En 1930, la bonne société nazairienne vit ses jeunes filles à marier et ses mères de famille frémir d’extase à l’entrée dans ses salons d’une jeune-homme mince, blond aux yeux bleus, le visage émacié, qui roulait quelque peu les R, est été alors ingénieur de 3ème classe du Génie Maritime, en poste aux Chantiers de Penhoët. On le disait qu’il avait un destin professionnel prometteur, et surtout il avait un titre, celui de baron.
Le baron Boris Borisovich Nolde fit donc lui une entrée remarquée. Il était russe, plus exactement il était né russe, le 25 septembre 1903 à Saint-Pétersbourg, et avait obtenu la nationalité française par décret du 1er octobre 1927, alors qu’il était étudiant à Paris. D’abord aspirant de réserve, affecté à Toulon, le 10 juin 1928, et promu ingénieur de 3ème classe du Génie maritime par décret du 24 décembre 1928.
A son arrivée à Saint-Nazaire, il loua un logement au 3 rue de la Trinité.
Armoiries Nolde : De sable à trois criquets d’or.
Gouache de Petr Fedorovich Kosmolinsky, 1996, Musée océanographique de Kaliningrad, inv. Gr-380, N selon GIK (KP) MMO 1 n° 2057/2.
Le père de Boris Borisovich, le baron Boris Emmanuilovitch Nodle, (Saint-Pétersbourg 27 décembre 1876 - 28 mai 1948 Lausanne), fils conseiller d’Etat, avait été à partir de 1903, professeur de droit international à l'Université polytechnique de Saint-Pétersbourg, puis en parallèle, en 1905, aux Cours supérieurs pour femmes de Saint-Pétersbourg ; avait été membre du conseiller puis directeur juridique au ministère des Affaires étrangères durant la guerre. Il participa aux activités du Parti constitutionnel démocrate, et lors de la révolution de février 1917, et à la préparation du manifeste du grand-duc Mikhaïl Alexandrovitch sur l'abdication du trône et le transfert de tout pouvoir jusqu'à la convocation de l'Assemblée constituante au gouvernement provisoire. De mars à mai 1917, il fut sous-ministre des Affaires étrangères, et devint membre de la Conférence juridique du gouvernement provisoire et de la Conférence spéciale sur l'élaboration d'une loi sur les élections à l'Assemblée constituante. En octobre 1917, il devint membre du Conseil provisoire de la République russe. Anti-bolchevick, il émigra avec sa famille en 1919 en Finlande, et y représenta l’amiral Koltchak, chef du Gouvernement Blanc durant la guerre civile. L’assassinat de l’Amiral par les Soviétiques après une parodie de procès fit fuir les Nodel à Paris, où Boris Emmanuilovitch fut l’un des organisateurs de la branche russe à la Sorbonne, enseigna aux Cours Supérieurs Etrangers de Sciences Militaires à Paris, mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas ; il fut doyen de la faculté de droit russe à l'Institut d'études slaves de Paris ; co-rédacteur en chef de la revue Droit et économie en 1925 ; président de la Direction générale de la Croix-Rouge russe à Paris ; du Barreau de Paris ; et membre du Bureau central du Comité des congrès des avocats russes à l'étranger. Il publia divers ouvrages de droit et d’histoire en français, anglais, allemand et russe.
Le baron Boris Emmanuilovitch Nodle par Constantin Andreïevitch Somov
La mère de Boris Borisovich, née Alexandra Andreevna Iskritskaya (Tchernihiv 5 octobre 1880 - 15 mars 1932 Paris), de noblesse ukrainienne, était la sœur du député ukrainien Mikhaïl Andreïevitch Iskritsky (Tchernihiv 18 juin 1873 - 10 mars 1931 Marseille).
Veuf, Boris Emmanuilovitch épousa le 6 août 1933 Olga Terestchenko, fille du philanthrope et industriel sucrier ukrainien Alexander Nikolovich Tereshchenko.
En décembre 1932, Boris Borisovich fut promu ingénieur de 2ème de classe, faisant plus encore rêver les Nazairiennes qui se voyaient bien devenir baronne. Elles s’affolèrent encore plus quand elles surent qu’il avait deux frères cadets :
1° Andreï, dit André, Borisovich, né à Saint-Pétersbourg 7 novembre 1905, qui sortit de l’école polytechnique avec mérite comme élève étrangers interne en août 1928, puis fit l’Ecole d’application d’artilleur de Fontainebleau, et intégra la Division d’artillerie coloniale et fut envoyé au 1er régiment d’artillerie colonial, comme sous-lieutenant le 1er mars 1930, envoyé en Indochine le 25 mars.
2° Emmanuel Borisovich, né à Saint-Pétersbourg, le 25 novembre 1909, français par décrets du 3 juillet 1929, licencié en droit en 193, avocat 1932, attaché à la Cour d’appel en 1936, et habitait 1 rue Beaujon à Paris 8.
Le baron Emmanuel Borisovich Nolde par Constantin Andreïevitch Somov
Quand Emmanuel, puis Andrei, vinrent rendre visite à Boris, les têtes firent des tours à 360 à leur passage dans les rues.
Mais Boris Borisovich n’épousa pas une Nazairienne malgré les charmes et les avances. Il porta son choix en 1937 sur une Parisienne, Elisabeth Claude-Fontaine, fille d’un administrateur de banque, et collectionneur d’art. Il intégra une Compagnie d'assurances, et le couple vécut au 6 rue Monceau à Paris 8.
André Borisovich, promu lieutenant-colonel, il sortit de l’Armée, et affecté en réserve, épousa Irina Pavlovna Andreeva, fille de la célèbre mécénée et égérie des arts, Salomé Nikolaïevna Andronikova, mais en divorça rapidement et se remaria avec France Arrou, dont il eut un fils, Cyrille, (1935 - 2018). Il passa trois années en chine, et devient un spécialiste de Chiang Kaï Chek auquel il consacra des conférences et des publications. A la déclaration de guerre, n’ayant pu rejoindre le 10e Régiment d’artillerie coloniale, il fut affecté à l’état-major de la Région parisienne. Son épouse se distingua dans la Résistance. Durant la guerre d’Indochine, Andrei fut embarqué le 15 août 1950 comme chef de bataillon. Admissible au concours à l’Ecole supérieure de guerre en mai 1948, il y obtint le brevet d’études supérieures en novembre 1950. Il acheva sa carrière avec le grade de général, et décéda le 22 janvier 1987 à Paris.
Emmanuel Borisovich, publia plusieurs ouvrages consacrés à la géopolitique du Proche Orient à partir de 1935.devient par décret du 13 juillet 1938 titularisé dans l’emploi de rédacteur de 3e classe à l’Administration centrale des Colonies. Devenu rédacteur de 2e classe, il fut nommé adjoint de 2e classe des Colonies à compter du 1er janvier 1939. A la déclaration de guerre, il fut d’abord affecté à la région de paris, puis fut envoyé aux troupes du groupe de l’Afrique occidentale française. Il entra dans la résistance et fut déporté et Interné, (Service historique de la Défense Cote : SHD/ AC 21 P 605719). Il fut ensuite administrateur des Colonies à la direction de l’Intendance de Madagascar, il fut promu dans les réserves de l’Arme de terre en octobre 1948, et se vit attribuer le brevet du Centre des hautes études administratives en décembre 1950. Il fut un brillant annaliste géopolitique, proche des milieux monarchiques, et publia de nombreux articles dans des revues spécialisées. Il décéda en 1983.