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  • Cette Nazairienne que l’on chante

    Non, je ne vais pas vous parler de la créatrice de la marque de ticheurte, mais d’une autre Nazairienne qui fut exhumée et mise en musique par Fernand Guériff et audible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wB4tWBhprHA

     

    Cette chanson est née en 1879. Elle fait partie de la longue liste de ces canzonettes citadines, relatant la vie locale, ses travers, crimes, et événements cocasses, que l’on entonnait dans les cafés, guinguettes et aux banquets. À la fin du 19ème siècle on composait ainsi sur un air connu facilement interprétable au piano ou l’accordéon, (très rarement composés pour), quelques couplets faciles à retenir et qui vous restaient dans la tête des heures. Il en eut beaucoup à Saint-Nazaire, certaines dues à Atys Goy, la majorité aux différentes philharmoniques, L'Harmonie de Saint-Nazaire, La Lire de la Loire à Penhouët[1], Le Trait d’Union à Saint-Marc[2], Les Tambourds et Clairons du 4e bataillon du 64e de Saint-Nazaire, parfois à des clients ou des tenanciers de beuglants.

    On trouve ainsi de temps à autre dans les brocantes des textes à chanter anonymes, imprimés, mais sans partition. C’est le cas de « Ma Nazairienne » que Fernand Guériff redécouvrit et mis en musique.

     

    Mais cette chanson, nombre de Nazairiens n’en comprennent pas les paroles, et j’ai eu, je dois l’avouer, un rire flaubertien qui a dû retentir dans tous Naples quand un professeur m’a écrit hier vouloir la faire chanter à ses élèves. Si les paroles finales sont, il me semble, plus explicites que celles de Il court le furet, Mon ami Pierrot, où Ce petit chemin, je dois accorder que sans une vraie connaissance de l’histoire nazairienne, et j’ose l’écrire, sans une ascendance pluricentenaire à Saint-Nazaire, on a du mal à comprendre toutes les subtilités du texte.

     

    Décortiquons donc notre Nazairienne. La chanson commence ainsi :

    « L'autre jour rue d'la gare, tout seul j'arpentais le trottoir

    Quand dans la rue de Nantes, je vis un'femme des plus charmantes

    J'me mis à la pister jusqu'à la rue du Prieuré

    Enfin je la suivis dans la rue du bois Savary

    Mais elle a pris une autre rue et c'est là que je l'ai perdu »

     

    Resituons nous avant la Première guerre mondiale : les rues décrites sont celle qui forment la périphérie de la place Marceau, et qui est plus loin citée, « Tous les soirs place Marceau pendant une heure j'fais le poireau », avec la rue de Paris qui longeait la place, «  L'autre jour rue de Paris sans la chercher je la revis ».

     

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    Dans notre Saint-Nazaire d’aujourd’hui la place Marceau correspond à l’emplacement du site occupée par la Ruban bleu, la rue de Nantes est depuis 1919 la rue Henri Gautier, la rue du Prieuré, qui partait en biais a disparu en partie et est devenue rue de la Petite-Californie, mais la rue du Bois Savary demeure, la rue de Paris est devenue Roger Salengro, la rue de la gare est devenue Stalingrad. Il manque deux rues dans la description, volontairement omises par l’auteur de la chanson, les rues de La Ville Aubry, actuelle rue de Saintonge, et la rue de Méan, autre rue en biais, disparue à la Reconstruction.

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    Les rues de la Ville Aubry et de Méan avaient la particularité d’être les rues où étaient les deux maisons closes de Saint-Nazaire.

    Celle de la Ville Aubry était fréquentée par les officiers de marine et la gentry locale. Elle était tenue par le couple Etienne Médan et Françoise Peytoureau qui exploitaient en 1861 sept filles : Marie Rocher, Françoise Retz, Mathurine Guillernait, Jeanne Lession, Josephine Lacly, Marie-Anne Leguenec, et Eugénie Brunian. Cette maison connut un moment de panique quand on apprit que le premier a avoir été porteur de la fièvre-jaune à Saint-Nazaire y avait passé le 25 juillet 1861 sa première soirée à terre.

    Celle de la rue de Méan était réservée aux marins et aux ouvriers. La tenancière, Véronique Maisonneuve, femme Martin, se présentait comme la propriétaire d’une pension, mais où les raccrocheuses de trottoir conduisaient leurs clients pour une passe. En plus d’une cuisinière, il y avait là en 1861 sept« pensionnaires », qui faisaient le tour du quartier entre le port et les cafés, pour rameuter le client : Julie Lebecret, Marie Bompré, Marie Mironnet, François Legac, Hortence Picard, Marie Cattana, Hélène Gouesmat.

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    Notre Nazairienne est donc l’une des filles de la « pension » de la rue de Méan.

    Elle suivait les demandes de la clientèle pour son commerce :

    « Ma Nazairienne gironde était devenue subitement blonde

    Et devant mon air baba elle me dit tu ne sais donc pas

    Qu'les blondes sont recherchées je m'suis teinté à l'oxygénée

    Mais n't'en fais pas mon gros chéri, tout ça n's'aperçoit pas dans l'lit ».

     

    Notre Nazairienne n’était pas la seule à faire commerce de ses charmes entre la place Marceau et le port, et il n’y avait pas que des femmes, nombre de marins, de garçons des chantiers, et de militaires à la Briandais arrondissaient leur fin de mois en se montrant du côté de la société de gymnastique et de tir « La Nazairienne », club sportif réservé aux hommes, avant de se rendre dans les buissons du parc de l’entrepôt des douanes (emplacement de l’ancien VIP).

    Tous les cafés avaient au moins une fille qui faisait entraîneuse. Les parents d’Aristide Briand en avaient deux en permanence, qui gardaient le petit Aristide quand madame Briand faisait le ménage et les courses. Il y avait aussi les filles employées par les hôtels…

     

    Cette présence des maisons closes dérangea certains commerçants dès 1879. Ainsi, le restaurateur Verbois, qui avait commerce rue de Nantes, écrivit une lettre au Maire, le 22 juillet 1879 ; lettre qui fut reproduite dans le Courrier de Saint-Nazaire du 27 juillet 1879 :

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    Cette lettre fit grand bruit, est-ce en réponse que fut créée la chanson Ma Nazairienne ? Possible, mais nous nos recherches actuelles ne nous permettent pas de définir l'année de la création de la chanson.

     

    Durant le stationnement des troupes étasuniennes, le haut-commandement établis deux bordels à L’Immaculé car les trois de Saint-Nazaire étaient saturés, (fille d'attente sir les trotoires, jusqu'à 30 passes par fille chaque jours), et que la prostition libre, (professionnelle ou occasionnel), entrainait debordements et propageait des maladies.

     

    Dans les années 1930, la tenancière de la plus grosse maison close de Nantes et son époux (officiellement seule une femme pouvait alors posseder une maison close), ouvrirent chaque année à la belle saison une succursale à Saint-Marc dans la villa Nutshell, demeure qui existe encore.

    Durant l’Occupation, les pauvres femmes contraintes à abattage dans ces maisons se retrouvèrent à devoir assouvir les envies des troupes allemandes. Vers la fin de la guerre, un certain nombre d’elles furent enfermées dans la base sous-marine. Quand l’une tombait enceinte, elle « mourrait subitement », et les militaires allemands déposaient son corps dans la morgue improvisée dans l’un des garages de la rue Villebois-Mareuil, laissant aux derniers nazairiens encore présents dans les ruines de les inhumer. Celles qui survécurent à ces traitements furent interrogées par les troupes alliées, et livrées à des énergumènes qui n’avaient rien fait de brave durant 4 ans mais se trouvèrent héroïques de les tondre et/ou de les violer. On peut donc n’avoir qu’une pensée à Marthe Richard, à qui le docteur Poussié sauva la vie en sa clinique nazairienne en 1913[3], et qui œuvra la fermeture des maisons closes, et qui souligna l’hypocrisie de l’État en matière de prostitution durant la guerre.

     

    La prostitution a donc toujours été un fait à un Saint-Nazaire, (deux de nos notables actuels sont au demeurant issus de filles ayant fait commerce de leur corps). Depuis plusieurs années l’activité s’est concentré sur l’avenue de la République, côté gare, du fait de la mort des commerces classiques, même si internet a étendu géographiquement les pratiques.

     

    Enfin, terminons en mentionnant que la Villa Ker Souveraine à Pornichet, construite certes après la séparation de cette fraction de Saint-Nazaire, mais à propos de laquelle je reçois régulièrement des demandes d’information, villa inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 19 septembre 2002, fut elle aussi la succursale d’un bordel Parisien situé à proximité de l’Arc de Triomphe, propriété de Suzanne Lanoue, dite la comtesse de La Noue, amante de l’industriel Lucien Rosengart, dont elle utilisait l’emblème de la marque automobile comme armoiries : «  d’argent à la rose au naturel de gueule, tigée de sinople ». C’est ce qui explique le décor criard de la maison, ainsi que le fait que les chambres donnant sur les salons au premier étage, et aujourd’hui transformées en cuisines, soient dotées de vitre à l’emplacement des têtes de lit, pour le plaisir des voyeurs.

     

    [1] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/07/16/un-comte-polonais-a-saint-marc.html

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/01/18/l-allee-du-chateau-a-saint-marc-6121661.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/13/notes-sur-les-familles-poussie-et-thomas-de-closmadeuc-6143587.html

  • Notes sur les familles Poussié et Thomas de Closmadeuc

    La famille Poussié est originaire de Lozère, elle s’est illustrée à Saint-Nazaire avec deux chirurgiens, et laissa son nom à une clinique située à l’angle des rues de Pornichet et François Madiot, (bâtiment actuellement muré en attente d’un avenir).

     

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    La clinique Poussié en 1905

     

    I°  Antonin-Clément-Julien Poussié, (Marvejols 5 mars 1848 - Saint-Nazaire 4 juin 1923), Conservateur des Hypothèques à Saint-Nazaire, marié le 2 octobre 1876, à Saint-Flour, avec Andrée-Claire-Alix Reynard, (Clermont-Ferrand 7 août 1855- Saint-Nazaire 4 décembre 1928), d’où :

    1° Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913), épouse de Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (voyez après) ;

    2° Marc-Joseph-Raoul, qui suit.

    II° Marc-Joseph-Raoul Poussié, dit Marc-Raoul, (Châtillon-Coligny 9 octobre 1879- La Baule-Escoublac 20 mai 1947), docteur en médecine, chirurgien à Saint-Nazaire. Il passa sa médecine à Montpellier, fit deux années d’internat à l’Hôpital civil de Tunis, fit des voyages d’études en Angleterre, en Suisse, et à Vienne. Il fonda le centre de chirurgie de Saint-Nazaire en 1907, et ouvrit sa clinique en 1909, et obtint en 1911 que la Compagnie Générale Transatlantique y hospitalisa son personnel navigant, « ouvrant ainsi la voie à ces moyens puissant de solidarité sociale qui montre qu’une grande compagnie se doit d’assurer le maximum de sécurité et de confort à ceux qui la servent ». Il soigna en sa clinique l’aventurière Marthe Richard, (celle qui ferma les maisons closes en France), après son accident d’avion survenue le 31 août 1913 à La Roche-Bernard. Réformé en 1914 pour tuberculose contractée en signant les malades des hôpitaux, il offrit, à la mobilisation, tous les lits dont il disposait en sa clinique au Service de Santé de la IIème région et reçu, au début des hostilités, un fort contingent de blessés. Une réforme de l’organisation hospitalière ordonna l’évacuation de ses blessés sur l’hôpital de complément. Il affecta dix lits en sa clinique à l’hospitalisation des blessés graves de l’hôpital auxiliaire n°6 dont il était le chirurgien chef, n’acceptant comme indemnité que la somme strictement allouée à la S.S.B.M. Maintenu reformé, il continua à l’hôpital civil dans les formations militaire de la Compagnie Générale Transatlantique, et aux Usines métallurgiques de la basse-Loire. >En décembre 1916 il contracté une fièvre typhoïde grave, par suite d’un surmenage. Récupéré en avril 1917, il eu un congé de trois mois, puis fut réformé de nouveau en décembre. Il ne pu reprendre sn travail qu’en juillet 1918. Durant sa maladie et sa convalescence, il assura à ses frais le service des miliaires blessés. Encouragé par les succès de la Compagne Générale Transatlantique, diverses compagnies de navigation sollicitèrent qu’il prennent sa clinique leurs marins, et son établissement fut cité en modèle. Le préfet lui reconnu au moment. Il obtint que la riche patientèle ne soit pas la seule à bénéficier de services de pointes, et rendit de grands services à la marine marchande et aux Nazairiens. En novembre 1927 le président de la Chambre de commerce de Saint-Nazaire, monsieur Joubert, demanda que lui soit attribué la Légion d’Honneur. Le Sous-préfet envoya au Préfet un rapport élogieux le 3 décembre 1927, aujourd’hui consultable aux Archives de Loire-Atlantique, mais il n’y eu pas de suite à cette demande. Le docteur Poussié avait épousé Alice Labourdette, (1884-1972), d’où :

    1° Marthe Poussié, (Saint-Nazaire 14 mars 1911 – Paris 28 septembre 2004), épouse de : 1er 29 mars 1932 à Saint-Nazaire avec Pierre-Marie Blondeau, (né le 2 avril 1905 à Auch), chirurgien, divorcée le 2 décembre 1935 ; 2ème le 25 juin 1938 à Paris avec John Linton, (Paris 2 mars 1911 – Paris 20 janvier 1948), d’où postérité du second lit ;

    2° Henry Poussié, (Saint-Nazaire 16 novembre 1914 – Saint-Nazaire 29 mars 1935) ;

    3° Louis-Raoul Poussié, (Saint-Nazaire 5 juin 1917 - La Baule-Escoublac 28 mars 1958), chirurgien, s’illustra en opérant à l’hôpital durant 48 h avec les docteurs Allaire, Jacquerod, Gentin, Avril et Jégo, les blessés du bombardement du 17 novembre 1947, qui laissa postérité.

     

    La famille Thomas de Closmadeuc est une famille de la bourgeoisie bretonne dont la filiation remonte à l’an 1598.

    Armoiries : D'azur au mât de navire, gréé d’or, pavillonne d'argent ; broché d’une fasce d'argent, chargée de trois taus de gueules.

     

    I° Marcel-Anatole Thomas de Closmadeuc, (La Roche-Bernard 25 mai 1874 - 10 mai 1952), pharmacien à Saint-Nazaire, fils d’Eugène-Hyacinthe Thomas de Closmadeuc, notaire à La Roche Bernard, (1832-1915), et de Marie Langloit, (1833-1926) ; marié : 1er le 10février 1903 à Clamecy avec Louise-Amédée-Claire-Jeanne (Saint-Chély-d'Apcher 22 septembre 1877 – Saint-Nazaire 22 mai 1913) ; 2ème le 12 février 1920 avec Marcelle Léonard ; d’où :

    Du premier lit :

    1° Geneviève-Andrée, (Saint-Nazaire 30 mars 1907 - Le Chambon-Feugerolles 31 mars 2007) ;

    2° Simone-Antoinette, (Saint-Nazaire 10 août 1909 - Les Pavillons-sous-Bois 12 août 2000) ;

    Du second lit :

    3° Armelle

    4° Jean-Yves, époux de Marguerite Louboutin, d’où postérité ;

    5° Nicole

    6° Nicole, épouse de Roger Peyrot, d’où postérité ;

    7° Rozenn, épouse de Roger Mandement, d’où postérité ;

    8° Soizick, épouse de 1er Jacques Guy ; 2ème Jean Fréour.

     

     

    Les membres des familles Poussier et Thomas de Closmadeux sont inhumés au cimetière de La Briandais.