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Villa Minne

  • La villa Minne

     La villa Minne, avec deux N, et non un seul comme la plaque de la voirie le comporte, se situe chemin de la Villa Mine, au Petit-Gavy. Elle domine la plage plage de Virechat[1].

     

     Le nom de cette villa était le surnom de la maîtresse du comte Benedykt Henryk Tyszkiewicz-Logoisky.

     

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    Vue aérienne de la villa Minne © Denis Pillet, Patrimoine des Pays de la Loire.

     

     Cette demeure et sa dépendance principale ont été construites en moellons, avec toiture débordante en tuile mécanique, dans un vaste parc dont l’accès se fait par un portail de style japonisant dans le goût des années 1895-1900. Le commanditaire en fut Emile Joly, commerçant en tissus et habillements, dont la famille, qui fit fortune à Saint-Nazaire dans ce négoce, arriva en notre ville en 1855. 

    Quand on observe ses façades, on s'aperçoit qu'elle a été érigée en trois campagnes. En effet, il y eut une première maison, large de deux travées, dont le plan au sol de la partie centrale est très semblable à ceux de la villa Victor[3] à Porcé, construite en 1896. Il y a des similitudes comme la porte d’entrée étroite, la disposition des services ; le salon avec bowwindows vers l’Estuaire dans un pavillon qui se détache de l’ensemble ; la salle à manger avec porte fenêtre. La Villa Mine a cependant des volumes plus importants, et est en miroir par rapport au plan de la Villa Victor. La maison fut agrandie d’une travée, correspondante à un cinquième de de sa longueur actuelle, vers le Nord, et de deux cinquième vers le sud par l'adjonction d'un pavillon à grandes baies vitrées qui abrite une salle haute d'un étage avec un escalier majestueux, galerie, et une remarquable cheminée en grée émaillé brun-jaune, de style art-nouveau. Cette salle est désignée aujourd'hui comme « le grand hall ». A l’époque d’Emile Joly, elle comportait déjà des écuries et logements d’employés dont les dimensions ne nous sont pas connues, mais qui sont ont été probablement agrandis après 1909.

    La villa Minne, malgré sa composition de volumes assemblés, offre une homogénéité d’aspect extérieur, des volumes à taille humaine, tout en étant majestueux, décorés sans une faute de goût. Mais surtout cette demeure possède les qualités de l’idéale des celles de collectionneurs du début du 20ème siècle : elle se situe à proximité d’une ville, dans une campagne vallonée, au sommé d’un promontoire, regardant vers le large, telle une acropole de beauté.

     

    Emile Joly avait repris le magasin de son père, et vivait quelque peu au dessus de ses moyens. En 1900, il fit faillite, et alla travailler dans le magasin de son frère Constant. Il décida de louer sa maison du Petit-Gavy au comte Benedykt Henryk Tyszkiewicz-Logoisky.

     

    Le comte Benedykt Henryk Tyszkiewicz-Logoisky :

     Le comte Benedykt Henryk Tyszkiewicz-Logoisky, dit Benoit de Tyszkiewicz, appartenait à une famille Lituanienne, possédant des biens en Ukraine et en Pologne, dont la noblesse remonte au commencement du 15ème siècle. Le nom Tyszkiewicz signifie « fils de Tyszko » (forme lituanienne de Thimothé). Investie de grande charges en Lituanie et en Ukraine, alliée au dernier roi de Pologne, cette famille était la plus opulente de Lituanie.

     

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    Armoiries des comtes Tyszkiewicz-Logoisky :

    d'azur à l'étoile d'or soutenue d'un croissant du même ; à la bordure aussi d'or.

     

     En 1839, Henryk Tyszkiewicz-Logoisky, (1792-1854), reçu de l’Empereur Nicolas Ier de Russie le titre héréditaire de comte, ce qui dans la noblesse russe s’étend à tous les descendants, et se transmet par tous les fils. Henryk en eut cinq ; l’avant dernier, Michal, décédé de tuberculose à Paris le 27 avril 1853, fut le père de Benedykt, né le 11 décembre 1852 au château de Niemież en Lituanie, issu de son union avec sa cousine Wanda Tyszkiewicz, (1833-1860), elle aussi décédée de tuberculose. Inhumés à Paris, leur tombeau est orné d’un haut relief de Henri Chapu, sculpteur dont Octave Fidière des Prinvaux, beau-frère de Gustave Bord, propriétaire du château des Charmilles à Porcé[2], réalisa le catalogue raisonné en 1894. Lié à Octave Fidière des Prinvaux qui était conservateur au musée du Luxembourg. C'est par son intermédiaire que Benedykt découvrit la corniche nazairienne.

     Orphelin, Benedykt fut confié à son grand-père maternelle, Benedykt Tyszkiewicz, mécène et collectionneur, propriétaire du château de Czerwony Dwór en Lituanie, maréchal du gouvernorat de Kaunas, qui lui donna le goût de la voile.

     

     Entré à sa majorité en possession de l’immense fortune de son père, Benedykt mena une vie internationale, mêlant voyages, sports nautiques, archéologie égyptienne, (ce qui le fit mécène du Louvre), photographie et bibliophilie, (plus de 10 mille livres). Il épousa en 1874 à Boston avec Claire Elisabeth Bancroft, (1857-1883), fille d’Edward Payson Bancroft, (1823-1865), et de Clara Elizabeth Peabody, (1826-1882), qui avait elle aussi été éduquée à Paris, et dont la famille maternelle était une lignée d'armateur. De leur union naquirent :

    1° Benedikt Jan (11 décembre 1875 à Paris - 18 février 1948 à Paris), marié à Róża Branicki d’où

    1a° Benedykt, (2 août 1905 – 6 février 1956), qui ne laissa pas de postérité de son mariage avec la princesse Eleonora Maria Aniela Alberta Renata Karolina Radziwiłł, qui se remaria avec Roger de Froidcourt ;

    2° Edwarda dit Edouard, (23 avril 1880 à Paris - 10 juillet 1951 à Cracovie), marié à Adela Dembowska, d’où :

    2a° Marija, Adelė Elžbieta

    2b° Edvardas Tiškevičius (né le 6 avril 1911 à Cracovie, époux de Sofia Zdienskasdont il eut trois filles ;

    3° Elżbieta Maria, (2 décembre 1882 à Funchal, ile de Madère - 2 décembre 1969  à Valduce, Belgique),  mariée 1er avec Stanisław Witold Plater Zyberk, (mort à Paris le 18  novembre 1926) ; 2ème Vladislav Jezersky ; d’où quatre enfants.

     

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     Benedykt et sa famille en 1882.

     

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    Portrait de Benedykt par Benque & Co. à Paris © Rijksmuseum Amsterdam.

     

     En 1876, âgé de 24 ans, Benedykt commanda aux chantiers Augustin Normand au Havre, une goélette, restée mythique, baptisée sous le nom de Żemajtej, (qui était celui de son domaine en Lituanie, hérité de sa mère), primée à l’exposition universelle de Paris en 1878, mais qui est passée à la postérité sous celui de Velox, nom que lui donna son second propriétaire le baron de Bellet, (ancien député des Alpes-Maritimes), qui l’acheta en 1879. Initialement, Benedykt prévoyait de faire un tour du monde sur son yacht, mais en raison du déclenchement de la guerre russo-ottomane en 1877, il n'a atteint que Gibraltar et Alger. Il resta intéressé cependant au yachting, et fut jusqu'en 1881 membres du comité des régates de Nice.

     

     L’autre passion de Benedykt était la photographie, il développa son intérêt durant son escale forcée en Algérie, pays qu’il parcouru en tous sens. Il exposa ses clichés à Philadelphie en 1878. Il se mit alors à voyager de part le monde, photographiant et exposant à son retour en Europe. En plus de ses prises de vues en extérieur, il s’exerça à la mise en scène en atelier. Devenu membre du Paris Photo-Club, son travail fut reconnu internationalement, et il reçut pour celui-ci la médaille d'or à la Grande exposition industrielle de Berlin en 1899. L’essentiel de sa production a été détruite pendant la Première-guerre-mondiale, mais le musée Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône en conserve une grande part.

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    Autoportrait au fusil.

     

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    Portrait de son fils aîné.

     

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    Portrait de sa fille.

     

     De son grand-père maternel, il avait hérité une collection de tableaux comprenant des Canaletto, Bacciarelli, Czechowicz, Wańkowicz, Rustem, ainsi qu’un nombre important de tapisseries et de pièces d’orfèvrerie.

    Amateur chasses, bon tireur, possédant une meute, cela le liait d'autant plus à Octave des Prinvaux qui s'adonnait lui aussi à ces sports, avait une petite meute, et était dans le même club de tir aux pigeons à Paris.

     

    Veuf, dès 1883, Benedykt eut plusieurs liaisons. Vers 1895, il se passionna pour une femme mariée, Marie-Augustine de Beaumont d’Autichamp, (Paris 8 juillet 1847 - 8 février 1923 Lhoumois), épouse de Henri-Joseph-René Aymer marquis de La Chevallerie, (Poitiers 24 septembre 1841 - 18 octobre 1897 Lhoumois), avec lequel elle avait été unie le 14 décembre 1865.

    La comtesse était la fille du propriétaire du château de La Roche Faton à Lhoumois, Marie-Gabriel-Joseph de Beaumont comte d'Autichamp, (Écouflan 24 juin 1813 - 21 janvier 1902 Lhoumois), qui jugeait négativement que sa fille soit séparée d'un gendre qu'il appréciait. Père et mari laissèrent Augustine sans moyens de subsistance. Augustine, surnommée Minne, vécu des largesses de son amant. Celui-ci, loua d'abord la villa d’Emile Joly, dès 1900. Augustine ayant été déshéritée par son père au profit de ses enfants, Thérèse Aymer de La Chevalerie, (1er novembre 1866 – 1946), et Louis-Amblard-Charles-Gabriel Ayme marquis de La Chevalerie, (Lhoumois 15 novembre 1871 – 17 septembre 1931 Lhoumois), Benedykt acquit pour Augustine la maison qu’il louait pour elle, l’agrandit et la baptisa Villa Minne. Dans le pavillon, dit « grand hall », furent installées des vitrines le long de la galerie qui occupe deux-côtés de la salle, dans lesquelles fut placée une surprenante collection de souliers de célébrités, dont Marie-Antoinette et Napoléon… Il faut cependant préciser qu'Augustine s'entendait très bien avec ses enfants. Sa fille vient vivre à la Villa avant 1911.

     La déclaration de guerre en 1914 fit retourner dans leurs domaines tous les membres de l’aristocratie russe. Augustine suivit son amant, et vendit alors la villa à Marcelle Beraud. 

    Le coup d’état de décembre 1926 qui instaura la dictature en Lituanie, finit d’ébranler sa fortune, il vit ses châteaux confisqués. Retiré à Menton, il y décéda le 13 mai 1935. Il repose au cimetière de Cimiez à Nice.

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    Tombeau au cimetière de Cimiez.

     

     

    Madame Beraud revendit la Villa Minne en 1920/21 à l’ancien maire de Saint-Nazaire, l’industriel Louis Brichaux, dont la descendance conserve encore la propriété, (elle fut réquisitionnée pendant l'occupation par l'armée allemande).

     

    [1] Virechat est l’abréviation déformée de Virée-Richard.

    [2] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2012/06/13/le-chateau-de-porce-a-saint-nazaire-premiere-partie.html

    [3] http://saint-nazaire.hautetfort.com/archive/2018/06/21/la-villa-victor-a-porce-6061203.html