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Poisson du vendredi...

Ce vendredi 11 juin 2022, la Mission des patrimoines de la Ville de Saint-Nazaire a présenté une nouvelle mouture d’une conférence de 2013 intitulée, avec ironie, « Saint-Nazaire avant Saint-Nazaire ». Le titre, volontairement piquant, souligne le fait que durant trente années on nous a martelé que la ville serait sortie spontanément de terre en 1857avec la construction du Port.

Les trois intervenants nous ont fait une conférence dynamique et très bien documentée, s’appuyant sur des études récentes, des relevés patrimoniaux et le fond d'Ancien régime des archives municipales.

 

Il fut souligné que l’affirmation qui dit que Saint-Nazaire serait à l’origine « un village de pécheur » est infondée. En premier lieu, nous l’avons mainte fois écrit sur ce blog, Saint-Nazaire a statut de ville depuis le 14ème siècle, avec ses fortifications et la reconnaissance de la qualité juridique de « bourgeois » pour certains de ses habitants, et ayant de fait un gouverneur désigné par le souverain, qui au temps des Bourbon était commun aux villes de Guérande et du Croisic.

 

Il fut présenté durant cette conférence par madame Ouvrard, ancienne responsable des Archives municipales, les registres paroissiaux et les registres d'imposition. Madame Ouvrard a démontré, chiffres à l’appui, que les nazairiens ayant pour activité la pêche pouvait se compoter à chaque génération sur les doigts d’une main.

 

Nous apportons à la suite de cette démonstration un éclairage sur les raisons d’un si petit nombre de pêcheurs.

En premier lieu il faut savoir qu’avant la Révolution, les Bretons ne consommaient pas de poisson de mer, ni de crustacé, car ces animaux se nourrissaient à l’occasion des cadavres des noyers. C’est une chose tellement acquise dans l’esprit des Bretons qu’à la suite du naufrage du Saint-Philibert, le 18 juin 1931, la population nazairienne refusa durant plusieurs années de consommer du poisson pêché dans la zone maritime de l’Estuaire, ruinant au passage plusieurs marins pêcheurs, et obligeant d’autres à aller jeter leurs filets à des centaines de kilomètres.

 

Mais alors, au temps de la monarchie, dans une Bretagne catholique pratiquante où la viande était proscrite chaque vendredi, comme cela se passait-il ? La réponse est simple : on consommait du poisson de rivière et de vivier. A Saint-Nazaire les quelques pêcheurs de la paroisse étaient ainsi des pêcheurs en rivière et vivier.  

Deux seigneurs se partageaient des droits de pêche en eau vive : le vicomte de Saint-Nazaire et le seigneur d’Ust.

Les vicomtes percevaient la « naulle », qui était une taxe autorisant celui qui s’en était acquitté à poser des fillers le long des rives de la Loire dépendantes de la Vicomté de Saint-Nazaire.

Le seigneur d’Ust avait pour sa part le droit de se saisir d’un certain nombre de lamproies rapporté par les pêcheurs dans leurs filets.

 

Une autre technique de pêche constait dans le privilège d’écluses dans les cours d’eau. A Porcé, le seigneur du Bois Joilland, possesseur de la métairie noble de La Vecquerie, faisait pratiquer une pêche à l’épuisette réalisée en permettant aux poissons d’entré dans le ruisseau pour frayer, et en l’y bloquant ensuite par fermeture d’écluses.

 

Les autres seigneurs de la paroisse de Saint-Nazaire possédaient un ou des viviers. Ces plans d’eau étaient creusés à proximité du logis seigneurial. La possession d’un vivier était, comme celle des hautes futaies, un privilège réservé à la noblesse et aux abbayes. Les seigneurs en tiraient des revenues par le nombre de poissons qui en étaient retirés. La pêche en vivier s’accomplissait au filet jeté et ramené par les pêcheurs, et une fois par ans par une vidange du vivier. Comme baron de Marsain, le vicomte de Saint-Nazaire en avait un proche de son château de Marsain.

 

La famille Le Pennec du Bois Joilland, en plus des écluses de Porcé, possédait ainsi trois viviers devant son manoir du Bois Joalland, et deux autres à proximité de ses métairies nobles de la Chaponnerie et du Préhembert.

La famille de Rohan en avait deux près de son manoir d’Heinlex.

La famille de Kerkabus en avait un, ayant la particularité d’être dallé, devant son manoir de Heinlex-Pommeraye

La famille de La Haye du Sable, avait un petit vivier, dit « étang du Sable » qui devient un lavoir au 19e siècle, (à l’emplacement de l’avenue de Vera Cruz), et deux autres à proximité de leur château seigneurial de la Motte Allemand, dont l’un était alimenté par un canal.

La famille du Mas d’Armanjo en avait trois : prêt de son manoir d’Armanjo, et autre à Lesnaus, et un dernier constitué dans un étang à Guindreff.

La famille Guerriff de Louane en avait un grand vivier rectangulaire dans les limites du domaine de sa maison noble de Beauregard.

Le famille Le Guennec de Kerlédé, en avait un proche de la métairie de La Noë de Kerlédé, plus une petite retenue d'eau constituée par une écluse sur le ruisseau de la Coulée du Bois, toute proche du vivier cité (cette petite retenue d'eau sera à la fin du 19ème siècle le plan d'eau de la guinguette de Kerbrun).

La famille de Le Pourceau de Rolivault en avait un proche de son château de Cleuz.

La famille Hémery, en avait un à proximité de ses manoir et métairie de Préambert (Pré-Hembert).

Etc., etc…

 

La plus part de ces viviers on disparut à la Révolution. L’abolition des droits seigneuriaux, la saisi et la vente des biens de l’Eglise, des émigrés, et la guerre-civile qui ravagea le territoire provoquèrent la fin de l’usage des viviers. La consommation des poissons de mer se généralisa, créant un besoin et engendrant la création de l’activité de marin pêcheur. Le cadastre de 1829 ne garde que quelques traces des viviers seigneuriaux.

 

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Au 21ème sicle la consommation de poisson de vivier ou de rivière est devenue infime.

 

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