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René Guillouzo

  • Saint-Nazaire, les transatlantiques, le Mexique, et l'impératrice Charlotte

    La loi du 16 juillet 1840 institua les lignes de paquebots postaux transatlantiques avec le continent américain, Saint-Nazaire reçut la ligne dite du Mexique, qui déversait, passant par l'Espagne, Saint-Pierre de La Martinique, Cubas, et enfin Veracruz. On pratiqua des essais, mais ils furent infructueux.

    Par la loi du 17 juin 1857, après que Saint-Nazaire eut bataillé contre Le Havre, Bordeaux, Lorient et Cherbourg, l'État concéda finalement la ligne postale par paquebots à vapeur à la compagnie Union Maritime, les lignes des Antilles et d'Aspinwall (ancien nom de Colón) au Panama. Le directeur de l'Union Maritime était Victor Marziou, qui était aussi directeur de ligne des Chemins de fer d'Orléans. L'Union Maritime fut remplacée en 1860 par la Compagnie Générale Maritime, dirigée par Émile Péreire, par le décret du 22 juillet 1861. La Compagnie Générale Maritime signa une convention postale avec l'État, dans laquelle elle s'engageait à desservir, sur 20 ans, des lignes transatlantiques en direction de l'Amérique du Nord, et l'Amérique Centrale. Ainsi naquirent les lignes Le Havre-New York, avec escale à Brest, et surtout les lignes Saint-Nazaire-Isthme de Panama, avec escale à Fort de France. La Compagnie Générale Maritime prit alors le nom de Compagnie Générale Transatlantique (CGT), et le lundi 14 avril 1862, la ligne de l'isthme de Panama fut inaugurée, avec le départ à 14h30, durant la marée de l'après-midi, du Louisiane, pavoisé aux couleurs des nations des deux mondes. Ce paquebot, à coque de fer, alliant voile et propulsion par roues à aube (1) mues par une machine de 600 chevaux-vapeur, allant à 11 nœuds, long de 86,44 mètres pour une largeur de 11,90 mètres, jaugeant 2045 grt, avec un port en lourd de 1800 tonnes, il avait été racheté en 1861, en Ecosse, aux chantiers J. & G. Thomson, alors qu'il était en construction sous le nom de Cortes pour un autre commendataire qui s'était désisté. Il avait été lancé le 17 décembre 1861. Deux coups de canon saluèrent son départ et ceux de ses 210 passagers qui atteignirent Fort de France treize jours après. Ce même mois d'avril 1862, le Gouvernement, engagé dans la guerre du Mexique depuis janvier, pria la Compagnie Générale Transatlantique d'ouvrir une ligne jusqu'à Veracruz, afin de pourvoir à l'effort de guerre. La Transat', acheta trois autres navires : La Floride, de même tonnage et puissance que le Louisiane, pouvant transporter 152 passagers, et deux plus petits, les Vera-Cruz et Tampico, de 1200 tonnes, allants à 10 nœuds, pouvant transporter 135 passagers. Les navires assuraient alors deux lignes : Aspinwall, passant par Fort de France, et la seconde Veracruz, par La Havane. En 1865 les services furent étendus depuis Saint-Nazaire à Saint Thomas aux Îles Vierges. L'ouverture de la Ligne transatlantique boosta le développement de la ville, et donna lieu à de nombreuses spéculations immobilières. Saint-Nazaire fut durant cette période le pont de l'armée française vers le Mexique, la ville louait pour 3000fr les Grande et Petite cités de Penhoët, anciens logements des travailleurs du port, d'une capacité de logement de 500 hommes. Mais la situation s'enlisa, et Napoléon III chercha par tous les moyens de se sortir du guêpier qui ne profitait qu'au maréchal Bazaine, être peu recommandable, qui auréolé de la campagne de Crimée, profitait de la situation du Mexique, (il fut ensuite le principal responsable de la défaite de Sedan), l'empereur Maximilien se retrouvait de son coté dans une panade inimaginable. Le 8 août 1868, après une escale à La Havanne, où les autorités espagnoles lui avaient donné les honneurs, et trois semaines de mer, l'impératrice Charlotte, femme de l'empereur Maximilien du Mexique, fille du roi Léopold Ier des Belges, arriva à Saint-Nazaire, à bord du paquebot Impératrice Eugénie, lancé en 1864 par les chantiers John Scott de Saint-Nazaire.

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    Le paquebot Impératrice Eugénie, 108m de long, 3200 tonnes, 2676 chevaux-vapeur, 10 nœuds par temps calme.

     

     

    Le gouvernement n'ayant donné aucun ordre aux autorités locales, rien n'avait été organisé, le préfet n'avait pas fait le déplacement, seuls attendaient Charlotte le général Juan Nepomuceno Almonte, représentant du Mexique en France, et son épouse, qui tendit d'un sourire gêné un bouquet de fleurs déjà fanées par la chaleur, l'arrivée n'ayant été annoncée qu'à la dernière minute à la municipalité, le maire, René Guilouzo, avait eu à peine le temps d'enfiler un frac, ignorant totalement les usages diplomatiques. Il était entouré d'une partie des élus, qui étaient arrivés comme ils étaient, certains portant des sabots ! René Guilouzo, fort embarrassé, présenta des excuses, et proposa une visite improvisée de la ville. charlotte du méxique,saint-nazaire,guillouzon,transatlantique,paquebot

     

    Charlotte du Mexique, par Franz Xaver Winterhalter.

     

    L'impératrice fut très irritée de cet accueil, et dit au maire son étonnement de ne voir aucun officiel du gouvernement, l'absence de tout détachement militaire, et qu'elle ne pouvait visiter la ville sans escorte. Elle demanda qu'on la conduise à la gare afin de gagner Paris, mais aucun train n'était disponible, aussi elle finit par accepter une collation proposée par le maire, qui réquisitionna dans l'urgence un fiacre de louage pour transporter la souveraine et sa dame d'honneur, sa suite impériale suivit à pied ! L'impératrice fut conduite très lentement jusqu'à l'hôtel Bely, ou monsieur Bely et son personnel s'activaient dans l'urgence pour la recevoir. L'impératrice reconnut que l'hôtel était confortable, et profita de son séjour forcé pour télégraphier à Napoléon II, qui lui fit répondre qu'il prenait les eaux à Vichy, d'où il disait être alité, et dans une pirouette grossière, finissait son télégramme par «  Si comme je le suppose, Votre Majesté va d'abord en Belgique, Elle me donnera le temps de me remettre. » Ce n'est que le lendemain après-midi que la souveraine eut un train qui la conduisit à Paris, avant de pouvoir en trouver un autre pour Bruxelles. Ce fut l'objet d'un nouvel incident : la délégation l'attendit à la Gare d'Orléans, alors que le train arriva à la Gare Montparnasse ! Profitant du banquet que Paris avait donné en l'honneur de Charlotte, le général Woll, aide de camp de l'empereur Maximilien, porta un toast de salut et de vœux de prospérité à Saint-Nazaire.

     

    (1) En 1867, en réparations au Havre, elles furent remplacées par une hélice à pales.

  • René Guillouzo

     

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    René Guillouzo fut maire de Saint-Nazaire durant vingt-deux ans, durant la période qui vit la réalisation du port et le développement de la ville. Cependant il a été mis au purgatoire de l'histoire communale, même si une petite rue près du cimetière de Toutes-Aides perpétue son souvenir. Pourquoi ? En raison de son bonapartisme.  

     

    René Guilouzo, dessin de Maurice Riquez.

     

     

     

    René Guilouzo fut l’élu de l’Empire, enthousiasmé par la politique de développement et d’industrialisation de Napoléon III, période faste pour la France, mais qui se termina dans un vaudeville qui tourna au drame à Sedan. 

     

    Né à Guérande le 1er juillet 1816, fils d’un horloger, il fut médecin, et il s’établit en mai 1848 à Saint-Nazaire, où, suite à la purge organisée par la loi du 3 juillet 1848, il se trouva membre du Conseil municipal le 3 octobre, et y fut élu maire le 16, poste dont il fut investi le 12 novembre. Cette élection souleva une protestation : « Ce jeune homme habitant Saint-Nazaire depuis cinq mois, ancien séminariste, protégé du curé et du vicaire qui ont fait son élection à la grande indignation des habitants (1) ». 

     

    Avec ses adjoints, le nouveau maire du faire face au développement soudain de la cité, tant au point de vue urbain, qu'industriel, et humain, la ville passa en vingt ans de 2000 à 14000 habitants.

     

    Dans cette poussée chaotique, qui dépassa souvent les capacités des élus municipaux, les problèmes d’hygiènes et de santé furent nombreux, l’ingénieur Leferme, qui avait en charge la réalisation du port, et avait dessiné les plans de la nouvelle ville, n’avait pas prévu les structures nécessaires liées à l’eau(2), aux égouts, ou aux structures de santé, ni même celle de l'administration, car ce n’était pas dans ses attributions. La municipalité était responsable de l'évolution et du développement urbain, elle géra très mal le dossier, rien ne fut pensé et entrepris correctement, les actions se faisaient au cas par cas, non sur la longueur, et les spéculations immobilières, n’arrangèrent rien, le prix des terrains augmentait de jour en jour, les grands propriétaires, comme la famille de  Girard de La Cantrie, qui fit pression pour que l’on ne fit pas trop de places ou de rues larges, afin de pouvoir lotir le plus possible, la Société Salamenca, propriété de l’ingénieur Chatelus et du marquis de Salamenca, banquier madrilène, proposait à la vente ses terrains qu’il savait le tracé des nouvelles voies à des prix exorbitants (3), ou encore les actions désastreuses d’Alphonse-Nicolas Cézard qui finir en scandales financiers après avoir grugé le Conseil, et pire, les conditions de vie et de travail des ouvriers, entassés dans des bidons villes de cases en planches. Saint-Nazaire avec ses immeubles luxueux poussant comme des champignons, entre lesquels s’élevaient des masures, fut en mai 1858 qualifié par le Journal du Loiret de «  Petite  Californie bretonne », et Eugéne Fourcade, dans La Revue des deux-mondes, de septembre 1858 : fit la description suivante : «  Il faut aller à Saint-Nazaire pour avoir une idée de la façon incohérente et scandée dont s’élève une cité californienne, agglomérations d’émigrants grossissant à vue d’œil. Partout comme au hasard, s’élèvent des constructions de toutes sortes, depuis la maison parisienne à porte cochère gouvernée par un portier, jusqu’à la taverne de matelots… » ; en 1865  dans « Saint-Nazaire, son avenir », Henri Chevreau relatait: «  On cherche en vain des maisons confortables où l’on puisse établir des comptoirs, des bureaux, où les négociants puissent habiter avec leurs familles. Des constructions importantes s’élèvent sur des terrains où doivent passer des avenues : les rues qui aboutissent aux quais sont mal pavées, mal macadamisées. La ville n’a pas de ressources ; elle a une mairie déjà insuffisante, une usine à gaz dont les rares réverbères éclairent à peine les quais et rues tant ils sont parcimonieusement espacés, un hôpital qui ne comporte qu’une salle unique de 14 à 15 lits, pas de halls, pas de tribunal de commerce, pas de marché, pas d’abattoirs, pas de savoirs publics, pas de bourse, pas de théâtre, pas de bibliothèque publique. Elle n’a même pas encore organisé un service d’eau : l’eau potable se vend dans les rues. »

     

    En dehors du port, créé par l'Etat, de l'instauration des lignes transatlantiques, la municipalité Guillouzo procéda à l'aménagement des voies publiques, la création du cimetière de La Briandais en 1854, (en remplacement de celui de La Poterie disparu dans la construction du premier bassin), à gérer l'ouverture de la ligne de chemin de fer 1857, (la construction de la gare fut achevée en 1866), procédé à l'installation du bureau de postes et télégraphes (23 août 1859), l'organisation des sapeurs-pompiers en compagnie (23 mai 1862), gérer l'annexion de Méan (détaché de Montoire par loi du 13 mars 1865), l'installation de la sous-préfecture en 1868. Elle du aussi faire face à la faillite des chantiers John Scott, qui entraîna la mise au chômage de plus de 2000 personnes, provocant la faillite de plusieurs commerçants, la ruine d’épargnants, la chute des loyers en quelques semaines en raison du départ de plus de 1000 familles. Certes on peut largement reprocher à René Guillouzo, pourtant médecin, de ne pas avoir su mettre en place la proposition du projet des ingénieurs Oppermann et Joret pour les eaux, adopté cependant en 1861 par le Conseil, qui ne sera jamais appliqué (4), alors que des épidémies de choléras touchèrent la ville dès août 1849, de ne pas avoir vu la situation réelle à bord de l' »Anne-Marie », navire qui apporta la fièvre jaune à Saint-Nazaire et qui coûta la vie à plusieurs centaines de personnes dans l'estuaire et la presqu’île (5), sa réaction molle face à l'épidémie, et les actions médiocres du Conseil, qui se contenta en 1849 de procédé à la création d’un atelier de charité, et de la transformation du lazaret de Penhoët en hôpital municipal avec 12 lits suite à l'épidémie de fièvre. On peut estimer que René Guillozo fut un piètre médecin, même en prenant compte des réalités de la médecine durant le Second Empire, il fut un parfait exemple de son époque, avec une réussite sociale rapide, un établissement assuré grâce au régime, malgré des capacités relativement médiocres au regard de celles qui lui étaient demandées pour gérer l'essor de Saint-Nazaire, mais il faut lui reconnaître qu'il fit de son mieux, avec les moyens à sa disposition, un Conseil municipal qui n'était pas plus capable, et probablement pas aussi volontaire que lui, mais surtout, il faut souligner qu'il fut parfaitement honnête, ne profitant pas de sa position d'élu pour s'enrichir, il n'en fut pas de même avec les maires qui lui succédèrent sous la Troisième République.

     

     

    Généalogie de René Guillouzo

     

    I° Mathurin Guillouzo, époux de Jeanne-Louise Texier, d'où :

    II° René-Marie Guillouzo, (Guérande 1er juillet 1816 – Saint-Nazaire 6 mai 1879),  maire de Saint-Nazaire  le 16 décembre 1848, (entré en fonctions le 12 novembre), jusqu'au 7 septembre 1870 ; maire de la construction et du développement portuaire de Saint-Nazaire, passée de 2000 à 14000 habitants, ainsi que le déplacement de la sous-préfecture située à Savenay, à de Saint-Nazaire en 1868, l'établissement de la ligne transatlantique vers les Antilles ; son appartenance au Parti bonapartiste, le mis au purgatoire de l'histoire communale, même si une petite rue près du cimetière de Toutes-Aides perpétue son souvenir. Docteur en médecine, à l'époque ou la ville n'en comptait que deux, il dut faire face, avec les docteurs Benoist et Gestin Robert-Héristel, à la la terrible épidémie de fièvre jaune de 1861 qui fit plusieurs morts dans l'Estuaire, dont le docteur Alphonse Chaillon, médecin de Montoire, il œuvra entre autres, pour la création d'un hôpital à Saint-Nazaire, et pour la salubrité de la ville et du port ; chevalier de la Légion d'Honneur ; époux d'Angèle Tartoué, décédée à Saint-Nazaire le 28 décembre 1856, fille d'Yves-Honoré Tartoué, capitaine au long cours, et de Marie-Josèphe Bernard, d'où :

    1° Pauline-Emilie-Angèle, née à Saint-Nazaire le 28 mars 1852, épouse d'Emile-Désiré Lecorre ;

    2° Angèle-Marie-Alphonsine, née le 11 décembre 1856, mariée le 15 novembre 1881 à Saint-Nazaire avec Emile-Charles-Pierre Malmanche ;

    3° Armand, courtier maritime, marié, il eut au moins une fille.

     

     

     

    (1) Fernand Gueriff, « Histoire de Saint-Nazaire », tome II, note en bas de la page 17.

    (2) Le problème perdurera jusqu’à la reconduction.

    (3) Au prix de 2fr. le m² en 1847 monté à 50fr. en 1857, 100fr. sur la rue Villes-Martin, et les quais ; les dunes valaient 0,60fr. l’are en 1866 à 130fr. le m² !

    (4) il fallut attendre vingt ans avant qu'on agisse, et d'autres maires y perdirent à cause de cela leur siège

    (5) Lisez à ce sujet « Relation de la fièvre jaune: survenue a Saint-Nazaire en 1861, lue à l'Académie Impériale de Médecine dans les séances des 7, 14, 21 et 28 avril 1863, suivie d'une réponse aux discours prononcés dans le cours de la discussion et de la loi anglaise sur les quarantaines », du Docteur Melier.