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  • Alfred Caravanniez

    Souvent cité comme célébrité née à Saint-Nazaire par les historiens locaux, sans plus de détail, Alfred Caravanniez est à la fois un inconnu des Nazairiens mais aussi des historiens de l’art qui en redécouvrent l’œuvre que depuis quelques années.

    Nous n’établirons pas ici un catalogue de ses œuvres, mais à travers le récit de sa vie, nous en citerons quelques unes dans cet essai biographique de situer une partie de sa production artistique en donnant des repères temporels.

     

    Alfred-Adolph Caravanniez est né le 7 octobre 1855 à Saint-Nazaire au domicile de son père, Léon Caravanniez, âgé de 33 ans, plongeur, et d'Angélique Monnet, 36 ans, demeurant à Saint- Florent-le-Viel, de passage à Saint-Nazaire. Sa naissance fut déclarée le 9 octobre ; l’acte mentionne que sa mère était " sa ménagère '', ce qui signifie concubine, et que son père adoptait l'enfant qu’il déclarait, démarche ordinaire pour les couples non mariés.

    Les parents d’Alfred ne se marièrent jamais, et Léon, probablement natif de l’Anjou, disparut rapidement, laissant l’enfant et sa mère à Saint-Nazaire, occupant la maison louée par Alfred. C’était une étrange masure dans laquelle on pénétrait en passant par le grenier, et dont le jardin et qui s’enfonçait dans le sol, éclairée par une cour étroite, un niveau plus bas. La disposition s’explique par le fait que la maison se trouvait initialement au flanc du rocher de la Vieille-Ville, du côté de ce qui est aujourd’hui le grand-bassin du port. La réalisation des quais avait enterré la maison. Elle disparut à la création de la nouvelle entrée.

     

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    La toiture qui dépasse à gauche, marquée d'un X, est la maison natale d'Alfred Caravanniez, photo d'avant 1897 réalisée par Charles Beilvaire et reproduite dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 27 octobre 1932.

     

    Angélique y avait ouvert un cabaret, mais elle but plus qu’elle ne vendit, si bien qu’elle devient chiffonnière, arpentant les rues et fouillant les boites à ordures et la décharge du trou à David, une excavation située en amont de la rue d’Anjou, servant initialement à drainer les eaux de pluie au moment de la construction du port, devenu dépotoir pour les navires de commerce et les paquebots. Il arrivait que le personnel des paquebots y jetât au milieu des restes un couvert en argent ou une pièce de service en porcelaine. Le trou était fouillé par les plus pauvres, surtout des enfants, au risque de leur vie. L’odeur était tellement pestilentielle, et la présence des mouettes et des pigeons telle, qu’on surnommait la zone : " le guano ".

    Angélique, que l’alcool et la misère faisait perdre tout bon sens, était surnommée " la Mère Toupet ". Elle fit connaitre à son fils la honte et la violence de l’alcool. Un jour, n’y pouvant plus, Alfred s'enfuit à l'âge de 11 ans en s'engageant comme mousse. Au contact des marins, il apprit à sculpter dans des visages dans le bois au couteau et se montra rapidement très doué. Le capitaine du navire sur lequel il était embarqué lui conseilla de suivre des cours aux Beaux-Arts et l'incita à rentrer à Saint-Nazaire.

    Il revint à Saint-Nazaire à 17 ans quand il revint à Saint-Nazaire et se rendit à Paris en 1872. On ignore de quoi il vécut, probablement il épuisa le pécule qu’il s’était constitué en travaillant en mer. Cependant, faute de moyens financiers, il retourna à Saint-Nazaire, où il habitait au 21 de place du Bassins, un appartement dans une maison qui en comportait quatre. Le logement étant petit, il loua une serre à la sortie de la ville, près du Dolmen, pour en faire son atelier. Durant l'hiver 1877-1878, madame Alcide Bord, née Marie-Joséphine Sazerat, recherchait un sculpteur pour réaliser des bustes de ses trois enfants. Elle avait entendu qu’un jeune sculpteur revenu de Paris, dont on vantait les modelages. Elle se rendit chez Alfred, et le trouva entièrement nu devant un miroir. Alfred Caravanniez était si pauvre, qui ne pouvant s’offrir un modèle, il réalisait alors les corps de ses sculptures en se basant sur son reflet. La serre n’était pas chauffée, et Alfred grelottait les mains dans l’argile, (une autre version dit que c'est Gustave qui le découvrit ainsi, mais c'est bien en réalité sa mère).

    Madame Bord, '' émue par cette vision '', (Alfred était très beau jeune), et mère de garçons qui avaient le même âge que lui, décida de lui fit immédiatement une commande. Elle persuada son mari de faire pression sur le Conseil municipal afin qu'une bourse lui soit attribuée pour qu'il poursuive ses études aux Beaux-Arts. Il reçut ainsi 1.200 frs de la part de la municipalité par décision du Conseil du 24 mai 1878. Le Conseil Général de Loire Inférieure lui versa lui aussi une bourse.

    Retourné à Paris, reçu cinquième (on a aussi écrit premier) au concours de place à l'Ecole des Beaux-Arts, il fut rapidement remarqué par le sculpteur Aimé Millet pour avoir reproduit la tête de la vénus du Capitole, et entra dans son cours aux Arts-Décoratifs en octobre 1878, (49ème sur la première division). A la fin de sa première année, il reçut la 2ème médaille d'antiques. En août 1879, il fut 19ème au concours d'entrée à l'école des Beaux-Arts où ses professeurs furent Jules Cavelier et Louis-Ernest Barrias, et où il se lia avec Stanislas Biron, (dont il fit un médaillon en 1882).

    La famille Bord le prit sous sa protection, d’autant que le décès de Louis Bord, en septembre 1879, dont il avait presque le même âge, avait laissé ses parents dans une peine immense. Alfred fut pour ainsi dire adopté, et introduit dans leur cercle de relations. C’est grâce à eux qu’il reçut la commande en 1880 des portraits en médaillons de terre cuite des enfants de José-Maria-Fernandez Quiros, consul d'Espagne à Saint-Nazaire, œuvre présentée au Salon de Paris en 1880, pour laquelle il y obtint une mention honorable.

    Gustave Bord finança la réalisation de tirages en terre cuite à échelle réduite de l’œuvre original, il lui commanda de « Cathelineau jurant de défendre sa foi en 1793 », dont le plâtre fut présenté au Salon de 1881 et lui permis de recevoir une médaille de troisième classe, œuvre à propos de laquelle le sculpteur Jules Cavelier dit : « Vous êtes un homme de talent et de foi ; si vous continuez, vous serez une des gloires de mon atelier ». Ce plâtre originale fut par Gustave Bord offert à la Ville qui le déposa au Collège Aristide Briand. Il disparut durant l’occupation. L’œuvre représentait le général contre révolutionnaire en soldat vendéen, adossé à un calvaire brisé, la croix à ses pieds, la main droite tendue en serment. Exposée prêt du bureau du proviseur, la main gauche avait été brisée avant juin 1929. Toujours au Salon de 1881, il reçut une mention pour une médaille, et une mention honorable pour une autre sculpture.

    On lui connait de cette époque les œuvres suivantes : " Mon petit ami Henri Biron ", médaillon terre en cuite en 1882 ; le buste en terre cuite de François Soubigou, sénateur du Finistère en 1883 ; un bas-relief en marbre destiné au cimetière de Coutances en 1884, et toujours la même année la statue d’Anne de Bretagne, en pierre, 1m87 de haut, acquise par l’État qui en fit don en 1897 au musée de Saint-Brieuc.

    Gustave introduisit Alfred auprès de ses relations politiques du milieu royaliste, ce qui permit d'avoir de multiples commandes, " Le général de Charrette à Palay " statue en terre cuite en 1885, commandée par Adémar de Lusignan, et toujours la même année une représentation en terre cuite de saint Ignace de Loyola. Gustave Bord le présenta Louise-Charlotte-Marie de Bourbon de Vierson (1809-1891), fille illégitime du duc de Berry, demi-sœur du comte de Chambord, veuve du Général baron de Charrette. Elle favorisa son installation en 1888 à Saint-Servan, où il eut un atelier en plus de celui qu’il avait à Paris. Elle fut par ailleurs la marraine de l'une de ses filles. Par la suite il s’établit à Saint-Suiliac.

    Il exposa au Salon de 1880, 1881, 1882, 1885, 1886. A celui de 1888, il exposa au Salon les maquettes des cinq statues qui lui avait été commandées pour le Monument au comte de Chambord, à Sainte-Anne d’Auray. Le monument, dessiné par l’architecte Édouard Deperthes, fut érigé à la demande de Société de Saint-Henri, une association royaliste fondée par Athanase de Charrette, baron de La Contrie. Alfred Caravanniez réalisa les statues monumentales du comte de Chambord en tenue de sacre un genou à terre, placée au sommet d’un piédestal, avec Jehanne d'Arc devant, Sainte Geneviève à l'arrière, Du Guesclin et Bayard à gauche. L’ensemble fut coulé chez Barbedienne. Des tirages en taille 64 et 66 cm des deux chevaliers et de Jehanne furent vendus en grand nombre aux amateurs. La critique se déchaina contre Alfred dès l’exposition au Salon, il reçut cependant la Mention Honorable du jury.

    En 1890, on lui fit commande d’une statue de la Vierge destinée à être érigée sur le rocher de la Vierge de Bizeux, au milieu de la Rance entre Saint Servant et Dinard. Un premier plâtre fut posé au sommet du rocher, puis en 1891 le préfet d'Ille et Vilaine autorisa qu’on la remplace par un tirage, en fonte de fer recouverte d'une couche argentée de nickel, fondue dans les Ateliers Durenne. Une maquette au deux tiers fut présentée au Salon de 1892.

    Il participa au salon de 1896 avec un Buste en plâtre d'Albert Bertin, et un autre plâtre figurant Sanson et les Philistins.

    La statue de la Vierge de Bizeux fut érigée le 24 octobre 1897. Elle est haute de 3 mètres.

    La ville de Dinan avait songé lui commander une statue de Du Guesclin en 1891, mais ce fut finalement Emmanuel Frémiet qui fut retenu en 1900.

     

    Si le milieu royaliste permis à Alfred d'avoir d'importantes commandes, son carnet commença à se vider dès 1891, car il était considéré comme trop politisé. René de Kerviler dans ses biographie bretonnes, dit à son propos : '' s'est fait une spécialité de la sculpture royaliste et religieuse ". Alfred avait dit publiquement que reconnaissant envers Dieu de ses succès, il jurait de ne jamais « traiter que des sujets inspirés par la foi ». Cette étiquette et ce serment lui furent par la suite défavorables. Au demeurant Kervilez ne lui pardonna jamais de ne pas avoir livré trois statues qu’il lui avait commandées en 1891 au nom du Conseil de fabrique, pour l’église Saint-Nazaire : Saint Nazaire, Saint Yves, et Françoise d’Amboise.

     

    Les œuvres qui furent commandées à Alfred après 1891 étaient des généralement des médaillons pour des particuliers ou des bustes, comme celui du comte Alexandre de Monti de Rezé, du poète vendéen Emile Grimaud, du malouin docteur Botrel. Il eut la commande de la statue en pied de Charles Rouxin, (1814-1891) maire de Saint-Malo, pour orner sa tombe. En 1894, il reçut la commande du ministère des Beaux-Arts d’un buste en marbre du poète Auguste Brizeux, donné au musée de Nantes.

     

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    Alfred Caravanniez avec son épouse et deux de ses filles en 1900.

     

    Alfred participa au Salon de 1900. Le 10 juillet 1902, il fut reversé par une voiture à la sortie du Salon. Le conducteur continua sans s'arrêter, le laissant grièvement blessé, avec trois cotes brisées.

    Les deux dernières commandes importantes qu’il reçut, furent le bronze monumental à l’effigie de Surcouf inauguré le 6 juillet 1903 à Saint-Malo, coulée elle aussi par Barbedienne, et pour laquelle Alfred avait reçu pour elle la médaille 3e classe au Salon des Artistes Français de 1903, et la décoration du monument funéraire de Robert Planquette en 1904. Planquetet devait à l’origine poser pour Caravanniez, mais celui-ci prétexta n’avoir jamais le temps, si bien qu’il ne réalisa qu’un médaillon, qui fut tiré en bronze pour le monument.

    Il faut préciser qu'il était devenu alcoolique comme sa mère, et que d’après Alexandre Bernard, le directeur du Courrier de Saint-Nazaire, il agaçait profondément ses interlocuteurs en " parlant couramment de son génie ". Alfred ne savait pas garder ses élèves, se fâchait avec ses commanditaires, s’épuisait en procès pour la moindre chose, dont un très long contre la Société des Artistes dont il ne vit jamais l’aboutissement, et honorait de moins en moins ses commandes. Par ailleurs, il ne sut pas prendre le tournant de l'Art-nouveau. Au fur et à mesure des années, il déménagea plusieurs fois par an, ayant à chaque fois des ateliers et des logements plus petits que les précédents. Il avait aussi onze enfants, qu’il terrorisait dans ses crises d’ivrognerie, et son épouse, qu’il battait, peinait à les nourrir.

    Il tenta d'obtenir plusieurs commandes d'états, mais se vit toujours écarté. Il exposa au Salon des Artistes Français en 1904 " La pensée " et " L'étude ", et en 1905 un bronze " Plaisir champêtre ". Un comité formé de Nazairiens, avec sa tête monsieur Bonin, pilote, força la municipalité de Saint-Nazaire à accepter dans le cadre des fêtes de l’inauguration de la nouvelle entrée les 21, 22, et 23 septembre 1907, un grand plâtre, désigné comme " maquette de la statue La Glorification du Travail ", qui fut placé à titre de décoration provisoire à côté du pont des Frégates. L’œuvre représentait une femme, dans les canons de l’époque, revêtue d’une sorte de tunique d’où s’échappait un sein traité à la Michel-Ange, un bras tendu tenant une couronne de laurier, et s’appuyant de l’autre sur un écu aux armes de la ville. Ce plâtre avait été réalisé suivant sa maquette par messieurs David frères à Paris.

    Caravanniez

    Maquette de la statue La Glorification du Travail, septembre 1907, (Coll David Silvestre).

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    Cette statue n'avait pas l'énergie ni le fini des antérieures. Elle fut accueillie tièdement par la population, et les bigots nazairens habituels lui reprochèrent ce sein qu’ils ne voulaient voir. On la relégua aux réserves du musée qui fut inauguré le 4 mars 1908, et qui comprenait dans ses collections exposées l'ébauche originale en plâtre de la statue de Bayard, le buste de la statue de Surcouf de Saint-Malo, offerts encore une fois par Gustave Bord. Si ces deux dernières œuvres furent sauvées, la Glorification du Travail fut détruite dans les bombardements.

    Sa dernière participation connue au Salon et en 1908 avec le buste en plâtre patiné de sa plus jeune fille, Agnès, née en 1904, et qui depuis se trouve dans le fonds du Musée des beaux-arts de Nantes. A cette période, Alfred et sa famille vivent à Saint-Nazaire, 19 rue du Croisic.

     

    Alfred se retrouva au début de la Première-Guerre-Mondiale dans un pavillon de Montrouge situé au fond d’une impasse, où il survit péniblement avec sa femme et ses plus jeunes enfants. Un jugement du Tribunal de Senlis, en date du 28 novembre 1916, lui permit de recevoir le paiement des travaux de restauration de sculptures exécutés pour la propriété de madame veuve Napoléon Doyen, l’une des nombreuses personnes avec qui il était en conflit.

    Il décéda, dans le plus grand dénuement à Paris 15e, dans l'appartement où il venait d'emménager, située au 76 rue Dutot, le 30 août 1917. Sa veuve poursuivit ses procès, qui furent presque tous classés sans suite, dont celui contre les Artiste Français, qui perdura jusqu’en 1929 ! Elle décéda le 27 juillet 1938 à Paris 14e, dans l'appartement qu'elle partageait avec sa fille aînée, Victorine (1882-1965 ; divorcée sans enfants), 11 rue Antoine Chantin (devenu le 14).

     

    Les communes de Saint-Malo et de Saint-Suiliac ont baptisée chacune une rue à son nom. Il n'existe aucune plaque à Saint-Nazaire.

     

     

    Les aînés des enfants d’Alfred Caravanniez firent carrières dans la mode et la vente de soieries. L’une de ses filles, Irène, née à Paris en 1901, fut une chapelière réputée travaillant en collaboration avec les grandes maisons de couture parisiennes. Fiancée à Alain Saboureau, un étudiant en médecine, elle partie avec lui en mer à bord d’un canoë pliable en caoutchouc rouge à deux places, muni d’une voile, depuis le port de Monaco le 19 août 1931, à destination de la Corse. Les marins et pêcheurs du port de la Principauté les déconseillèrent de se lancer dans une telle expédition. Mais Irène était sûr d’elle, elle était une très bonne nageuse. Hélas, la Méditerranée n’est pas l’Atlantique, et un hydravion retrouva le 25 août le canoë à la dérive en pleine mer au large des côtes italiennes, proche de La Spezia, avec assise à l’arrière Irène décédée. Alain Saboureau était introuvable. Sur l’instant il courut la rumeur qu’elle avait été assassinée d’un tir de révolver, ce qui provoqua des spéculations de la part de sa famille, au grand agacement de la famille Saboureau qui demanda qu’on attende les résultats de l’autopsie. Par ailleurs Irène avait emporté avec elle le passeport de sa sœur Marinette, ce qui créa quelques problèmes supplémentaires au début de l’enquête. En réalité Irène n’avait aucune blessure ; elle était décédée de faim et de déshydratation. On supposa que son fiancé avait tenté de rejoindre la côte à la nage, ou s’était volontairement jeté à la mer pour lui permettre de survivre avec les rations qu’ils avaient emportées. Le corps d’Alain ne fut jamais retrouvé.

     

    Une rue au nom de Caravanniez ?

    Donner le nom d'Alfred Caravanniez à une rue de sa ville natale est un serpent de mer qui vient et revient depuis les années 1960. Fernand Guériff a soutenu le projet jusqu'à son décès, plusieurs Nazairiens l'ont demandé.  Edouard Caravanniez (1892-1994), l'un des fils d'Alfred, proposa en 1975 à la Ville de Saint-Nazaire, d'offrir le modelage original du Cathelineau, réalisé en 1881. Edouard avait demandé en contrepartie qu'une rue soit nommée à la mémoire de son père. On lui lui répondit le 28 mai 1975  qu'on soumettrait cette demande au conseil, qui s'en désintéressa totalement. En juillet 1975, las de ne pas avoir de réaction véritable de la part de la mairie de Saint-Nazaire, Edouard fit don de l'œuvre à la ville de Saint-Malo, ainsi que le dons de plusieurs bustes au Musée des Beaux Arts de Nantes, dont celui de sa sœur Agnès, exposé au Salon de 1908, et il n'y a toujours pas de rue Caravanniez à Saint-Nazaire.

     

    La ville de Saint-Nazaire possède actuellement en ses réserves une version en plâtre du Bayard et un buste de Surcouf, donnés par Caravanniez à la fondation du musée municipal en 1902, deux œuvres pour lesquels il fut primé au Salon de 1888 et à celui de 1903, et conservées dans des conditions lamentables depuis des décennies.

  • Port Gavy ou l'école des infirmières

    Connu actuellement comme " l’École des infirmières ", Port Gavy fut à l'origine une propriété comportant une villa et ses dépendances dans un vaste parc.

     

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    La villa de Port Gavy en septembre 1919, (coll. personnelle)

     

     

    Située sur la Grande île des Gavids, (du breton Gavr, qui signifie chèvre, mais qui sur les côtes de Bretagne désigne aussi un type de crabe : l'étrille (Necora puber),  à un emplacement où il n'y avait aucune construction, la propriété fut bâtie durant le Second Empire, probablement vers 1855 à la même période que le château des Charmilles à Porcé, pour William-Felix Le Besque, (1802 - 8 décembre 1877 à Nantes), capitaine de navire, et son épouse Delphine-Aimée Lefebvre, native de Saint-Florent-le-Vieil, couple domicilié à Nantes.

    Destinée a l'usage de demeure de vacances, la villa fut construite sur cave, avec au-dessus un entresol avec une cuisine carrelée munie d'un monte plat, et une salle à manger pour les domestiques ; un rez-de-chaussée surélevé sur un entresol habitant les services, avec hall, salle à manger lambrissée et plafonnée d'acajou, grand salon, et dans la tour un boudoir rond. Au 1er étage trois grandes chambres de maître avec chacune leur cabinet de toilette. Celle qui occupait la tour était dite de Monseigneur Fournier, en référence à Félix Fournier, (1803-1877), évêque du diocèse de Nantes de 1870 à sa mort, qui passait chaque été quelques semaines à Port-Gavy, car il était ami d'enfance de William-Felix Le Besque. Sa chambre était décorée de fresques du peintre Jules-Elie Delaunay, (Nantes 1828 - Paris 1891), qui représentaient en médaillon les bustes des Apôtres et des premiers disciples, avec au-dessus de chaque médaillon, en lettres gothiques dorées, un versé du credo. Les fenêtres étaient dotées de vitraux évoquant des moments de la vie d’Anne de Bretagne, et de François Ier. Au second étage étaient les quartiers des domestiques, avec un accès au grenier et au troisième niveau de la tour, ainsi qu'à la terrasse qui la somme, d'où l'on peut voir de la rade de Saint-Nazaire à la pointe Saint Gildas, et le clocher de l'Immaculée.

    Le domaine était d'une surface de 10ha, le long de 400m de côte, il y avait notamment 3ha de vignes situées à l'emplacement des bâtiments de l'université, qui donnaient encore en 1929 cents barriques de vins rosés dont la qualité était louée par ceux qui l'avaient goûté. Un verger et une prairie, un bois de chênes verts, sapins, et lauriers, une pelouse dégagée en direction de la Villès-Martin, bordée de rosiers, de camélias, et d'une allée de palmiers. Encore aujourd'hui, on pénétre en direction de l'ancienne villa par un portail du 19e siècle peint en vert, via une allée autrefois bordée de houx. Il y avait aussi un hibou de granite près de la grille, (parfois confondu avec une chouette référence  aux Chouans pour les familles royalistes), mais qui à Gavy est bien un hibou, c'est un emblème parlant qui fait référence au nom des Le Besque qui signifie hibou en breton.

     

    Au décès de William-Felix Le Besque, son fils Georges-William, né à Nantes le 25 avril 1844, hérita d'une fortune suffisamment confortable et se fit notaire à Saint-Nazaire à partir du 10 juillet 1875. membre de la Société des Bibliophiles Bretons, comme son voisin Gustave Bord, il possédait en son manoir de Gavy d'un bibliothéque réputée. A l'âge de 36ans, il rencontra Eliza Chavril, âgée de 19ans, orpheline placée sous la tutelle d'un lointain parent, Yves Martin, propriétaire domicilié à Saint-Nazaire. Eliza Chavril naquit le 12 mai 1864 à La Motte dans les Côtes-d'Armor. Sa mère, Marie Anne Le Maire, décéda à La Motte le 5 mai 1875, et son père, Louis Chavril, décéda à Saint-Nazaire le 10 juin 1880. Afin de se marier, Eliza obtint l’autorisation de son conseil de famille, par délibérations du 20 juillet 1883, validées par le juge de Paix du Canton de Saint-Nazaire. Le couple s'unit à la mairie de Saint-Nazaire le 20 août 1883. Si les témoins de Georges-William étaient ses cousins germains Lefebvre venus de Saint-Florent, Eliza eut quant à elle Victor Delaris, le vérificateur des douanes de Saint-Nazaire, cousin par alliance, et Charles Marion de Procé, procureur de la République, désigné comme son ami dans l'acte.

    Le couple s'établit rue de Villes-Martin, mais passait tous les weekends et les vacances en sa résidence de Port-Gavy.

    Ils eurent deux fils :

    1° William-Adolphe-Henri-Louis Le Besque, (Saint-Nazaire 30 mai 1885 - Dinar 27 août 1968) ;

    2° Georges-François-Marie-Félix, (Saint-Nazaire 30 septembre 1894 - 30 septembre 1979 Brest), qui épousa en premières noces, le 7 mai 1923  à Nantes, Marie Martin-Sortres ; et en secondes noces, le 16 mars 1945 à Landerneau, Andrée-Amélie  Poulain de La Fosse David, (1910-1936).

    Ajoutons que selon la tradition orale, Georges-William se lia avec Narcisse Pelletier, célèbre marin qui avait passé dix-sept années dans un clan aborigène, affecté en 1876 au gardiennage du phare d'Aiguillon, et que celui-ci le reçut chez lui plusieurs fois.

    Le 4 septembre 1929, l’inspecteur général des services hospitaliers informa le maire François Blancho que des vieillards de l'hospice de Saint-Nazaire occupaient des lits réservés aux malades à l’hôpital, et que cela n'était pas admissible. Par manque de place à hospice de rue du Traict, tenu par les Filles de la sagesse, congrégation de religieuses hospitalières, on avait du les y placer, ainsi que 70 autres vieillards nazairiens expédiés à Guérande, Blain, Savenay, et Paimboeuf.

    On chercha en urgence un nouveau lieu. Le premier adjoint et conseiller d'arrondissement, Bernard Escurat, (1862-1865), informât que le domaine de Port-Gavy qui était alors en vente depuis peu. La vente fut signée le 17 octobre 1929 une promesse d'achat auprès William-Adolphe-Henry Le Besque chargé par son frère de le représenter dans la dispersion des biens familiaux, pour la somme de 800.000 frs avec son ameublement, le matériel agricole et les animaux de la ferme, somme prise en charge par la Ville à hauteur de 50%, plus une promesse de 90.000 fr pour aider aux aménagements, les 400.000 fr restants étant à la charge de l'Hôpital. La maison était alors relativement défrichée : les marches du perron étaient disjointes, semé d'herbe, les rampes de bois des balcons auxquels s’accrochaient des rosiers, de la glycine et de la vigne vierge, étaient branlantes. La chapelle et les bâtiments de la ferme qui la complétaient, nécessitaient des travaux. Les Nazairiens trouvèrent aussi que déplacer les vieillards à 6km du centre, dans une partie de la commune mal desservie par une ligne de bus, n'était pas une bonne idée, même si tous s'accordaient sur la beauté de l'endroit. Au demeurant, la propriété n'avait ni gaz, ni électricité. Il fallu attendre plusieurs mois pour finaliser l'acquisition, car l'achat devait être financé par la Commission des Jeux (ancêtre de la Française des Jeux), et différentes aides de l'Etat.

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    La propriété au moment de son achat dans un reportage du Courrier de Saint-Nazaire publié le 07/12/1929.

     

     

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    Intérieur de la chapelle en 1939. (Carte Postale éditions Rosy.)

     

     

    Plusieurs projets furent discutés, on devait en effet réaliser un espace pouvant contenir 200 lits. Ce fut Andrés-Laurent Batillat, membre des Seiz Breur, qui fut retenu avec deux projets de sa main. Le premier, dit " projet A " consistait à l'ajout d'une aile à la villa, le second, " projet B ,  prévoyait de construire en plus un vaste complexe de bâtiments construits en paravent face à la côte.

     

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    projet A, (réalisé). (Archives départementales).

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    Projet B, (Archives départementales).

    1 = villa ; 2 = aile réalisée.

     

    C'est le projet A qui fut réalisé, par l'ajout à la villa une aile pour les patients. L'entresol de la villa fut adapté aux services, et les niveaux supérieurs devinrent le logement du directeur. Le balcon en bois découpé de la tour fut remplacé par un balcon en ciment avec escalier ; la fenêtre du troisième étage de la tour fut retaillée en ogive, et l’ensemble fut enduit de ciment peint en blanc. Initialement cela devait couter 30.000 fr de remise à neuf, mais des problèmes de structures dus au manque d'entretient durant des années firent monter la facture à 96.000 fr. (cf. délibérations municipales de janvier 1939). Il est à noter que jusqu'à la guerre, le logement servait uniquement durant les périodes d'été, comme résidence secondaire de l'économe de l'hôpital En effet, Gavy étant à 4km du centre ville, et 3km de Saint-Marc, et l’absence d'une ligne de bus régulière, firent que son utilisation comme logement à l'année ne convenait pas à une famille.

     

    D'une grande modernité et pensé avec toute la technologie disponible, (y compris un monte plat électrique objet d'un concours en juillet 1938), le projet avait alors une telle importance, que le ministre de la Santé Publique, Marc Rucart, vint visiter le chantier le 5 novembre 1938, avant de visiter les bâtiments nouvellement modifiés ou construits, toujours par André-Laurent Batillat, sur la commune, de l'Hôpital, du centre de santé scolaire, de la maternité, etc.

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    Le Travailleur de l'Ouest du 8 octobre 1938

     

    Ce n’est que le 30 avril 1939, que l’inauguration eut lieu par le maire François Blancho, qui félicita chaleureusement l'architecte André-Laurent Batillat pour sa réalisation..

     

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    Le Populaire de Nantes du 1 mai 1939

     

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    Le Travailleur de l'Ouest du 6 mai 1939

     

     

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    Les bâtiments en 1939, (Carte Postale éditions Rosy).

     

    Occupé par les Allemands durant la guerre, qui peignirent les bâtiments en vert pour les camoufler, puis par les troupes française, le site fut restitué en septembre 1945 à la municipalité. Après une remise en état des lieux, effectuées par 180 prisonniers allemands, Henri Allanet, ancien économe devenu directeur, à qui l'on doit entre autres la reconstruction de l'hôpital de Saint-Nazaire, y installa l'ensemble du service chirurgical de la ville, toujours en collaboration avec les Filles de la sagesse. C'est sœur Gustave, (née Anne-Marie Barreteau), qui en assura la gestion. Trois chirurgiens y officiaient : Jagot, Gentin, et Delouche.

    Henry Allanet emménagea dans l'apparentement de fonction avec sa famille, au grand dam de son épouse qui se plaignait de l'isolement géographique du site (Cf. " Henri Allanet, un citoyen du XXe siècle ", de Pierre H. Allanet). Ils y restèrent jusqu'à la construction de leur maison square des Acacias, actuellement square Henri Allanet.

    En janvier 1947, le Centre chirurgicale de Gavy était équipé de 90 lits. En décembre de cette année, la ministre de la Santé, Germaine Poinso-Chapuis, vint visiter les installations hospitalières de Saint-Nazaire. 

    En 1951 il comportait 100 lits.

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    Salle des malades du centre Chirurgicale en 1939. (Carte Postale éditions Rosy.)

     

    A la suite de la construction d'un nouvel hôpital, inauguré en 1960, le Centre chirurgical fut déplacé, et Gavy devient un institut de formation en soins infirmiers en 1961 après de nouveaux travaux de transformation. L’inauguration eut lieu en septembre 1962 et l'enseignement débuta avec 30 élèves en formation de 3 ans.

     

    (Remerciements particuliers à monsieur S. Paquet pour le complément d'information.)

     

  • Le quartier de Plaisance

     Si vous vous promenez rues Honoré de Mirabeau et Frederic Mistral, vous découvrirez des maisons de style art-déco. Ces maisons sont les survivantes d’un projet urbanistique ayant pour but de logées les familles ouvrières de Saint-Nazaire.

     

    Le lieu d’édification du quartier de Plaisance est l’emplacement des terrains occupés par le Camp N°1 des troupes des États Unis d’Amérique dans le cadre de l’aide armée et matérielle que ce pays apporta à la France en 1917.

    Ce camp était doté de préfabriqués en bois entre lesquels furent tracées des voies goudronnées.

     

    camp-N°1, américains, 1917, saint-nazaire

    Le Camp N°1

     

    Après le départ des Etasuniens en 1922, l’ancien camp, dont on avait démonté les préfabriqués, devint un terrain vague sillonné de routes goudronnées.

     

    Il fut décidé d’y édifier une cité afin de pallier le manque de logements pour les ouvriers de Penhoët et remédier à l’existence des taudis (le mot bidonville n’existait pas encore).

    Le chantier fut entrepris entre 1926 et 1930 autour des voies déjà existantes, ce qui explique que certaines rues ne débouchent pas directement sur les avenues qui bordent les îlots.

    Ce projet fit qu’on projeta la création d’une avenue à travers le Grand Marais (actuel Parc Paysager). Cette avenue, qui devait relier le nouveau quartier à l’avenue de Lesseps, fut nommée avenue de Plaisance, et est actuellement l’avenue François Mitterrand.

    Bien sûr on s’étonna de choisir un endroit aussi éloigné des chantiers, mais la Municipalité n’avait pas la possibilité de lotir décemment à Penhoët, et le choix de Plaisance permettait d’offrir aux familles ouvrières l’électricité, et surtout l’eau courante, un lux dans la Saint-Nazaire d’avant la reconstruction.

    Au demeurant, à l’époque on était au milieu des champs et des prairies, et l’on pouvait voir jusqu’au clocher de l’Immaculée et au château d’Heinlex !

    La construction débuta en 1927 avec six premières constructions où furent loger onze familles.

    Les logements, construits en pierre, au toit en tuiles (presque toutes remplacées depuis par de l’ardoise), étaient constitués de quatre pièces et dotés d’une cave et doté de jardinets. Les premiers bâtiments étaient tous identiques. On décida, pour éviter une monotonie déprimante, que les constructions suivantes seraient d’une autre architecture. Quatre nouveaux bâtiments destinés à six familles furent livrés en 1928. Une troisième tranche de construction eu lieu en 1929 afin d'atteindre le nombre de 31 logements. En 1930, il était projeté d'en construire 200, au détriment des jardins ouvriers, qui furent obligé d'abandonner les parcelles qu'ils avaient en gestion.

    On permit aux familles qui le désiraient d’acquérir ces maisons sous des conditions avantageuses, notamment grâce à la création d’une société de crédit immobilier qui prêtait au taux de 2,80% remboursable en 25 ans, et l’on proposa des terrains à lotir à la vente à des prix avantageux. L’Abri familial fut aussi intéressé au projet.

     Enfin, on y créa l’École Jules Ferry, dont les locaux abritèrent le cinéma Cameo.

     

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    Le cinéma Cameo, derrière l'école Jules Ferry, carte postale Rosy.

     

    Plaisance a beaucoup changé depuis l’installation des premières familles en 1927, c’est en 2018 un quartier en mutation, mais au hasard des promenades, vous pourrez y découvrir quelques constructions intéressantes.