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  • Le Lord de La Villès-Martin

    Si vous vous baladez à Villès-Martin, en la rue Marcel Sembat, vous verrez la Villa Castelli, jolie demeure en retrait de la rue, au milieu d’un vaste jardin. Cette villa fut l’habitation d’un lord, Ernest Arthur George Pomeroy 7ème vicomte Harberton, pair du Royaume-Uni.

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    Lord Ernest Arthur George Pomeroy 7ème vicomte Harberton

     

    Né le 1er décembre 1867, cet aristocrate d’origine irlandaise, issue d’une famille anoblie en 1783, élevée au rang de baron Harberton of Carbery dans la pairie d’Irlande, et de vicomte Harberton en 1791 dans la pairie d’Angleterre.

     

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    Armoiries des Pomeroy of Herbeton

     

    Ernest était fils de James Spencer Pomeroy 6ème vicomte Harberton, (23 novembre 1836 – 1912), et de Florence Wallace Legge, (14 juin 1843 – 30 avril 1911). Sa mère fut une personnalité mondaine atypique. Tireuse à l’arc reconnue par plusieurs institutions sportives, présidente de la Rational Dress Society, une société qui « contre l'introduction de toute mode vestimentaire qui soit déforme la silhouette, gêne les mouvements du corps ou tend de quelque manière à nuire à la santé », et donc principalement contre le corset et les jupes traînant au sol, préférant les « jupes courtes », dont l’ourlet était remonté à 13cm du pavé. Lady Florence était l’amie d’Oscar Wilde et de son épouse Constante, membre, elle aussi, de la Rational Dress Society, à laquelle l’écrivain apporta son concours à la promotion avec son essai « La philosophie de la robe », publié dans The New-York Tribune en 1885, ne s’étant pas risqué à le faire dans un Royaume-Uni trop conservateur. Lady Florance inventa « la jupe divisée », c’est-à-dire la « jupe culotte », afin de pouvoir faire de la bicyclette ; elle était en effet membre de la Lady Cyclists'Association, qui avait pour but de promouvoir l’usage pour les femmes de ce moyen de transport. En 1899, la presse mondiale relata le procès qu’elle intenta contre une aubergiste qui ne lui avait pas permis l’accès à sa salle de restaurant à elle et ses compagnes d’excursion, lui indiquant le pub de son établissement où se rassasiaient les ouvriers. La cour donna raison à l’aubergiste, estimant qu’elle n’avait pas refusé de les servir, mais simplement orienté dans une salle où leurs tenues étaient plus appropriées.

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    Florence Wallace Pomeroy, viscountesse Harberton

     

    Ernest grandit à Londres et au manoir de Lyston Court à Wormelow Tump dans le Herefordshire, entre cette mère militante et fantasque, et un père qui ne sortait pas de son club et mangeait son bien et la dote de sa femme en ne faisant rien.

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    Lyston Court en 1903

     

    Il reçut une éducation typique de son milieu, c’est-à-dire décousue et pleine de choses inutiles, et poussa la perfection en choisissant l’étude de la Philosophie. Il ressentit fortement les défauts de cette éducation à l’âge adulte tout en végétant à la manière de son père, à une époque où l’oisiveté était une marque de bonne naissance. Entré en possession de sa part d’héritage à 45ans, il se mit à la critique, et à théoriser l’enseignement, publiant quelques plaquettes oubliées, mais surtout en 1917, un livre passé inaperçu en raison de la guerre, mais qui est depuis revenu à la mode dans certains cercles, « How to Lengthen Our Ears: An Enquiry Whether Learning from Books Does Not Lengthen the Ears Rather Than the Understanding », titre que l’on peut traduire par « Comment devenir un âne : une enquête pour savoir si apprendre des livres ne rallonge pas les oreilles plutôt qu'elle n’affine la compréhension »[1]. Les éléments principaux de cet ouvrage sont une reprise de Rousseau, comme le fait que l’on enferme contre leur nature des enfants dans une structure qui les empêchent de développer leur qualités innées, le sens de l’observation et du jugement, que l’enseignement prodigué en Occident formate des esprits incapables de penser par eux-mêmes, favorisant les idiots qui apprennent par cœur sans comprendre ce qu’ils retiennent, et s’évéreront des incapables sur le terrain, et inculte des choses inutiles à des groupes qui ne sont destinés qu’aux travaux manuels, alors qu’on aurait raison de généraliser l’enseignement technique et pratique à l’ensemble des classes sociales afin que chacun soit capable d’autonomie. Dissertation qui est toujours d’actualité un siècle plus tard, mais qui demeure dans l’idée que l’on ne doit pas encourager les transferts de classes sociales. On reconnaît aujourd'hui à Ernest les qualités de philosophe et de théoricien de l’Education.   

     

    Le vicomte Harberton s’établit vers 1920 à Saint-Nazaire, faisant de la villa Castelli sa résidence, et ne gardant à Londres que l’adresse de son club. Il ne s’y établit pas seul, à quelques pas de sa maison se trouvait une autre habitée par la peintre Fairlie Harmar, (°Weymouth 1876), artiste de grand talent, formée à la Slade School of Fine Art, reconnue de son vivant, qui était son amante depuis des décennies, mais qu’il se refusait d’épouser, car, quoique fille d’un colonel, elle était de condition inférieure à la sienne. Le Vicomte avait beau plaider l’évolution et la réforme, celles-ci avaient définitivement leurs limites et ce bornaient en réalité qu’à des considérations superficielles, telles que refuser de porter un chapeau pour sortir, ce qui surprenait beaucoup la population nazairienne à une époque où être dehors tête nue était une indécence[2]. Le vicomte Harberton était ainsi très reconnaissable en ville, car il était leur seul « monsieur », en complet sans couvre-chef, son crâne dégarni luisant au soleil, le coup noué d’un foulard de soie criard noue de façon improbable en une sorte de tresse, la barbe blanche coupée dans une tentative de carré aux ciseaux à oncles, mais aussi par le fait que son alcoolémie maintenue en constante sans ivresse l’avait revêtu d’un masque de trogne rouge au nez comparable à une fraise, et doté d’un ventre démesuré qui partait en pointe s’affaissant en direction de la pointe de ses pieds. Il avait l’air d’avancer comme un pingouin, dans ses souliers vernis qui devaient lui meurtrir les pieds, avec les ondulations d’un culbuto qui cherche à se stabiliser. Sa consommation d’alcool lui joua un mauvais tout, en février 1925 il fut victime d’une escroquerie.  Ayant demandé à un garçon du café Mon Idée de lui faire différents achats de spiritueux et quelques autres menues emplettes, le garçon lui prit quelques centaines de francs, lui apporta ses commandes, mais ne régla pas les factures qui lui furent présentées par les commerçants quelques jours plus tard.

    Le Vicomte avait une vie relativement recluse, jugeant le monde avec dédain du haut du perron de sa villa. Il ne recevait pas, sortait peu, passait son temps entre ses livres qui emplissaient plusieurs pièces de sa résidence, peu et très simplement meublée. La salle à manger n’était faite que pour deux personnes, et le service fait par une gouvernante qui faisait aussi office de cuisinière et de femme de ménage, ce qui était véritablement scandaleux au regard des aristocrates nazairiens qui jamais ne se seraient fait servir à table par une femme, même coiffée de la coiffe nazairienne en sabot et d’une robe noire par-dessus laquelle elle revêtait un tablier à broderies bretonnes. Le décor de cette salle à manger était fort simple, une table carrée pliante Louis-Philippe, dotée d’un côté d’un solide fauteuil de pub à barreaux tournés pour supporter le poids du Vicomte, et à la droite du maître de maison d’une chaise de concert empire pour sa compagne, une commode empire servait de dressoir, un grand buffet aux lignes droites contenait l’argenterie. Quelques tableaux de Fairlie Harmar décoraient les murs, et de petites tables le long des murs servaient à disposer des romans en cours de lecture. Le salon était plus luxueux, contenant des restes de l’appartement de ses parents, tableaux anciens et portraits, meubles Louis XVI de petite tailles rangés côte à côte le long des murs, canapé et fauteuils dorés Regency.

    Fairlie Harmar avait un appartement à Cheyne Walk au quartier de Chelsea, et avait son atelier résidence à Saint-Nazaire dans une villa mitoyenne de la villa Castelli. En réalité elle vivait avec son amant à la Villa Castelli et que tout le monde le savait. Membre du New English Art Club depuis 1917, elle exposait chaque année à Londres, à la Royal Academy, au New English Art Club, à la Royal Society of British Artists, aux Grosvenor Galleries, aux Walker Galleries, et aux Beaux Arts Galleries depuis leur ouverture en 1923, établissement d’avant-garde extrême réputé. Par ailleurs elle faisait partie du Groupe artistique de Saint-Nazaire, et y exposa plusieurs fois, notamment en février 1933 avec un portrait du vicomte qu’elle avait exposé en novembre 1932 à Londres, le figurant dans sa salle à manger, et que La Démocratie de l’Ouest du 25 février 1933 qualifia de « criant de vérité », et à propos duquel L’Ouest Eclair du 5 février commenta perfidement « rien en manque… pas même le verre de gin ». Si Fairlie se permit d’exposer ainsi le portrait du Vicomte saisi dans son intimité, c’est qu’il avait fini par l’épouser le 1er mars 1932 à Monte-Carlo au Consulat britannique, faisant le 23 juillet suivant l’étonnement du Daily Mail qui parla de « mariage secret », relayé le 2 août suivant par L’Ouest Eclair. On prétendit que la nouvelle vicomtesse était sœur d’un général décoré de la légion d’Honneur et de la Croix de Guerre, ce qui était faux, son frère Charles D'Oyly Harmar, (1878-1963), était colonel au Royal Marines.

     

     

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    Fairlie Harmar, vicomtesse Harberton, en tenue de paresse du Royaume Uni dans son salon de Saint-Nazaire en 1937 avant le départ à Londres pour assister au Sacre du roi George VI.

     

    A la déclaration de guerre, le Vicomte et la Vicomtesse repartirent au Royaume-Uni. Ernest décéda le 22 avril 1944, le titre passa à son frère Ralphe Legge Pomeroy, 8ème vicomte Harberton, (1874–1956).

    Fairlie décéda le 13 janvier 1945, elle repose au Green Kensal Green Cemetery. Une rétrospective de son travail a eu lieu aux Leger Galleries en 1945. Ses œuvres se trouvent dans les collections de l'Imperial War Museum, University College Londondes musées de Glasgow, Birmingham, Southampton, Wolverhampton, et Bradford.

     

     

     

    [1] Consultable en ligne : https://archive.org/details/howtolengthenour00harbiala

    [2] Lire à ce propos l’article de J.-B. Gautreau dans l’Echo de la Loire du 12 juillet 1925.

  • Les Joly, une famille de commerçants

    S’il est une famille de commerçants qui marqua durablement la mémoire des Nazairiens, ce sont les Joly, qui durant un siècle furent à la tête de certains de plus grands magasins de confection et vente de vêtements de Saint-Nazaire.

     

    Les Joly sont originaires de la région de Saint-Brieuc, ils s’établirent à Saint-Nazaire en 1855 avec Prosper-Marie Joly, (La Chèze 29 mai 1804 - Saint-Nazaire 27 février 1871), qui fut d'abord appareilleur à Plouër-sur-Rance, puis contremaître à Saint-Julien-de-Concelles, et qui s'établit à Saint-Nazaire où ouvrit un commerce de confection pour homme rue de Villès Martin, à l’emplacement de ce qui fut ensuite le Grand Hôtel des Messageries, actuel Lycée expérimental. Mais le magasin étant trop petit et mal situé à l’époque, il déménagea au 2 rue Villès Martin, à l’angle de la rue de la place des Bassins. Son commerce, sous l’enseigne Au Progrès, était florissant, et il a laissé dans la mémoire nazairienne la figure d’un vieux monsieur sympathique qui se dépassait dans un demi-tonneau[1]  « minuscule » tiré par un poney, et dont les écuries étaient rue de la Gare[2]. Il avait acquis aussi une partie de l’ancienne ferme de Bellefontaine, face au Rocher du Lion, où il se fit construire un chalet de plaisance qu’il baptisa Pro Leo, (Le Lion).

    Il laissa plusieurs enfants, dont des fils qui furent aussi dans la confection :

     

    1. Prosper Ier Marie Joly, (La Chèze 29 mai 1804 - Saint-Nazaire 27 février 1871), époux de Rosalie-Jeanne-Joséphine-Athalie Glemée, (Plouër-sur-Rance 1820 - Saint-Nazaire 6 mai 1893)[3], d’où :
      • Prosper II Marie-Joseph, (Plouër-sur-Rance 13 septembre 1839 – Saint-Nazaire 10 août 1920), marié le 21 août 1872 à Saint-Nazaire, avec Rose Couronné, (Saint-Nazaire 25 février 1855 – 6 mai 1945)[4], d’où :
        • Prosper III, (Saint-Nazaire 11 septembre 1873 - Saint-Nazaire 16 septembre 1943), clarinettiste doué, il fut le solo de la musique de son régiment[5]; marié le 19 octobre 1901 à Toulouse avec Jeanne-Alexine-Léonie Serville, d’où
          • Marie-Thérèse, (Saint-Nazaire 15 novembre 1904 - Anglet 1er juillet 2006), mariée civilement le 22 septembre 1925 à Saint-Nazaire, et religieusement le 23, avec Charles Alcide Victor Picaud, (Nantes 25 septembre 1897 - Bayonne 26 septembre 1988), administrateur d'immeubles à Paris en 1946, (à l’occasion de leur mariage, son père invita tous ses employés au mariage religieux et n’ouvrit aucune de ses boutiques).
        • Raoul (décédé à l’âge de 10 mois le 2 janvier 1876 à Saint-Nazaire)
        • Raoul (décédé à l’âge de 8 mois le 2 octobre 1876 à Saint-Nazaire)
        • Rose, (Saint-Nazaire 11 décembre 1879- Nice 19 mai 1952), épouse de Simon Arnaud, (1868- Nice 1949), capitaine au long cour, chevalier de la légion d’honneur et officier du mérite maritime, croix de guerre, avec qui elle était établit à Nice, au palais Flora 72 rue Aubert ;
        • Alice (Saint-Nazaire 24 aout 1881 – Saint-Nazaire 21 juillet 1952) ;
        • Karl Joly, (Saint-Nazaire 14 mars 1889 – Saint-Nazaire 8 mai 1974), marié le 3 mars 1920 à Saint-Nazaire avec Geneviève-Jeanne-Marie Moyon, (Nozay 1887- Saint-Nazaire 3 décembre 1973), fille de Euphrem-Marie Moyon, pharmacien, et de Geneviève-Marie-Eugenie Tilly, elle était veuve de l'industriel poulieur nazairien Georges-Louis Certain, (1882- ), dont elle eut un fils :
          • Georges-Gabriel-Euphrem Certain, (Saint-Nazaire 25 mai 1909 - ), marié à Paris 20° le 25 mai 1932 avec Raymonde-Jeanne Huart ;
      • Rosalie (1841 - 15 juin 1869) ;
      • Emile ;
      • Constant ;
      • Philomène-Françoise, épouse de Rosendo-Apollinaire Blanco, (Tapia (province d'Oviédo) 1842 - Saint-Nazaire 10 juillet 1903), consul du Chili à Saint-Nazaire[6];
      • Marie-Françoise-Augustine-Emilie, (Plouër-sur-Rance 24 novembre 1845 - ), rentière, mariée 1er avec Eugene Victor Dulauroy, († à l’âge de 40ans le 23 janvier 1879 à La Roche-sur-Yon), capitaine d’infanterie ; 2ème le 7 septembre 1880 à Saint-Nazaire avec Michel dit Simon Nicolas (Thionville 1834 -  Saint-Nazaire 7 juin 1887), capitaine d’infanterie à la retraite, chevalier de la légion d’honneur ; d’où des deux lit :
        • Alexandre Dulauroy, († 11 jours le 14 aout 1877) ;
        • Jules-Gaston Nicolas, (La Roche-sur-Yon 21 décembre 1881 - Nantes 5 novembre 1965), marié le 24 novembre 1919 à Saint-Denis avec Jeanne-Marie Guerrier ;
        • Jeanne-Marie-Amélie Nicolas, (Saint-Nazaire 1er mars 1884 – Paimboeuf 6 novembre 1960) mariée le 25 avril 1916 au Mans avec Yves Quntin dont elle divorça.
      • Auguste-Joseph, (né à Saint-Julien-de-Concelles 23 janvier 1852 – Saint-Nazaire 2 avril 1884), époux d’Eulalie-Berthe Oland,
      • Joseph-Théogene, (Saint-Nazaire 4 janvier 1856 - L'Île-d'Yeu 14 septembre 1901 marié le 4 mai 1882 à Saint-Nazaire avec Marie Julie Boyée, (Saint-Nazaire le 20 octobre 1856 - ) , d’où :
        • Madeleine-Jeanne, (Saint-Nazaire 17 décembre 1888 - Saint-Nazaire 23 mars 1891) ;
        • Edmond, (L'Île-d'Yeu 10 mars 1900 (samedi) - Le Bourg - Saint-Brevin-les-Pins 7 mai 1975), marié le 14 juin 1924 à Saint-Nazaire avec Hélène Pauline Marie Thoby, (La Chapelle-des-Marais 12 septembre 1893 - Saint-Nazaire 3 février 1981)[7]
      • Amélie (1858 – 1er janvier 1864) ;
      • Natalie (mars 1862-1er septembre 1862)

     

     

    Les fils de Prosper-Marie furent tous dans la confection masculine, (chemisiers, chapelier, tailleur).

    Prosper II ouvrit sa boutique au 46 rue de Nantes, actuelle Henri Gautier, sous l’enseigne La Belle Jardinière, immense magasin qui faisait l’angle avec la rue de l’Amiral Coubert, et qui resta longtemps le plus important de la ville, et il ouvrit sous la même enseigne des succursales à Guérande, Savenay, Pontchâteau et Blain[8].

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    L’enseigne parisienne Belle Jardinière de Paris, qui avait des succursales à Lyon, Bordeaux, Angers, et Nantes, publiait sur ces publicités qu’elle n’avait pas de succursale à Saint-Nazaire. La boutique de Saint-Nazaire resta dans sa descendance en indivision. Les héritiers se partagèrent les autres boutiques, dont la direction fut confiée à Prosper III, et touchèrent des indemnités de guerre pour la destruction du magasin de Saint-Nazaire durant les bombardements. Seul Karl sortit de l’entreprise de Prosper II, préférant reprendre la boutique de ses oncles Constant et Emile. Emile avait repris le commerce paternel de Prosper Ier ; Constant avait ouvert en face, au 1, A Jean Bart, mais peu doué pour le commerce il rejoint rapidement Emile.

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    L’ancien A Jean Bart devint Au printemps propriété de monsieur Aymard, puis de monsieur Laurenceau en 1910. Emile et Constant nommèrent leur commerce commun Au Projet et A Jean Bart qui devint ensuite Au Meilleur Marché de Saint-Nazaire ; ce magasin était spécialisé dans le commerce de confection et nouveautés pour homme et pour la Marine. La dizaine de vendeurs étaient polyglottes, il y avait aussi un atelier d’une quinzaine de couturières. En 1919, Emile et Constant laissèrent le magasin à leur neveu Karl, qui renomma le magasin A la Ville de Saint-Nazaire, qu’il vendit par acte passé chez maître Eugene Baudry à Montoir de Bretagne le 20 octobre 1941, à la société parisienne A. Jacques Molay[9]. Cependant l’entreprise de Karl n’était pas sans lien avec celle de son frère et de sa sœur héritiers de la chaîne A la Belle Jardinière, comme en témoigne un procès gagné par mère, son frère et sa sœur contre la Nouvelle société A la Ville de Saint-Nazaire, qui fut contrainte à leur verser 8.750 fr avec intérêts et droit à la date du 31 mars 1942, en vertu de l’ordonnance du Président du tribunal de Saint-Nazaire en date du 8 juillet 1942. Ajoutons aussi qu’en mai 1923, la municipalité s’adressa à Prosper III et à Karl Joli pour la réalisation de l’habillement de la police municipale.

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    Karl habitait 12 rue Thiers, (rue disparue située à l'emplacement de la place d'Amérique Latine), dans l'hôtel particulier du premier époux de sa femme, mais il avait hérité d’une partie du terrain de la demeure de son grand-père, environ 5000m² et y avait fondé un chenil d’élevage de bassets-bleus et de fox-terrier-à-poils-durs, connu sous le nom de Chenil du Rocher du Lion. le chenil a aujourd'hui disparu pour faire place à l'immeuble Le Cervantes ; la maison existe encore au 1 chemin du Rocher du Lion. C'est Paul Doucet, marchand de cycles, qui en fit l'acquisition à la veille de l'Occupation.

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    Plan de la propriété de Karl Joly chemin du Rocher du Lion, relevé par Jacques Dommée pour monsieur Paul Doucet, Fonds Dommée, Archives de Saint-Nazaire.

     

    Face à La Belle Jardinière, au 46 rue de Nantes, de l’autre côté du carrefour, Joseph-Théogene, fonda Au Bon Diable, qu’elle vendit en 1899 pour aller s’établir sur L'Île-d'Yeu. Ce magasin devient ensuite Les Grands magasins Paris Saint-Nazaire, et fut l’une des plus grosses enseignes de la ville, qui outre de la confection et des nouveautés, vendait aussi du mobilier.

    Auguste fut chapelier, rue du Four Marsain, mais il décéda à 32ans.

     

    La plus art des membres de cette famille sont inhumés au cimetière de La Briandais, dans deux caveaux voisins à l’entrée.

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    [1] Un demi-tonneau est une voiture hippomobile deux roues à caisse arrondie, dotée de deux bancs face à face dans le sens longitudinal. On y monte par l’arrière et la conduite se fait assise en biais. Le modèle à quatre roues se nomme tonneau.

    [2] Cf. Silhouettes Nazairiennes dans Le Courrier du Saint-Nazaire du 17 janvier 1931, signé par Joyeuse, l’un des pseudonymes de Renée Bernard, surtout connue sous celui de Jacqueline Bruno.

    [3] Fille de Joseph Glemée, de Marie Cornouaille.

    [4] Fille de Jean-Jacques-Edouard Couronné, (1814-1858), pilote, et de Rose-Julie Henry, (1824-1866), débitante de Tabac, elle-même fille de pilote.

    [5] Cf. Silhouettes Nazairiennes dans Le Courrier du Saint-Nazaire du 17 janvier 1931.

    [6] A propos des consuls nazairiens : http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2019/04/08/consuls-et-vice-consuls-nazairiens-6142257.html

    [7] Fille de Jean-Marie Thoby, peintre en bâtiment à Saint-Nazaire.

    [8] Cette succursale héritée par Prosper III, fut vendue le 11 février 1934 chez maitre Fonteny notaire à Savenay, à Henri-Charles-Hyacinthe Grimault, employé de commerce, à Dol de Bretagne, et son épouse Henriette Jestin.

    [9] Siège social 181 rue du Temple à Paris ; la jouissance fixée au 1er novembre 1941.

  • Trains fous en Gare de Saint-Nazaire

    Nous avons tous vu un jour l’image du train ayant traversé la façade de la gare Montparnase du 22 octobre 1895, et dont la locomotive folle alla s’écrasera un étage plus bas sur la place. Mais savez-vous que l’ancienne gare de Saint-Nazaire connu trois accidents semblables ? Oui, vous avez bien lu, il en eut trois ! Il faut dire que jusqu’à la fin de la première-guerre-mondiale ce genre d’accident était commun dans les gares dites « Terminus », c’est-à-dire en impasse, et de façon plus générale les accidents de train sur la ligne de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), à qui appartenait les tronçons de la Presqu’Ile étaient réguliers au point qu’on n’en parlait jamais dans la presse sauf quand il était meurtrier ou particulièrement impressionnant.

     

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    Ancienne Gare, état d'origine.

     

    Les trains, quelque soit leur provenance, devaient décélérer au nouveau de la Croix Amisse, et ne pas dépasser les 25 km/h à partir de ce point. Les trains devaient ralentir. En 1892, le mécanicien d’un train venant du Croisic n’avait pu freiner et le train entra en pleine vitesse dans la gare, explosa le butoir, passa par-dessus le quai et au travers de la façade de la Gare de Saint-Nazaire au niveau deux arches qui sont à votre droite quand vous lui faite face. Cela arriva une nouvelle fois en 1907, mais cette fois le train traversa le centre de la façade ; le mécanicien sauta de la locomotive avant l’impact. La même année, la Gare de Guérande vit, elle aussi, un convoi sorti de sa voie et se retrouver sur la route d’Herbignac. Par miracle, il n’eut aucun blessé ou tué dans ces accidents, mais durant l’année 1907, la ligne Paris-Saint-Nazaire connue plusieurs accidents meurtriers, avec des effondrements de viaducs dans la compagne angevine et mayennaise.

     

    Le seul accident en gare de Saint-Nazaire sur lequel nous sommes bien renseignés, et celui du samedi 8 octobre 1927. Ce genre d’événement étant alors devenu rare, la presse locale et la presse parisienne le couvrirent.

    L’Express 115 à destination de Saint-Nazaire, parti de Paris à 16h40, comportant six voitures de première et seconde classe, mais pas de troisième, ce qui était suffisamment rare pour que nous le soulignions. Il devait atteindre son terminus à 23h43. Arrivé à La Croix Amisse, il devrait ralentir fortement pour passer de 70 km/h à 25km/h ; le mécanicien, monsieur Chapineau, du Dépôt d’Angers, s’aperçut que les freins ne fonctionnaient plus. Il tenta de battre machine arrière, et demanda au chef de train, monsieur Barbin, lui aussi du Dépôt d’Angers, de faire fonctionner les freins à main, en le prévenant à l’aide de coups de sifflet, mais les freins à main ne fonctionnèrent pas non plus. Le train arriva dans la gare à la vitesse de 65km/h à 23h37. Sur la voie n°1 se trouvait par chance une rame de wagons de marchandises vides, la Rame 132, dans laquelle s’enfonça la locomotive de l’Express, propulsant les wagons de la rame à l’arrêt contre le butoir d’arrivée qui céda. Les wagons passèrent par-dessus le quai, défoncèrent la façade de la Gare sur une longueur de quinze mètres, soit les deux arches à droite quand on fait face à la façade.  Deux wagons atterrirent dans le jardinet qui la longeait alors le devant, arrachant un arbre et la grille qui séparait le jardinet de la place. Heureusement le premier wagon sorti se mit de travers, empêchant que le matériel ne se retrouvât sur la chaussée. Dans l’Echo de la Loire du 10 octobre 1927, un témoin qui passait au moment où arriva l’accident, dit qu’il avait entendu comme un bruit de tonnerre venant de l’intérieur de la gare, puis quelques secondes plus tard, il vit la masse sombre de la rame tamponnée trouée le mur d’enceinte de la gare et tombe dans le jardin. En même temps que la véranda brisée tombait en mille éclats, d’énormes pierres étaient projetées en l’air sous la violence du choc, et un nuage, « qu’on pouvait croire de fumée », emplissait l’atmosphère. Puis tout retomba dans le calme de la nuit que rompait seul les accords de musicaux arrivant du café Lièvre, situé en face de la gare, sortaient les soupeurs danseurs de « La Flamande des Clochards », organisée par Le Clochard Club[1] , un des fêtards dit que « le train voulait venir danser le Charleston » et que le mécanicien avait « été soudoyé par la Chambre de Commerce pour qu’on réalisât les travaux qu’elle espérait depuis longtemps », (en effet, la Chambre de commerce sollicitait depuis 1925 la Compagnie de chemin de fer pour qu’elle modifiât les accès de la gare afin de les rendre plus fluide). « On se serait cru au cinéma ! » dit un témoin au journal La Presqu’Ile Guérandaise du 16 octobre 1927. La locomotive de l’Expresse eut ses tandems brisés et ses tôles tordues. Il n’y eut aucun blessé. En dehors du mécanicien et du chef de train, il y avait douze passagers dans l’Express. Seul un gendarme de la brigade de Saint-Nazaire eu à se plaindre d’un mal au genou, et une voyageuse d’une éraflure à la main. Le chef de Gare, monsieur Grangien, fit évacuer les passagers, puis les wagons de l’Express, et rédigea le rapport. Le bruit avait réveillé le quartier, et les curieux étaient nombreux dans la nuit. Au matin, la ville défila devant la gare, photographie par monsieur Rébin, photographe du studio Express Photo, prit des vues qui furent publiées dans les journaux.

     

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    Photographie par monsieur Rébin prise le 11 octobre 1927 et publiée dans Le Courrier de Saint-Nazaire du 15 octobre.

     

    Ce fut l’entreprise Audrain qui fut chargée du déblaiement et de la consolidation qui débutèrent dès 7h du matin. La PO délégua pour enquête messieurs Lequoy, inspecteur principal, Coez chef de section, et le Baron, chef de district. Le dernier wagon fut retiré le 13 octobre, on ne publia jamais le résultat de l’enquête, et l’origine de la panne de freins demeure inconnue. L’accident entrainât la modification de l’accès à la gare, le jardinet fut remplacé par un perron, couvert en 1930 par une marquise.

     

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    Façade avec le perron

     

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    Façade avec la marquise

     

    [1] Une flamande est à l’origine une fête donnée entre brigands, par dérision une société de fêtard, et dans les années de l'entre-deux-guerres il était à la mode à Paris de s'encanailler dans des soirées mondaines où tous étaient déguisés en clochards. Le Clochard Club, fondé cette année-là, dont le siège social était l’Hôtel des Colonies, puis à L’Hôtel de la Gare, et à partir de 1930 au Café des Sports de la rue Amiral Courbet, intitula les repas dansants qu’il organisait sous cet adjectif. Un orchestre, le Big Jazz, y jouait les danses contemporaines, il organisait des repas dansant au café Lelièvre, mais aussi des bals masqués à la Salle des Fêtes. Regroupant surtout des gens de moins de 30ans, le comité se composait de chanteurs, de musiciens, de peintre, de décorateur et même d ‘architectes. C’était une sorte de Montparnasse à Saint-Nazaire, image des Années Folles, qui avait des bannières portant la devise : « Rire, santé, gaité ». Le Club se développa suffisamment pour organiser aussi des fêtes sur la côte hors Saint-Nazaire. La réputation de la qualité de ses événements fit que même le maire, François Blancho, y participait régulièrement.