les corsaires,, car les carénages se faisaient à Méan,, qu'il n'était pas envisageable un voyage de corsaires venant du Maroc, et que s'il y avait eu un jusqu’à l’estuaire de la Loire, celui-ci aurait laissé des traces dans les chroniques. Mettons de côté la fête en l’honneur du Sultan, nous y reviendrons, et ne gardons que les pêcheurs bretons.

     

    Les pêcheurs bretons :

     

    Un article de la rédaction nazairienne de L’Ouest Eclair, intitulé : « Une question dévie ou de mort pour les pêcheurs de la Basse-Loire maritime », en date du 26 novembre 1933 indique :

    « À Saint-Nazaire, les 213 habitants du vieux quartier appelé Petit Maroc à cause du teint bistré des gens et de la couleur des filles du Bono ou d'Auray vivant là n'ont d'autre ressource que de pêche au chalut. »

     

    Cette affirmation pose deux problèmes.

    La première, monsieur Hubert Chemereau, qui a réalisé des études et des recherches historiques de sur l’histoire de Saint-Nazaire et de son port, souligne que s’il y a origine par la présence de pêcheurs résidents au Vieux-Saint-Nazaire dans les premières décennies du 20e siècle, c’est que ces pêcheurs seraient des Douarnenistes.

    En effet, là où les pêcheurs de Tréboul, ancienne commune rattachée en 1945 à Douarnenez, ont établi des colonies, on trouve le surnom de « Petit-Maroc ». La raison en est que ces pêcheurs partaient pêcher la langouste au large des côtes du sud du Maroc.

    Mais, pour cela il faudrait qu’il y eu au Vieux-Quartier une colonie venue de Tréboul et Douarnenez. Les recensements révèlent que seuls deux hommes et une femme étaient nés à Douarnenez durant la période qui nous concerne, et aucun n’est dans l’activité de la pêche, et que sur l’ensemble des habitants du quartier, il n’y avait que 4 pécheurs en 1926, un né à Indré, un à Saint-Nazaire (Edouard Labbé, dont la famille est nazairienne depuis longtemps), un à Asserac, le dernier à L’Ile Tudy. La population du quartier était composée surtout d’employés du Port et des entreprises portuaires, de quelques marins et pilotes. Les non natifs de Saint-Nazaire les plus nombreux étaient de Noirmoutier, et ne composaient qu’un groupe d’une dizaine.  En fait on s’aperçoit que les pécheurs résidents à Saint-Nazaire, peu nombreux au demeurant, étaient loger un peu partout en ville, car les abords du Port étaient surtout le pré-carré des manœuvres et des matelots. 

    En fait, tous les pécheurs qui allaient sur les côtes de Mauritanie étaient surnommés « Marocains », et les lieuxdits Petits Maroc pullulent sur la côte ouest  là où vivaient certains de ses pêcheurs, mais aussi l) où il vendaient leur poisson, comme c'est le cas à Ploemeur. En fait, le nom de Petit Maroc à Saint-Nazaire s’explique par deux éléments :  la criée, c'est-à-dire le marché au poisson, qui se trouvait entre le Vieux-Môle et la place de la Vieille-Église jusqu'à sa fermeture en 1893, (la vente se réalisa par les pêcheurs sur le quai de la Vieille-Ville, puis après le percement de la Nouvelle-entrée, à l'angle du quai de la Vieille-Ville et du quai du Commerce dans un hangar de la Compagnie Générale Transatlantique transformé par le municipalité). Le second élément est une ironie. En effet, la présence de pêcheurs à la canne qui passaient leurs journées sur le Vieux-Môle, fit qu'on les nomma pour se moquer « Marocains ».

    Il a été écrit qu'au cours de la Première-Guerre-Mondiale les femmes du quartier se seraient mises à pêcher au carrelet afin de pourvoir à leurs besoins alimentaires et se constituer un revenu alors que leurs époux étaient partis au combat, et que le maire de l'époque leur aurait donné cette autorisation. Le problème est que les carrelets n'ont été ajoutés sur les jetées qu'après 1945, qu'il n'y a aucun arrêt municipal autorisant à l'installation de carrelet, le site relevant au demeurant des autorités portuaires... La pêche pratiquée par les femmes se faisant à la canne, elle pourrait rejoindre les pêcheurs présents sur le Môle.

    On le constate, c'est certainement l'accumulation de plusieurs éléments réels et secondaires, qui ont contribué à asseoir le nom de Petit Maroc dans les surnoms donnés durant de l'entre-deux-guerres.

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    Vente du poisson à l'angle des quais de la Vieille-Ville et du Commerce en 1940, aquarelle de Charles Beilvaire, coll. O. M. de S. L., le percement de la nouvelle entrée avait déplacé une nouvelle fois le marché de quelques mètres.

     

     

     

    Conclusion :

    C’est la présence de la Criée située au Vieux-Saint-Nazaire, puis la persistance de la vente du poisson sur le quai du commerce qui fit qu’au début du 20e siècle on surnomma le quartier « Petit-Maroc », et qu’on l’assimila tout aussi absurdement aux pêcheurs, alors qu’aucun pour dire n’y résidait.

     

     

    Le Sultan :

     

    Mais quelle est cette fête en l’honneur du Sultan du Maroc ? Elle apparait durant l’été 1930. À l’époque le comité de quartier du Vieux-Quartier peinait à organiser des fêtes attirant du monde et rapporte de quoi remplir ses caisses souvent en déficit. Le quartier vivait sur la tradition des foires qui s’organisaient deux fois l’an à Saint-Nazaire depuis l’Ancien-Régime, et qui étaient devenues une seule en 1830, organisée chaque septembre, d’abord sur le sable à l’entrée de la ville, puis le long de la voie du Vieux-Môle. Tirs, loteries, chevaux de bois, artistes de rue, danses dans la rue sous les lampions au son des orchestres installés en équilibre instable sur des tréteaux, feu d'artifice, ne suffisaient plus, pas plus que les chars de parade qui avaient été réalisés pour des défilés entre 1900 et 1914 à la gloire des océans, ou de Jean d’Ust, le héros de Saint-Nazaire face aux Castillans[3].

    Durant la réunion publique du comité du Vieux-Quartier le 17 juin 1930, (cf. L’Ouest éclair du 22 juin 1930), monsieur Rigoire, son secrétaire général, exposa la situation financière :

    « En 1925, le Comité a recueilli 6.643 fr. 25 et dépensé 4.618 fr. 40. Il a pu, lors de la cavalcade des fêtes franco-américaines, faire admirer le plus beau char, qu'il a construit de ses deniers, sans l'aide du Comité général. En 1926, on totalise 4.418 fr. 25 de recettes et on dépense 4.408 fr. 40. L'excédent en caisse n'est que de 9 fr. et quelques centimes. En 1927, coup dur. Les recettes ne sont que de 4.621 fr. 15 et les dépenses dépassent cinq mille. Il y a un trou de 475 francs. La vie a augmenté dans de notables proportions. Par contre, les commerçants du quartier ont diminué leurs subventions. Le généreux trésorier comble lui-même le déficit avec son propre argent. En 1928, il n'y a pas de fête, et pour cause. On craint de recevoir une nouvelle douche. L'année 1929 revoit les manifestations du vieux quartier. Les commerçants se montrent un peu plus généreux. On recueille 5.552 francs. Grâce à des prodiges d'économie et de savoir-faire, les dépenses ont été relativement faibles. Bref, aujourd'hui, il y a un excédent de 530 fr. 36. La subvention de la ville va venir, et puis le montant des cotisations des sociétaires et les dons des commerçants. Des listes de souscriptions seront déposées dans les magasins. Peut-être arrivera-t-on ainsi aux six mille francs indispensables pour mener à bien les fêtes projetées et maintenir l'antique réputation du Vieux Quartier. »

     

    Or, à la même époque, était la mode des communes libres et des micro-états autoproclamés souverains. Certains quartiers de Saint-Nazaire s’étaient ainsi proclamés. La liste ne nous est pas entièrement connue, ces mairies libres ayant eu des existences éphémères qui ne stimulèrent pas l’attention des historiens et chroniqueurs locaux, mais l’on sait que Cadurand eut un prince président prénommé Emmanuel 1er qui avec sa garde et ses musiciens, rendit « officiellement visite » au comité de quartier de Marceau le 14 juillet 1934, et que cette république de Cardurand subsista jusque dans les années 1960.

    Donc, en juin 1930, monsieur Rigoire dépoussiéra le comité du Vieux-Quartier, et organisa « Les fêtes de l'Indépendance Marocaine », qui débutèrent le 12 juillet 1930 à 21 heures 30 grande retraite aux flambeaux avec char d'artifice au son des trompettes de L'Étendard. Toutes les rues du Vieux-Quartier, avaient changé de noms, dès samedi soir, sur les plaques de la ville avaient été apposés des calicots portant les dénominations : rues de Mogador, de Fez, de Casablanca, etc., place de la Vieille-Église était devenue « place Fille du Bédouin », en référence à une chanson grivoise tirée de l'opérette « Comte Obligado » créée en 1927 par le parolier André Barde et le compositeur Raoul Moretti.

    À cette occasion, le Comité du Vieux-Quartier devint Comité de l’Indépendance marocaine.

     

    L’Arrivée du Sultan dans sa province du Petit Maroc :

    Le dimanche 13 juillet, dès 7 heures 30, le quartier fut réveil en fanfare par l'Étendard nazairien, suivit à 8 heures d’un tir de bombes, puis de 10 heures à 11 heures d’un grand concours de pêche à la ligne doté de nombreux prix. A 14 heures mât horizontal et à 14 heures 30 mât de cocagne, à 15 heures, concours de grimaces ; de 15 heures à 16 heures, manifestation des Goélands dans le sas ; course aux canards. À 16 heures 30, ce fut l’arrivée du Sultan Mahomet Bol Ier du Petit-Maroc accompagné de la sultane Rebiane, du caïd Ben-li-Kébir, du grand vizir Ala-Ari-Berka, et de l'amiral de la flotte Allah Amda, sous des salves d'artillerie. Ils furent reçus par le gouverneur de la province du Petit Maroc, M. Blanche, entouré des grands dignitaires, dont Jean Lemouël, le marchand de chaussure du quartier, élu maire du Petit Maroc. Un muezzin, du haut du phare du Vieux-Môle, lança des appels solennels auxquels répondirent les cuivres de la fanfare marocaine.

    Le couple royal et leur suite firent l’inspection de la flotte débarquée à la jetée du Vieux-Môle, puis il y eut un grand défilé de cavaliers et fantassins, accompagnés d’une girafe et d’un dromadaire en papier mâché, de vendeurs de bretelles en poils de chameau, avec musique marocaine, suivit par le consul d'Auvergne, monsieur Despert, dans sa voiture à âne, avec son chapeau haute forme et son gigantesque parapluie, et qui était aussi le père du « Sultan ». Le défilé partit depuis la place de la Vieille-Église, par la Grand’Rue, les rues de Montoir, du port, et de l'Hôtel de Ville, où le maire, monsieur Blancho, donna une réception.

     

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    La cavalerie du Sultan et son orchestre devant l’Hôtel de Ville, photocarte souvenir du 13 juillet  1930, offerte aux participants par le comité de quartier « L’indépendance Marocaine ».

     

    Comme les commerçants des rues Villès-Martin, Henri Gautier, du Calvaire et Thiers, avaient fait des dons généreux, le Comité avait décidé de faire passer le cortège dans ces différents points de la ville, et de le faire revenir par la place du Bassin, les rues des Sables, du Port et de Guérande, du Pont-Roulant, la place de la Vieille-Ville, la rue de la Rampe et la Grand’Rue, pour revenir enfin à la place de la Vieille-Église. Le consul sortit un parchemin qui ne mesurait 1 m 85 et prononça un petit discours qui fut ponctué par des ovations.

    À 17 heures 15 concert marocain sur la place de la Vieille-Église, de 18 heures 15 à 19 heures second Concert marocain au bas de la rue des Sables. À 22 heures grand Feu d'Artifice près du Pont-Roulant, côté est : Bombes, miroir à quatre branches, tableau féerique, trèfle lumineux, diadèmes, cascade de 30 jets, 101 bombes, comètes et volcans. À 22 heures 30 bals populaires, place de la Vieille-Église et place du Bassin. Le succès fut immense. Les gens avaient loué des fenêtres, étaient debout sur les parapets, et même sur les piles de bois de l’entreprise de bois Hailaust, les acclamations furent méritées.

     

    Ironie de l'Histoire, le véritable sultan du Maroc, le jeune Sidi Mohammed, futur roi Mohammed V, séjourna à l'hôtel de L'Hermitage à La Baule dit jour après avec sa suite et son grand vizir...

     

    Après la fête de juillet 1930 :

     

    Le Sultanat tenta de se maintenir, mais il fallut se renouveler, et le comité du Petit-Maroc commença à avoir du mal à organiser ses fêtes chaque année, et à des dates fixes.

    En 1934 les fêtes de l’Indépendance Marocaine eut lieu les 1er septembre et dimanche 2. Elles débutèrent par grande fête vénitienne dans le bassin en présence du Sultan. Dix barques chargées transformée en nefs, garnies de lanternes et de drapeaux décrivirent des ronds sur l'onde du bassin. Devant la Chambre de Commerce la Société de gymnastique de jeunes filles de l'Union de Méan-Penhoët exécuta des ballets et des danses avec orchestre et effets de lumière, qui furent suivit de deux bals en plein air. Le dimanche matin, tir de bombes, réveil en fanfare et ouverture de l'exposition de bateaux modèles et de tableau par le peintre Émile Simon[4] à la Criée. À 10 heures, concours de pêche à la ligne, avec de nombreux prix. Dans l'après-midi grande kermesse avec mât de cocagne, concours de fumeurs, de grimacer, repas d'affamés, pêche miraculeuse, jeux de massacre, lapinodrome, ventes diverses, concours de natation, courses aux canards, courses à l'aviron noces bretonnes, comiques ambulants, concerts. Le Comité avait fait appel à tous ceux qui avaient des costumes bretons à venir habillés pour participer au défilé d’une noce bretonne. Le cortège, toujours accompagné du consul d’Auvergne, s’était rendu à l’Hotel de Ville, où monsieur Blancho et son premier adjoint, monsieur Drouin, reçu les jeunes mariés à 16 h 30. Monsieur Blancho déclara qu'il n'avait pas à prononcer les textes sacramentels du mariage à cause de la jeunesse des prétendants. Le cortège fit une tour en ville et regagna la place de la Vieille-Église. Les fêtes se terminèrent par un feu d'artifice et deux bals populaires que la pluie écourta.

     

    Saint-Nazaire, Petit-Maroc

    Défilé de la noce Bretonne le 2 septembre 1934.

     

    En 1935 et 1936, pas de fêtes. On finit par en redonner les 21 et 22 août 1937, sous la présidence toute neuve de monsieur Denier qui tenta de redonner vie à l’institution. Il fut décidé de recevoir « Œil de Lynx, grand chef des mohicans, pour fumer le calumet de la paix ».

    Le samedi il y eut kermesse, lapinodrome, course de canards, jeux de massacre. Tout l'après-midi, exposition de pigeons par la Colombe Nazairienne. Dans l'intervalle, concours de chants de coqs. À 17 heures, lâcher de pigeons, place Vieille-Église. À 21 heures grands bals dans tout le quartier. Le dimanche À 7 heures réveil en fanfare par le Ralliement. À 8 heures pêche à la ligne quai Démange. À partir de 9 heures, il y eut une multitude de courses à pied, course des assoiffés, qui consistait à aller de bar en bar pour y boire en terrasse des choppes de vin rouge... les participants finirent les vêtements maculés sur le sol… À 13 h. 30 ouverture de la fête en musique. À 14 heures réception du chef indien Œil de Lynx par le Sultan du Petit Maroc et sa suite sur le Vieux Môle. À 14 h. 15 défilé dans le quartier, suivit à nouveau de courses ! Courses à l'œuf, à la valise, course de bateaux à rames au Vieux Môle, course de plates dans le bassin jusqu'au pont de la Douane et retour, course à la bougie. À 16 h. 45 mât de cocagne au petit jardin. À 17 heures concours de danse du ventre. À 17 h 15 course en sacs. À 17 h 30 mangeurs de boudins. À 18 heures défilé dans le quartier par toute la troupe suivit d’un lâcher de 500 pigeons sur le Vieux Môle. À 21 heures grands bals champêtres et musettes dans tout le quartier. L’époque ayant changée, il n’y avait plus d’orchestre, ce fut au son d’un pick-up et d’haut-parleurs que dansèrent et défilèrent les gens.

     

    En 1938, les fêtes de l’Indépendance du Petit-Maroc débutèrent le dimanche 19 juin avec l’installation de forains qui restèrent toute la semaine suivante sur la place des Bassins. Les fêtes finirent le 26 juin avec un bal populaire.

     

    Après, ce fut la guerre, et la ville fut rasée… Il n’y eu plus de Sultan, mais le nom de Petit-Maroc fut donné au quartier reconstruit, et on y logea les pécheurs du Port.

     

    [1] Voir article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/charles-beilvaire/

    [2] On pourrait citer, entre autres, plusieurs envoyés à la coloniale, ou encore madame Dolores Bord, épouse séparée de l’homme de lettres et historien nazairien Gustave Bord, ainsi que leur fils ainé Voir article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] Voir article : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/03/je.html

    [4] Émile Simon, (28 février 1890 à Rennes - 25 septembre 1976 à Clohars-Fouesnant), professeur à l’École des beaux-arts de Nantes, il fut sociétaire du Groupe Artistique de Saint-Nazaire. Il disait à ces élèves : « Il faut, surprendre la vie et peindre dans l’emballement ».

  • Quand le soldat américain perdit son épée...

    Inauguré le 26 juin 1926, le monument commémoratif du débarquement des troupes étasuniennes, offert à la ville par une association d’anciens combattant d’outre Atlantique. Il était l’œuvre de Gertrude Vanderbilt Whitney, élève (payante) de Rodin, à qui l’on doit entre autres le monument commémoratif du naufrage du Titanic, figurant une femme en robe tunique, les bras tendus, comme le soldat de Saint-Nazaire, et dont le réalisateur James Cameron s’inspira pour la scène la plus fameuse de son film. Gertrude Vanderbilt Whitney avait exécuté une marquette en glaise, qui fut retirée en bronze, et dont un exemplaire se trouve aujourd’hui à l’Eco Musée ; c’est un don fait à la ville, en 1954, par la fille de la sculptrice. Pour le monument original, il avait fallu s’adresser à la fonderie d’art Henri Rouaud. Le corps et la structure avaient été faits d’après la maquette, et madame Whitney avait retouché la maquette grandeur nature réalisée par un assistant, et sculpté seule le visage et les mains du soldat, ainsi que la tête de l’aigle (en réalité un pygargue), le bout de ses ailes et sa queue. Ajoutons ici, car cela est trop souvent ignoré, que le plâtre original du monument fut présenté au Salon des artistes français de 1926, au Grand Palais, (bien que Gertrude ne fut pas française), comme le montre cette photographie de l'Agence Rol, datée du 30 avril 1926, et conservée à la B.N.F. 

     

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    Salon des artistes français, 30 mars 1926, photographie Agence Rol.

     

    Gertrude emporta les moulages aux Etats-Unis, mais on ne sait ce qu’ils advinrent.

     

    Les Archives municipales de Saint-Nazaire ont consacré quelques lignes superbement illustrées[1] à propos de l’inauguration de ce monument qui fut dynamité le 13 décembre 1941 par l’occupant allemand en représailles de l’entrée en guerre des États Unis d’Amérique. Le Sammy actuel est une restitution due à l’initiative de monsieur Michel Lugez, qui après trois années de travail et une souscription franco-américaine, permit à la ville de retrouver un très bel élément de son patrimoine. La nouvelle statue est due à Pierre Fouesnant.

     

    Le monument original se composait de plusieurs éléments coulés à part et assemblés sur le site, comme l’illustre la photographie ici reproduite et conservée aux Archives municipales, (Express photo. – Saint-Nazaire, 1926 - Fonds Maltier, Archives municipales de Saint-Nazaire 13J/4).

     

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    Sur cette photographie on observe que la lame de l’épée manque. La technique ne permettait pas de la mouler avec la main en une seule pièce. La lame fut donc fondue à part, puis assemblée sur le rocher du Soulvain sur la plage du Grand Traict avec le reste de la composition, sous la direction de l’architecte Charney.

     

    monument américain, Gertrude Vanderbilt Whitney, saint nazaire

    Le monument de 1926 achevé.

     

    L’épée devenue croix :

     

    Le samedi 24 janvier 1931, vers 2h du matin, une bourrasque arracha la lame de l’épée. Jacqueline Bruno, journaliste au Courier de Saint-Nazaire, commenta dans l'édition du jour qu’il était ainsi « transformé en Croisé de la Paix ». La lame fut ramassée par Joseph Rabine, marin-pêcheur domicilié 37 rue d’Anjou, qui la déposa au commissariat de la rue des Quatre-Vents. On ne la refixa jamais, et nul ne sait ce qu’il advint de l’objet. Le monument resta en l’état, jusqu’à son dynamitage.

    Après la perte de la lame, aux touristes qui demandaient ce qu’était ce monument, les Nazairiens répondaient que c’était le saint patron de la ville…

    Gertrude Vanderbilt Whitney, monument, saint nazaire

    Le monument après la perte de la lame de l'épée.

     

    La Ville possède le bec original de la statue sauvé de la fonte, il se trouve dans la collection municipale, et un bronze de la maquette originale offert à la Ville en 1954 par le fille de la sculptrice, qui l'a confié à  l'Ecomusée, ce dernier c'est vu offrir des morceaux de bout d'aile et de queue par des particuliers.

     

    gertrude-vanderbilt-whitney,saint-nazaire,monument-américain

    Bec original dans les réserves de la Ville.

     

    [1] http://archives.saintnazaire.fr/actualites-1095/ils-sont-venus-sur-les-ailes-de-laigle-le-monument-americain-2255.html?cHash=87fca4a2775b3f7186ec697da5ee28e7

  • Chapelle Notre-Dame de Toutes Aides

     

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    La chapelle Notre Dame de Toutes Aide, carte postale Gaby. 

     

     

    Durant l’Ancien Régime, la paroisse de Saint-Nazaire était divisée en frairies. A la périphérie de la ville fortifiée qui occupait le rocher maintenant occupé par le quartier du Petit-Maroc, se trouvait la Frairie de la Vieille-Ville, dont le nom est le souvenir du port antique de Noedunum, redécouvert par René de Kervilers, situé à proximité du Dolmen et de l’ancienne rive de la Loire dont le cours est depuis modifié.

    Cette frairie couvrait le territoire de plusieurs fiefs, dont celui de La Vieille-Ville, du Prieuré Saint-Jean-Baptiste, du Bois Savary, celui du manoir du Sable, et des deux petites seigneuries des Bouexières et de la Ville-aux-Fèves. C’est au manoir de cette dernière que se trouvait la chapelle de la Frairie, dédiée à Saint-Jacques. L’abandon progressif du manoir reconverti en ferme entraîna la ruine de la chapelle seigneuriale. Le 10 septembre 1635, Jan Mothais, sieur de La Girauderie, vicaire et régent de Saint-Nazaire, (régent signifie maître des petites écoles), fut nommé chapelain de la Ville-aux-Fèves. Jan Mothais de La Girauderie (ou Gérauderie) appartenait à la même famille que Jan Mothais, sieur de La Vielle-Ville, avocat à la Cour, cité dans les registres paroissiaux comme époux en 1655 de Catherine Bernier, et en 1661 de Perrine Le Faché. Trouvant la chapelle Saint-Jacques en ruine, le père Mothais décida de désacraliser le lieu et d’en édifier un nouveau sur un fief qu’il avait acquis et dont il portait le nom La Girauderie. La nouvelle chapelle, dédiée à Notre-Dame de Toutes Aides, figurée comme une vierge noire, fut achevée en 1659 comme en témoigne la date gravée sur une poutre. La chapelle est donc le plus ancien édifice catholique subsistant à Saint-Nazaire. Avec le temps, son nom finit par supplanté celui de La Girauderie. Ajoutons aussi qu'il fut parfois orthographié Toudezéde, suivant la prononciation bretonnante locale.

    A cette refondation fut associée la possession d’une maison située dans le bourg de Saint-Nazaire. Le père Mothay de La Girauderie décéda le 16 janvier 1660.

     

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    La chapelle, dessin de Charles Beilvaire, publié dans Le Courrier de Saint-Nazaire.

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    La chapelle et le hameau en 1909, aquarelle par Charles Beilvaire, collection de O. M. de S. L.

     

    Description :

     

    Située aujourd’hui impasse de la Chapelle, au croisement de la rue de Toutes Aides et du Boulevard de la Fraternité, l’édifice est un exemple typique de chapelle bretonne du 17e siècle. Une seule nef, longue d’une dizaine de mètre de long, sur environ 5m de large, orientée vers l’Est à la charpente soutenue par deux grosse poutre en chataigner. On y pénètre par deux portes en plein cintre, une à l’extrémité Ouest, sous un clocheton, et une autre au Sud. Elles ont chacune à droite un bénitier en granite pris dans la muraille, de taille grossière. L’autel, adossé au chevet, est éclairé latéralement par deux fenêtres en plein cintre, de 70x50cm et 79x50cm.

    La chapelle, en dehors du mardi des Rogations où l'ont y disait une messe, fut sous le Second Empire un prétexte aux promenades. Une auberge existait alors dans l’une des maisons du hameau à proximité. Les peintres amateurs ou professionnels de genre, en firent plusieurs représentations dans l’esprit et le gout bretonnant alors en vogue.

    A la création de la paroisse Saint-Gohard en Saint-Nazaire, par décret du 23 décembre 1923, c’est le curé de cette nouvelle église qui en reçut l’usage.

    Une première restauration eut lieu en 1911 à l'initiative du chanoine Blanloeil, curé de Saint-Gohard. La chapelle ne servait alors plus depuis 1903, et il fallut attendre 1915 pour qu'une procession y ait à nouveau lieu.

    Henri Moret en donne une description de l’autel en 1925. Il était alors en pierre de Crazannes, (carrière en Charentes), abondamment sculpté, et mentionne la présence de la Vierge Noire offerte par le père Jan Mothais de La Girauderie. Cet autel fut volé durant le déblaiement. La Vierge elle-même avait disparu durant l’Occupation. La chapelle échappa de peu à un bulldozer grâce à l’intervention d’un voisin qui avait réintégré sa maison durant le déblaiement.

    C’est le père Rene Pointhière, ancien vicaire de Vieillevigne, nommé à la Libération curé de Saint-Gohard, qui procéda en 1953 à seconde la restauration et fit resacraliser le lieu. Il choisit de remplacer l’autel par une structure en moellons, et fit daller le sol. Alors que le père Pointhière supervisait la construction de la nouvelle église Saint-Gohard, il fut mis en contact avec Gabriel Loire, peintre et vitrailliste établi à Chartres, qui avait dessiné pour l’église principale de Saint-Nazaire des grilles et des meubles en ferronneries, volés durant le déblaiement, à la demande du Chanoine Gouy entre 1937 et 1941. Après avoir réalisé les nouveaux vitraux de l’église de L’Immaculé, Gabriel Loire participa au concours organisé par la Coopérative des églises pour la réalisation des vitraux de Saint-Gohard. S’il ne fut pas retenu pour ce nouveau chantier, il fut charmé par la chapelle de Toutes-Aides, et offrit généreusement deux nouveaux vitraux pour celle-ci. Le premier illustre l'annonciation faite à Marie par l'archange Gabriel, l’autre représente la Vierge couronnée veillant sur des enfants. Monsieur Jacques Loire, fils de Gabriel, nous a ouvert les archives de l’atelier familiale, et nous a appris que c’est lui qui est l’auteur des deux vitraux offerts par son père à la paroisse. Les échanges entre le père Pointhière et Gabriel Loire nous apprennent que le curé pressa son généreux donateur dès mai 1953 afin que les vitraux promis soient installés pour la bénédiction par monseigneur Villepelet, évêque de Nantes, prévue le 28 juin 1953. Deux maquettes furent envoyées pour approbation le 11 mai, le père Pointhière craignait que les vitrages rendent obscure la chapelle, ce au sujet de quoi Gabriel Loire le rassura.  Un courrier daté du 3 juin annonça qu’on avait rendu à la paroisse la Vierge noire. Celle-ci fut placée sur une sellette de pierre au-dessus de l’autel. Malgré le délais court, Gabriel Loire apporta les vitraux à temps à Saint-Nazaire, et sur des visseries réalisées par monsieur Pilpré, menuisier rue de la Motte à Saint-Nazaire.  

    On a depuis ajouté deux volets extérieurs aux baies pour des raisons de sécurité.

    De nos jours la messe n’y est dite qu’à l’occasion du 15 août. La chapelle est ouverte tous les jeudis de 14 h à 18 h durant le mois d'août, et aussi le lundi, en période scolaire. Avant la Première-Guerre-mondiale il y avait à proximité du chevet une croix de calvaire en fer, on faisait passer entre la croix et la chapelle les enfants malades pour qu'ils guérissent, on faisait aussi faire leur premier pas aux enfants autour de la chapelle pour que la Vierge les prenne sous sa protection, et, suivant une tradition bretonne, les femmes des marins venaient balayer la chapelle dans le sens du vent qui serait favorable aux époux en mer.