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  • Dé d'Argent, la famille Picaud

    Le Dé d’Argent est un grand magasin aujourd’hui disparu qui a laissé une trace importante dans la mémoire nazairienne. Quatre générations de Nazairien l’ont fréquenté, pour s’y fournir en mercerie, vêtement d’enfant, et accessoires de mode.

    L'histoire de ce commerce, véritable institution nazairienne est aussi celle d'une famille, la famille Picaud.

     

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    Georges Picaud, (avec le chapeau), et son personnel du Dé D'argent en 1930, (coll. P.).

     

    En 1900, au 8 de la rue de Nantes, (future rue Henri Gautier), Eugène Picaud, né à Vannes 18 février 1876, marchant grossiste en mercerie, et son épouse, Adrienne-Ursule-Rosalina-Eugénie Seng, née à Fontenay le Comte 4 mars 1875, s'établirent. L'immeuble comprenait une boutique avec deux grandes vitrines, des réserves, un atelier de couture et de modiste au premier étage, et un vaste logement au second. C'est là que naquit leur fils, Georges-Octave Picaud, le 1er févier 1903.

    Le commerce étant très fleurissant, les Picaud acquirent en 1904 une partie de la dune de Villes-Martin, qu'ils firent araser pour y construisirent une maison de plaisance, Ker Georges. A l'époque le boulevard de l'Océan, futur boulevard Albert Ier, n'allait pas jusqu'à Villes-Martin. Celle maison a depuis disparu au profit de l'immeuble Le Guynemer, boulevard Albert Ier. Cependant, la parcelle fut divisée en 1911 par les Picaud pour la construction d'un pavillon avec garage nommé Ker Adrienne. La bâtisse n'étant à l'origine destinée que pour être habitable la belle saison, jusqu'à des travaux en 2001, le parquet du salon était posé à même le sable, les toilettes étaient au bout de jardin, et il y avait une citerne qui, quand elle était vide, signalait la fin des vacances. Ce pavillon balnéaire existe toujours, au 91 boulevard Albert Ier. Il a bénéficié d'une large campagne de travaux qui en ont fait une charmante maison très agréable à vivre. Cette maison a la particularité avoir été louée de 1945 à 1958 par François Blancho, qui y a vécu avec son épouse, son fils, sa bru, et sa petite fille. Georges Picaud hérita Ker Adrienne de ses parents, (son frère puiné, Raymond, était décédé à l'âge de 18 ans dans la maison à la suite d'une maladie, le 11 août 1932), et la vendit en 1973.

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    Ker Adrienne le 28 juin 2022

     

    Georges Picaud devint co-directeur du Dé d'Argent à sa majorité. Avec la présence des troupes étasunienne, le commerce s'était fortement développé.  Les Picaud y vendaient de mercerie, passementerie, ganterie, maroquiner, laine à tricoter, mode, parfum, bonneterie, chemiserie, layettes, au détail et en gros, fournissant certains commerces d'épiceries de la côte en matériel de couture, de broderie et de tricot.

     

    Georges- épousa à Saint-Nazaire, le 18 juin 1928, Giselle Graziana, né à Saint-Nazaire 24 novembre 1905 (déclarée le 26), fille du plus gros entrepreneur en marbrerie et pompes funèbres de la ville. Le couple s'établit au 2 de la rue Charles Brunelière. Il y naquit leur fille Yolande en 1929.

    En 1931 le Dé d'Argent était l'un des commerces qui employaient le plus de personnes à Saint-Nazaire. Le recensement de 1931 nous permet de mettre des noms sur les visages de la photographie de 1930 publiée en tête de cet article. 

    Employées de magasin :  Jeanne Auffray, (née à Saint-Nazaire en 1913 ) ; Marthe Bili, (née à Souvigné en 1909), et sa sœur Marie Bily, (née à Saint-Nazaire en 1912) ; Louisa Bonneau, (née à Saint-Nazaire en 1905) ; Augustine Bouet, (née à Nantes  en 1889) ; Eliane Crolais, (née à Saint-Nazaire en 1913) ; Fernande Fromenty , (née à       Dalaguet en 1909) ; Madeleine Gauthier, (née à Saint-Nazaire en 1914) ; Madeleine Le Meul, (née à Saint-Nazaire en 1913) ; Jeanne Monnier, (née à Saint-Nazaire en 1900) ; Lucienne Perrin, (née à Saint-Nazaire en  1912) ; Porcher Yvonne, (née à Saint-Nazaire en 1910) ; Camille Saunier, (née à Saint-Nazaire en 1901) ; Germaine Welhelme, (née à Saint-Nazaire en 1900) ; et Lucienne Schmitt, (née à Saint-Nazaire en 1912), figure nazairienne qui eut charge en avril 1930 d’accueillir en costume nazairienne le président Doumergue[1].

    Il y avait aussi une piqueuse : Jeanne Languedoc, (née à Fort de France en 1886)

    Les modistes : Jeanne Bodiguel, (née à Saint-Nazaire en 1909) ; Renée Busson, (née à Saint-Nazaire en 1915) ; Clémentine Hupin, (née à Saint-Nazaire en 1912) 

    Et une sténo dactylo, Paulette Fernay, (née à Noyant en 1914).

     

    En raison des bombardements, les Picaud s'établirent à La Baule-Escoublac avec leur stock. Ils ouvrirent une boutique place Notre-Dame.

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    Les Picaud   firent reconstruire un nouvel immeuble au 44 avenue de la République à Saint-Nazaire. Leur commercé prenant place au rez-de-chaussée en 1958. Ils conservèrent cependant une succursale à La Baule au 125 avenue du Général de Gaulle.

     

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    Eugène décéda le 9 septembre 1958 à La Baule-Escoublac, Adrienne le 12 mars 1962 ; ils reposent tous deux au cimetière de La Briandais, dans un enfeu à trois places avec le frère ainé d'Eugène. Leur fils, Georges, avait pour sa part fait le choix d'aller s'établir à Paris au 2 boulevard Suchet. Il acquit en 1957 une manufacture de laine en faillite, et fonda l'entreprise Laines Georges Picaud, que toutes les grands-mères nazairiennes ont employée pour leurs tricots, comme celle d'Alger et de Beyrouth... Georges décéda le 16 septembre 1987 à Paris 16e. Malgré la grande réputation de ses produits, la vente de lainages en prêt-à-porter a mis à mal l'entreprise, et celle-ci ferma en 1988. Giselle Graziana-Picaud décéda le 22 janvier 1999 à Garches.

     

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    Enfeu Picaud au cimetière de La Briandais

     

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2016/11/20/coiffes-et-costumes-nazairiens-5876655.html

     

     

     

  • L'aimant de Saint-Nazaire

    L’aimant de Saint-Nazaire semble être la sardine qui bouche le port de Marseille, à écouter certains, il y aurait eu un rocher sur le bord de la Loire qui attirait à lui les métaux, dont les boulets de canon qu’on tirait dans l’estuaire, et déréglé les boussoles. Comme la sardine marseillaise, il y a une derrière cette galéjade une histoire vraie.

     

    Origines de la légende :

     

    Tout débute avec un article de monsieur de La Montre, professeur de mathématique et de philosophie, dans le Journal des Savans du lundi 6 août 1696, intitulé « La cause physique de la déclinaison é variation de l’éguille aimantée » :

    «  On rencontre de prodigieuses masses d’aimant en plusieurs endroits de la terre ; l’Ile d’Elbe en est toute couverte ; dans la rivière de Loire près de son embouchure, vers Paimbeuf & S. Nasaire, il y a des Rochers d’aimant : enfon prés le Cape de la Rocque en Portugal, il y a une grande montagne toute d’aimant ; d’où il paroit qu’en plusieurs autres endroits de la terre, on peut rencontrer de ces grandes masses d’aimant, qui paroissent sur sa surface, où qu’il ne sont pas si enfoncées au dessous, que le tourbillon de la matiere magnetique qui circule autour de ces grans aimants, ne puisse agit fort loin à la ronde. En voila assez, pour nestre pas en peine de chercher ailleurs une cause particuliere capable d’alterer la cause générale. »

     

    Cet article passa inaperçu, au moins pour la mention de Saint-Nazaire, mais 1764, le chanoine Jean-Joseph Expilly, publia, à Amsterdam, dans le tome 3 de son Dictionnaire géographie, historique et politique des Gaules et de la France, dans son article sur la Bretagne, au passage « curiosités naturelles », écrivit : « feu monsieur l’abbé de la Montre avança dans le Journal des Savants di lundi 6 août 1696, que dans la rivière de Loire, près de son embouchure, entre Paimboeuf et Saint-Nazaire, il y a, auprès d’une moulin nommé La Noë, et son petit village appelé Ville st. Martin, un champ qu’on appel le champ d’aimant, parce que les cailloux qu’on trouve sur sa surface sont des pierres d’aimant. Il est vrai que leur vertu n’est pas grande ; mais il est présumé que si l’on se donnoit la pine de creuser bien avant dans la terre, on y trouveroit des pierres qui auroient plus de qualité que celle dont est parsemée la surface du champ. En effet, on nous mande d’un homme à qui appartient en partie le champ en question, ayant eu la curiosité de faire creuser dans un certain endroit, il en retira une pierre qui fut estimée deux cens pistoles. Lorsque que les vaisseaux entrent dans la Loire, ou en sortent, et qu’il se trouvent entre la pointe de Ville St. Martin, et un danger nommé les Morées, il est sûr que leur compas varient beaucoup plus qu’il ne font lorsqu’ils sont éloigné de cet endroit. »

     

    Explications :

     

    Le champ mentionné par le chanoine Jean-Joseph Expilly est aujourd’hui l’îlot urbain devant l’ancien moulin de la Noë, entre les rues Eugène Daviers, des ardoises, et Antoine Parmentier. En 1760 il appartenait à Mathieu Rouaud, sieur de La Villemartin, (Saint-Nazaire 26 janvier 1743 – Guérande 5 juillet 1803), alors avocat au Parlement, et il le partageait avec ses cousins Canuel de Mauve. Mathieu Rouaud de Villemartin, nous en avons déjà parlé dans un poste précédent, (http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2014/06/13/famille-rouaud-de-villemartin-5390121.html), mais aussi dans un article paru en novembre 2018 dans le numéro 93 de la revue Histoire & Patrimoine. C’était un homme très instruit, qui versait dans les sciences mécaniques et naturelles, et c’est dont lui qui fut mentionné par le chanoine.

     

    Quant aux aimants, ce sont des magnétites, c’est à dire des oxydes de fer de la famille des spinelles. On en trouve effectivement dans des jardins de la Villes-Martins, sous forme de petits cailloux gris-noirs, ou de pépites granuleuses oxydées de rouille brune, (mais pas sous la forme de cristaux). En les passant sur une meule, on obtient une face plate gris foncée qui aimante la limaille de fer ou une épingle de couturière. Le plateau de Villès-Martin-Kerlédé-Bonne-Anse est riche en pépites de magnétite, comme il est riche en cristaux de spinelle, ces petits cristaux rouge-violacé qui colorent parfois les plages après les orages, surtout au niveau de la plage de Bonne-Anse.

     

    Contrairement à ce que le chanoine Expilly écrivit, il n’y a pas de quoi perturber une boussole. Cependant, quelques capitaines qui firent échouer leur navire sur les Morées, à la Pointe de Villès-Martin, au cours du 18ème siècle, prétendirent que leurs instruments avaient été perturbés par la présence de ces aimants naturels…

  • Michel-Alexandre Magin, ingénieur de l'Estuaire de la Loire

    A la suite de la conférence donnée vendredi dernier par la Mission des patrimoines de la Ville de Saint-Nazaire, vous avez été nombreux à me demander quelle était la carte comprenant une représentation du Phare d’Aiguillon au XVIIIe siècle et dont le nom n’avait pas été mentionné, (mais qui apparaissait cependant sur la projection). Cette carte, intitulée « Carte géométrique de l'Entrée de la Rivière de Loire par l'ingénieur de la Marine et de l'Académie de Marine, Michel Alexandre Magin, en 1757, mentionnant le manoir de Kerlédé et son bois de châtaigniers servants d'amers », est très connue, nous l'avons utilisée plusieurs fois pour illustrer ce blog en y prenant des éléments, et est téléchargeable sur Gallica, qui, il faut le préciser, fait une grossière erreur en l'attribuant à Nicolas Magin, mort bien longtemps avant sa réalisation ! En effet, cette carte a été réalisée en 1757 par l’ingénieur Michel-Alexandre Magin, neveu de Nicolas. Nous devons à Michel-Alexandre Magin la réalisation du phare d’Aiguillon et de la première Tour du Commerce.michel-alexandre, magin, saint-nazaire, carte, estuaire, loire, phare, aiguillon, 1757

    Carte géométrique de l'Entrée de la Rivière de Loire par l'ingénieur de la Marine et de l'Académie de Marine, Michel Alexandre Magin, en 1757, mentionnant le manoir de Kerlédé et son bois de châtaigniers servants d'amer

     

    Il convient ici d’expliquer qui est Michel-Alexandre Magin.

     

    Michel-Alexandre Magin, (né vers 1713 –  décédé avant 1787), est originaire de Fécamp, où sa famille est connue depuis 1626 en la personne de son arrière-grand-père Jean Magin, avocat à la cour. Son grand-père, Pierre Magin, marchand drapier, est mort en 1688 ; son père, Charles, (1670-1738), était chirurgien.

    Michel-Alexandre Magin est aussi le neveu de Nicolas, (1663-1742), chargé des levés et cartes des ports et cotes de Normandie en 1696, ingénieur en chef du Roi à Fécamp, chargé en outre des villes et port de Rouen et Pont de l’Arche en 1702 ; et de Jean, (1669-1741), fut cartographe affecté à Fécamp sous les ordres de son frère.

    Elève de l’hydraulicien Jean-Rodolphe Perronet, Michel-Alexandre Magin fut nommé sous-ingénieur de la Marine en mars 1744. Il fut sous les ordres de l’intendant de Guyenne, Louis-urbain Aubert de Tourny, de 1743 à 1755, et procéda à des travaux cartographiques destinés à améliorer la navigation entre l’estuaire de la Gironde et Bordeaux. Il devient à cette période, le 31 août 1752, membre ordinaire de l’Académie de Marine.

    En 1755, Michel-Alexandre est affecté à Nantes sous les ordres du duc d’Aiguillon, commandant en chef en Bretagne, où il fut chargé des travaux hydrographiques et cartographiques à l’embouchure de la Loire et de poursuivre les travaux de régularisation des cours inférieurs de la Loire, débutés en 1738, afin d’en améliorer la navigation, réalisant pour cela à Saint-Nazaire le Phare d’Aiguillon et la première Tour du Commerce, prévoyant aussi la Balise des Morées, qu’il ne put construire car les États de Bretagne refusèrent de poursuivre son financement en 1768, lors de la réunion des États à Saint-Brieuc. Les Etats de Bretagne dépensèrent au total, entre 1738 et 1768, pour les travaux de l’Estuaire la somme considérable de 283.000 livres, somme à laquelle il faut ajouter 40.000 livres accordées entre 1754 et 1787 par le Conseil d’Etat depuis Versailles. Les Etats étaient en conflit avec le duc d’Aiguillon qui se comportait incorrectement, et contre la pression fiscale du régime de Louis XV. Malgré une rallonge de 77.000 livres par le gouvernement royal en 1769, les travaux de Magin dans l’Estuaires furent suspendus. Ce qui explique la Balise des Morées ne fut finalement réalisée qu’en 1777 par l'ingénieur des Ponts et Chaussées Groleau, et que la Tour du Commerce fut financée par les commerçants et armateurs de Saint-Nazaire, Paimboeuf et Nantes[1].

    L’historienne Geneviève Massard-Guilbaud, directrice d'études à l'EHESS, précise dans un article paru dans « Les trames de l’histoire : entreprises, territoires, consommations, institutions. Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Daumas », (Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2017, p.

    473-483) : « C’est donc sur ordre de d’Aiguillon que l’ingénieur Magin entreprit en 1755 d’importants travaux d’aménagement de l’estuaire de la Loire. En quinze ans, il fit construire plusieurs types d’ouvrages qui correspondaient globalement à ce qu’avaient préconisé les études effectuées avant son arrivée. Les bras secondaires de la Loire furent barrés, des épis visant à concentrer les eaux dans un étroit chenal construi, les îles reliées entre elles par des barrages, des digues latérales censées empêcher les pertes d’eau édifiées, des jetées construites dans deux des avant-ports. Magin appliquait ainsi à la Loire la méthode qu’il avait déjà employée dans les estuaires de  Bordeaux et de Rouen. Ces travaux modifiaient considérablement la physionomie des rives et l’organisation des bras. Ils perturbaient fortement les activités économiques liées au fleuve. Les barrages, en entraînant l’envasement ou la diminution du niveau de l’eau dans les bras secondaires, rendaient impossible la pêche dont vivaient de nombreuses familles, le travail des artisans des boires nantaises et celui des gabarriers. Ils perturbaient l’équilibre des prairies humides des rives de la Loire et, donc, le travail des fermiers. Les villages bordant la Loire se disaient gênés par les digues latérales, qui les coupaient du chenal principal. Négociants et armateurs, qui avaient si vivement réclamé ces travaux, n’en étaient pas satisfaits pour autant : dans la partie centrale de l’estuaire, la profondeur du chenal après travaux ne dépassait pas trois mètres en mortes eaux46. Ce tirant ne correspondait plus aux besoins des bateaux dont la taille ne cessait d’augmenter. Ils réclamaient par ailleurs la démolition d’une digue barrant un chenal qu’ils souhaitaient continuer d’emprunter alors que Magin l’avait fait obstruer.

    De tous côtés, des plaintes s’élevaient. »

    Jean-Rodolphe Perronet fut mandaté pour inspecter les travaux et évaluer s’il y avait eu erreur. Il confirma les choix de son élève. Cela n’empêcha pas la Ville de Nantes de faire procéder à des destructions de certains aménagements sur son territoire… et les Etats de Bretagne remercièrent Michel-Alexandre Magin au profit de Groleau qui reprit les aménagements du balisage de l’Estuaire et améliora le port de Paimboeuf.

     

    Cependant, durant son mandat, Michel-Alexandre Magin pu réaliser dans son intégralité le phare d’Aiguillon, avec une lanterne alimentée au bois, comme le montre un dessin à l’angle supérieur gauche de sa carte de 1757, dessin qui contredit l’affirmation qui prétend qu’avant 1830 et la pose d’un feu blanc fixe, Aiguillon n’aurait été d’un amer ! Affirmation qui ne tient pas à la lecture des journaux de bord des navires arrivant de nuit devant l’estuaire au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais cette affirmation d’amer n’est pas totalement infondée. En effet, elle est née de la confusion avec la présence d’une « tourelle », qui était en fait une simple pille de maçonnerie, servant d’amer qui était placée non loin à l’emplacement de l’actuel blockhaus de la Pointe de Léve, construite sous le règne de Louis XIV pour servir de repère aux navires au moment où Nantes est entrée dans al traie négrière. Cette « tourelle » amer fut après la construction du phare d’Aiguillon remplacée pour servir de base à un sémaphore.

     

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    Dessin du Phare d'Aiguillon en 1757

     

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    Le phare et la « tourelle » d'amer 

     

    Fortement affecté par cette mésaventure, Michel-Alexandre se retira l’Académie de Marine en 1769 et ne participa plus à des travaux durant sept ans. On le retrouve en juin 1776 chargé d’effectuer des sondes et relèvements sur les côtes de France pour la nouvelle édition du Neptune français, ouvrage cartographique dont la première édition parue en 1693, fut voulue par Colbert. On retrouve ainsi notre ingénieur en juillet 1776 à Dunkerque, avec charge de procéder à des relevés sur les côtes depuis la Flandre jusqu’à la Normandie. Passant par le Ponthieu, il travailla à un projet d’assèchement du marais et des prairies inondables du Marquenterre en baie de Somme.

    Rappelé à Nantes au printemps 1777, il conduit et dirigea les travaux de construction des chaussées nécessaires à l’installation de la fonderie d’Indret, voulue par le ministre de la Marine Antoine de Sartine afin de répondre aux besoins en artillerie de la Marine. Le Gouvernement français avait pour cela fait venir le maître de forges anglais, William Wilkinson, (Backbarrow 1744 - 1808 Plas Grono) pour créer cette entreprise. Malheureusement Michel-Alexandre entra en conflit presque immédiatement avec Wilkinson, et il fut remplacé en septembre 1777 par l’ingénieur et architecte Pierre Toufaire, (1739-1794).

     

    En 1785, il exécute la carte de l’entrée de la rivière de Bordeaux, et meurt peu avant 1787.

     

     

     

    [1] Cf. Stéphane Durand, « Le financement des travaux portuaires civils en pays d’états (XVIIe -XVIIIe siècles) », in A. Conchond, David Plouviez et Eric Szulman, (dir.), Le financement des infrastructures de transport (XVIIe -XIXe siècle), colloque de Bercy, 23-24 juin 2016, Paris, Ed. de l’IGPDE.

  • Poisson du vendredi...

    Ce vendredi 11 juin 2022, la Mission des patrimoines de la Ville de Saint-Nazaire a présenté une nouvelle mouture d’une conférence de 2013 intitulée, avec ironie, « Saint-Nazaire avant Saint-Nazaire ». Le titre, volontairement piquant, souligne le fait que durant trente années on nous a martelé que la ville serait sortie spontanément de terre en 1857avec la construction du Port.

    Les trois intervenants nous ont fait une conférence dynamique et très bien documentée, s’appuyant sur des études récentes, des relevés patrimoniaux et le fond d'Ancien régime des archives municipales.

     

    Il fut souligné que l’affirmation qui dit que Saint-Nazaire serait à l’origine « un village de pécheur » est infondée. En premier lieu, nous l’avons mainte fois écrit sur ce blog, Saint-Nazaire a statut de ville depuis le 14ème siècle, avec ses fortifications et la reconnaissance de la qualité juridique de « bourgeois » pour certains de ses habitants, et ayant de fait un gouverneur désigné par le souverain, qui au temps des Bourbon était commun aux villes de Guérande et du Croisic.

     

    Il fut présenté durant cette conférence par madame Ouvrard, ancienne responsable des Archives municipales, les registres paroissiaux et les registres d'imposition. Madame Ouvrard a démontré, chiffres à l’appui, que les nazairiens ayant pour activité la pêche pouvait se compoter à chaque génération sur les doigts d’une main.

     

    Nous apportons à la suite de cette démonstration un éclairage sur les raisons d’un si petit nombre de pêcheurs.

    En premier lieu il faut savoir qu’avant la Révolution, les Bretons ne consommaient pas de poisson de mer, ni de crustacé, car ces animaux se nourrissaient à l’occasion des cadavres des noyers. C’est une chose tellement acquise dans l’esprit des Bretons qu’à la suite du naufrage du Saint-Philibert, le 18 juin 1931, la population nazairienne refusa durant plusieurs années de consommer du poisson pêché dans la zone maritime de l’Estuaire, ruinant au passage plusieurs marins pêcheurs, et obligeant d’autres à aller jeter leurs filets à des centaines de kilomètres.

     

    Mais alors, au temps de la monarchie, dans une Bretagne catholique pratiquante où la viande était proscrite chaque vendredi, comme cela se passait-il ? La réponse est simple : on consommait du poisson de rivière et de vivier. A Saint-Nazaire les quelques pêcheurs de la paroisse étaient ainsi des pêcheurs en rivière et vivier.  

    Deux seigneurs se partageaient des droits de pêche en eau vive : le vicomte de Saint-Nazaire et le seigneur d’Ust.

    Les vicomtes percevaient la « naulle », qui était une taxe autorisant celui qui s’en était acquitté à poser des fillers le long des rives de la Loire dépendantes de la Vicomté de Saint-Nazaire.

    Le seigneur d’Ust avait pour sa part le droit de se saisir d’un certain nombre de lamproies rapporté par les pêcheurs dans leurs filets.

     

    Une autre technique de pêche constait dans le privilège d’écluses dans les cours d’eau. A Porcé, le seigneur du Bois Joilland, possesseur de la métairie noble de La Vecquerie, faisait pratiquer une pêche à l’épuisette réalisée en permettant aux poissons d’entré dans le ruisseau pour frayer, et en l’y bloquant ensuite par fermeture d’écluses.

     

    Les autres seigneurs de la paroisse de Saint-Nazaire possédaient un ou des viviers. Ces plans d’eau étaient creusés à proximité du logis seigneurial. La possession d’un vivier était, comme celle des hautes futaies, un privilège réservé à la noblesse et aux abbayes. Les seigneurs en tiraient des revenues par le nombre de poissons qui en étaient retirés. La pêche en vivier s’accomplissait au filet jeté et ramené par les pêcheurs, et une fois par ans par une vidange du vivier. Comme baron de Marsain, le vicomte de Saint-Nazaire en avait un proche de son château de Marsain.

     

    La famille Le Pennec du Bois Joilland, en plus des écluses de Porcé, possédait ainsi trois viviers devant son manoir du Bois Joalland, et deux autres à proximité de ses métairies nobles de la Chaponnerie et du Préhembert.

    La famille de Rohan en avait deux près de son manoir d’Heinlex.

    La famille de Kerkabus en avait un, ayant la particularité d’être dallé, devant son manoir de Heinlex-Pommeraye

    La famille de La Haye du Sable, avait un petit vivier, dit « étang du Sable » qui devient un lavoir au 19e siècle, (à l’emplacement de l’avenue de Vera Cruz), et deux autres à proximité de leur château seigneurial de la Motte Allemand, dont l’un était alimenté par un canal.

    La famille du Mas d’Armanjo en avait trois : prêt de son manoir d’Armanjo, et autre à Lesnaus, et un dernier constitué dans un étang à Guindreff.

    La famille Guerriff de Louane en avait un grand vivier rectangulaire dans les limites du domaine de sa maison noble de Beauregard.

    Le famille Le Guennec de Kerlédé, en avait un proche de la métairie de La Noë de Kerlédé, plus une petite retenue d'eau constituée par une écluse sur le ruisseau de la Coulée du Bois, toute proche du vivier cité (cette petite retenue d'eau sera à la fin du 19ème siècle le plan d'eau de la guinguette de Kerbrun).

    La famille de Le Pourceau de Rolivault en avait un proche de son château de Cleuz.

    La famille Hémery, en avait un à proximité de ses manoir et métairie de Préambert (Pré-Hembert).

    Etc., etc…

     

    La plus part de ces viviers on disparut à la Révolution. L’abolition des droits seigneuriaux, la saisi et la vente des biens de l’Eglise, des émigrés, et la guerre-civile qui ravagea le territoire provoquèrent la fin de l’usage des viviers. La consommation des poissons de mer se généralisa, créant un besoin et engendrant la création de l’activité de marin pêcheur. Le cadastre de 1829 ne garde que quelques traces des viviers seigneuriaux.

     

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    Au 21ème sicle la consommation de poisson de vivier ou de rivière est devenue infime.